Paris (75)

Avec le dynamisme des levées de fonds et du private equity, la place financière de Paris confirme son leadership européen

Publié le 15/03/2022
Finance
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D’après le classement des places boursières les plus attractives en 2021, la place financière de Paris passe de la 25e position à la 10e. Il s’agit de la première place financière de l’Union européenne. Cette étude a été réalisée par le think tank britannique Z/Yen auprès de 13 000 professionnels du secteur. Cette progression s’explique à travers le dynamisme de ces dernières années. Actrice de cette évolution, l’organisation Paris Europlace représente les acteurs de l’industrie financière de la place de Paris. Banques, investisseurs, sociétés d’assurance, fonds d’investissement ; cette organisation vise à promouvoir la place financière de Paris et à développer des sujets comme les fintech, la finance durable et le financement des infrastructures. Arnaud de Bresson, délégué général de Paris Europlace, nous parle du bilan de l’année 2021, de l’évolution du financement des entreprises et des perspectives de 2022.

Actu-Juridique : Du point de vue de l’organisation Paris Europlace, quel bilan global faites-vous de l’impact de la crise sanitaire sur l’économie ?

Arnaud de Bresson : Il faut d’abord souligner l’importance de l’action menée par la place financière française, dans l’ensemble de ses composantes – banque, assurance, gestion d’actifs, immobilier financier – durant la crise sanitaire, pour soutenir les entreprises et les ménages. Elle est intervenue à travers plusieurs actions et dispositifs mis en place en concertation notamment avec le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance. Par exemple, plus de 140 milliards d’euros de prêts garantis par l’État (PGE) ont été accordés par les banques à près de 700 000 entreprises. Il y a eu également 2,5 Mds€ d’investissement alloués par les sociétés d’assurance et par la Caisse des dépôts, au printemps 2020, pour accompagner la reconstitution des fonds propres des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Notons aussi l’effort d’abandon et de report de loyers accordé par l’assurance, et par le secteur immobilier. Puis, en 2021, un nouveau dispositif a été mis en place : les prêts participatifs Relance (PPR) qui visent à renforcer la solidité financière des PME et des ETI. La crise sanitaire et économique a donc été marquée par un très fort soutien aux entreprises, apporté par la place financière dans son ensemble, pour accompagner les entreprises et les ménages durant la période économique la plus compliquée afin de permettre, par la suite, d’amorcer une sortie de crise. Il faut souligner, en outre, la résilience et l’efficacité des marchés financiers de la place de Paris, et notamment d’Euronext – principale place boursière de la zone euro –, pour accompagner les importants mouvements financiers opérés dans le contexte de la crise, y compris par les Banques centrales.

AJ : L’année 2021 a été marquée par une croissance record de 7 % en France. Comment avez-vous constaté cette reprise économique à votre niveau ?

A.D.B. : Cette forte reprise s’explique en partie par ces actions d’accompagnement, par les aides publiques et par le plan France Relance, dont le but est de permettre aux entreprises et aux ménages de lisser les effets de la crise. Cette reprise de la croissance a également été possible grâce à un retour progressif de la confiance et à une accélération de l’activité des entreprises. Les créations d’entreprises et les start-up de forte croissance se sont notamment développées, particulièrement dans le domaine des nouvelles technologies ; l’emploi s’en est trouvé amélioré dans l’ensemble du pays. Il s’agit, maintenant, de poursuivre les réformes afin d’amplifier la reprise économique, en 2022. Tel est le sens des propositions que nous remettons, aujourd’hui, dans le cadre de la campagne présidentielle.

Notons que la montée de la dette des entreprises était déjà une préoccupation avant la crise. À ce stade, il semblerait que la situation soit plutôt stabilisée. Les mécanismes mis en place pour renforcer les fonds propres des entreprises ont commencé à faire leurs effets. Au moment où nous parlons, selon la Banque de France, la situation financière des entreprises est bonne. La croissance économique est favorable. Il faudra, cependant, s’interroger sur les mécanismes de sortie des aides mises en place et des prêts garantis, en 2022 et en 2023, afin d’éviter les difficultés qui pourraient apparaître dans certains secteurs ou types de société.

