La garantie de conformité enfin adaptée à l’ère numérique
L’ordonnance du 29 septembre 2021 a introduit, dans le Code de la consommation, des règles nouvelles relatives à la garantie de conformité des biens et des services et contenus numériques fournis aux consommateurs. Il s’agissait de transposer la directive n° 2019/770 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques et la directive n° 2019/771 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens.
Ord. n° 2021-1247, 29 sept. 2021, relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques, NOR : ECOC2121017R
Avec quelques mois de retard, la directive n° 2019/770 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques et la directive n° 2019/771 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens ont été transposées en droit français par l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 20211. Alors que le numérique occupe une place de plus en plus importante et que les habitudes de consommation s’en trouvent profondément modifiées, la modernisation des règles protectrices des consommateurs était nécessaire2.
À compter du 1er janvier 2022, les contrats de vente et les contrats de fourniture de services et contenus numériques conclus avec les consommateurs seront impérativement soumis aux nouvelles dispositions du Code de la consommation, lesquelles sont d’ordre public3.
Assurément, la garantie légale de conformité est perçue comme étant au centre de cette réforme. Ainsi, les dispositions existantes sur la garantie de conformité sont modifiées afin de pouvoir s’appliquer à des biens comportant des éléments numériques tant les objets connectés sont désormais incontournables au quotidien. Toutefois, de nouvelles règles sont créées non seulement pour adapter la garantie de conformité aux services et aux contenus numériques, mais également encadrer les contrats qui en assurent la fourniture et sont à limite du contrat de vente et de prestation de service4.
On ne peut s’empêcher de constater une complexité croissante des biens qui doivent être appréhendés par le droit. Ce qui, inévitablement, rend les règles applicables plus techniques et plus difficilement compréhensibles à première lecture.
La preuve en est que l’article liminaire du Code de la consommation intègre désormais de multiples définitions pour éclairer la notion de producteur, de bien comportant des éléments numériques, de données à caractère personnel et définir ce que l’on entend par support durable, fonctionnalité, compatibilité, interopérabilité et durabilité.
En outre, l’obligation d’information mise à la charge des professionnels s’alourdit encore. En effet, le nouvel article L. 111-1, 1°, qui vise l’information sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, englobe désormais « celles du service numérique ou du contenu numérique, compte tenu de leur nature et du support de communication utilisé, et notamment les fonctionnalités, la compatibilité et l’interopérabilité du bien comportant des éléments numériques, du contenu numérique ou du service numérique, ainsi que l’existence de toute restriction d’installation de logiciel ». Dans le même ordre d’idées, alors que le producteur de biens informe le vendeur de la période de disponibilité de pièces détachées indispensables, le producteur de biens comportant des éléments numériques devra indiquer la durée au cours de laquelle les mises à jour logicielles qu’il fournit restent compatibles avec les fonctionnalités du bien5.
Parallèlement, la notion de prix en tant que contrepartie due par le consommateur évolue. En effet, à l’heure du « tout numérique », il est désormais courant de proposer aux consommateurs des services ou des contenus numériques sans que ces derniers paient une somme d’argent en contrepartie. Cela n’est cependant pas gratuit, contrairement à ce qu’ils pourraient penser. La plupart du temps, les fournisseurs se rémunèrent en demandant au consommateur de leur livrer des données personnelles qu’ils pourront par la suite exploiter commercialement. Parfois, ils se contentent d’imposer au consommateur de regarder des publicités pour avoir accès à un certain contenu. Toujours est-il que désormais, en l’absence de prix stipulé, le professionnel sera tenu d’informer le consommateur sur la nature de l’avantage qu’il devra procurer en contrepartie6.
Évidemment, l’objectif est de protéger efficacement le consommateur de biens numériques et de lui garantir la conformité à l’usage qu’il en attend. Or, compte tenu de la technicité croissante des biens et dans la mesure où ces biens et services numériques s’intègrent dans l’environnement numérique de l’utilisateur, la garantie de conformité devait s’adapter.
Bien que le Code de la consommation distingue dans des chapitres différents la conformité des biens7 et la conformité des services et contenus numériques8, il est possible de noter des tendances similaires. Ainsi, la garantie de conformité s’élargit (I), les remèdes à disposition du consommateur sont plus nombreux (II), les conditions de l’action quant aux délais et la preuve du défaut se veulent plus protectrices (III) mais la lisibilité de l’ensemble perd en clarté. Espérons que le consommateur saura s’y retrouver !
