Hôtellerie restauration dans les Hauts-de-Seine : « C’est toute une remise en question de la profession qu’il convient de faire » !
Dans les tribunaux de commerce de la région parisienne, le nombre de procédures collectives progresse encore en ce début 2023. Les hôteliers et restaurateurs étrillés par la pandémie et sous les projecteurs avant les Jeux olympiques 2024, sont à la peine. Entretien avec Jean-Marc Banquet d’Orx, président de l’Union des métiers des industries de l’hôtellerie.
Changements d’habitudes de consommation, grandes grèves, télétravail, hausse du coût de l’énergie et des matières premières, remboursement des prêts garantis par l’État (PGE), travaux de remise en état en vue des Jeux olympiques 2024, manque de personnel… Si un secteur cumule de nombreuses difficultés liées à la période de crise que nous connaissons, c’est bien l’hôtellerie et la restauration. Lors des émeutes ayant suivi la mort tragique de Nahel à Nanterre (92), plusieurs établissements ont subi des dégâts importants, poussant l’Union des métiers des industries de l’hôtellerie (UMIH) à réclamer auprès de Bercy une aide exceptionnelle. La région Île-de-France vient de débloquer une aide exceptionnelle de 20 millions d’euros pour accompagner les commerces sinistrés.
En 2022, la Région comptait 2 393 hôtels (soit 14 % des hôtels français, 10 % rien qu’à Paris). Le nombre de restaurants – environ 18 000 – représente à peu près les mêmes proportions… Les instances professionnelles sont inquiètes alors que les tribunaux de commerce de la région font face à une montée des procédures collectives concernant le secteur, notamment dans les Hauts-de-Seine, secteur où cohabitent petits restaurants de quartiers et grandes enseignes dans le quartier des affaires de La Défense. Nous avons posé quelques questions à Jean-Marc Banquet d’Orx, à la tête du groupe Longitude Hotels et président de l’UMIH Île-de-France.
Actu-Juridique : Pouvez-vous nous présenter l’UMIH en quelques mots ?
Jean-Marc Banquet d’Orx : Notre rôle consiste à défendre les intérêts, à représenter, à informer et à promouvoir l’industrie hôtelière en Île-de-France. Notre intervention porte principalement sur le conseil, la formation, la qualité, la valorisation de l’accueil, du service et du professionnalisme. Nous nouons et entretenons, dans la durée, des relations étroites avec la région Île-de-France et les partenaires institutionnels : les collectivités territoriales et leurs établissements, les fournisseurs des cafés, hôtels et restaurants (CHR), les services administratifs et les autorités de contrôle (mairies, préfecture, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, direction départementale de la protection des populations, etc.) ainsi que les acteurs du développement départemental (département de Seine-et-Marne, Seine-et-Marne Attractivité, etc.), les CCI, AKTO… Sur notre site nous rappelons entre autres tous les cadres juridiques et les réglementations qui touchent le secteur (sécurité incendie, tapage nocturne, zonage, accessibilité).
AJ : Quel climat règne-t-il chez vos adhérents en ce moment ?
Jean-Marc Banquet d’Orx : Nous sommes particulièrement concernés par des incidents chez certains de nos adhérents qui ont connu une période très tendue pendant le Covid notamment et qui se trouvent en difficulté face à un organisme comme Atout France qui s’occupe de classer les établissements dans la région pour défendre l’attractivité touristique du territoire. Certains établissements, déjà submergés par le remboursement du PGE, se retrouvent avec des mises en demeure, l’obligation de faire nettoyer tous les rideaux par des sociétés extérieures, suite à des retours de clients sur une décoration à rafraîchir. Dans ce cas-là, les directeurs d’établissement nous demandent de les conseiller, de les appuyer. C’est en grande partie ce qui nous revient du terrain : je comprends que les attentes soient que tout soit parfait pour les JO, mais je ne comprends pas que cette pression retombe dès à présent (pour un mois de compétition dans un an) sur de petits hôteliers qui commencent juste à retomber sur leurs pattes après la pandémie. Je pense qu’il serait plus judicieux de travailler de concert, pour que tout soit prêt en temps voulu. De même, il y a beaucoup moins de groupes de touristes qu’il y a une certaine époque : nous constatons une chute des touristes chinois (représentant 7 % de la consommation touristique internationale en France). En mai dernier, Valérie Pécresse a adressé une lettre à Élisabeth Borne et la direction d’Air France pour qu’ils fassent revenir les avions de Chine (désormais obligés de contourner la Russie).
