Portée du règlement départemental d’aide sociale

Publié le 05/08/2019

Le règlement départemental d’aide sociale ne peut modifier les conditions ou le montant des prestations régies par la loi que dans un sens plus favorable à l’allocataire.

CE, 29 mai 2019, no 417406, ECLI:FR:CECHR:2019:417406.20190529

CE, 29 mai 2019, no 417467, ECLI:FR:CECHR:2019:417467.20190529

L’article L. 121-3 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) dispose que « dans les conditions définies par la législation et la réglementation sociales, le conseil départemental adopte un règlement départemental d’aide sociale définissant les règles selon lesquelles sont accordées les prestations d’aide sociale relevant du département ». Ce règlement, s’il peut définir librement les conditions d’ouverture et le montant des prestations spécifiques qu’il a créés, il a également la possibilité de modifier les conditions et le montant des prestations légales si ces modifications vont dans un sens plus favorable aux allocataires1. C’est ainsi que constituent des améliorations l’extension de la prestation légale d’aide sociale de services ménagers aux personnes handicapées dont les ressources sont supérieures au plafond prévu par les textes2 ou, encore, la majoration des sommes minimum laissées à la disposition des personnes handicapées placées en établissement3. En revanche, n’est pas constitutive d’une mesure plus favorable la prescription du règlement départemental limitant aux seuls « frais spécifiques » et « indemnités de sujétions particulières » la prise en charge par l’allocation personnalisée d’autonomie des dépenses liées à la dépendance instituant, ainsi, un régime moins favorable que celui prévu par l’article R. 232-8 du Code de l’action sociale et des familles4. En ce qui a trait au financement des améliorations apportées aux montants ou aux conditions des prestations légales, c’est au département de l’assurer5. Par ailleurs, elles profitent à l’ensemble des bénéficiaires qui résident dans le département et cela qu’ils y aient ou pas leur domicile de secours afin d’éviter une discrimination entre eux6. La question qui se pose en présence d’un règlement départemental d’aide social est de déterminer si ses stipulations concernent une prestation régie par la loi et, dans l’affirmative, si ces stipulations sont plus favorables que les dispositions légales en la matière. C’est à cette question qu’ont trait deux décisions du Conseil d’État du 29 mai 20197.

Dans la première espèce (n° 417406), un jeune ressortissant pakistanais, bénéficiaire du service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) pendant les quelques mois précédant l’arrivée de sa majorité, conteste une décision du président du conseil départemental lui refusant une poursuite de sa prise en charge par ce service dans le cadre du dispositif « contrat jeune majeur ». Ce refus est fondé sur une disposition du règlement départemental suivant laquelle la mise en œuvre de ce dispositif nécessite que le requérant ait bénéficié d’une prise en charge par l’ASE pendant un an au moins pendant sa minorité. Cependant, l’attribution de la prestation demandée est soumise par la loi à une évaluation de la situation du demandeur8. Dans ces conditions, si le règlement départemental peut parfaitement prévoir un critère de cette évaluation, cela n’autorise pas pour autant le président du conseil départemental à refuser l’attribution de la prestation sur la base de ce seul critère sans procéder à l’évaluation de la situation du requérant.

Dans la seconde espèce (n° 417467) il s’agissait d’un couple qui demandait à bénéficier de l’allocation mensuelle de subsistance familiale telle qu’elle résulte des articles L. 122-1 à L. 122-3 du Code de l’action sociale et des familles. Pour rejeter cette demande, le président du conseil départemental se fonde sur une disposition du règlement départemental qui limite cette prestation à trois versements dans l’année. Une telle limitation aux droits des allocataires n’est pas conforme à la législation qui soumet son attribution à une évaluation de la situation des requérants. Dans ces conditions, les juges du tribunal administratif n’ont pas commis d’erreur de droit en considérant que le président du conseil départemental était non fondé à refuser l’attribution de l’aide demandée.

Il résulte de ces deux décisions du Conseil d’État que la règle de la disposition du règlement départemental plus favorable posée par l’article L. 121-4 du Code de l’action sociale et des familles peut poser de sérieuses difficultés de mise en œuvre.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CASF, art. L. 121-4, al. 1.
  • 2.
    CE, 12 nov. 2014, n° 361194.
  • 3.
    CE, 26 févr. 2010, n° 321638.
  • 4.
    CE, 28 nov. 2014, n° 365788.
  • 5.
    CASF, art. L. 121-4.
  • 6.
    CE, 6 avr. 2016, n° 394240 : Dalloz actualité, 18 avr. 2016, obs. Poupeau D.
  • 7.
    CE, 29 mai 2019, nos 417406 et 417467 : Dalloz actualité, 11 juin 2019, obs. de Montecler M-C.
  • 8.
    CASF, art. 223-1.
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