I – Élargissement de la garantie légale de conformité
La garantie de conformité voit son champ d’application modifié (A), tandis que la notion même de conformité s’adapte à l’évolution des technologies numériques (B).
A – Le nouveau champ d’application de la garantie légale de conformité
Il convient en premier lieu de signaler que le consommateur n’est plus le seul bénéficiaire de la garantie légale de conformité. En effet, le non-professionnel qui n’est pas plus qualifié que le consommateur moyen face à la complexité croissante des biens et face à la science du numérique se voit désormais reconnaître la possibilité d’invoquer la garantie légale de conformité du Code de la consommation9.
Parallèlement, le vendeur professionnel se voit également responsable de la prestation d’un tiers lorsque la vente d’un bien contient un service ou un contenu numérique intégré qui est fourni par un tiers10, ou lorsque l’intégration d’un service numérique dans l’environnement numérique du consommateur est réalisée sous sa responsabilité.
On notera que de nouvelles exclusions se sont ajoutées à celles qui existaient par rapport aux biens susceptibles d’être garantis11. Ainsi, les animaux sont désormais exclus de la garantie légale de conformité. L’ordonnance a pris acte de l’impossibilité de remplacer un animal de compagnie, formellement reconnue par la Cour de cassation dans un arrêt de 2015, dans un arrêt rendu à propos d’un chien de compagnie affecté par une maladie à l’origine de graves troubles oculaires12. S’agissant des services et contenus numériques, certaines exclusions sont également prévues à l’article L. 224-25-3 du Code de la consommation, notamment les services numériques financiers, les jeux d’argent en ligne… De même, on notera que les administrations offrent de plus en plus de services numériques à travers des applications, ces services et contenus n’étant pas saisis par les règles relatives à la garantie de conformité.
Quoi qu’il en soit, lorsque la garantie s’applique, l’appréhension du défaut de conformité doit s’adapter face une métamorphose de la notion de conformité13.
B – Une nouvelle approche du défaut de conformité
D’une part, la notion de conformité intègre dorénavant des préoccupations très techniques comme l’interopérabilité, les mises à jour logicielles et la compatibilité à l’environnement numérique du consommateur14. À cet égard, la compatibilité avec l’environnement numérique semble impliquer une obligation de coopération du consommateur, tout au moins dans le cadre d’un contrat de fourniture de contenu ou de service numérique. En effet, en principe, le professionnel est censé avoir informé le consommateur sur les exigences de compatibilité du service ou du contenu et dès lors que le consommateur a conclu le contrat en connaissance de cause, le nouvel article L. 224-24-16, II, du Code de la consommation exclut que l’on invoque un défaut de conformité résultant de l’incompatibilité. Toutefois, il appartient au professionnel de démontrer avec la coopération du consommateur que le défaut est dû à l’incompatibilité de l’environnement numérique du consommateur avec le service ou le contenu fourni. En l’absence de coopération, ce sera le consommateur qui aura la charge de la preuve négative que le défaut est étranger à l’incompatibilité. Autant dire que le consommateur aura intérêt à réclamer des précisions en termes de compatibilité au moment où il contracte pour s’assurer que son environnement numérique est apte à fonctionner avec le contenu ou le service qu’il est sur le point d’obtenir. En effet, la vérification de la compatibilité sera probablement la première chose que le professionnel invoquera pour se soustraire à son obligation de garantie.
D’autre part, la conformité s’entend aussi de la cyber sécurité, qu’il s’agisse d’un objet connecté15 ou d’un contenu ou service numérique16. Ainsi l’utilisateur d’une application doit se voir garantir la sécurité de ses coordonnées bancaires.
Parallèlement, la volonté des parties rend la conformité évolutive. En effet, les parties peuvent convenir dorénavant qu’une caractéristique d’un bien ou d’un contenu s’éloigne des critères de conformité. Il sera par la suite impossible de se prévaloir d’un défaut de conformité relativement à cette caractéristique17. Par exemple, le consommateur peut acquérir en connaissance de cause une tablette qui n’est pas dotée de la version la plus récente du logiciel et elle ne supportera pas les prochaines mises à jour. Le consommateur ne pourra pas invoquer un défaut de conformité dans ce cas.
