Activisme actionnarial : pas de Big bang réglementaire en vue

Publié le 13/12/2019

Le Club des juristes a présenté à la presse le, 7 novembre dernier,  le rapport d’un groupe de travail piloté par Michel Prada sur l’activisme actionnarial. Celui-ci préconise de réguler ce nouveau phénomène en douceur.

Décidément, l’activisme actionnarial est le sujet du moment. Alors que le rapport de la mission d’information relative à l’activisme actionnarial, par les co-rapporteurs Éric Woerth et Benjamin Dirx, venait enfin d’être mis en ligne sur le site de l’Assemblée nationale le 7 novembre dernier (www.assemble-nationale.fr), le même jour, le Club des juristes présentait à la presse les conclusions du groupe de travail piloté par Michel Prada sur… le même sujet. Un pur hasard selon l’intéressé qui confie avoir certes été auditionné par la commission parlementaire, mais sans qu’il y ait davantage de liens entre les deux chantiers. À l’arrivée cependant, les conclusions sont assez similaires. En particulier sur la meilleure manière d’aborder le phénomène.

S’il inquiète les entreprises, Michel Prada a tenté de les rassurer lors de la présentation, en affirmant que ni d’un côté ni de l’autre, il n’est jugé souhaitable de légiférer brutalement. Et cela tombe bien parce que l’un des premiers constats des auteurs du rapport c’est qu’il est pour le moins difficile de trouver une catégorie juridique qui permettrait de qualifier l’activisme actionnarial. Il ne s’agit en effet que de l’utilisation par les actionnaires des droits et outils des minoritaires. Il n’empêche, l’observation montre que certains de ces comportements peuvent être préjudiciables au marché.

En réalité cela se déroule en deux phases. Durant la première, l’activiste entre en contact avec l’entreprise pour tenter de la convaincre de la légitimité de sa position. Et ce n’est qu’en cas d’échec que se déclenche réellement l’activisme, c’est-à-dire la phase publique. D’où la démarche du groupe de travail consistant à chercher des remèdes à un phénomène qui ne pêche pas dans sa nature, mais dans ses excès.

Activisme actionnarial : pas de Big bang réglementaire en vue

Ce qui distingue en effet l’actionnaire classique de l’activiste c’est le caractère public de l’action entreprise par le second. D’où une première proposition consistant à renforcer la transparence applicable à ces investisseurs qui tentent d’influencer la stratégie d’un émetteur en leur demandant de déclarer leur niveau de participation. Autre préconisation, soumettre les informations diffusées par les activistes à des règles comparables à celles qui s’appliquent aux recommandations d’investissement. Évidemment, les auteurs se sont très vite retrouvés confrontés à la pratique du « prêt emprunt de titres » et à la question délicate de l’exercice des droits de vote. L’activiste peut en effet emprunter des titres juste avant l’assemblée générale afin de renforcer son poids à l’assemblée, sans toutefois supporter le risque économique d’un véritable actionnaire. Le problème est ancien et avait donné lieu d’ailleurs à un rapport de l’AMF, piloté par Yves Mansion, en 2008 ; celui-ci avait envisagé alors la suspension du droit de vote pour l’emprunteur, tout en soulignant la complexité juridique d’une telle option. Il pourrait être envisagé de limiter cette suspension aux titres empruntés dans un certain délai précédant l’assemblée ou encore on pourrait retenir la solution de certaines sociétés de gestion qui rapatrient leurs titres avant la tenue des assemblées. Toujours dans leur logique d’appréhension du problème par la soft law, les auteurs du rapport préconisent, quant à eux, de généraliser la pratique consistant à prévoir dans le contrat l’interdiction pour l’emprunteur d’exercer le droit de vote. Une telle solution, contractuelle, éviterait de passer par la loi.

Le deuxième axe pour réguler en douceur l’activisme actionnarial, proposé dans le rapport Activisme actionnarial, élaboré par un groupe de travail dirigé par Michel Prada, consisterait à renforcer le dialogue initial, l’activisme étant appréhendé ici comme l’échec du dialogue actionnarial. Cela pourrait passer par la création d’une plate-forme de dialogue actionnarial permettant aux investisseurs de mettre en commun leurs revendications et d’engager un dialogue le cas échéant avec l’émetteur. Autre idée, encourager le dialogue entre administrateurs et actionnaires et inciter à la mise en œuvre systématique de celui-ci avant le lancement d’une campagne d’activisme. Le groupe de travail émet l’idée de créer un guide du dialogue actionnarial qui pourrait être rédigé conjointement par les émetteurs, les investisseurs, les régulateurs et les autres acteurs du marché.

Enfin, les auteurs du rapport estiment que les régulateurs ont un rôle capital à jouer en la matière. Ils recommandent ainsi d’augmenter les pouvoirs de l’AMF pour lui permettre d’exiger que les investisseurs et pas seulement les émetteurs corrigent ou complètent leurs déclarations publiques. De même, ce pourrait être l’occasion pour l’European securities and markets authority (ESMA) de clarifier l’action de concert dans le cadre d’une campagne activiste. En guise de conclusion, le groupe de travail insiste sur l’absence de nécessité de légiférer en la matière. Il vaut mieux estime-t-il privilégier le droit souple afin d’encourager les bonnes pratiques, sous l’égide de régulateurs aux pouvoirs renforcés. Affaire à suivre…

LPA 13 Déc. 2019, n° 149h1, p.3

Référence : LPA 13 Déc. 2019, n° 149h1, p.3

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