Prescription de l’action en répétition d’un indu social
L’action en répétition d’un trop-perçu, par un bénéficiaire de mauvaise foi, de prestations de vieillesse et d’invalidité se prescrit dans le délai de droit commun de cinq ans. Ce délai ne vise que l’action en répétition et non la détermination de l’assiette de l’indu.
Cass. ass. plén., 17 mai 2023, no 20-20559
Le premier alinéa de l’article L. 355-3 du Code de la sécurité sociale dispose que : « toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d’invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration ». Dans ces deux dernières hypothèses ce sera le délai de droit commun de cinq ans, tel qu’il résulte de l’article 2224 du Code civil, qui s’appliquera.
La jurisprudence adopte une lecture favorable de cet article en estimant que la mauvaise foi du bénéficiaire de la prestation suppose l’existence de deux éléments. D’une part, que le bénéficiaire de la prestation indue ait été informé de la nécessité de déclarer l’ensemble de ses revenus et, d’autre part, qu’il ait délibérément manqué à cette obligation1. À partir du moment où le débiteur de l’indu répond à ces conditions, il ne peut bénéficier du délai de prescription de deux ans mais de celui de cinq ans de l’article 2224 susmentionné. Tel était bien le cas dans l’hypothèse de fait à l’origine d’un arrêt rendu par l’assemblée plénière de la Cour de cassation le 17 mai 20232.
En l’espèce, depuis le 1er septembre 2006, l’assuré a perçu une pension de réversion faisant suite au décès de sa femme. En 2009, il demande la liquidation de sa pension de retraite sans déclarer certains de ses revenus. En 2014, il fait l’objet d’un contrôle par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) qui constate cette absence de déclaration. Dans ces conditions, l’assuré est condamné à restituer la totalité des sommes indûment perçues pendant une période de dix ans (du 1er septembre 2006 au 31 juillet 2016). Les magistrats ont donc estimé que la prescription de cinq ans, applicable en l’espèce, ne concerne que l’exercice de l’action en répétition et non l’assiette de celle-ci (à l’inverse, le délai butoir de vingt ans prévu par l’article 2232 du Code civil reste opposable).
Cette analyse, qui est conforme au texte de l’article 2224 du Code civil qui parle d’actions personnelles ou mobilières, correspond à la jurisprudence du Conseil d’État en la matière. De fait, celui-ci, par trois arrêts du 20 septembre 2019 relatifs à l’action en recouvrement des indus de pension de réversion, précise que : « la prescription quinquennale ainsi prévue ne porte que sur le délai pour exercer l’action, non sur la détermination de la créance elle-même »3. Cependant, on peut s’interroger sur la mise en application de la décision annotée dans la mesure où l’assuré est dans une telle situation de précarité qu’il ne pourra jamais verser la somme qu’on lui réclame. Ne devrait-on pas retenir une exigence de proportionnalité entre la peine prononcée et les capacités financières de l’assuré ? À l’heure actuelle cette proportionnalité n’est admise qu’au profit de personnes de bonne foi notamment lorsque l’indu résulte d’une erreur de calcul de l’organisme social.
Notes de bas de pages
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1.
Cass. 2e civ., 28 avr. 2011, n° 10-19551 : Dalloz actualité, 20 mai 2011, obs. A. Mavoka-Isana.
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2.
Cass. ass. plén., 17 mai 2023, n° 20-20559 : Dalloz actualité, 26 mai 2023, obs. A. Villeléger.
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3.
CE, 20 sept. 2019, nos 420406, 420489 et 419659 : AJDA 2019, p. 1840 ; Dalloz actualité, 27 sept. 2019, obs. C. de Montecler.
Référence : AJU010f2