Les dangers liés aux faux courtiers sur internet

Par un communiqué du 4 septembre 2024, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a alerté le public contre la multiplication de fausses offres de prêt immobilier ou de rachat de crédit proposés par des individus usurpant l’identité de courtiers. Le superviseur appelle alors à la vigilance.
1. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), c’est-à-dire le superviseur des banques et des assurances, a, le 4 septembre dernier, rendu public sur son site internet un communiqué de presse mettant en garde le public sur la multiplication de fausses offres de prêt immobilier ou de rachat de crédit émanant d’escrocs ayant usurpé l’identité de courtiers (voire de certains établissements prêteurs).
2. Pour mémoire, le courtier en crédit relève de l’une des catégories d’intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) : c’est un COBSP1. Il est chargé de négocier, pour un emprunteur, les meilleures conditions de financement auprès des banques (beaucoup de ces intermédiaires en crédit agissent simultanément comme conseillers en investissement).
3. Deux situations frauduleuses sont alors précisément décrites par l’ACPR dans son communiqué (I), qui mentionne ensuite certaines précautions à suivre afin de limiter les risques en la matière (II).
I – Les deux situations dénoncées
4. Deux hypothèses occasionnent aujourd’hui, semble-t-il, des difficultés accrues : les fausses offres de crédit (A) et les fausses offres de rachat de crédit (B).
A – Les fausses offres de crédit immobilier
5. Concernant les fausses offres de crédit immobilier, le communiqué du superviseur indique qu’un certain nombre de victimes sont d’abord amenées à transmettre leurs coordonnées en répondant à des publicités sur les réseaux sociaux ou sur de faux sites de comparateurs de crédits. Par la suite, elles sont démarchées par téléphone ou par courriels par des individus se prétendant comme travaillant pour des courtiers autorisés à exercer dans notre pays.
6. Il est à noter que, pour renforcer leur discours, et lui donner plus de crédibilité, les escrocs utilisent souvent des adresses email ressemblant à celles de véritables professionnels. De même, ils n’hésitent pas à produire des documents ayant pour en-tête les logos de ces mêmes professionnels. Nous sommes alors en présence de véritables « manœuvres frauduleuses » au sens de l’article 313-1 du Code pénal prévoyant le délit d’escroquerie.
7. Or, une fois la fausse offre de crédit signée par l’emprunteur victime, le délinquant demande à ce dernier de bien vouloir lui verser leur apport personnel par virement sur des comptes « qui sont parfois ouverts auprès des établissements dont l’identité est usurpée ». On peut également imaginer la demande de paiement de frais de dossiers, des taxes imaginaires, etc.
8. On indiquera, même si l’ACPR ne dit mot sur ce point, que les fausses offres de crédit ont parfois une autre finalité que celle évoquée par le superviseur dans son communiqué : l’obtention d’informations et de justificatifs de la part de la victime2. En effet, l’escroc demandera à cette dernière des informations sur son état civil, son adresse, son numéro de téléphone, son adresse mail, etc., mais aussi diverses pièces justificatives (pièces d’identité, fiches de paie, justificatif de domicile de moins de trois mois, RIB) à envoyer sous format numérique.
9. Dans ce cas, il n’y aura pas de détournement immédiat de fonds. Les données en question ne permettront pas au délinquant d’opérer directement des virements à partir du compte de sa victime ; les exigences nouvelles liées à l’authentification forte limitent désormais un tel risque3. En revanche, avec les documents et les informations reçus, l’auteur des faits sera en mesure de se faire ouvrir un compte. Il pourra alors utiliser ce dernier pour dissimuler le produit de différentes infractions. La victime risque alors se voir accusée de blanchiment d’argent4. Surtout, l’escroc pourra chercher à obtenir, toujours à l’aide des informations et documents obtenus, un crédit à la consommation5. Le fraudeur sera alors libre de dilapider cet argent, et ce sera sa victime qui subira l’action en paiement menée par le prêteur non remboursé.
B – Les fausses offres de rachat de crédit
10. Concernant les fausses offres de rachat de crédit, l’ACPR observe que les victimes sont souvent des personnes ayant réalisé récemment des travaux de rénovation énergétiques (panneaux photovoltaïques, pompes à chaleur, isolation, etc.). Elles sont alors démarchées par téléphone ou par courriel pour leur proposer un rachat par des personnes se présentant, ici à nouveau, comme travaillant pour des courtiers, voire pour le ministère de la Transition écologique. Les victimes sont, ensuite, amenées à transmettre à l’escroc tous les éléments pour pouvoir réaliser une demande de prêt.
11. Dès lors, lorsque le crédit est accordé par un véritable établissement prêteur, et que les fonds sont débloqués par ce dernier, les victimes sont invitées à faire un virement pour rembourser de façon anticipée le premier concours. Or, en réalité, le compte désigné ici est celui de l’escroc. Les victimes se retrouvent par conséquent débiteurs des deux prêts à la fois.
12. Selon l’ACPR, cette forme d’arnaque est particulièrement préoccupante. En effet, elle va concerner des personnes déjà endettées. Cela aggravera donc encore leur situation financière.
II – Les conseils à suivre
13. Avant de répondre à de telles offres, il est important que le client s’assure que son interlocuteur est bien un employé d’une société de courtage déterminée. Pour ce faire, il lui est recommandé par l’ACPR dans son communiqué de réaliser un contre-appel au siège de cette même société à partir d’un numéro trouvé par l’intéressé (et surtout pas en employant celui qui a été éventuellement fourni par le soi-disant professionnel).