Enfin, quant à la place financière de Paris elle-même, nous avons constaté, en 2021, une très forte accélération de sa dynamique. D’abord, Paris Europlace a accentué son action stratégique afin d’accélérer les développements de la place financière dans les nouveaux secteurs comme les nouvelles technologies. Ainsi, nous nous fixons comme priorité de renforcer notre positionnement international dans les secteurs du futur : fintechs, finance environnementale, financement des infrastructures. Notons, sur ce dernier sujet, la force de l’écosystème français, avec la présence de nos grands acteurs industriels de dimension internationale dans l’énergie, l’environnement, la construction, les transports. Notons également la capacité développée par les banques françaises dans ces secteurs et le développement de nouveaux fonds dédiés, comme Antin, Ardian ou encore Méridiam. C’est la raison de la mise en place de notre Infraweek annuelle de Paris Europlace qui rassemble, chaque année, les représentants des grands acteurs mondiaux dans ce domaine.

Par ailleurs, suite aux réformes intervenues depuis 5 ans, la place de Paris bénéficie, aujourd’hui, d’une très bonne attractivité pour attirer les entreprises internationales qui veulent travailler en Europe. Depuis le Brexit, nous avons enregistré plus d’une centaine de nouvelles implantations de grandes banques et de fonds d’investissement internationaux. Paris a donc consolidé sa position de leader de l’Union européenne. Comme vous l’avez indiqué, la place de Paris est une grande place internationale, la seule place européenne qui se trouve dans le top 10 des places financières mondiales. Il sera très important, dans les prochains mois, de ne pas revenir en arrière sur les réformes faites au cours des dernières années, faute de quoi nous remettrons en cause ces facteurs de dynamisme et de préservation de notre souveraineté économique.

AJ : Vous dites que les mécanismes de renforcement des fonds propres des entreprises ont commencé à faire leurs effets. C’est-à-dire ?

A.D.B. : L’année 2021 a été marquée par une accélération très forte des introductions en bourse, par rapport aux années précédentes. Euronext a recensé 64 nouvelles introductions en bourse (IPO), en 2021. Celles-ci ont représenté environ 5 Mds€ de levées de fonds, pour une capitalisation totale de 19 Mds€ pour l’année. Ce phénomène n’est pas uniquement français. Il est européen et même international. Le dynamisme de la place financière de Paris est porté, pour sa part, par des PME et des ETI en forte croissance, notamment dans le secteur de la tech. Les IPO les plus importantes, en 2021, ont concerné le fonds d’investissement en infrastructures Antin Infrastructures Partners, la société OVHcloud spécialisée dans le digital ou encore l’entreprise Believe, spécialisée dans l’accompagnement des artistes et labels. On peut également noter un autre phénomène ; le développement des licornes qui constituent un facteur accélérateur pour les introductions en bourse : en effet, il y a, à ce jour, 27 licornes, ce qui constitue un chiffre supérieur aux objectifs fixés par le président de la République, pour cette année.

Au total, d’après les données recensées par l’Observatoire du financement des entreprises par les marchés (OFEM), les levées de fonds sur Euronext Paris ont progressé de près de 50 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années avec 18 Mds€, tandis que les montants levés sur les marchés de la dette par les entreprises françaises ont atteint 70 Mds€. Il s’agit d’un niveau à peine plus bas que celui observé en 2020 ; il y a donc une certaine stabilisation de la dette face à l’augmentation des levées de fonds en capitaux propres.

AJ : Le baromètre annuel EY du capital-risque 2021 indique que les entreprises en phase de création ont levé près de 12 milliards d’euros pour 784 opérations. Il s’agit donc d’une année record en France. En quoi le mode de financement des entreprises est-il en train de se transformer ?

A.D.B. : Le private equity ou capital-investissement a également poursuivi sa forte croissance. Ainsi, il accompagne de manière dynamique le financement des PME et des ETI. Et les fonds français accroissent leur taille, ce qui est essentiel pour accompagner nos entreprises en forte croissance, qui doivent se développer sur le plan international. Je pense notamment à Ardian, Eurazeo, Partech, mais également à Bpifrance et à la Caisse des dépôts qui ont beaucoup développé leurs capacités d’investissement. Il y a quelques années, dès que nos PME ou nos ETI réalisaient une croissance conséquente et devenaient importantes, elles ne trouvaient pas les fonds nécessaires pour leur développement, à Paris. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. En effet, dorénavant, des levées de fonds supérieures à 100 M€ sont possibles. Et nous constatons une augmentation de la taille moyenne des levées de fonds.

Mais, aujourd’hui, l’objectif doit également être le développement des introductions en bourse ; cela constitue l’étape suivante du chemin de financement des entreprises, après la levée de fonds. La cotation en bourse permet d’accompagner les entreprises dans leur croissance. Il s’agit d’un moyen d’augmenter le financement et les capitaux qui peuvent lui être apportés et d’améliorer leur visibilité et mise en relation avec les investisseurs internationaux. Toutes ces tendances se dessinent et s’accélèrent depuis l’année dernière.

