Chronique autorités administratives indépendantes et libertés n° 10 (Novembre 2017 – Juin 2018)(1re partie)

Publié le 10/12/2018

Découvrez dans ce numéro la première partie de la chronique Autorités administratives indépendantes et libertés, qui couvre la période de novembre 2017 à juin 2018.

Après le vote de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes (API), l’année 2018 voit les premiers résultats de cette nouvelle législation. L’on constate alors la mise en place des nouveautés de la loi, notamment l’adoption du premier jaune budgétaire1, rapport annexé à la loi de finances pour 2018 apportant des précisions sur la gestion de l’ensemble des autorités indépendantes et permettant ainsi une transparence accrue vis-à-vis de la situation financière de ces institutions. En conséquence, et dans une optique de rationalisation budgétaire, cette période a vu certaines autorités déménager. Tel est le cas de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) qui ont rejoint le site Fontenoy Ségur aux côtés du Défenseur des droits (DDD) et de l’ensemble des services du Premier ministre, autrefois disséminés dans la capitale.

Le mois de juin 2018 est par ailleurs venu illustrer l’article 21 de la loi imposant la communication d’un rapport annuel d’activité à la fois au Parlement et au gouvernement ainsi que sa publicité. Cette procédure, autrefois erratique, s’est désormais généralisée pour devenir systématique, annuelle et en direction de deux destinataires constants : le Parlement et le gouvernement.

Au-delà de cette communication officielle, les AAI ont également développé une stratégie informative et pédagogique à destination du grand public. Le DDD et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) ont ainsi utilisé la presse nationale pour alerter l’opinion publique sur certaines problématiques2, et le DDD a mené une campagne d’information, fin 2017, afin de favoriser le réflexe « Défenseur des droits ». D’autres initiatives, plus inédites, ont été menées par les AAI pour approfondir leurs réflexions et diffuser plus largement leur doctrine. En janvier 2018, le DDD et la mission de recherche droit et justice ont organisé un colloque international sur la multiplication des critères de discrimination. De même, pour célébrer les dix ans de l’autorité, le CGLPL a organisé un colloque en mai 2018 visant à faire un état des lieux de son action et de sa légitimité. De son côté, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a clôturé une étude menée depuis deux ans ainsi qu’une consultation publique sur internet en organisant, en juin 2018, un colloque intitulé « Outre-mer : à vos droits ! ».

Gagnant en visibilité, les AAI ont déployé leurs prérogatives par l’action internationale et la participation aux réformes législatives dans un cadre parfois renouvelé de l’exercice de leurs missions et de leur indépendance (I). Par des positions souvent convergentes, elles ont également agi pour la protection des droits et libertés fondamentaux autour de problématiques communes (II).

I – Actualités institutionnelles des AAI : des actions internationale et législative au renforcement des missions et de l’indépendance

A – L’action internationale des AAI

Participation des AAI dans les organismes internationaux et partage d’expertise

Plusieurs AAI ont eu l’occasion d’exercer leur mission de protection des droits et libertés dans un cadre international. Le DDD a été auditionné en janvier 2018 par la Commission spéciale sur le terrorisme du Parlement européen pour faire part de son analyse sur la remise en cause de l’équilibre entre « exigences de sécurité et protection des droits et libertés » par les dernières réformes législatives et appeler à la « coopération entre les mécanismes indépendants de contrôle externe, à l’image du réseau Independent police complaints authorities network (IPCAN), et les instances européennes ». De leur côté, le CGLPL et la CNCDH ont participé, en décembre 2017, à la préparation de l’examen périodique universel de la France pour informer le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU. Le CGLPL a attiré l’attention sur les droits des malades mentaux hospitalisés et le problème endémique de la surpopulation carcérale3. La CNCDH a, quant à elle, souligné plusieurs problématiques telles que la lutte contre le terrorisme, les abus des forces de l’ordre, la surpopulation carcérale ou la situation des migrants4. Toujours dans le cadre onusien, la CNCDH a apporté son expertise sur le projet de rapport que la France doit présenter au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale en 20195 et a rendu un avis sur le projet de convention sur les crimes contre l’humanité le 27 mars 20186. Sur le plan européen, elle a également participé, en février 2018, à l’assemblée générale du Réseau européen des institutions nationales des droits de l’Homme, qui a donné lieu à l’adoption d’une position commune critique7 sur le projet de déclaration de Copenhague8.

