Essonne (91)

Isabelle Richard : « Le défi à l’avenir est de faire de l’Essonne un département dont les contradictions en font une force unique » !

Publié le 27/06/2023

Depuis 30 ans, l’association Essonne Développement travaille pour améliorer l’attractivité du département de l’Essonne (91). À l’origine, cette structure a été créée par le conseil départemental. Sa mission initiale était de participer au développement économique du territoire. Puis avec la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) modifiant les compétences générales du département, Essonne Développement s’est transformée en agence de développement territorial avec la région Île-de-France comme nouveau membre dans sa gouvernance. L’Essonne est un département à la fois très urbanisé au nord avec un pôle économique et d’innovations important. Le sud est plus rural avec une activité agricole, des espaces forestiers et une densité de population plus faible. Isabelle Richard, directrice adjointe d’Essonne Développement revient sur le rôle de l’association et sur cette diversité territoriale qui est un facteur d’attractivité. Interview.

Actu-Juridique : Comment l’agence Essonne Développement favorise-t-elle l’attractivité du territoire essonnien ?

Isabelle Richard : L’agence Essonne Développement est engagée auprès de trois groupes d’acteurs dans sa mission dédiée à l’attractivité. D’abord, nous agissons auprès des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des communes. Les collectivités participent largement à l’attractivité du département à travers les projets qu’elles pilotent. Auprès des territoires, nous apportons un appui et une expertise, un regard plus macroéconomique, une ouverture sur l’environnement et un réseau de partenaires potentiels. Nous traitons de sujets de stratégie de développement, de résorption de friches, de densification-requalification de parcs d’activités. Nous abordons aussi les questions autour du marché de l’immobilier de ces territoires. Une thématique importante pour être attractif auprès des entreprises. Notre action est également orientée vers les communes, par exemple, sur des sujets de valorisation d’immobiliers laissés vacants. Avec la diversité des communes en Essonne, nous adaptons notre accompagnement par rapport aux territoires. Nous n’agissons pas de la même manière avec des acteurs ruraux et urbains/péri urbains. Les enjeux sont différents et nous avons à cœur d’agir dans le respect de la singularité de chacun en tenant compte des dynamiques internes à l’Essonne et aux départements voisins. Ensuite, nous intervenons auprès des entreprises. Nous recevons environ 150 projets par an de sociétés qui souhaitent s’installer et se développer dans le département. 50 % de ces projets proviennent d’entreprises déjà installées en Île-de-France. Enfin, nous tissons également des relations avec les investisseurs pour les inciter à développer des projets immobiliers adaptés au marché essonnien.

AJ : Quels sont les objectifs de l’agence Essonne Développement ?

Isabelle Richard : Nos objectifs sont d’attirer de nouvelles entreprises en Essonne, de créer des emplois sur le territoire et d’ancrer les sociétés installées dans le département. Concernant les entreprises accueillies en pépinière ou en incubateurs, il y a un véritable sujet pour les conserver en Essonne. Quand elles grandissent et qu’elles ont besoin d’un site plus important, elles ne pensent pas toujours à croître en Essonne. Dans ces situations, l’agence Essonne Développement, en lien avec ses partenaires, anticipe ce développement et prospecte dans le département pour trouver une offre adaptée. Nous travaillons par exemple avec la communauté d’agglomération Grand Paris Sud (GPS) et le Biocluster Génopole qui connaît une croissance importante. Il est stratégique de trouver une solution pour ces sociétés qui souhaitent se développer pour ainsi éviter un mouvement vers d’autres territoires franciliens ou de région.

AJ : Au sein de l’agence Essonne Développement, comment définissez-vous l’attractivité ?

Isabelle Richard : L’attractivité se définit à travers l’ensemble des actions qui vont être mises en œuvre pour attirer des ressources exogènes comme des populations, des entreprises, des investisseurs ou encore des étudiants. Elle comprend aussi les mesures qui vont être mises en place pour ancrer ces différentes cibles en Essonne. Ces actions doivent permettre de rendre les Essonniens et les nouveaux arrivants fiers de leur territoire avec cette volonté de rester au sein du département pour y vivre, se divertir, travailler et étudier. L’Essonne est une terre d’avenir, l’incarnation d’un équilibre entre le patrimoine naturel et la richesse économique. Sa position géographique lui confère une attractivité démultipliée. Par le témoignage, notre meilleur ambassadeur sera celui qui en est convaincu.

AJ : Quels sont les facteurs d’attractivité du département de l’Essonne ?

Isabelle Richard : L’Essonne est un territoire à doubles facettes : une partie très urbaine au nord et une zone assez rurale dans le sud, des grands groupes et un riche tissu de PME-TPE. Cette diversité fait la richesse d’un département à la qualité de vie appréciée. C’est le point de vue exprimé par les chefs d’entreprise et les populations essonniens interrogés en 2021 sur leur perception du territoire. 90 % des 1 200 personnes interviewées sont attachées à l’Essonne et n’ambitionnent pas de la quitter. C’est un compromis entre le bien vivre et le bien travailler. Le patrimoine naturel et culturel est un marqueur identitaire fort avec plusieurs sites remarquables comme le château de Chamarande, le Domaine de Courson, le musée de la photographie à Bièvres ou encore les Îles de loisirs. L’événement « Essonne en scène » qui est assez récent est déjà populaire. Il est beaucoup cité par les Essonniens. La faiblesse du département est de ne pas avoir un totem touristique comme le château de Fontainebleau, le château de Versailles ou le parc d’attractions de Disney. Mais elle rayonne tant à travers ses châteaux et ses espaces naturels bien connus des Parisiens et des Franciliens. La position stratégique de l’Essonne est aussi un moteur d’attractivité : proximité de Paris et infrastructures de transports – au premier rang desquels l’aéroport d’Orly et la gare TGV de Massy – sont des leviers d’attractivité résidentielle et économique forts.