AJ : Comment expliquez-vous cette accélération du capital-investissement en France ?

A.D.B. : D’abord, on peut noter une amélioration significative de l’environnement réglementaire et fiscal pour toute cette activité, depuis l’année 2017. Il y a eu des dispositifs incitatifs ; la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF), de l’impôt sur les investissements financiers ou encore les mesures d’intéressement pour le private equity. Ces dispositions ont permis de créer un environnement attractif pour les acteurs du capital-investissement.

Deuxièmement, une action a été menée par les pouvoirs publics en matière de développement de la French Tech. L’État accompagne ces entreprises technologiques en financement. Paris Europlace mène également des actions dans ce domaine pour développer les fintechs et permettre à l’ensemble de ces entreprises de rencontrer les investisseurs, y compris internationaux. Dans les deux ou trois prochaines années, une trentaine d’entreprises technologiques en forte croissance devraient arriver à la cotation.

Enfin, Paris Europlace mène un travail énergique afin que les introductions en bourse soient accompagnées par les investisseurs et par les banques. Nous avons mis en place une task force dédiée au sujet des IPO et des sociétés d’acquisition à vocation spécifique (SPAC) pour améliorer l’attractivité de la place financière de Paris. Cette task force réunit les représentants des investisseurs, du capital-investissement, des banques ainsi que des ETI, des PME et des start-up concernées.

AJ : Le CAC 40 a atteint des niveaux records en 2021 jusqu’à dépasser les 7 300 points au début du mois de janvier 2022. Qu’est-ce que ces performances boursières signifient ?

A.D.B. : Ces niveaux atteints témoignent du fait que l’on est, aujourd’hui, dans une situation d’épargne plutôt abondante, et cela paradoxalement également du fait de la crise sanitaire, en France comme à l’international. Ainsi, les investisseurs français et mondiaux accordent plus d’importance au compartiment boursier avec, en outre, des évaluations à des niveaux élevés des entreprises de technologie et en forte croissance. Par ailleurs, depuis maintenant 2 ans, nous constatons un retour, sur les marchés boursiers, des investisseurs individuels ; environ 400 000 nouveaux investisseurs individuels sont entrés sur les marchés à actions, à la bourse de Paris, entre 2020 et 2021. Il s’agit d’un élément intéressant à prendre en compte, au moment où nous souhaitons orienter davantage l’épargne vers le financement des entreprises ainsi que vers l’investissement long. Rappelons, cependant, que le niveau passé des performances boursières ne présage pas des résultats futurs.

AJ : Quelles sont les perspectives pour l’année 2022 ?

A.D.B. : Globalement, cette année 2022 va être essentielle pour organiser la sortie des mécanismes de soutien de crise. Il faut veiller à ce que cette sortie de crise s’accomplisse dans les meilleures conditions possibles. Quant à nos autres priorités, nous comptons accompagner cette accélération des introductions en bourse des PME et ETI en poursuivant nos actions visant à améliorer l’attractivité de la place et à accueillir les banques et les fonds d’investissements internationaux sur la place de Paris.

Nous comptons aussi accélérer notre action dans le domaine de la finance durable qui constitue l’une de nos priorités stratégiques et la place de Paris est l’un des leaders mondiaux dans ce domaine. Les investisseurs font partie de cette dynamique d’accélération à travers leur engagement croissant en matière de finance environnementale et sociale ; ils attachent notamment de plus en plus d’importance, dans leur appréciation des entreprises, aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Nous constatons d’ailleurs une accélération des investissements vers les sociétés qui répondent à ces critères. Ainsi, la place financière entend accélérer ce mouvement, en concertation avec les entreprises industrielles, qui opèrent actuellement une révolution de leurs modèles de production pour prendre en compte ces nouveaux objectifs. C’est le sens de la mission confiée par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, à Yves Perrier, président de la société Amundi et vice-président de l’organisation Paris Europlace. Ce rapport a pour but d’analyser la manière dont la place financière doit accompagner cette transformation industrielle qui se dirige vers l’économie durable et la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Enfin, nous souhaitons transmettre de nouvelles propositions aux Autorités européennes dans le but de mettre en place plus rapidement des marchés de capitaux de l’Union européenne, comme le Green Deal – Pacte vert – européen. Nous avons remis un rapport, comportant 15 propositions d’actions prioritaires, que nous avons également adressé à la présidence française de l’Union européenne.

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