Décret du 24 juin 2022 : de nouvelles mesures pour accélérer le traitement du contentieux de l’urbanisme

Publié le 26/09/2022
Urbanisme
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Le décret n° 2022-929 du 24 juin 2022 portant modification du Code de justice administrative et du Code de l’urbanisme, publié au Journal Officiel du 25 juin 2022, étend le champ d’application de la suppression du degré d’appel en contentieux de l’urbanisme et fixe à dix mois le délai de jugement des contentieux contre les refus d’autorisation d’urbanisme.

D. n° 2022-929, 24 juin 2022, portant modification du Code de justice administrative et du code de l’urbanisme, NOR : TREL2138193D

Le décret n° 2022-929 du 24 juin 2022 portant modification du Code de justice administrative et du Code de l’urbanisme s’inscrit de manière évidente dans la logique d’accélération du traitement du contentieux de l’urbanisme. Il vise les dispositions des articles R. 811-1-1 du Code de justice administrative et R. 600-6 du Code de l’urbanisme.

Concernant l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative. Depuis le décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme, l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative prévoit que « les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du Code général des impôts et son décret d’application. »

Ce texte, légèrement remanié par décrets1, devait initialement s’appliquer de manière provisoire jusqu’au 1er décembre 2018. Les différentes évolutions que l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative a connues ont eu pour effet d’étendre son application dans le temps ou d’écarter son application pour les autorisations d’urbanisme afférentes aux opérations d’urbanisme et d’aménagement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Prolonger dans le temps l’application des dispositions de l’article R. 811-1-1. Le décret du 24 juin 2022 a d’abord pour effet de laisser perdurer l’application de cet article pour les recours introduits entre le 1er septembre 2022 et le 31 décembre 2027.

Élargir le champ d’application des dispositions de l’article R. 811-1-1. De manière plus notable encore, cet acte réglementaire étend la suppression du degré d’appel pour des contentieux liés :

  • « Aux actes de création et d’approbation du programme des équipements publics des zones d’aménagement concerté (ZAC) portant principalement sur la réalisation de logements et qui sont situées en tout ou partie en zone tendue ;

  • à des décisions prises en matière environnementale relatives à des actions ou opérations d’aménagement situées en tout ou partie en zone tendue et réalisées dans le cadre des grandes opérations d’urbanisme (GOU) ou d’opérations d’intérêt national (OIN). Ces actions ou opérations pourront notamment être susceptibles de favoriser le développement de l’offre de logements et le renouvellement urbain »2.

L’élargissement du champ d’application de l’article R. 811-1-1 tient compte des risques engendrés par la jurisprudence stricte du Conseil d’État qui prévoit que la suppression du deuxième degré de juridiction ne s’applique qu’à la construction de logements supplémentaires3. En application d’une telle jurisprudence, les actes de création et d’approbation du programme des équipements publics des (ZAC) ou les décisions prises en matière environnementale relatives à des actions ou opérations d’aménagement n’auraient pas pu bénéficier de la suppression de l’appel.

Concernant l’article R. 600-6 du Code de l’urbanisme. Créé par le décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du Code de justice administrative et du Code de l’urbanisme (parties réglementaires), l’article R. 600-6 du Code de l’urbanisme prévoit initialement : « Le juge statue dans un délai de dix mois sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d’aménager un lotissement. La cour administrative d’appel statue dans le même délai sur les jugements rendus sur les requêtes mentionnées au premier alinéa. »

Depuis le 1er septembre 2022, le premier alinéa de l’article R. 600-6 du Code de l’urbanisme dispose : « Le juge statue dans un délai de dix mois sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements, contre les permis d’aménager un lotissement ou contre les décisions refusant la délivrance de ces autorisations. »

En permettant au contentieux du refus de délivrance des autorisations d’urbanisme de bénéficier d’un temps de traitement plus rapide, le décret du 24 juin 2022 prend davantage en compte la situation des constructeurs qui se heurteraient à des refus infondés prononcés par l’autorité administrative compétente en la matière.

Ces dispositions avaient initialement pour objet de limiter dans le temps l’effet bloquant des recours contre les permis car il ne peut être ignoré qu’il arrive « que le recours [contre une autorisation d’urbanisme] soit exercé dans l’intérêt de nuire ou dans celui d’exercer un chantage, le requérant tablant sur la lassitude du constructeur qui aura intérêt à lui accorder une somme d’argent en échange d’un désistement d’action »4.

L’unification du délai de traitement du contentieux de l’urbanisme a pour effet d’apporter un peu plus de cohérence au contentieux de l’urbanisme alors que les situations de refus abusifs peuvent être pareillement néfastes pour encourager la construction de logements.

De manière plus générale. L’accélération du contentieux de l’urbanisme est de nature à permettre une réponse plus rapide pour les honnêtes requérants tout en soutenant l’activité des acteurs de la construction de logements. D’une ampleur somme toute très raisonnable, il peut être concédé que ce décret va dans le bon sens, même s’il demeure une absence de sanction quant au respect des dispositions de l’article R. 600-6 du Code de l’urbanisme par les juridictions et une difficulté notable en l’état des moyens accordés pour respecter ces délais.

Notes de bas de pages

  • 1.
    D. n° 2018-617, 17 juill. 2018, art. 3 ; D. n° 2018-1249, 26 déc. 2018, art. 3.
  • 2.
    D. n° 2022-929, 24 juin 2022.
  • 3.
    En ce sens, v. CE, 16 mai 2018, n° 414777 : Lebon T ; AJDA 2018, p. 1008.
  • 4.
    R. Thiele, « Recours bloquants contre les projets immobiliers, l’expérience de la chambre de l’urbanisme du Tribunal administratif de Marseille », BJDU 4/2013, p. 252.
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