À Évry, Genopole fait émerger les biotechs de demain
Situé à Évry-Courcouronnes depuis 1998, Genopole est un lieu d’excellence scientifique dédié à l’innovation en biotechnologies. Chercheurs et scientifiques y développent les thérapies et biotechnologies de demain. Pour faire émerger les projets les plus innovants, le site accompagne dès leurs balbutiements des start-up de biotechnologies appliquées à la santé et à l’environnement qui viendront booster l’activité économique du territoire. Juline Beudez, responsable du programme d’accompagnement des start-up innovantes, présente pour Actu juridique les deniers projets incubés à Genopole. Rencontre.
Actu-Juridique : Comment est né le programme Gene.iO, qui accompagne les jeunes entreprises ?
Juline Beudez : Ce programme a été lancé en 2021. Nous avons repensé un dispositif précédent, que nous avons amélioré pour être le plus proche possible des besoins des start-up. L’objectif est de les aider à accéder à leurs premières levées de fonds et de leur permettre de tisser les premiers partenariats avec des industriels. Nous faisons avec elles un état des lieux, listons les points forts de leurs projets et ceux, plus faibles, qu’elles doivent travailler. En fonction des points faibles identifiés, nous proposons différents packs d’accompagnement, pour la levée de fonds, les partenariats grands compte, le market access, la pré-industrialisation. Les créateurs de start-up choisissent les packs qui leur sont le plus utiles. Nous travaillons sur mesure, chaque start-up est accompagnée de manière individuelle.
AJ : Quels sont les critères à remplir pour bénéficier de cet accompagnement ?
Juline Beudez : Notre premier critère est que les start-up aient un socle de biotechnologie et soient innovantes. Nous sélectionnons des entreprises qui ont déjà fait une « preuve de concept », ou, en d’autres termes, qui aient déjà prouvé que la technologie qu’elles veulent développer a du potentiel. Par exemple, un projet basé sur une nouvelle molécule thérapeutique doit avoir fait l’objet de premiers essais sur des cellules en laboratoire, avant de passer sur des tests animaux. Cela donne un premier indice permettant de penser que le projet que l’entreprise entend développer devrait fonctionner. Les candidats doivent également apporter une « preuve d’intérêt du marché » : avoir identifié un besoin du marché, ou obtenu des premiers retours de partenaires intéressés par le développement de leur technologie. Elles doivent en outre avoir une stratégie de propriété intellectuelle, savoir si des brevets dans leur domaine ont déjà été déposés, ou s’il y a une négociation à faire avec des instituts publics de recherche. Enfin, elles doivent être sûres de l’équipe à constituer, s’assurer d’avoir les compétences nécessaires ou la possibilité de recruter des profils correspondant au plan technologique et au projet de développement.
AJ : Comment sont ensuite sélectionnés les candidats ?
Juline Beudez : Nous faisons un appel à candidatures tous les ans. La sélection se fait en deux phases, d’abord par l’expertise interne de Genopole, ensuite par un comité d’experts de l’écosystème. Nous recevons une quarantaine de projets de start-up et en retenons entre 5 et 10. Il y a une donc une forte sélection. C’est ce qui nous permet de bien accompagner le petit groupe de projets retenus. Genopole apporte un premier niveau de conseil. Nous faisons ensuite appel à des cabinets d’expertise pour aller plus loin.
AJ : D’où viennent les candidats ?
Juline Beudez : En amont du programme Gene.Io, Genopole a un programme, Shaker, dédié aux porteurs de projet, qui propose un accompagnement à tous ceux qui envisagent de créer une start-up dans le domaine biotech. Nous leur donnons accès à un laboratoire tout équipé pour qu’ils puissent faire leurs expérimentations et montrer que leur technologie fonctionne. Nous les accompagnons également sur le volet business pour les aider à structurer cette idée avec des notions de modèle économique. Et pour qu’ils se testent : il arrive que les aspirants à la création d’entreprise aient une idée de l’entreprenariat et se rendent finalement compte que cela ne leur correspond pas. Ces projets accompagnés par le programme Shaker, quand ils sont assez matures, intègrent Gene.Io. Nous communiquons aussi vers l’extérieur et avec des partenaires qui diffusent l’offre et nous permettent de capter des entreprises qui viennent d’ailleurs.
AJ : Quelles entreprises ont ainsi émergé au sein de Genopole ?
Juline Beudez : Le programme Gene.Io a trois ans. Vingt-deux start-up ont été accompagnées depuis son démarrage. Parmi les start-up qui y sont passées, nous avons la société Nutropy, qui fabrique une alternative au fromage : un produit sans protéine animale qui a le goût, la texture et les propriétés organoleptiques du fromage, sans venir de l’exploitation d’un animal et en réduisant donc l’impact environnemental. Les créatrices de la start-up ont réussi à faire une levée de fonds de plusieurs millions. Autre exemple, la société STH biotech, qui produit des cannabinoïdes, c’est-à-dire la partie CBD du cannabis. Cette dernière regroupe différentes molécules actives, sans psychotrope, qui ont un intérêt pour l’industrie dermatocosmétique et pharmaceutique. La start-up produit ces molécules au travers de plantes, et a également réussi une belle levée de fonds. Nous avons aussi la société Phagos, qui fait de la phage thérapie. Le phage, aussi appelé virus bactérien, est un micro-organisme présent dans les eaux d’égout, qui attaque naturellement certaines bactéries. Enfin, nous avons la société Byorna, parvenue à faire sauter un verrou technologique pour produire de l’ARN à grande échelle. Cette technologie devrait permettre d’aider à sauver les patients atteints de cancer ou de maladies rares.
AJ : Certains produits sont-ils déjà sur le marché ?
Juline Beudez : Non, car le temps de mise sur le marché en biotechnologie est compris entre 5 et 10 ans. L’intérêt des dispositifs d’accompagnement de Genopole est justement de permettre aux entreprises de se développer en amont de la phase de mise sur le marché, et de dégager un chiffre d’affaires non pas par de la commercialisation mais par des collaborations et partenariats avec des industriels, des levées de fonds, des rachats de technologies par des sociétés déjà établies. Cela permet aux jeunes start-up d’avoir les moyens pour continuer à développer les produits jusqu’à ce qu’elles soient suffisamment matures pour arriver sur le marché.
AJ : Quelles sont les retombées économiques pour le territoire ?
Juline Beudez : Nous misons sur des projets très jeunes. L’idée est que les start-up prometteuses s’installent ensuite dans nos locaux, grandissent, recrutent. Elles peuvent rejoindre ensuite une autre partie de Genopole, dédiée aux start-up plus matures, dont certaines ont déjà des produits sur le marché. Genopole leur offre des locaux disponibles, une denrée rare et des plateformes technologiques dotées d’équipements de pointe très coûteux. Les entreprises mutualisent ces coûts importants. Cela crée un dynamisme et des retombées économiques importantes sur le territoire d’Évry. Genopole, qui était d’abord une association loi de 1901, est d’ailleurs devenu en 2002 un groupement d’intérêt public, financé par diverses collectivités : l’État, les collectivités territoriales du département, l’université d’Évry et l’Association française contre la myopathie. Ces structures nous financent car elles savent qu’elles auront en retour un développement économique. Le territoire jouit d’un écosystème riche, avec un hôpital, des laboratoires de recherche académiques et des sociétés privées. C’est tout cet environnement qui permet de faire émerger des innovations et les produits biotechnologiques de demain.
Référence : AJU016a0