Agents de l’urbanisme et obstacle au droit de visite

Publié le 24/10/2023
Agents de l’urbanisme et obstacle au droit de visite
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Cette décision est une des rares applications d’un principe qui jusqu’à présent a donné lieu à peu de contentieux : l’obstacle aux fonctions d’agent des agents de l’urbanisme.

Cass. crim., 13 déc. 2022, no 21-85.800

Dans le cadre d’une procédure d’urbanisme, le demandeur au pourvoi a fait l’objet de deux procès-verbaux d’obstacle à l’exercice du droit de visite dressés par des agents de la commune concernée. Nous limiterons notre propos à ces points sans nous arrêter aux problèmes de procédures pour lesquels nous renvoyons aux études de spécialités1, nous limitant au délit d’obstacle aux fonctions d’agent des agents de l’urbanisme dans ses éléments (I) et ses sanctions (II).

I – Éléments du délit d’obstacle aux fonctions d’agent des agents de l’urbanisme

De manière classique on se penchera sur l’élément matériel (A) puis l’élément intentionnel (B).

A – Élément matériel

La visite domiciliaire, prévue par le Code de l’urbanisme, doit être réalisée avec l’autorisation de l’occupant ou, à défaut, une autorisation judiciaire susceptible d’être contestée par une voie de recours2.

Des agents sont habilités à constater les infractions au Code de l’urbanisme ainsi qu’aux dispositions prévues dans le cadre du droit pénal du travail pour assurer la sécurité des travailleurs dans les bâtiments industriels et immeubles de bureaux et autres lieux de travail3. Ils disposent d’un délai de six ans à compter de l’achèvement des travaux pour visiter et s’assurer de la conformité des constructions4.

Ce principe est assorti de garanties pour les personnes concernées puisque ces modalités sont fixées (1) mais aussi de sanctions à l’égard de celui qui souhaite y faire obstacle (2).

1 – Modalités

Le droit de visite et de communication5 s’exerce entre 6 heures et 21 heures et, en dehors de ces heures, lorsque les lieux sont ouverts au public. Cela s’applique aux résidences principales mais également aux résidences secondaires.

La méconnaissance de ces dispositions entache de nullité le procès-verbal de constat6.

La règle permettant la validité de la visite et donc le respect des règles indiquées est la suivante :

« Lorsque l’accès à un domicile ou à un local comprenant des parties à usage d’habitation est refusé ou que la personne ayant qualité pour autoriser l’accès à un tel domicile ou à un tel local ne peut être atteinte, les visites peuvent être autorisées par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux ou les locaux à visiter.

L’ordonnance comporte l’adresse des lieux à visiter, le nom et la qualité des agents habilités à procéder aux opérations de visite ainsi que les heures auxquelles ces agents sont autorisés à se présenter.

L’ordonnance est exécutoire par provision.

L’ordonnance est notifiée sur place au moment de la visite à l’occupant des lieux ou à son représentant, qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal de visite. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’ordonnance est notifiée après la visite, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l’avis. À défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte d’huissier de justice.

L’acte de notification comporte mention des voies et délais de recours contre l’ordonnance ayant autorisé la visite et contre le déroulement des opérations de visite. Il mentionne également que le juge ayant autorisé la visite peut être saisi d’une demande de suspension ou d’arrêt de cette visite.

La visite s’effectue sous l’autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l’a autorisée. Le juge des libertés et de la détention peut, s’il l’estime utile, se rendre dans les locaux pendant l’intervention. À tout moment, il peut décider la suspension ou l’arrêt de la visite. La saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de suspension ou d’arrêt des opérations de visite n’a pas d’effet suspensif.

La visite est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d’un conseil de son choix. En l’absence de l’occupant des lieux, les agents chargés de la visite ne peuvent procéder à celle-ci qu’en présence de deux témoins qui ne sont pas placés sous leur autorité.

Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l’opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents qui ont procédé à la visite. Le procès-verbal est signé par ces agents et par l’occupant des lieux ou, le cas échéant, son représentant et les témoins. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.

L’original du procès-verbal est, dès que celui-ci a été établi, adressé au juge qui a autorisé la visite. Une copie du procès-verbal est remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’occupant des lieux ou à son représentant.

Le procès-verbal mentionne le délai et les voies de recours.

L’ordonnance autorisant la visite peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel suivant les règles prévues par le Code de procédure civile. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat.

Cet appel est formé par déclaration remise ou adressée par pli recommandé au greffe de la cour dans un délai de 15 jours. Ce délai court à compter de la notification de l’ordonnance. Cet appel n’est pas suspensif.

Le greffe du tribunal judiciaire transmet sans délai le dossier de l’affaire au greffe de la cour d’appel où les parties peuvent le consulter.

L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le Code de procédure civile. Le délai de pourvoi en cassation est de 15 jours.

Le premier président de la cour d’appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite autorisées par le juge des libertés et de la détention suivant les règles prévues par le Code de procédure civile. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat.

Le recours est formé par déclaration remise ou adressée par pli recommandé au greffe de la cour dans un délai de 15 jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception du procès-verbal de visite. Ce recours n’est pas suspensif.