Enfin, faute de pouvoir distinguer la fourniture d’un contenu ou d’un service numérique de la vente et de la prestation de service, il est difficile de faire la part entre ce qui relève de l’inexécution du contrat et ce qui relève du défaut de conformité. Ainsi, dans le cadre d’une fourniture en continu sur une certaine période, l’article L. 224-25-14, I, 4°, compte parmi les critères de conformité le fait que le contenu ou le service numérique soit fourni sans interruption tout au long de cette période. Or l’article L. 224-25-10 du Code de la consommation pose une obligation de fourniture du service au titre de l’exécution du contrat et dont l’inexécution est sanctionnée par la résolution du contrat.
Cependant, il semble possible de considérer que l’on est dans le domaine de l’inexécution contractuelle si le professionnel n’a pas mis à disposition du consommateur le contenu ou le service, tandis que s’il a commencé à fournir le service ou le contenu puisqu’il y a une interruption, on est dans le domaine du défaut de conformité.
Il est évident que pour le consommateur, la différence est à peine palpable et que, pourtant, elle implique des remèdes différents, ce qui ne manquera pas d’être source de contentieux.
II – Accroissement des remèdes à disposition du consommateur
Le consommateur devait déjà jongler avec la garantie des vices cachés du Code civil et la garantie de conformité du Code de la consommation, la Cour de cassation ayant consacré la possibilité de cumuler les deux18 ; dorénavant il devra composer avec d’autres remèdes directement importés du Code civil (A). Sinon, comme auparavant, le consommateur sera mis face à un choix hiérarchisé entre la mise en conformité d’une part et la réduction du prix ou la résolution du contrat d’autre part. Néanmoins, les conditions pour passer de l’un à l’autre ont changé (B).
A – Des remèdes importés du Code civil
En premier lieu, si le professionnel n’exécute pas son obligation de mise en conformité d’un bien ou d’un service ou contenu numérique, le consommateur pourrait suspendre l’exécution de ses propres obligations, qu’il s’agisse d’un paiement ou de la fourniture de données personnelles conformément aux articles 1219 et 1220 du Code civil relatifs à l’exception d’inexécution19. Cela s’adresse plutôt aux consommateurs qui sont liés au professionnel par un contrat à paiement échelonné dans le temps.
En second lieu, si le professionnel refuse la mise en conformité sans que ce refus soit motivé par une réelle impossibilité ou des coûts manifestement disproportionnés au regard de l’importance du défaut et de la valeur de la chose, le consommateur pourra se prévaloir de l’article 1222 du Code civil pour obtenir une chose conforme (par réparation ou remplacement) ou un service conforme20, auprès d’un tiers aux frais du professionnel. Voilà qui devrait motiver le professionnel à trouver une solution.
Parallèlement, lorsque le consommateur ne peut pas utiliser normalement le contenu ou le service numérique en raison d’une violation des droits d’un tiers, notamment ses droits de propriété intellectuelle, bien qu’il s’agisse d’un défaut de conformité, l’article L. 224-25-29 du Code de la consommation prévoit que le consommateur devra agir sur le fondement du droit civil pour voir reconnaître la nullité du contrat ou la responsabilité du professionnel. Il en est de même lorsque c’est l’utilisation d’un objet connecté qui est rendue impossible du fait de la violation des droits d’un tiers21.
B – Une hiérarchie des remèdes aménagée
S’agissant de la mise en conformité des biens, prévue au nouvel article L. 217-9 du Code de la consommation, celle-ci s’entend toujours de la réparation ou du remplacement, avec la possibilité pour le professionnel de ne pas respecter le choix du consommateur s’il s’avère impossible ou entraîne des coûts manifestement disproportionnés. En revanche, le remplacement est inenvisageable pour la mise en conformité des contenus ou services numériques22.
Par ailleurs, auparavant, le consommateur ne pouvait envisager de solliciter la résolution du contrat ou la réduction du prix que lorsque la mise en conformité était impossible, qu’elle ne pouvait être mise en place dans le délai d’un mois, ou bien lorsque celle-ci entraînait des inconvénients majeurs pour le consommateur.
