Seine-Saint-Denis (93)

« J’étais la seule femme sur les chantiers »

Publié le 14/10/2020

Dédié à l’entrepreneuriat des femmes en Île-de-France, le concours « Créatrices d’avenir » lance sa dixième édition. Les femmes entrepreneurs ont pu déposer leurs candidatures jusqu’au 7 octobre dernier. Au mois de décembre prochain, cinq trophées seront remis pour mettre en lumière les créatrices de l’année. Celles-ci bénéficieront d’un accompagnement du réseau Initiative Île-de-France, ainsi que d’une aide financière. Un coup de pouce déterminant, assure Fatimata Kane, dirigeante de la société de nettoyage industriel Kap-Wan, basée à Montreuil (93). Lauréate en 2014 du trophée « Audace », elle s’engage aujourd’hui comme partenaire du concours.

Les Petites Affiches : Vous êtes une ancienne lauréate du concours « Créatrice d’avenir ». Qu’a-t-il changé pour vous ?

Fatimata Kane : Ce concours m’a été d’un grand secours. Lorsque je m’y suis présentée, je venais de créer ma société de nettoyage industriel, six mois auparavant. J’avais tout juste 30 ans, je travaillais sur un ou deux chantiers, avec cinq salariés qui tournaient à temps complet. J’ai gagné le concours en décembre. Dès le mois de janvier, j’ai pu être référencée chez Eiffage car un acheteur était tombé sur un article à propos de la remise des prix. Je connaissais déjà le groupe, mais avant que je ne gagne ce trophée, ils ne me donnaient que des petits boulots. J’avais du mal à faire mes preuves et à avoir une crédibilité dans le bâtiment. Créatrices d’avenir m’a redonné confiance en moi, et l’envie de continuer.

LPA : Sur le plan matériel, que vous a apporté ce concours ?

F.K. : Le trophée était doté de 5 000 € que j’ai directement injectés dans la boîte. Cela m’a aidé à payer les salaires. J’ai également bénéficié d’un accompagnement. J’ai eu une formation de dirigeante et de management. Le soutien financier est important car, en tant que femme, on a du mal à avoir accès au crédit bancaire. Avoir de la trésorerie, cela fait du bien ! Ensuite, mon entreprise s’est développée et je suis passée de 5 à 15 salariés.

LPA : Aujourd’hui, comment se porte votre entreprise ?

F.K. : Six ans après ma participation à « Créatrices d’Avenir », Kap-Wan a pris son envol. Je compte, parmi mes clients, de grands groupes comme Vinci, Eiffage, Bouygues, la Société générale, BNP Paribas. Ma société a également remporté des marchés conséquents : l’immeuble de bureaux Sogeprom à Fontenay-sous-Bois, le Hall 7 du Parc des expositions ou encore le Musée et le Carrousel du Louvre.

LPA : Quel était votre parcours avant la création d’entreprise ?

F.K. : Après un BTS en alternance dans le domaine du nettoyage industriel, j’ai été commerciale pendant deux ans. Je suis montée en grade dans la boîte : je répondais aux appels d’offres, je référençais l’entreprise dans les grands groupes. À la fin de mon cursus, j’ai quitté cette entreprise où je m’étais formée. J’avais atteint mes objectifs et je voulais créer ma propre structure pour continuer à progresser.

LPA : Le trophée « Audace », que vous avez reçu, distingue les femmes qui ont l’audace de se lancer dans un monde professionnel masculin…

F.K. : On voit de plus en plus de femmes dans le bâtiment. Je travaille actuellement sur un chantier de Vinci : l’équipe est très féminisée, en particulier les architectes, les femmes y sont majoritaires. En revanche, quand je me suis lancée, il y a 6 ans, j’étais quasiment la seule femme sur les chantiers. C’était considéré comme un secteur d’hommes.

LPA : Avez-vous eu du mal à vous faire votre place ?

F.K. : Quand j’arrivais sur un chantier, on me prenait systématiquement pour la femme de ménage, alors que j’étais cadre. Je passais devant un chantier et on me reprenait en me disant que c’était interdit aux piétons. J’ai beaucoup d’exemples qui montrent que l’on ne me prenait pas au sérieux. Le nettoyage de chantiers est quelque chose de très technique. Il fallait à chaque fois que je prouve que je connaissais mon sujet.

LPA : Qu’est-ce que signifie être partenaire de « Créatrice d’avenir » ?

F.K. : Je pense que c’est deux fois plus dur pour les femmes. Je suis à l’écoute des lauréates, j’en rencontre régulièrement, certaines me demandent des conseils sur les réseaux sociaux. En tant que créatrice, il faut vraiment être accompagnée. C’est indispensable. Je veux redonner aux femmes créatrices la même chance que celle que j’ai eue.

LPA : Quel message souhaitez-vous leur faire passer ?

F.K. : Je voudrais leur dire de ne pas baisser les bras, d’être soudées, de rencontrer les autres femmes entrepreneuses. Cela permet de garder le cap.

LPA 14 Oct. 2020, n° 157b1, p.3

Référence : LPA 14 Oct. 2020, n° 157b1, p.3

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