Adrien Delacroix : « Les Jeux vont changer le quotidien des habitants sur la durée »
Paris 2024 avait pour ambition d’organiser des Jeux olympiques et Paralympiques spectaculaires, ouverts à tous mais aussi durables, et d’initier une nouvelle dynamique pour le territoire. Adrien Delacroix, directeur adjoint de la collectivité de Plaine Commune, qui a accueilli l’essentiel des épreuves, fait le point sur l’héritage de l’événement. Rencontre.
Actu-Juridique : Que va devenir le village des athlètes ?
Adrien Delacroix : Cela va devenir un nouveau quartier mixte, mêlant du logement, des activités économiques, des bureaux, des commerces, et des services. En tout, 2 200 logements familiaux et 800 logements spécifiques pour étudiants ou personnes âgées vont voir le jour et 120 000 m2 seront reconvertis en locaux d’activités, bureaux et commerces, à cheval sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et L’Île-Saint-Denis. C’est donc un nouveau bout de ville qui est en train d’émerger et prend la suite de secteurs d’aménagements sur l’Île-Saint-Denis, et de nouveaux quartiers du côté de Saint-Ouen. Ces logements ont été vendus pour une partie à des bailleurs sociaux et institutionnels : Plaine Commune Habitat, qui gère 20 000 logements HLM, la Caisse des dépôts et des consignations. Ils vont être transformés en logements sociaux ou en résidences étudiantes.
AJ : Est-ce que les logements destinés aux particuliers se vendent ?
Adrien Delacroix : Sur ce territoire comme sur l’ensemble du département, la commercialisation est ralentie par rapport aux dernières années, mais il n’y a rien de spécifique au village olympique. Le contexte économique est difficile. Il y avait un peu d’inquiétude quant à la lenteur de la commercialisation avant l’été. Depuis la rentrée de septembre, la commercialisation a repris grâce à un accès au crédit plus facile et à des taux d’intérêt qui ont arrêté d’augmenter et descendent doucement. L’effet Jeux olympiques donne envie à certains d’y vivre et a été une bonne publicité pour les acquéreurs. Le secteur est très intéressant, a de grandes qualités, de par ses espaces publics et la qualité de son bâti. L’originalité est d’avoir une opération d’aménagement livrée clé en main, ce qui est atypique et assez inédit. Les projets urbains d’aménagement prennent en général une dizaine d’années. Sur l’ancien village des athlètes, nous sommes déjà rentrés dans la transformation de la phase olympique en quartier d’habitation, qui devrait prendre deux ans. L’ensemble du quartier, logements, commerces et bureaux doit être remis pour la rentrée 2027. Il ne reste que quelques équipements à construire, comme la future école côté Saint-Denis, pour la rentrée 2027. Celle de Saint-Ouen est déjà réalisée.
AJ : Il s’est dit que le prix des logements du village des athlètes était trop élevé…
Adrien Delacroix : C’est pourtant nettement moins cher que le prix moyen en Île-de-France, pour une qualité de bâti inédite. La candidature des Jeux de Paris 2024 mettait en avant des réalisations très sobres en consommation de carbone avec une attention portée sur l’ensemble des réalisations. C’est une innovation majeure qui a poussé à être très vertueux sur les matériaux utilisés dans la construction. Les bâtiments sont très performants du point de vue environnemental et du bilan carbone. Cela a un coût. Plaine Commune a pensé des espaces publics résilients, avec des îlots de fraîcheur et de végétalisation. C’est gage de qualité tant de l’espace public que des logements. Certes, nous sommes sur le haut des prix du territoire mais les prix étaient les plus élevés dans ce quartier que dans d’autres zones de Saint-Ouen ou de Saint-Denis. Nous ne sommes donc pas sur des prix qui seraient complètement déconnectés du marché. Outre le village des athlètes, le territoire héritera aussi du village des médias, qui viendra augmenter sensiblement le nombre de logements et apportera de la diversification dans la commune de Dugny, située à la lisière du territoire de Plaine Commune. Pour les habitants et le département, c’est un héritage très fort.