À compter du 1er janvier 2022, peu importe que la mise en conformité soit impossible, le refus du professionnel suffira à permettre au consommateur de solliciter la résolution ou la réduction du prix. Et, à ces cas existants, s’ajoutent deux hypothèses : celle où le consommateur devrait supporter des frais liés au remplacement ou à la réparation comme les frais de réinstallation du bien réparé, et celle où il y a eu une tentative de mise en conformité infructueuse23. En outre, lorsque le défaut de conformité est particulièrement grave, il peut justifier une résolution ou une réduction immédiate24.
Ces nouvelles possibilités de résolution du contrat et de réduction du prix sont particulièrement opportunes. Elles évitent notamment au consommateur de voir durer des situations de défectuosité introuvables.
Reste à savoir ce que la notion de gravité du défaut de conformité recouvre pour pouvoir justifier une résolution immédiate. S’agissant de la fourniture d’un service numérique, il semble que des interruptions ponctuelles soient moins graves que des interruptions récurrentes, mais tout dépend de l’usage qu’en fait le consommateur…
Quoi qu’il en soit, jusqu’à présent, le consommateur était parfois conduit à agir sur le fondement du droit commun des vices cachés, voire des vices du consentement et notamment du dol25 afin de bénéficier de délais d’action plus avantageux.
Cela ne sera sans doute plus nécessaire car de nouvelles conditions de délais s’appliqueront au 1er janvier 2022.
III – De nouvelles conditions de délais
Jusqu’à présent, le délai de garantie et le délai de prescription étaient parfaitement alignés. L’un et l’autre couraient pendant 2 ans à compter de la délivrance du bien26. Parallèlement, afin de faciliter la preuve du défaut de conformité au moment de la délivrance, le défaut apparu dans les 24 mois était présumé exister au moment du transfert. Ainsi, le système était très simple pour le consommateur qui devait agir dans les 2 ans et n’avait pas besoin d’établir la preuve de l’antériorité du vice excepté pour les biens d’occasion pour lesquels la présomption d’antériorité du vice était de 6 mois.
Dorénavant les choses se compliquent.
Certes, la protection du consommateur est renforcée par un allongement du délai de garantie dans de nombreuses hypothèses et un mécanisme d’extension de ce délai (A). Mais, outre qu’il a fallu adapter le délai de prescription, la conciliation des règles relatives aux délais de garantie avec les présomptions d’antériorité du défaut s’avère délicate (B).
A – De nouveaux délais de garantie
S’agissant des biens, le nouvel article L. 217-3 du Code de la consommation prévoit des aménagements selon le type de bien.
Ainsi, pour les biens, y compris les objets intelligents, le délai de garantie est de 2 ans à compter de la délivrance. Rien de nouveau. En revanche, pour les biens qui contiennent des éléments numériques, le texte fait une distinction qui manque de clarté. D’une part, si le bien est étroitement associé à la fourniture continue d’un contenu ou d’un service numérique pendant une durée inférieure ou égale à 2 ans, ou lorsque le contrat ne détermine pas la durée de fourniture, la garantie de ce contenu ou service numérique couvre une période de 2 ans à compter de la délivrance. D’autre part, si la fourniture continue d’un contenu ou d’un service numérique est prévue durer plus de 2 ans, la garantie de ce contenu ou service couvre toute la période. Cela laisse penser qu’il vaut mieux, pour le vendeur, fournir un service numérique pour une durée indéterminée, sachant qu’au bout de 2 ans il ne sera plus tenu d’aucune garantie envers le consommateur, plutôt que de fournir un service sur 3 ans car cela l’engage alors à garantir le service pendant ces 3 ans. Mais que penser du contrat de service numérique fourni pour 1 ou 2 ans, renouvelable par tacite reconduction ? Va-t-on uniquement prendre en considération la durée initiale ?
Cela est d’autant plus perturbant que lorsqu’un contenu ou un service numérique est fourni en continu indépendamment d’un bien, l’article L. 224-25-12 du Code de la consommation prévoit sans distinguo une garantie pendant toute la période de fourniture, ce qui peut être plus de 2 ans mais aussi beaucoup moins si la fourniture est prévue sur 6, 12 ou 18 mois.
