« J’aide des sportifs à réaliser leur rêve américain »
Chaque année, le concours Créatrices d’avenir, organisé par Inititiave Île-de-France, met à l’honneur l’entrepreneuriat au féminin. Il permet de découvrir des parcours hors des sentiers battus, et des projets innovants. Parmi les 15 finalistes de cette édition, trois entrepreneuses sont originaires du Grand Paris. Marie-Pierre Bakima, joueuse de volley féminin de haut niveau, a créé à Bourg-la-Reine, dans les Hauts de-Seine (92), une entreprise très originale pour placer des sportifs européens dans les facultés américaines.
Les Petites Affiches : Pouvez-vous vous présenter ?
Marie-Pierre Bakima : Je suis la fondatrice de Go Student Athlete USA (GSAU). C’est une entreprise de conseil, de recrutement et de placement de sportifs européens dans les universités américaines, grâce à l’obtention de bourses. Avant de fonder cette entreprise, j’ai été une sportive de haut niveau. J’ai fait du volley pendant 15 ans. J’ai évolué dans des centres de recrutement et de formation et je suis passée par le Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS) de Châtenay-Malabry puis par le Pôle France de Toulouse. J’ai également fait partie de l’équipe de France de volley pendant 5 ans. En 2011, je suis partie aux États-Unis pendant 4 ans. J’ai d’abord intégré le San Jancinto College, une université située au Texas. J’ai été élue « All American », un titre qui récompense les meilleures joueuses du championnat américain. Pour une petite Frenchie, c’était une performance ! J’ai ensuite intégré l’université Ole Miss, au Mississipi, où j’ai obtenu mon diplôme de business economy en 2015. J’ai ensuite fait deux ans de volley professionnel, joué au Pérou pendant deux saisons, puis en Belgique. Après toutes ces années à l’étranger, je suis revenue en France en 2017 pour lancer mon entreprise. J’ai immatriculé GSAU en février 2018.
LPA : En quoi consiste votre entreprise ?
M.-P.B. : Nous plaçons des sportifs de haut niveau dans les universités américaines. Nous les accompagnons dans l’aspect administratif, dans des démarches telles que la prise de rendez-vous à l’ambassade des États-Unis, le passage des examens d’anglais comme le TOFEL. Nous nous chargeons de rechercher des bourses adaptées à leur profil. J’ai eu la chance d’être en contact avec des universités américaines qui se souviennent très bien de moi. Elles me contactent régulièrement pour me demander si je connais des sportifs susceptibles de les rejoindre. Je me mets alors à rechercher le profil dont ils m’ont parlé, en France, en Belgique, en Suisse…
LPA : Quels sportifs pouvez-vous accompagner ?
M.-P.B. : Notre offre s’adresse aux disciplines sportives universitaires : le volley, le basket, le tennis, le football américain, l’athlétisme, le golf… Beaucoup de sportifs peuvent donc être concernés. Quand j’étais au centre de formation de Châtenay-Malabry, une quinzaine de sports enseignés étaient des sports universitaires américains. Cela représente un certain nombre de personnes qui pourraient intéresser les universités américaines.
LPA : Comment vous est venue l’idée de cette entreprise ?
M.-P.B. : J’ai fait mes études aux États-Unis. J’ai toujours aimé partager mon aventure américaine avec mes proches et sur les réseaux sociaux, en partageant des détails sur la formation, les infrastructures. Cela faisait envie à des sportifs qui me contactaient pour savoir comment faire pour rejoindre une université américaine et naturellement, je les aidais. J’ai ainsi diffusé le profil de certains sportifs à plusieurs universités américaines, jouant de fait, mais sans m’en rendre compte, un rôle d’agent. J’ai obtenu une bourse complète pour un sportif au Texas, et cela a été le déclic. Je me suis dit que s’il ne m’avait pas contactée, il n’aurait peut-être pas pu réaliser son rêve américain.
LPA : En quoi consiste ce rêve américain pour les sportifs ?
M.-P.B. : Obtenir une bourse maximale couvre les frais de scolarité, qui aux États-Unis, peuvent aller jusqu’à 25 000 € par semestre. C’est une chance énorme ! Les sportifs de haut niveau aux États-Unis sont très bien pris en charge. Quand j’y étais, j’avais la chance d’être hébergée et nourrie. Même les billets d’avion pour rentrer voir ma famille à Noël étaient pris en charge. L’intérêt de suivre un cursus aux État-Unis est d’obtenir un diplôme américain et de devenir bilingue. Ce n’est pas pour rien que les Américains ont un très bon niveau sportif. Ils terminent toujours dans le top 3 aux Jeux olympiques. Cela permet donc de jouer contre les meilleurs sportifs des États-Unis, c’est une belle opportunité.