AJ : En dehors de ces logements, quel est l’héritage des JO pour le territoire de Plaine Commune ?
Adrien Delacroix : Le territoire était en retard en matière d’équipements sportifs, avec notamment un accès à l’apprentissage de la natation réduit en raison du manque d’équipements. Grâce à l’héritage olympique, cela va changer considérablement. Le département de Seine-Saint-Denis a hérité de plusieurs piscines. La piscine Annette Kellermann, financée par le département, a été réalisée à la limite des villes de Saint-Denis et de La Courneuve. Le centre aquatique olympique appartient désormais à la métropole du Grand Paris et plusieurs villes du territoire ont déjà négocié des réservations de ligne d’eau. Il accueillera dans ses deux bassins de natation 50 m et de 25 m, tant le grand public, les scolaires et les associations sportives que les compétitions nationales et internationales. Une autre piscine, à Aubervilliers, a été financée par la société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo). D’autre part, en se portant candidate pour l’organisation des Jeux de Paris 2024, la ville a mis l’accent sur le volet environnemental de son projet. Ce dernier impliquait de privilégier la rénovation à la construction d’équipements sportifs. Il y a donc un héritage moins visible des JO : 5 000 équipements sportifs de proximité ont été rénovés et rendus accessibles dans les villes hôtes. Ils ont été mis à niveaux grâce à des subventions importantes de la Solideo. Certains, comme le Palais des sports de Saint-Denis, qui a accueilli des athlètes en athlétisme, en avaient bien besoin. Ces investissements bénéficieront aux usagers du territoire et permettront de démultiplier la pratique sportive. C’est un héritage important.
AJ : Cela va-t-il permettre aux enfants du département de rattraper leur retard dans l’apprentissage de la nage ?
Adrien Delacroix : Le département et le territoire de Plaine Commune ont fait une priorité de l’apprentissage de la natation. Il y avait en effet un retard à rattraper en la matière : à l’échelle départementale, il y a un taux de savoir nager plus faible que la moyenne nationale. Après les Jeux olympiques, on devrait au contraire avoir des ratios beaucoup plus importants que la moyenne nationale.
AJ : Au-delà du sport, l’espace a-t-il été réaménagé ?
Adrien Delacroix : Il y a eu des investissements importants en matière d’aménagement et de circulation. Nous avons bénéficié d’une subvention pour investir dans des équipements visant à réduire les fractures urbaines : la construction d’une passerelle notamment entre le centre aquatique olympique et le Stade de France, par exemple. Les berges du Canal de Saint-Denis ont été réaménagées rive droite, avec des usages partagés entre cyclistes et piétons jusqu’à Saint-Denis. Rive gauche, une voie bidirectionnelle crée désormais une « autoroute cycliste » sur un axe Nord-Sud, garantissant l’accès au Stade de France. Ce sera un héritage important des JO, qui changera sur la durée le quotidien des habitants. La taille du Parc Georges Valbon, un des poumons du département, s’est également accrue, avec une extension du terrain dit « des essences ».
AJ : Les Jeux auront-ils transformé le canal ?
Adrien Delacroix : Le canal de Saint-Denis est très bâti car il a servi aux activités industrielles. Cela fait partie de l’histoire du territoire. Nous sommes dans une logique d’ouvrir les villes sur le canal et la Seine. Ce sont des aménagements importants. Le canal fait plus de 5 kilomètres. Des zones sont en cours de réaménagement pour permettre plus d’accessibilité, des balades piétonnes et cyclistes. L’objectif est de poursuivre ces aménagements, pas seulement au niveau des villages olympiques mais au-delà, le long de la Seine côté Saint-Denis et côté Saint-Ouen.
Référence : AJU016g4