S’agissant des présomptions d’antériorité du défaut, elles restent alignées sur les délais de garantie de conformité. En effet, pour les biens, le nouvel article L. 217-7 du Code de la consommation prévoit qu’un défaut apparu dans les 2 ans après la délivrance est présumé exister au jour de la délivrance. Ce délai est de 12 mois au lieu de 6 mois antérieurement pour les biens d’occasion. Quant aux services ou contenus numériques indissociables du bien, le défaut qui apparaît dans les 2 ans pour un service fourni en continu sur une période inférieure ou égale à 2 ans, ou pour une durée non déterminée est présumé avoir existé antérieurement. Et, enfin, le défaut d’un service continu fourni sur une période de plus de 2 ans est toujours présumé antérieur à la délivrance pendant toute cette période.
Pour les services et les contenus numériques fournis en continu indépendamment d’un bien, la présomption d’antériorité couvre toute la période de garantie, qui elle-même couvre la période de fourniture 27. En revanche, la présomption ne vaut que pour les défauts qui apparaissent dans les 12 premiers mois si la fourniture est ponctuelle. Il y a là une incohérence avec le régime applicable à la fourniture d’un service numérique associé à un bien qui est beaucoup favorable au consommateur.
Quoi qu’il en soit, le délai de garantie étant susceptible d’excéder 2 ans, il était nécessaire d’adapter le délai de prescription. Ainsi, dorénavant, les règles de droit commun, à savoir les articles 2224 et suivants du Code civil, s’appliquent28. Cela signifie que le consommateur devra agir dans les 5 ans à compter de la découverte du défaut de conformité étant entendu que ce défaut doit apparaître pendant le délai de garantie.
Cette adaptation de la prescription était d’autant plus nécessaire que le délai de garantie est susceptible d’allongement grâce à un mécanisme d’extension.
B – Un mécanisme d’extension de garantie qui soulève des questions
Afin de favoriser des comportements vertueux et de promouvoir la durabilité des produits, l’ordonnance du 29 septembre 2021 a introduit dans le Code de la consommation, sous un nouvel article L. 217-13, un mécanisme d’extension du délai de garantie dans certaines circonstances.
Ainsi, tout bien réparé dans le cadre de la garantie du défaut de conformité bénéficie d’une extension de cette garantie de 6 mois. Et parallèlement, lorsque le consommateur a choisi la mise en conformité par réparation en première intention mais que le professionnel a remplacé le bien, cela fait courir un nouveau délai de garantie à compter du retour du bien de remplacement.
Certes, cette disposition incitera davantage le professionnel à réparer un bien plutôt que de le remplacer mais inversement, le consommateur préférera sans doute solliciter un remplacement qui lui fera bénéficier d’une nouvelle garantie. En outre, dès lors que le vendeur remplace le bien non conforme, il semble logique qu’une nouvelle garantie s’applique puisque le bien est neuf.
Mais quid du bien d’occasion ? Le texte ne semble pas faire de différence. Ainsi, le consommateur qui a acheté un smartphone reconditionné qui est affecté d’un défaut de conformité devrait bénéficier d’une extension de garantie de 6 mois si on le lui répare. De même, si on lui change son smartphone pour un autre modèle, cela devrait faire courir une autre période de garantie pendant 12 mois.
Cela dit, reste à savoir comment s’articulera ce mécanisme avec les règles posant les présomptions d’antériorité du défaut. En effet, on peut supposer que dans l’hypothèse d’un remplacement, une nouvelle période de garantie s’ouvre. Les règles relatives à la présomption d’antériorité devraient s’appliquer à compter de la délivrance du nouveau bien. En revanche, comment va-t-on articuler l’extension de 6 mois à la suite d’une réparation avec la présomption selon laquelle le défaut apparu dans les 2 ans de la délivrance pour un bien neuf et 12 mois pour un bien d’occasion est présumé exister au jour de la délivrance ? En d’autres termes, est-ce que le délai de 24 ou 12 mois continue à courir à compter de la délivrance initiale du bien ? A priori, la logique le voudrait puisque rien n’est prévu dans le texte. Autant dire alors que l’extension de garantie ne sera pas d’un grand réconfort pour le consommateur dont le bien a été réparé et qui tombe à nouveau en panne au bout de quelques mois. Si le bien a plus de 2 ans, il faudra démontrer l’antériorité du défaut. De plus, dans l’hypothèse de deux réparations successives, devra-t-on considérer que deux extensions de 6 mois se cumulent ou, au contraire, que la seconde extension efface la première ?