L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le Code de procédure civile. Le délai de pourvoi en cassation est de 15 jours7.

Les articles L. 181-3 à L. 181-8 sont reproduits dans l’acte de notification de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite »8.

2 – Établissement des infractions

Les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d’habitation ne peuvent être visités qu’en présence de leur occupant et avec son assentiment9 ; eu égard au caractère spécifique et limité du droit de visite, l’incrimination de délit d’obstacle aux fonctions d’agent des agents de l’urbanisme10 n’est pas de nature à porter atteinte à l’inviolabilité du domicile.

Le non-respect de ces règles est constaté par des procès-verbaux des agents de l’urbanisme11 qui, dans cette tâche, peuvent se heurter à des difficultés qui font l’objet de sanctions12.

B – Élément intentionnel

Le délit d’obstacle à la visite administrative des constructions est une infraction intentionnelle13. Il est permis aux autorités et agents compétents de réaliser la visite des constructions en cours ou tout juste achevées, en vue de s’assurer de la conformité des travaux réalisés14 ; pour autant la notion d’« obstacle » n’est pas claire.

Pour la Cour de cassation, l’infraction d’obstacle à la visite administrative des agents de l’urbanisme suppose établie la volonté de se soustraire à leur contrôle15. La solution doit être rattachée aux principes fondamentaux du droit pénal16, selon lesquels « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ».

La formule jurisprudentielle standard étant que « la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable ». L’obstacle peut ainsi consister à ne pas se présenter sur les lieux de la construction, à tout le moins s’il en résulte defacto un empêchement.

II – Sanction

La visite des constructions est autorisée : « quiconque aura mis obstacle à l’exercice du droit de visite »17 en question sera puni d’une amende correctionnelle. Cela suppose que ceux qui pratiquent des visites le font dans le cadre légal prévu. À défaut, des sanctions sont possibles contre les agents. Ainsi, on sanctionne le fait pour l’agent de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui, contre le gré de celui-ci, hors des cas où la loi l’y autorise18.

Le statut juridique des personnes susceptibles de commettre ce délit est indifférent. Elles ne peuvent entrer dans le domicile des particuliers qu’en respectant les règles prévues.

Pour les personnes concernées, le législateur a pris en compte un critère fonctionnel en se fondant sur la nature des missions que les agents exercent pour le compte de la collectivité publique : « L’important n’est pas de connaître le statut juridique ou professionnel de l’auteur de l’infraction, mais de savoir si celui-ci exerce des fonctions qui participent de la gestion des affaires publiques »19. L’agent doit avoir agi « dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission »20. Le délit commis par un agent exerçant une fonction publique est punissable même en cas d’entrée non violente dans le domicile d’autrui. Il est permis aux autorités judiciaires ou policières de procéder à des visites domiciliaires, ou à des fonctionnaires de pénétrer au domicile de particuliers, dès lors qu’ils agissent dans le cadre légal prévu. L’obstacle à leur action est un délit.

Notes de bas de pages

  • 1.
    B. Bouloc, Procédure pénale, 17e éd., 2022, Dalloz.
  • 2.
    CEDH, 5e sect., 16 mai 2019, n° 66554/14, Halabi c/ France.
  • 3.
    J.-M. Wailly, Les installations classées : innovations, 2003, L’Harmattan, p. 167 à 177, n° 18 ; F. Duquesne, E. Fortis et A. Coeuret, Droit pénal du travail, ‎7e éd., 2022, Lexisnexis.
  • 4.
    C. urb., art. L. 461-1.
  • 5.
    C. urb., art. L. 461-1.
  • 6.
    Cass. crim., 25 janv. 2022, n° 20-84185, au visa de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
  • 7.
    CCH, art. L. 181-3 à L. 181-9.
  • 8.
    Ord. n° 2019-964, 18 sept. 2019, art. 36.
  • 9.
    C. urb., art. L. 461-2.
  • 10.
    C. urb., art. L. 480-12.
  • 11.
    C. urb., art. L. 461-1.
  • 12.
    J.-H. Robert, Droit répressif de l’urbanisme, Economica ; F. Delhaes et J. Dauga, « Visite domiciliaire : viens chez moi, j’habite… », obs. sous CEDH, 5e sect., 16 mai 2019, n° 66554/14, Halabi c/ France : GPL 10 sept. 2019, n° GPL358z4.
  • 13.
    S. Detraz, « Obstacle à visite administrative : les absents n’ont pas toujours tort », obs. sous Cass. crim., 21 nov. 2017, n° 16-86745, Yves X et Serge Y, D : GPL 23 janv. 2018, n° GPL311t2.
  • 14.
    C. urb., art. L. 461-1.
  • 15.
    Cass. crim., 21 nov. 2017, n° 16-86745.
  • 16.
    C. pén., art. 121-3, al. 1er.
  • 17.
    C. urb., art. L. 480-12.
  • 18.
    C. pén., art. 432-8.
  • 19.
    Circ. n° 290, 14 mai 1993.
  • 20.
    C. pén., art. 432-8.
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