Insolite : Quand la galette des rois provoque des licenciements
Si vous avez hâte de déguster la traditionnelle galette des rois, alors choisissez bien votre boulangerie, car les réalisations en matière de frangipane, de décoration ou de fèves de certains pâtissiers les ont conduits au tribunal après leur licenciement…
La pause « galette, clope et Solitaire » n’est pas une faute
Tout d’abord, la pause galette des rois au travail, grâce à la cour d’appel de Rennes depuis 2012, ne saurait être reprochée au salarié. Les magistrats avaient à juger du licenciement d’une salariée ayant pris une « pause “galette des rois”, suivie d’une pause “cigarette”, elle-même suivie par le fait de jouer aux cartes sur l’ordinateur ». Licenciement pour faute grave que la cour a requalifié sans cause réelle et sérieuse, ce « grief étant anecdotique » …
L’apprenti voleur de fèves maladroit
La cour d’appel de Versailles, elle aussi, a estimé abusif le licenciement d’un apprenti pâtissier pour une histoire semblant se dérouler au siècle dernier, mais qui date de… 2017 : « alors que vous terminiez votre journée de travail, en partant de l’établissement, deux fèves utilisées pour mettre dans les galettes des rois, sont tombées de votre poche alors même que vous n’étiez pas en charge de les insérer dans les galettes. Il n’y avait aucune raison pour que vous soyiez en possession de ces fèves. Vous aviez donc quitté l’établissement avec deux fèves sans m’en avoir préalablement avisé. Votre comportement fautif m’a profondément choqué et meurtri, entraînant une perte de confiance à votre égard. »
La rupture aux torts de l’employeur du contrat d’apprentissage revient à trouver une fève d’or puisque celui-ci doit ensuite payer à l’ancien apprenti l’intégralité des salaires qui lui étaient dus jusqu’à la fin dudit contrat et les habituelles indemnités de licenciement abusif : une fève à 19 459,65 € pour l’apprenti maladroit…
Les galettes des rois « ovales »
Passons maintenant à la fabrication des galettes, leur forme doit être ronde, faute de quoi, la cour d’appel de Nancy considérera que le licenciement pour faute professionnelle justifiée (certes, la forme de la galette n’était pas la seule « faute » en cause…) : « les nombreuses photographies montrant des viennoiseries de forme irrégulière ou brûlées, des galettes des rois ovales, des tartes abîmées et un manque de garnissage dans les produits fourrés »…
Les galettes des rois décorées au cannabis
Déjà, la cour d’appel de Chambéry avait traité le cas d’un pâtissier plutôt créatif, comme le rapporte sa lettre de licenciement : « Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d’une faute. Nous vous avions donné l’ordre de décorer de roses les galettes des rois. Cependant, vous avez pris l’initiative de décorer ces dernières d’une au nom d’Y, une autre d’un champignon, une autre d’un signe du Code de la route, deux galettes avec chacune la représentation d’une feuille de cannabis et une dernière d’un lapin fumant une cigarette très fine évoquant une cigarette composée de substances illicites. Ces galettes ont été retirées de la commercialisation occasionnant par là même une perte de chiffre d’affaires, car décorées par vos soins et selon votre initiative, elles incitent à la consommation de produits stupéfiants et illicites, comme nous l’a confirmé la gendarmerie. Nous vous informons que nous avons en conséquence décidé de vous licencier ».
Licenciement annulé par les prud’hommes dans un premier temps, mais confirmé par la suite en appel ! (CA Chambéry, 3 juillet 2007, n° 06/02327).
La pâtissière qui rajoutait des objets en plus des fèves
En 2013, les juges de Montpellier avaient eux aussi eu affaire à une pâtissière créative, surtout en matière de fèves, comme le rapporte la lettre de licenciement : « le 18 janvier, Mme Z qui avait préparé les galettes de rois mettait par inadvertance dans une galette en plus de la fève traditionnelle une languette en plastique d’ouverture d’une bouteille d’huile ; le 15 janvier un client avait trouvé dans un éclair au chocolat une languette en plastique ; pendant les vacances scolaires de février, Mme Z faisait un gâteau (un bras de vénus) dans lequel il était trouvé un bouchon en plastique ; le 4 octobre, une cliente habituelle de la pâtisserie commandait un saint honoré pour 15 personnes que Mme Z réalisait intégralement et elle omettait de remplir les choux… Pire, nous venons de trouver dans la chambre froide, des produits périmés et stockés tels que : de la crème d’amande aigre, du sirop périmé, de la ganache moisie et de la vieille crème pâtissière ».
La cour retient cependant que le licenciement est abusif faute d’éléments probants et l’annule donc ! De même, le tribunal ne se prononce pas, faute de preuves sur « le grief de présence de limaille de fer dans les sablés »…
Le collègue qui voulait faire passer les femmes sous la table
Pour finir, citons la lettre de licenciement pour harcèlement rapportée le 16 septembre 2021 par la cour d’appel de Versailles (n° 19/04074), laquelle a validé le licenciement pour faute grave : « Nous avons eu connaissance de remarques totalement inappropriées pour un manager à l’encontre de son équipe. Lors d’une réunion, vous avez expressément demandé à Mme A de se taire en lui intimant de faire attention à ce qu’elle disait sur un ton qui nous a tous interpellés. Vous les appeliez constamment “mes filles” ce qui est une appellation déplacée dans un contexte professionnel. Vous avez également usé de remarques à connotation sexiste :
– Tu as mis un soutien-gorge Push-up ça te va bien.
– Tu as une sale tête ce matin, tu as fait quoi cette nuit ?
– Lors d’une réunion avec l’ensemble des membres du siège, en croisant une ancienne membre de votre équipe qui portait un t-shirt avec les épaules dégagées, vous avez dit devant témoins “Ça donne envie de l’attraper par derrière” (sic).
– Le jour de la galette des rois, vous avez dit devant témoins, suite à la désignation de notre plus jeune salariée, pour tirer les rois “Mets-toi sous la table, tu as l ‘habitude de passer sous le bureau” ; ou encore “Putain, tu n’as pas de push-up’ mais tes seins sont énormes !” » …
Bonsoir !
Référence : AJU494571