Pour les professionnels de la restauration, c’est un peu la même chose : ils essaient tant bien que mal de prendre en compte les nouveaux usages. Avec le télétravail et les salariés qui ne viennent en présentiels que deux jours par semaine, les repas du midi sont en chute libre, ce qui se voit avec les paiements en tickets-restaurants qui sont retombés de 30 à 40 % dans Paris intra-muros, par rapport à la période pré-Covid). Les clients ont aussi de nouvelles exigences : ils veulent du poulet élevé au grain à moins de 100 km tout en ayant des prix raisonnables. Heureusement que les centrales, comme Métro, font des efforts pour mettre en promotion les produits régionaux. Certains restaurants des quartiers d’affaires de la capitale ou de La Défense sont dans une situation compliquée… et doivent rembourser leur PGE. On se prépare à une hécatombe. Thierry Marx, président de l’UMIH, a récemment proposé que le PGE soit transformé en une aide pour la mise aux normes énergétiques des établissements, ce qui peut être une solution à long terme pour faire face à l’avenir. Mais il y a aussi des choses positives : les restaurateurs sont globalement ravis de retrouver des volumes d’activités pré-Covid (sauf dans les quartiers de bureau), ils sont heureux que le dispositif des terrasses estivales et éphémères soit mis en place de façon pérenne depuis 2021 : cela a apporté un nouvel intérêt à ce qui fait la spécificité de l’art de vivre français.
AJ : Le recrutement est semble-t-il aussi une question cruciale pour la restauration comme l’hôtellerie.
Jean-Marc Banquet d’Orx : En Île-de-France nous avons la particularité de rencontrer la difficulté de cerner le saisonnier du non-saisonnier… Thierry Marx, le président confédéral a inscrit dans son programme l’essor du numérique pour apporter des solutions innovantes et performantes à tous les professionnels de l’hôtellerie-restauration. Pour résoudre le grand défi du recrutement des collaborateurs, l’UMIH a conçu la plateforme monCVnum.fr, en collaboration avec Pôle Emploi et la DREETS. C’est une application web gratuite, destinée à créer une CVthèque à disposition de l’ensemble des entreprises de notre secteur pour une relation rapide et efficace entre le demandeur d’emploi et le recruteur.
Après l’opération de la plateforme, nous allons lancer une véritable task force à l’intérieur de l’UMIH pour connaître les attentes des jeunes, leurs souhaits dans la vie. Les efforts que l’on consentait à faire autrefois, cela ne fonctionne plus aujourd’hui ! Nous devons repenser par exemple le système des coupures : loger dans Paris est très compliqué et on ne peut pas demander aux personnes de faire une heure de transport pour rentrer chez elles, ni leur demander d’errer dans Paris en attendant de reprendre. C’est toute une remise en question de la profession qu’il convient de faire. Récemment, les salaires ont été augmentés grâce à la revalorisation de 16 % du smic hôtelier. Mais ce n’est pas suffisant : il faut changer de culture : en finir avec l’armée dans les cuisines, les coups de pieds aux fesses quand on ne va pas assez vite. Désormais, les jeunes peuvent rendre leurs tabliers en plein service et retrouver un travail illico, il faut leur faire miroiter une culture du développement de carrière, les former, leur offrir des opportunités. Ils doivent avoir envie de travailler dans la restauration et l’hôtellerie.
AJ : Plusieurs internats et résidences étudiantes pourraient être libérés pour accueillir des agents de sécurité, des personnels soignants et des bénévoles pour les JO 2024. Les différentes offres d’hébergement disponibles (hôtels, Airbnb, gîtes, sous-locations) dans la région seront-elles à même d’accueillir les visiteurs attendus ?
Jean-Marc Banquet d’Orx : Sur ce point nous ne nous faisons pas d’inquiétude : je pense qu’au niveau hôtelier, nous aurons des prix élevés, mais je sais que nous saurons nous adapter. J’ai un hôtel à Cannes et ce n’est jamais pendant le festival que je fais mes plus hauts chiffres… La vraie inquiétude est plutôt indirecte : comment pourrons-nous loger nos saisonniers ?
Référence : AJU009p8