LPA : En termes de formation, qu’offrent les États-Unis ?
B.-P.B. : Aller à l’université aux États-Unis permet également d’avoir des études adaptées. Quand j’étais en France, j’avais du mal à concilier sport et études. Au lycée, on a des cursus aménagés mais cela n’est plus le cas quand on passe en études supérieures. À titre personnel, je ne me voyais pas arrêter mes études à 18 ans. Je faisais du volley à haut niveau mais je ne savais pas combien de temps j’allais jouer. Je voulais avoir mon diplôme. J’ai préféré partir aux USA pour concilier sport à haut niveau et études universitaires.
LPA : Quel est le modèle économique de votre entreprise ?
M.-P.B. : Nous proposons des formules qui sont payées par le particulier. Mon but est de trouver une bourse adaptée au sportif. Nous faisons un devis, en fonction du nombre de diplôme à traduire, du type d’université que le joueur souhaite intégrer. Une fois les démarches administratives enclenchées, j’organise des rendez-vous en ligne avec les coachs, les sportifs, leurs parents et moi-même. C’est toujours bien que les parents voient le coach. Je traduis l’échange car souvent les parents ne parlent pas anglais. Nous faisons également des réunions chaque année à Bourg-la-Reine. C’est l’occasion pour tous : sportifs, parents, partenaires, de se rencontrer. L’année dernière, nous n’avons pas pu le faire en présentiel, mais on l’a fait sur Zoom. L’intérêt est qu’on a pu y associer les coachs américains qui ont parlé à leur petit protégé.

LPA : Combien de sportifs avez-vous placés ?
M.-P.B. : Nous avons placé une quinzaine de sportifs un peu partout sur le territoire américain : au Nouveau-Mexique, au Texas, en Floride, à New York, dans le Wisconsin, etc. Nous démarchons vraiment en fonction des préférences des sportifs et nous leur trouvons une bourse là où ils souhaitent aller. Quand je suis partie aux États-Unis en 2011, je suis partie seule, sans agent. Cela n’était pas encore médiatisé. Quand je suis rentrée et que j’ai ouvert mon agence en 2018, j’avais quelques concurrents. Aujoud’hui, cela commence à être connu et à être plébiscité par des sportifs de haut niveau qui souhaitent concrétiser leur double projet de sport et d’études.
LPA : Pourquoi avez-vous postulé au concours Créatrices d’avenir ?
M.-P.B. : L’année dernière, j’avais envoyé un dossier qui n’avait pas été retenu. Étant déterminée, je savais que j’allais repostuler. Mon objectif est de mettre en valeur les sportifs que j’aide. On a besoin de visibilité. En 2024, il y a les Jeux olympiques et si je peux aider le maximum de sportifs à réaliser leur rêve américain et peut être ensuite à intégrer l’équipe de France pour représenter notre pays, j’en serais ravie. L’idée de mettre en valeur les femmes cheffes d’entreprise en Île-de-France me séduit également.
LPA : Avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme cheffe d’entreprise ?
M.-P.B. : Les femmes devraient prendre confiance en elles. Nous sommes capables de faire aussi bien que les hommes, que ce soit pour chercher des financements ou démarcher des clients. J’ai fait le choix de m’entourer de 80 % de femmes. La traduction des contrats des sportifs de haut niveau est assurée par une traductrice, les comptes de l’entreprise sont tenus par une femme expert-comptable. Cela n’était pas délibéré : je voulais m’entourer de personnes compétentes et il se trouve que ce sont des femmes. Ce genre de concours peut aider les femmes à prendre leur place en boostant la visibilité de chaque entreprise. Nous avons fait une conférence en ligne avec les candidates du concours Créatrices d’avenir 2020. Nous étions une douzaine avec des projets très intéressants, dans des domaines dont je n’avais jamais entendu parler. C’était enthousiasmant de découvrir ce foisonnement d’entreprises.
LPA : Qu’attendez-vous du concours ?
M.-P.B. : Comme je reste une sportive de haut niveau, j’aurais bien sûr espéré gagner ! Mais le fait d’avoir été en finale me donne de la visibilité et la satisfaction de mettre en valeur la GSAU family ainsi que de voir que le travail que je mène depuis deux ans est reconnu.