Julia SCHMITZ

La HATVP et la mise en place d’un réseau des registres européens du lobbying

Après la vague de législations nationales d’encadrement du lobbying se met aujourd’hui en place une action conjointe des AAI chargées de la mise en œuvre des registres nationaux des représentants d’intérêts. Cette action conjointe au niveau européen n’est, pour l’heure, pas institutionnalisée. Elle se manifeste par une première rencontre informelle organisée par l’autorité irlandaise avec la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), chargée de la mise en œuvre de registre français9, ainsi que les représentants des registres autrichien, britannique, écossais, irlandais, lituanien et du secrétariat commun du registre de transparence de l’Union européenne. Malgré les différences nationales dans l’encadrement du lobbying, cette action spontanée vise à mettre en place un réseau des registres européens du lobbying et, ce faisant, à renforcer la légitimité de ces autorités nationales dans le contrôle des activités d’influence sur la décision publique mais aussi à peser dans les réformes en cours, telles que la négociation d’un nouvel accord interinstitutionnel sur le registre de transparence de l’Union européenne10.

Émilie DEBAETS

B – La contribution des AAI aux réformes législatives

1 – Droit du numérique

Cnil : l’adaptation au droit européen de la protection des données

Avec le RGPD, une révolution de la protection des données se profile obligeant les États à s’adapter aux nouvelles réalités numériques et à adapter leur législation. C’est précisément ce que fait le projet de loi n° 78-17, sur lequel s’est prononcée la Cnil, le 30 novembre 201711.

Une adaptation satisfaisante. Dans cette délibération, l’autorité affirme que le projet remplit globalement l’objectif d’adapter le droit français au nouveau cadre européen pour en assurer la pleine effectivité pour les citoyens et les opérateurs. Elle se « félicite » ensuite de ce que le projet mobilise judicieusement les marges de manœuvre ouvertes aux États par le RGPD et soit en pleine cohérence avec la démarche européenne. Le RGPD comporte en effet plus d’une cinquantaine de renvois au droit national, permettant aux États de maintenir des formalités préalables à certains traitements, de poser des règles de fond propres ou de moduler les garanties offertes aux personnes. Il appartient ainsi au législateur national de se prononcer sur chacun de ces points, en décidant si et dans quelle mesure il souhaite faire usage de ces marges. Si la Cnil affirme pouvoir exprimer une appréciation divergente et propose de « positionner différemment le curseur », elle souligne que « de manière globale, le projet de loi lui semble faire un usage raisonnable de ces marges ».

Des reproches convaincants. L’autorité déplore toutefois avoir été saisie de manière tardive et de n’avoir en conséquence pas disposé du délai nécessaire à l’examen rigoureux d’un tel texte. Cette lenteur est problématique, en ce sens que la mise en œuvre effective des mécanismes de coopération peut être compromise en l’absence de textes nécessaires et qu’il y a derrière tout cela un enjeu de crédibilité politique pour la France qui a promu ces nouveaux instruments au niveau national et au niveau européen. En outre, elle dénonce le défaut de lisibilité de l’état du droit résultant du projet. Si elle considère que l’adoption conjointe du RGPD et de la directive était inéluctable, elle constate que cette première difficulté est aggravée par le choix du gouvernement de n’opérer que les modifications strictement indispensables à la mise en œuvre de ces textes, tout en renvoyant la réécriture de la loi de 1978 à une ordonnance ultérieure. Enfin, elle regrette que le projet constitue une occasion manquée de procéder à un réexamen global du droit de la protection des données en France, de compléter le dispositif législatif et d’approfondir les droits des personnes pour les traitements entrant dans le champ de la directive ainsi que ceux qui n’y entrent pas.

Thomas ESCACH-DUBOURG et Jonas GUILBERT

Hadopi : audition à l’Assemblée nationale

Élu le 1er mars 2018 à l’unanimité aux fonctions de président de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) par le collège de la Haute autorité, Denis Rapone (conseiller d’État) a été auditionné le 5 avril par la mission d’information pour une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique de l’Assemblée nationale. Le discours du président fut l’occasion de revenir sur deux défis rencontrés par le secteur audiovisuel face au développement des acteurs du numérique.

