Insolite : Quand la Saint-Valentin vire au harcèlement sexuel

Publié le 13/02/2025 à 17h00

Si vous avez prévu de déclarer votre flamme à une collègue demain, à l’occasion de la Saint-Valentin, alors ce qui suit pourrait vous intéresser. L’idée n’est peut-être pas si bonne, la jurisprudence ayant sanctionné de nombreuses pratiques au travail ce jour-là…

Insolite : Quand la Saint-Valentin vire au harcèlement sexuel
Photo : ©AdobeStock/Svetlana

Le jour des questions interdites

Une première catégorie de « jugements Saint-Valentin » est liée au fait que les collègues ou employeurs qui ont de nombreuses questions déplacées à poser aux femmes de leur entreprise semblent estimer que cette date les y autorise.

La cour d’appel de Paris rapporte, dans un arrêt de 2020, dresse la liste des questions posée par un salarié à ses collègues le 14 février et les jours suivants, liste ayant conduit à son licenciement, validé par les magistrats :

« Est-ce que tu portes une nuisette pour la Saint-Valentin? » ;

« Est-ce que ton compagnon en a une grosse? » à la collègue qui s’étonne qu’il mange un éclair aussi gros ;

« Est-ce que vous utilisez des menottes au lit ?» à la collègue qui lui explique qu’il doit arrêter ses questions gênantes car son compagnon est policier ;

« Est-ce que ton mari te bouffe la chatte? »

Questions ayant toutes été qualifiées de harcèlement sexuel par les juges parisiens, comme l’avaient déjà fait en 2017 leurs homologues d’Aix-en-Provence concernant un patron ayant demandé à sa salariée si elle allait « ranger dans son vagin » les fleurs que son compagnon lui a offertes pour la Saint-Valentin, « comme font les blondes ».

Le jour des congés interdits

Le tribunal administratif de la Martinique[1] rapporte également une affaire de discrimination sexuelle liée à la Saint-Valentin : « la requérante soutient que, lorsqu’elle s’est rendue avec une collègue féminine dans le bureau du chef de brigade le 2 février 2020 afin de solliciter des jours de congé les 14 et 15 février 2020, celui-ci leur aurait répondu, en des termes grossiers et obscènes, “qu’elles souhaitaient poser des congés pour la Saint-Valentin afin d’avoir des relations sexuelles” alors que, lui, devrait venir travailler de son côté. » Cependant, après enquête, l’administration et les juges ont tous deux conclu que le refus de congés de l’administration n’était pas lié à des considérations sexistes…

Le jour des tête-à-tête surprises interdits

La cour d’appel de Douai a étendu les interdictions de Saint-Valentin aux tête-à-tête surprises avec la condamnation d’une entreprise pour harcèlement sexuel et licenciement abusif de la salariée victime… Celle-ci avait subi les propositions insistantes et déplacées de son chef, qui la surnommait d’ailleurs sa « petite crevette » au bureau et n’hésitait pas à lui dire qu’il l’aime par texto le reste du temps. Face aux refus de la dame, celui-ci imagina alors un moyen infaillible pour qu’elle accepte ses avances : le 14 février 2013, la « petite crevette » découvre à son arrivée au bureau que son chef a invité tout le service au restaurant. Sauf que voilà : il s’est aussi arrangé pour que tous les autres salariés ne soient pas au travail ce jour-là… S’étant plainte du harcèlement sexuel répété, ce fut la victime qui fut licenciée. Bilan : 40 000 € de dommages et intérêts au seul titre du licenciement abusif et sans préavis…

Autre idée de tête-à-tête encore moins romantique, le scénario rapporté par une salariée de cabinet d’avocat à la cour d’appel d’Agen, qui cependant ne l’a pas retenu comme harcèlement sexuel, faute d’élément probant : « Sachant que mon mari partait pendant quatre mois et que j’étais donc seule, courant février Maître D. m’a convoquée dans son bureau, m’a invitée à s’asseoir à sa place sous prétexte de corriger sur son ordinateur une faute de courrier ; il m’a demandé alors de regarder et j’ai vu sur l’ordinateur un film pornographique ; au bout de quelques secondes, je me suis levée et j’ai quitté le bureau en le traitant de “malade”. Maître D. s’est excusé le lendemain mais m’a précisé que lorsque j’étais seule au cabinet entre 13h et 14h, je pouvais visionner sur l’écran de son ordinateur portable le film pornographique en cliquant sur les touches “CTRL-ALT-F4” ; Le 14 février 2006, Monsieur D. m’a coincée dans le couloir en me susurrant à l’oreille une bonne Saint-Valentin ; le même jour, il m’a convoquée dans son bureau pour tenter de me montrer un autre film pornographique ; il s’excusait le lendemain une nouvelle fois tout en me précisant que j’aurais dû rester car, dit-il : “la fin du film était plus croustillante”. »

Le jour des blagues salaces interdites

Pour conclure, le jour de la Saint-Valentin n’autorise pas non plus les plaisanteries déplacées, même en dehors de toute intention « amoureuse », comme l’a précisé très récemment la cour d’appel de Versailles  en citant une lettre de licenciement savoureuse : « Enfin, dans la continuité de votre comportement à l’égard de Monsieur W. vous avez plusieurs fois adopté des gestes simulant des actes sexuels. Par exemple, lorsque vous avez placé un bâton lumineux entre vos jambes en déclarant à une personne de la comptabilité : “regarde ça, c’est l’effet que tu me fais” ou encore lorsque pour la Saint-Valentin, vous avez introduit votre doigt dans le fond d’une boîte de chocolats afin d’en faire la proposition à plusieurs collaboratrices de l’open space. Également lorsque pour montrer des emails à Monsieur X. vous lui demandiez de venir voir sur votre écran en disant : “Vient derrière moi, je sais que tu adores ça.” »

Pour couronner le tout, les magistrats versaillais ont même considéré comme étant un comportement abusif et dénigrant le fait, pour le même employé, d’appeler les femmes de son équipe « les Pénélopes », en référence à l’emploi fictif de Madame Fillon…

Bonsoir !

 

[1]7 mars 2024, n° 2300020.

 

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