Autant de difficultés que les tribunaux devront résoudre.
Les dispositions issues de l’ordonnance sont, quoi que l’on en pense, relativement fidèles aux directives. On regrette cependant que des règles qui sont destinées au premier chef aux consommateurs soient aussi techniques et difficilement compréhensibles à la première lecture alors que, par ailleurs, le Code de la consommation pose des obligations d’information à la charge du professionnel qui doivent être lisibles et compréhensibles…
Notes de bas de pages
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1.
La date initialement prévue était le 1er juillet 2021 (PE et Cons. UE, dir. n° 2019/770, 20 mai 2019, art. 24, et PE et Cons. UE, dir. n° 2019/771, 20 mai 2019, art. 24.)
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2.
V. rapp. remis au président de la République, relatif à l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques : JO n° 0228, 30 sept. 2021, texte n° 8.
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3.
C. consom., art. L. 219-1 nouv., pour les biens ; C. consom., art. L. 224-25-3, pour les services et contenus numériques.
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4.
V. Legrand, « Que devient la garantie de conformité à l’ère numérique ? », LPA 1er juin 2021, n° 200z0, p. 16.
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5.
C. consom., art. L. 111-6 nouv.
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6.
C. consom., art. L. 112-4-1 nouv.
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7.
C. consom., art. L. 217-1 nouv., I et s.
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8.
C. consom., art. L. 224-25-12 et s. nouv.
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9.
C. consom., art. L. 217-32 nouv., pour les biens ; C. consom., art. L. 224-25-31 pour les services et contenus numériques.
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10.
C. consom., art. L. 217-1 nouv., I, al. 4.
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11.
C. consom., art. L. 217-2 nouv.
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12.
Cass. 1re civ., 9 déc. 2015, n° 14-25910 : D. 2016, p. 360, note S. Desmoulin-Canselier. V. également, sur ce point, C. Le Gallou, « Les actions de l’acheteur à raison d’un défaut de la chose. Entre enchevêtrement et nationalisation », AJ contrats 2019, p. 71.
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13.
En ce sens, C. Hélaine, « Adaptation de la garantie légale de conformité pour les biens et les contenus et services numériques », Dalloz actualité, 5 oct. 2021.
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14.
C. consom., art. L. 217-4 nouv., 1°, pour les biens ; C. consom., art. L. 224-25-13, 1°, pour les services et contenus numériques.
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15.
C. consom., art. L. 217-6 nouv.
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16.
C. consom., art. L. 224-25-15 nouv.
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17.
C. consom., art. L. 217-5 nouv., III, pour les biens ; C. consom., art. L. 224-25-14, III, pour les services et les contenus numériques.
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18.
Cass. 1re civ., 1er juill. 2020, n° 19-11119 : Contrats, conc. consom. 2020, comm. 149, obs. S. Bernheim-Desvaux ; Gaz. Pal. 10 nov. 2020, n° 390h5, p. 72, obs. J.-D. Barbier.
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19.
C. consom., art. L. 217-8 nouv., pour les biens ; C. consom., art. L. 224-25-17, pour les services numériques.
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20.
C. consom., art. L. 224-25-19 nouv.
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21.
C. consom., art. L. 217-30 nouv., al. 2.
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22.
C. consom., art. L. 224-25-18 nouv. (le texte n’envisage qu’une mise en conformité sans évoquer le remplacement ou la réparation).
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23.
C. consom., art. L. 217-14 nouv., pour les biens ; C. consom., art. L. 224-25-20, pour les services numériques.
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24.
C. consom., art. L. 217-14 nouv., pour les biens ; C. consom., art. L. 224-25-20, pour les services numériques.
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25.
V. not. Cass. 3e civ., 25 sept. 2020, n° 19-18104.
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26.
C. consom., art. L. 217-12 anc. V. également sur ce point : V. Legrand, « Délai de prescription et délai de garantie de conformité : mise au point par la Cour de justice de l’Union européenne », AJ contrats 2017, p. 448.
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27.
C. consom., art. L. 224-25 nouv.
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28.
C. consom., art. L. 217-3, dernier al. ; C. consom., art. L. 224-25-12, dernier al.
Référence : AJU002n8