Concernant tout d’abord les sites pirates, le président rappelle que le piratage constitue un frein à la liberté de création, comprend des risques pour les internautes (virus, escroqueries, exposition à des contenus inappropriés, etc.) et appauvrit le secteur de la création (emplois, retombées économiques et innovation). Les actions menées par l’Hadopi à destination des usagers tiennent notamment à la mise en place de la réponse graduée. Malgré le succès que lui prête le président, il appert que l’évolution des usages appelle à compléter cette procédure par une action de l’Hadopi à l’encontre des sites massivement contrefaisants. La difficulté majeure résidant dans l’apport de la preuve de l’illégalité de tels sites pour les ayants-droit, le président plaide pour que l’Hadopi puisse disposer d’une compétence générale de caractérisation des sites pirates. L’indépendance de l’institution et son expertise en la matière pourraient selon lui constituer la solution la plus efficace pour définir des standards et critères donnant une « indication objective et incontestable sur la légalité des sites proposant des contenus culturels ». En sus, cette compétence générale pourrait être mise en œuvre dans un plan d’action plus large de lutte contre le piratage comportant trois étapes : « l’assèchement des ressources techniques et financières des sites pirates » ; « la simplification de l’office du juge lorsqu’il est saisi de cas de contrefaçon culturelle en ligne » et « le suivi de l’effectivité des décisions de justice dans le temps ».

Concernant enfin les sites dont le contenu est généré par les utilisateurs et sur lesquels on peut retrouver des œuvres protégées dont les ayants-droit n’ont pas autorisé l’exploitation, le président préconise d’instaurer une « régulation publique du recours aux technologies de reconnaissances de contenu ». Certes de telles technologies ont déjà été développées par des sites comme YouTube, mais une telle régulation permettrait de les rendre obligatoires et de confier le suivi de leur exécution à un tiers indépendant, en l’occurrence l’Hadopi.

Thomas BERTRAND

2 – Liberté d’information et transparence de la vie publique

Les propositions de réformes du rapport annuel de la HATVP

Au fil de ses rapports annuels, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) participe à la réflexion générale sur la transparence et la prévention des conflits d’intérêts et exerce ainsi son pouvoir d’influence. Son troisième rapport annuel12 atteste bien de son souhait de contribuer activement aux réformes législatives en effectuant un certain nombre de propositions. Celles-ci visent à supprimer les différences de traitement injustifiées entre les membres du gouvernement et les parlementaires en étendant à ces derniers l’infraction pénale prévue en cas de non dépôt des déclarations de patrimoine et en publiant leur déclaration sur le site internet de la haute autorité. Elles visent aussi à renforcer ses pouvoirs de contrôle en lui reconnaissant un droit de communication autonome dans le respect des garanties exigées par le Conseil constitutionnel ou en lui donnant compétence pour élaborer un mécanisme de certification des dispositifs déontologiques. Elles visent enfin à ajuster le cadre général en modifiant la définition du conflit d’intérêts ou en réformant le délit de prise illégale d’intérêts, prévu à l’article 423-1 du Code pénal, pour mieux prendre en compte le pantouflage à travers la répression de l’absence de saisine de l’autorité compétente pour autoriser le départ et de la méconnaissance des réserves formulées. Au-delà de ces propositions, la HATVP intervient aussi en aval des réformes pour suggérer les modalités de mise en œuvre au pouvoir réglementaire, voire même plus concrètement, pour les mettre en œuvre elle-même en élaborant des lignes directrices comme cela a été le cas ce semestre pour le répertoire des représentants d’intérêts13.

Émilie DEBAETS

Le DDD et le développement de la protection des lanceurs d’alerte

Un bouleversement profond du droit positif se fait jour, fruit du développement récent d’un droit d’alerte14. Dans ce contexte, le Défenseur des droits (DDD) est devenu un acteur incontournable en raison de la mission d’orientation et de protection des lanceurs d’alerte qui lui a été récemment dévolue et qu’il entend remplir de façon éloquente15. Telle est la conclusion que nous pouvons notamment tirer de son avis du 10 avril 201816.

Un travail de clarification et de problématisation. Le DDD note la grande souplesse du régime élaboré par la proposition de loi. Elle crée en effet deux nouvelles dérogations aux secrets des affaires qui constituent deux nouvelles possibilités de lancer des alertes par rapport à la loi du 9 décembre 2016. Mais elle donne aussi une définition de la dérogation au secret des affaires bien plus large que celle retenue jusqu’à présent. Mieux, le droit de déroger au secret n’est pas soumis aux conditions restrictives posées par le régime général. Seule la bonne foi de la personne est requise pour la première dérogation, tandis que pour la deuxième, seul l’établissement de l’existence d’un certain motif est suffisant pour autoriser la divulgation du secret. En somme, « [l]a possibilité de rendre directement publique les informations détenues est largement ouverte ». Or tout cela a également pour conséquence de limiter la possibilité de bénéficier de la protection plus sérieuse du régime général. La proposition ne met effectivement en place qu’une « protection partielle » en ce sens qu’aucune protection n’est prévue en matière pénale pour le lanceur ni en matière professionnelle. Dès lors, pour bénéficier de celle du régime général, la personne devra répondre de la définition plus restrictive posée par la loi de 2016, et devra respecter les conditions qu’elle impose.