14. Par ailleurs, il est noté que les escrocs utilisent de multiples noms de domaines ressemblant à ceux des courtiers (ou des établissements de crédit) autorisés à exercer leur activité sur le territoire national.
15. Sur ce dernier point, il est rappelé que l’ACPR publie des « listes noires » recensant les noms de domaine ayant déjà été identifiés dans le cadre d’offres frauduleuses. À titre d’exemple, l’autorité a détecté des sites frauduleux tels que https://eligibilite-credit.com/ ou https://comparateur-taux-credit.com. Il est donc recommandé de consulter ces listes pour vérifier que le site concerné n’y figure pas. Il est d’ailleurs utile de faire cette vérification à plusieurs reprises, car des mises à jour sont fréquemment réalisées pour inclure les nouvelles fraudes détectées.
16. Dans tous les cas, si une personne se retrouve victime de l’une des deux situations dénoncées précédemment, l’ACPR l’invite à déposer une plainte dans les meilleurs délais. Le récépissé du dépôt de plainte sera ainsi important pour effectuer certaines démarches ultérieures, notamment auprès de l’assurance ou pour d’éventuelles actions en justice.
17. On ajoutera que certains indices doivent impérativement susciter la vigilance : des taux d’intérêt anormalement bas6, des durées de remboursement bien trop longues7, des taux de remboursement excédant les 35 %, des offres à durée très limitée8, des demandes de signature méconnaissant le délai légal de réflexion9, des demandes de versement d’argent avant l’obtention du prêt10, ou encore des virements à effectuer sur des comptes personnels ou des comptes à l’étranger.
18. Dans une interview accessible sur internet11, le responsable d’une association représentative de courtiers12, M. Robet, indique que de tels « agissements, qui relèvent des qualifications pénales d’escroquerie, faux, usage de faux et usurpation d’identité, portent atteinte à la probité d’une profession strictement réglementée ». Il rappelle alors que « les clients et futurs clients de nos adhérents doivent savoir qu’un courtier, dans le cadre d’un mandat de recherche de capitaux, ne peut en aucun cas demander de verser l’apport du projet sur son compte. Il ne peut pas non plus demander un acompte ni facturer ses honoraires avant le premier déblocage des fonds. Cette pratique est formellement interdite par le Code monétaire et financier qui régit notre profession »13.
19. L’intéressé mentionne d’ailleurs deux autres précautions à suivre par les personnes démarchées : d’une part, vérifier l’immatriculation du courtier à l’Orias (c’est-à-dire le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance), et, d’autre part, s’assurer de son adhésion à l’une des associations professionnelles agréées par l’ACPR, à défaut de laquelle le professionnel n’est pas autorisé à exercer. M. Robet rappelle ainsi qu’un véritable courtier fera toujours figurer, dans ses communications et les mentions légales de son site internet, son numéro ORIAS et son adhésion à une association agréée. La vérification n’est donc pas difficile à faire.
20. Dans tous les cas, seule une information massive des clients permettra de limiter les impacts de tels faux courtiers. Il est donc important que l’ACPR communique ainsi en la matière. Un relai doit, en outre, être réalisé par les banques elles-mêmes. Dit autrement, cet effort de transparence doit se poursuivre et se renforcer.
Notes de bas de pages
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1.
Cet acronyme veut dire : « Courtier en opérations de banque et en services de paiement ».
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2.
J. Lasserre Capdeville, Les « arnaques aux crédits » : RD bancaire et fin. juill.-août 2022, focus, p. 5 – Ici, il s’agira le plus souvent de crédits à la consommation.
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3.
J. Lasserre Capdeville, M. Storck, M. Mignot, J.-P. Kovar et N. Éréséo, Droit bancaire : 4e éd., 2024, Dalloz, Précis, nos 1483 et s.
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4.
C. pén., art. 324-1.
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5.
Le droit lui facilite d’ailleurs la tâche. En effet, il résulte de l’article L. 312-17 du Code de la consommation que lorsqu’un crédit est accordé « au moyen d’une technique de communication à distance », le prêteur est libre d’accorder un concours sans avoir à demander de justificatifs à son client du moment que le prêt est inférieur ou égale à 3 000 € – Pour des critiques concernant cette dernière solution, J. Lasserre Capdeville et G. Poissonnier, « L’obtention de pièces justificatives en matière de crédit à la consommation : état des lieux du droit applicable », Lexbase Hebdo, éd. affaires, 3 déc. 2020, n° 657, n° N5361BYM.
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6.
Tel est le cas, par exemple, en cas de taux fixe à 1 % sur 20 ans alors que la moyenne du marché est bien supérieure.
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7.
Par ex., au-delà de 27 ans.
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8.
Par ex., une proposition valable « uniquement aujourd’hui ».
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9.
Ce dernier, qui est de 10 jours, figure à l’article L. 313-34 du Code monétaire et financier.
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10.
Par ex., en prétextant des frais de « garantie » ou de « réservation » du taux.
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11.
https://lext.so/mSkBWe.
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12.
Les courtiers sont dans l’obligation légale d’adhérer à une telle association, C. mon. fin., art. L. 519-11 – J. Lasserre Capdeville, « Intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement. Exercice de l’activité », JCl. Droit bancaire et financier, fasc. 36, 2022, nos 104 et s.
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13.
L’auteur fait ici référence à l’article L. 519-6, alinéa 1er, du Code monétaire et financier.
Référence : AJU015k2