AJ : Comment pourriez-vous décrire l’attractivité de l’Essonne au niveau économique ?

Isabelle Richard : L’Essonne est une terre économique par excellence avec près de 450 000 emplois et plus de 60 000 entreprises, le tissu économique est riche et diversifié, de la TPE à la PME-PMI, de la start-up au grand groupe en passant par les filières comme l’aéronautique, le numérique, les biotechnologies, l’agroalimentaire, l’intelligence artificielle, le quantique, l’optique… L’Essonne est marqué par son écosystème d’innovations sur le plateau de Saclay et le Biocluster Genopole à Évry Courcouronnes. Des entreprises de renom comme Servier, Nokia, Renault Sport ou encore Safran s’y sont installées mais également des pépites comme Quandela (quantique) ou Yposkesi (biotechnologie). L’Essonne c’est également un pôle scientifique et académique de réputation mondiale rassemblant 20 % de la recherche française. Parce que l’entreprise a besoin de talents, l’Essonne accueille 57 000 étudiants, deux universités et de grandes écoles offrant des programmes de formation variés des sciences aux technologies de pointe, de la santé à l’industrie…

AJ : Selon vous, quels sont les freins actuels de l’attractivité dans le département de l’Essonne ?

Isabelle Richard : D’abord, face à une demande croissante, le département de l’Essonne n’a pas forcément la capacité à accueillir les entreprises qui souhaitent s’installer sur le territoire. Les terrains se raréfient au fil des années. L’immobilier d’entreprise n’est pas toujours suffisant et adapté aux typologies de projets. Il est parfois vieillissant. C’est pour corriger cette faiblesse qu’Essonne Développement agit auprès des territoires et des professionnels de l’immobilier pour construire une offre de qualité et en adéquation avec le marché. Ensuite, l’ADN économique de l’Essonne et le potentiel d’emplois offerts méritent d’être portés à la connaissance des Essonniens et Franciliens, voire plus, pour attirer et ancrer les talents. Par exemple, un étudiant qui étudie en Essonne dans une grande école ou une université n’aura pas le réflexe d’y prospecter un stage ou un emploi, par méconnaissance. Nous devons améliorer notre communication auprès du grand public en matière d’économie. C’est un vrai challenge sur l’avenir. La difficulté pour une entreprise aujourd’hui, c’est le recrutement. Les dirigeants s’interrogent d’ailleurs sur l’intérêt d’avoir autant de formations sur le territoire alors qu’ils peinent tant à trouver de la main-d’œuvre.

AJ : Quelles solutions proposez-vous au sein de l’agence Essonne Développement ?

Isabelle Richard : Cette année, nous avons participé à des forums et des conférences dans les grandes écoles. L’objectif est d’initier les étudiants à la richesse économique de l’Essonne. À travers ces événements, nous voulons créer du lien entre les étudiants et les entreprises du territoire. Nous organisons aussi des immersions dans les grands groupes et les PME essonniennes. Par exemple, dans le numérique, secteur en tension, nous avons emmené des étudiants de l’université et de l’ENSIIE au sein de l’entreprise Opus Aerospace, situé sur la communauté d’agglomération de Cœur d’Essonne. Cette société travaille sur des pièces de satellite et réalise près de 15 embauches par an. Les étudiants ont pu rencontrer le dirigeant et visiter son entreprise. Nous tentons d’ouvrir l’esprit de l’étudiant au-delà de son espace universitaire, en lui faisant découvrir l’espace économique en Essonne.

AJ : Quelles sont les perspectives d’avenir au niveau de l’attractivité du département de l’Essonne ?

Isabelle Richard : Nous voyons l’avenir de manière extrêmement positive. Aujourd’hui, en matière économique, il y a un processus de desserrement des entreprises depuis Paris vers la première et la deuxième couronne. L’Essonne se donne les moyens de capter à la fois ces entreprises en exode et les ressources humaines indispensables à travers une politique de logement dynamique. L’Essonne est attractive par sa pluralité d’acteurs économiques, son offre immobilière, ses prix, son réseau de transport et sa qualité de vie. Elle est dotée d’un réseau de partenaires efficaces pour faciliter l’installation. Nous avons des zones en plein développement comme l’OIN Paris-Saclay, le Biocluster Génopole à Évry ou l’ex-base aérienne 217 à Cœur d’Essonne Agglomération. Il y a aussi des transports en cours de construction comme la ligne 18 qui sera opérationnelle d’ici à 2027 ou le T12 reliant Évry à Massy en 2024. Tous ces facteurs vont élargir la zone d’emploi et faciliter la mobilité. Nous avons un territoire au nord extrêmement dense. Le territoire au sud regorge d’espaces naturels, agricoles et forestiers extraordinaires. Il accueille aussi des entreprises pépites : par exemple, l’unique forge d’Île-de-France à Méréville ou le confectionneur d’antennes pour l’aviation civile et militaire à Dourdan. Le défi à l’avenir est de faire de l’Essonne un département dont les contradictions en font une force unique. Jadis loin de Paris, l’Essonne est aujourd’hui enviée par les populations, les entreprises et les investisseurs. Le défi de l’Essonne est de construire une offre raisonnée et raisonnable pour accueillir de nouvelles richesses. Le défi de l’Essonne est de répartir ces richesses sur tout le territoire pour minimiser le risque de zones dortoirs. Le défi de l’Essonne est le développement de la mobilité et du transport, tant sur un axe nord-sud qu’est-ouest.

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