Une démarche prescriptive et protectrice. Eu égard à ces conclusions et conformément à sa mission, le DDD estime « qu’un article de coordination doit être inséré dans la proposition de loi ». L’objectif est clair : développer et protéger efficacement les lanceurs d’alerte en assurant un niveau de protection comparable entre les différents régimes, c’est-à-dire en développant une protection sur le terrain pénal et en coordonnant certains mécanismes. Loin de porter une atteinte manifeste à l’économie du régime de la proposition, le DDD entend simplement combler « une lacune » et pérenniser l’action des lanceurs d’alerte.

Thomas ESCACH-DUBOURG et Jonas GUILBERT

Le DDD et le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance

Dans son avis n° 18-01 du 10 janvier 2018, le DDD pose la question des bénéficiaires du projet de loi n° 424 pour un État au service d’une société de confiance. Félicitant son orientation en faveur d’une administration de conseil et de service et d’une action publique plus simple et efficace, il met en garde contre le risque d’accentuation des inégalités d’accès aux droits. Il constate, en effet, la nécessité de restaurer la confiance entre les usagers, l’administration et les services publics, détériorée par l’inintelligibilité des règles et des dispositifs prévus en la matière, ou encore par la lourdeur administrative et ses principes souvent abscons. Ces facteurs, auxquels s’ajoute la dématérialisation des services publics, conduisent à un abandon des démarches par les usagers les plus précaires.

À ce propos, le DDD remarque que le projet de loi ne bénéficie pas aux plus démunis. Il souligne l’inadéquation entre l’objectif budgétaire affiché – passant notamment par une diminution du périmètre des services publics et l’effacement des fonctions d’accueil et de guichet – et la restauration de la confiance. Il note également que l’usager est principalement envisagé sous l’angle de ses activités économiques, et qu’ainsi, les plus vulnérables sont exclus. À cet égard, il recommande d’offrir une voie alternative obligatoire au service numérique et de réserver une partie des gains réalisés grâce à la dématérialisation des procédures à un mécanisme d’accompagnement des publics marginalisés.

Concernant le droit à l’erreur consacré dans l’article 2 du projet, le DDD montre qu’il s’agit d’une mesure limitée, nécessitant une meilleure information des usagers et une mise en cohérence des règles applicables en la matière. Il regrette qu’aucune garantie supplémentaire ne soit proposée dans le projet.

France DAUMARIE

La CADA et l’ouverture des données environnementales

Le droit d’accès aux données environnementales est garanti par le Code de l’environnement17, dont l’article L. 124-4 prévoit néanmoins la possibilité pour l’Administration d’opposer un refus de communication, notamment lorsque celle-ci porterait atteinte « aux intérêts mentionnés aux articles L. 311-5 à L. 311-8 du Code des relations entre le public et l’Administration ». Or, cette réserve légale a longtemps offert à l’Administration un large pouvoir d’appréciation en lui permettant notamment de justifier un refus pour des raisons diverses d’atteinte à la vie privée, à la sécurité publique ou au secret industriel et commercial.

Dans une optique de communicabilité accrue des données environnementales, la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) a donc limité les marges de manœuvre de l’Administration en fixant une liste exclusive des motifs de refus. Ils se cantonnent désormais à l’atteinte à la vie privée et au secret industriel et commercial.

Par son avis n° 20173363 du 11 janvier 2018, la CADA a choisi de limiter davantage les motifs de refus de l’Administration en excluant la possibilité d’opposer le secret industriel et commercial en matière nucléaire. Cet avis s’inscrit dans le prolongement de celui du 6 juillet 2017 qui avait exclu ce secret en matière de pesticides et faisait suite au débat européen sur le glyphosate, substance controversée dont l’autorisation pour cinq années supplémentaires a été votée le 27 novembre 2017. La transparence et l’ouverture des données environnementales impulsées par la CADA semblent donc venir contrebalancer l’utilisation de techniques potentiellement dangereuses.

Valérie PALMA-AMALRIC

CNCDH – La loi relative à la lutte contre les fausses informations

Dans un communiqué de presse du 25 mai 201818, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) alerte les parlementaires et l’opinion publique sur les dangers de la loi en discussion au Parlement visant à lutter contre les fake news, et plus généralement sur la limitation jugée dangereuse, apportée à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, de toute mesure juridique visant à encadrer la véracité de l’information. Ainsi, dans ce communiqué « Lutte contre les fake news : des risques pour la liberté d’expression et le droit à l’information », la CNCDH met en lumière le problème de la définition de ce qu’est une fausse information, mais aussi celui de confier au juge, par référé, la compétence de déterminer ce qui est une vraie ou une fausse information et d’assortir sa décision de sanctions qui manquent d’efficacité dans le contexte numérique. Les pouvoirs de police administrative des médias qui seraient confiés au CSA sont également problématiques.

Sacha SYDORYK

3 – Réforme du droit des étrangers

Le DDD et la réforme du droit des étrangers

L’inflation normative en matière de droit d’asile continue. Les effets des précédentes réformes ne sont pas véritablement déployés qu’une profonde évolution de la politique d’asile s’annonce avec le fameux « projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie », devenu la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, à laquelle il faut ajouter la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 « permettant une bonne application du régime d’asile européen loi du 20 mars 2018 ». Ces lois interviennent en parallèle d’une réflexion plus globale, au sein des instances de l’Union, à propos du controversé règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 visant à coordonner le traitement des demandes d’asile sur le territoire européen, règlement Dublin III. Un règlement inéquitable et non opératoire, selon le DDD, autour duquel s’agglomère une surenchère de moyens coercitifs attentatoires à la liberté individuelle19.

Le législateur poursuit la volonté de distinguer entre « vrais » demandeurs d’asile et migrants dits « économiques », malgré les causes principalement multifactorielles de l’exil20. Le projet de loi porte aussi un objectif de célérité au risque d’un traitement expéditif des demandes et au détriment des garanties procédurales et juridictionnelles, le but étant d’assurer l’effectivité des mesures d’éloignement. À cet égard, le Défenseur exprime « sa profonde hostilité quant à l’esprit général du texte »21, sans doute inefficace sans une révision complète du mécanisme Dublin et disproportionné au regard des libertés individuelles. Selon l’autorité, le texte opère un véritable renversement de paradigme en matière de rétention administrative puisque celle-ci sera dorénavant possible avant toute mesure d’éloignement. La rétention sera aussi facilitée par l’élaboration d’une vaste liste de critères susceptibles de caractériser un « risque non négligeable de fuite ».

Quelques évolutions ont cependant la faveur du DDD, principalement en matière de droit au séjour ou de conditions matérielles d’accueil. Au titre des occasions manquées de la loi, le DDD regrette sévèrement la persistance des possibilités de rétention administrative des mineurs, il réclame également la fin de toute sanction de solidarité, vœu en parti exaucé par le Conseil constitutionnel22.

Thomas ESCACH-DUBOURG et Jonas GUILBERT

CNCDH et « crise de la politique d’asile »

« Si crise de l’asile il y a, c’est en vérité une crise de la politique d’asile ». L’alerte donnée par la CNCDH dans son avis sur le « concept de pays sûr » du 19 décembre 2017 est renouvelée dans son dernier avis rendu sur le projet de loi Pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif du 5 mai 2018. En effet, l’objectif ne serait pas, comme elle le souligne, une volonté de promouvoir les droits constitutionnels23 et conventionnels24 protégeant les étrangers, mais plutôt de trouver un compromis prudent évitant d’y porter atteinte. L’avis du 19 décembre 2017 avait déjà pointé la juridicisation d’un dédouanement des pouvoir publics. Conformément à la nouvelle directive européenne Procédures n° 2013/32/CE du 26 juin 201325, un État membre aurait la possibilité de déclarer l’irrecevabilité d’une demande d’asile pour réorienter le demandeur vers un autre État non membre, avec lequel l’Union a un « lien de connexion », si ce pays est qualifié de « sûr ».

Tout en admettant que la diversité des situations à régir, au regard de la crise migratoire que connaît la France et plus largement l’Europe, nécessite une légifération, cette dernière aurait pour effet inverse d’en anéantir le contenu. L’avis consultatif n° 394206, rendu par le Conseil d’État le 15 février 2018, conforte d’ailleurs l’argumentation de la Commission en ce sens, qui, dans son avis du 5 mai 2018, souligne les deux grandes failles du projet. D’un côté, le durcissement de certaines réglementations, concernant notamment les mesures d’éloignement forcé, les privations de liberté relatives aux zones d’attentes, aux rétentions administratives, ou aux assignations à résidence, constituent une régression. D’un autre côté, il est déploré l’absence de mesures prises par le législateur au sujet de personnes vulnérables comme le cas de l’enfermement des mineurs non accompagnés ou encore au sujet de la question si controversée du délit de solidarité qui vient de faire l’objet d’une décision du Conseil constitutionnel26.

Finalement, si l’on étire un peu plus le raisonnement de la Commission, on peut constater que la volonté de garantir un « droit d’asile effectif » dénote à la fois l’aveu que celui-ci ne l’était pas jusqu’alors, ou pire encore, qu’au-delà de cette volonté, le constat général est celui de la régression par la complexification, remettant par là-même en cause la qualité de la loi.

Julien MARGUIN

Le CGLPL et la loi sur l’immigration

À la suite de la présentation en conseil des ministres de la loi pour une immigration maîtrisée le 21 février 2018, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a pris fermement position contre les modifications d’allongement de la rétention administrative, et la réduction des droits de la défense proposée. Dans le premier cas, il rappelle ses différents avis et constats, notamment du point de vue de l’inutilité de la longueur des rétentions, le gouvernement ne « semblant pas en être suffisamment convaincu »27. En effet, le projet prévoit des allongements de durée de rétention bien au-delà des 32 jours préconisés par le CGLPL28. Par ailleurs, les conditions d’existence en centre de rétention sont trop souvent en contradiction avec les droits et libertés fondamentaux, ce qu’une durée de rétention excessive ne pourrait qu’aggraver.

En outre, le CGLPL met en avant un recul net des droits de la défense au regard des modifications procédurales prévues eu égard aux difficultés inhérentes aux litiges concernés. En somme les étrangers concernés par ce type de litiges peuvent être regardés comme étant en situation de vulnérabilité : barrière de la langue, incompréhension des subtilités procédurales, état psychique fragile en raison de la situation même. Cette insensibilité de la loi vis-à-vis de la situation des migrants est particulièrement mise en évidence par le CGLPL à propos de l’utilisation de la visioconférence, y compris en dehors de tout consentement des personnes visées, qui « entraîne une déshumanisation des débats et nuit considérablement à la qualité des échanges ».

Le 22 avril 2018, le projet de loi a été adopté avec une large majorité en première lecture à l’Assemblée nationale. Le texte a finalement été adopté par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

Gaëlle LICHARDOS

4 – Politiques sécuritaires

Rapport du DDD sur la déontologie des forces de sécurité : des recommandations limitées ?

La doctrine du « maintien de l’ordre à la française » souffre de la multiplication des tensions et incidents. Afin de pallier ces impairs, le DDD, dans son rapport de décembre 2017 et son avis du 12 mars 2018, s’estime « convaincu (…) qu’une déontologie claire et rigoureuse valorise la personne et le métier » ; il n’est donc pas question de sacrifier les libertés fondamentales sur l’autel des nécessités sécuritaires. Sans parvenir à l’originalité, le rapport expose toutefois quelques orientations pratiques.

En matière de police, « la liberté est la règle et la restriction de police, l’exception »29 : afin de répondre aux « bavures » ayant eu lieu à l’occasion de quelques manifestations, le DDD recommande notamment une politique générale de « désescalade des tensions » par le renforcement de la formation initiale des policiers. Par ailleurs, il propose de retirer des dotations les lanceurs de balles de défense, particulièrement décriés depuis la mort de Rémi Fraisse.

Les contrôles d’identité cristallisent, sur certains territoires, la « défiance la plus vive envers la police », accusés d’être fondés sur des « stéréotypes et des caractéristiques raciales ou ethniques ». Le DDD plaide de nouveau pour leur rationalisation, tant quant au choix de la personne contrôlée que par la mise en place d’une traçabilité permettant « d’évaluer la façon dont les contrôles sont mis en œuvre ».

Le DDD dénonce les comportements discriminatoires en dehors du service, y compris entre collègues, et les manquements à la déontologie, notamment concernant le traitement des migrants. Il recommande des poursuites disciplinaires plus systématiques, « nécessaires à la sauvegarde des droits fondamentaux ».

Le rapport prend acte in fine, des difficultés auxquelles sont confrontées les forces de sécurité : baisse de moral et hausse des suicides. Selon lui, la sollicitation trop importante des forces de l’ordre provoque la « fatigue physique des personnels ou leur usure morale », sans ignorer « les effets pervers de la politique du chiffre » ou la réduction des effectifs. Le DDD n’ignore pas le sentiment d’hostilité que ressentent les forces de l’ordre, mais l’explique aussi par un « seuil de tolérance à la violence [chez les policiers] moins élevé qu’il y a 15 ou 20 ans ».

La transposition juridique de ces recommandations semble aussi complexe que limitée, tant au regard du contexte sécuritaire que de l’opposition des syndicats de police : plus que jamais, la confrontation entre garantie des libertés et sécurité relève du jeu d’équilibriste.

Jordan PUISSANT

CNCDH : Maintien de l’ordre et respect des libertés

Christine Lazerges, renouvelée dans ses fonctions de présidente de la CNCDH, a publié une « note » spontanée, le 22 novembre 2017, apparemment adressée au rapporteur du projet de loi sur la sécurité publique, qui prolonge les actes d’un colloque30 et qui tend à dénoncer ce qu’elle pense être des abus dans les pratiques policières. Ce type de note, distinct des avis collégiaux ou d’autres notes rédigées au nom de l’institution, demeure rare ; d’autres concernaient les réfugiés syriens31 ou un projet de décret relatif à la recherche sur l’embryon et les cellules embryonnaires32.

Partant du principe général de la liberté ne souffrant de restrictions que par exception, ce qui implique selon elle que l’Administration évalue la nécessité et la proportionnalité de chaque action, la présidente dénonce ce qui lui paraît être des dérives, faute de justifications adéquates, sous le terme de « tout répressif ». Principalement, les contrôles d’identité (qu’elle ne conçoit que sous l’angle de la procédure pénale et du flagrant délit) lui semblent trop fréquents et révélateurs globalement d’une culture « sécuritaire » visant systématiquement certaines catégories de la population. Elle plaide donc pour la généralisation de la « caméra piéton », la remise systématique d’un récépissé et une réflexion globale sur la manière dont le droit pourrait limiter les cas de contrôle.

La note dénonce ensuite des limites trop importantes à la liberté de manifestation : textes trop imprécis, pratique trop prohibitive. Elle passe enfin au crible la loi relative à la sécurité publique du 28 février 2017 qui vise à renforcer la sécurité juridique des interventions des forces de l’ordre et leur laisserait trop… de liberté.

Xavier BIOY

Cnil : Minority Report sur la croisette…

Rêve benthamien et cauchemar orwellien, le risque de surveillance généralisée de la population a trouvé un écho au travers de la mise en place de l’application Reporty qui permettait aux personnes possédant cette application de filmer la voie publique pour reporter ces éléments au centre de supervision urbain niçois. Cette expérimentation, qui a eu lieu durant les trois premiers mois de 2018, a été justifiée par l’Hôtel de ville comme permettant de signaler à la police municipale des « incivilités graves » ou des « situations critiques », notamment les risques terroristes.

La Cnil a examiné en séance plénière, le 15 mars 2018, ce projet expérimental de surveillance citoyenne généralisée. Tout d’abord, dans son analyse du traitement de données, la Commission ne conteste pas que la lutte contre le terrorisme est un objectif légitime, pour autant, elle considère que la mise en œuvre du dispositif n’est pas proportionnée notamment au regard des atteintes à la vie privée. En effet, la Cnil s’interroge tout d’abord sur l’existence d’une base légale claire pour de tels dispositifs, qui sont très éloignés des dispositifs de vidéoprotection encadrés par le Code de sécurité intérieure. Ensuite, la commission considère le dispositif comme non proportionné dans ses conditions de mise en œuvre. Enfin, elle fait appel au législateur en demandant à ce dernier de donner une base légale à ce type de dispositifs qui permettent de contourner le droit applicable à la vidéo protection.

Marc SZTULMAN

(À suivre) NDLR

C – Exercice des missions et indépendance des AAI

1 – La mise en œuvre des prérogatives des AAI

2 – Le renforcement des compétences et de l’indépendance des AAI

II – La protection des droits et libertés fondamentaux par les AAI : des décisions et réflexions convergentes

A – La protection des personnes vulnérables

1 – Le DDD – Harcèlement sexuel et outrage sexiste, les limites de la réponse pénale

2 – La protection des mineurs

3 – La protection des personnes âgées

4 – La protection des usagers du système de santé et des personnes en situation de handicap

5 – La protection des personnes privées de liberté

B – La lutte contre les discriminations

C – La protection des données personnelles

Notes de bas de pages

  • 1.
    L’article 23 de la loi du 20 janvier 2017 prévoit que : « Le gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport sur la gestion des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ». Cette annexe récapitule tout d’abord les dépenses, les recettes, les emplois, le loyer ainsi que les rémunérations et avantages du président et des membres de l’autorité. Elle présente ensuite les dépenses, les recettes et les emplois de façon consolidée pour l’ensemble des autorités indépendantes. Elle comporte enfin une présentation stratégique pour chaque autorité avec notamment la définition d’objectifs et d’indicateurs de performance.
  • 2.
    Entretien du DDD dans Le Monde du 22 février 2018 au sujet du projet de loi Asile et immigration ; tribune du CGLPL dans Le Monde du 29 janvier 2018 au sujet de la « crise des prisons ».
  • 3.
    www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2017/12/Pr %C3 %A9-session-EPU-2018-D %C3 %A9claration-CGLPL-2.pdf.
  • 4.
    www.cncdh.fr/fr/actualite/pre-session-de-lexamen-periodique-universel-de-la-France.
  • 5.
    http://www.cncdh.fr/fr/actualite/la-cncdh-apporte-la-france-son-expertise-dans-la-redaction-de-son-rapport-au-comite-cerd.
  • 6.
    www.cncdh.fr/sites/default/files/180327_avis_projet_de_convention_sur_les_crimes_contre_lhumanite.pdf.
  • 7.
    www.cncdh.fr/sites/default/files/ennhri_common_position_on_draft_copenhagen_declaration.pdf. V. également la note de la CNCDH adressée au gouvernement français, http://www.cncdh.fr/sites/default/files/note_de_la_cncdh_sur_le_projet_de_declaration_de_copenhague.pdf.
  • 8.
    La déclaration sur la réforme du système de la convention européenne des droits de l’Homme a été adoptée à l’issue de la conférence à haut niveau en avril 2018.
  • 9.
    V. L. n° 2013-907, 11 oct. 2013, art. 18-1, relative à la transparence de la vie publique.
  • 10.
    Commission européenne, 28 sept.2016, COM(2016) 627 final, proposition d’accord interinstitutionnel sur un registre de transparence obligatoire.
  • 11.
    Cnil, délib. n° 2017-299,30nov.2017, portant avis sur un projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.
  • 12.
    HATVP, Rapport d’activité 2017, mai 2017.
  • 13.
    HATVP, Lignes directrices relatives au répertoire des représentants d’intérêts, janv. 2018.
  • 14.
    CEDH, 12 févr. 2008, n° 14277/04, Guja c/ Moldova.
  • 15.
    HATVP, Rapport d’activité 2017, mai 2017, p. 44 et 46.
  • 16.
    V. avis n° 18-11 du 10avril 2018 relatif à la proposition de loi n° 675 du 19 février 2018 portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (dite Secret des affaires).
  • 17.
    Ce droit d’accès fait suite à la directive n° 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, transposée en droit interne par la loi n° 2005-1319 du 26octobre 2005 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement et à laquelle s’ajoute la loi n° 2006-686 du 13juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
  • 18.
    http://www.cncdh.fr/sites/default/files/180526_cp_lutte_contre_les_fake_news.pdf.
  • 19.
    Défenseur des droits, 10 janv. 2018, avis n° 18-02.
  • 20.
    Défenseur des droits, 17mai2018, avis n° 18-14.
  • 21.
    Défenseur des droits, 17 mai 2018,avis n° 18-14.
  • 22.
    Cons. const., 6 juill. 2018, n° 2018-717/718 QPC, Cédric H. et a.
  • 23.
    Alinéa 4 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 ; Cons. const., 13 août 1993, n° 93-325 DC.
  • 24.
    V. l’article 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; v. égal. la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole du 31 janvier 1967, relatifs au statut des réfugiés. Plus récemment, la Déclaration de New-York pour les réfugiés et les migrants adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 19 septembre 2016.
  • 25.
    V. dir. n° 2013/32/CE, 26 juin 2013, art. 33 et 38.
  • 26.
    Cons. const., 6 juill. 1985, n° 2018-717/718 QPC, Cédric H. et a., délit d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger.
  • 27.
    V. le communiqué de presse du Contrôleur général des lieux de privation de liberté sur le « projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif ».
  • 28.
    V. à ce propos le courrier adressé à la présidente de la commission des lois le 26 mars 2018 par le CGLPL.
  • 29.
    Commissaire du gouvernement Corneille dans les conclusions sous CE, sect., 10 août 1917, n° 59855, Baldy, Rec. 638.
  • 30.
    Touiller M., Le Code de la sécurité intérieure, artisan d’un nouvel ordre ou semeur de désordre ?, 2017, Les sens du droit.
  • 31.
    Note du 20 novembre 2013.
  • 32.
    Note du 16 juin 2005.