Île-de-France

« Le PIB de l’Île-de-France est 5 fois plus élevé que celui du Land de Berlin »

Publié le 30/07/2020

Moteurs politiques du continent européen, les régions-capitales que sont Paris et Berlin ne sont pour autant que peu comparables économiquement. Fruit d’un système plus centralisé, la région Île-de-France est davantage similaire à New York ou Tokyo, d’après une étude publiée par Mickaël Le Priol, spécialiste économique au Centre régional d’observation du commerce, de l’industrie et des services de la CCI Paris Île-de-France.

Les Petites Affiches : Doit-on comprendre de votre note publiée qu’il est inutile, bien que cela soit tentant, de comparer la région de Paris et celle de Berlin, tant elles ne jouent pas dans la même cour économique ?

Mickaël Le Priol : On a tendance, il est vrai, à parler de Paris et de Berlin comme les deux principales capitales politiques du continent européen. D’un point de vue économique en revanche, si l’on peut comparer, en Europe, Paris à Londres, Francfort ou encore Barcelone, il est plus difficile de le faire avec Berlin. Le PIB de l’Île-de-France est cinq fois plus élevé que celui du Land de Berlin (respectivement 734 milliards d’euros contre 146 en 2019). Les domaines dans lesquels les deux capitales sont en concurrence sont plus limités.

Parmi eux, il y a le tourisme. Si l’on sait que Paris est la capitale mondiale du tourisme, on constate que Berlin est un territoire très dynamique en la matière, et notamment sur le marché du tourisme d’affaires. La capitale allemande jouit également d’une place remarquée dans le domaine de l’innovation et d’écosystème des start-up. Tesla a par exemple décidé, en novembre dernier, d’implanter son usine européenne de voitures électriques, Gigafactory, à Berlin. C’est un projet qui pourrait générer près de 10 000 emplois et sur lequel la France s’était également positionnée.

Pour autant, le Land de Berlin est encore installé dans la seconde division mondiale des métropoles si l’on se concentre sur la seule puissance économique des régions-monde. En Europe, Paris et Londres se trouvent, elles, dans la première.

LPA : La dynamique de Berlin pourrait-elle permettre à la capitale de se positionner, à moyen ou à long terme, au même niveau que Paris et Londres ?

M.L.P. : Londres ne fera bientôt plus partie de l’Union européenne, Paris va donc se retrouver logiquement, seule, leader économique européen. Mais il y a d’autres métropoles européennes qui vont profiter de la situation et de ce départ pour attirer notamment les entreprises et leurs salariés. Berlin en fera partie, c’est certain ! Pour autant, rivaliser lui demandera beaucoup de temps.

L’idée de cette étude était de se positionner 30 ans après la réunification allemande pour voir l’évolution et l’impact que cet événement avait pu avoir. On constate qu’en trois décennies, si le développement économique de Berlin s’est accéléré, les changements structurels nécessitent, eux, beaucoup plus de temps. Il n’y a qu’à regarder la construction de la Métropole du Grand Paris entamée il y a presque 15 ans désormais en France. Les nouvelles lignes du métro du Grand Paris Express ne devraient être fonctionnelles, pour les dernières, qu’en 2030. De la même manière, pour renforcer son attractivité, la capitale allemande a décidé de la construction d’un nouvel aéroport pour remplacer les deux existants (Berlin-Tegel et Berlin-Schönefeld), qui cumulés, n’ont un trafic que légèrement supérieur à celui de Paris-Orly. Or ce projet, débuté en 2006, connaît de nombreux retards du fait de problèmes techniques. Son inauguration, initialement prévue en 2011, ne devrait se faire que le 31 octobre prochain. Soit 9 ans après la date prévue. À son ouverture, le nouvel aéroport, nommé Berlin-Brandebourg, aura une capacité de 28 millions de passagers par an. Ses futures extensions pourraient lui permettre, à partir de 2035, d’en accueillir jusqu’à 58 millions et de se rapprocher ainsi de ceux de Londres-Heathrow et Paris-Charles de Gaulle. Cet exemple permet de saisir la problématique du temps et de mesurer aussi la dynamique de Berlin.

À très long terme, Paris et Berlin pourraient donc se positionner comme les deux capitales économiques de l’Union européenne, comme l’étaient Paris et Londres avant le Brexit.

LPA : L’évolution des deux régions reflète-t-elle aussi des tendances historiques et une centralité très française sur la seule ville de Paris ?

M.L.P. : C’est exact. En France et en Allemagne, nous sommes face à deux modèles politiques et économiques très différents. L’Allemagne a un régime fédéral dans lequel des Länder sont spécialisés économiquement. Dans le Sud-Ouest, par exemple, on retrouve une forte concentration du l’outil industriel allemand. Le Land de la Hesse lui, avec Francfort, s’est positionné sur le marché des services financiers. Cela a pour conséquence logique d’avoir une production de la richesse beaucoup plus éclatée sur le territoire allemand que sur le territoire français.

Aujourd’hui, l’Île-de-France pèse 30 % du PIB national français, 25 % de l’emploi et 20 % de la population. Malgré les tentatives de politique de décentralisation qu’a connu notre pays, on voit qu’il est très difficile de faire évoluer une réalité historique si bien ancrée. Cela dit, nous ne devons pas occulter les dynamiques aussi constatées dans des métropoles françaises. Je pense notamment à celles de Lyon, Lille, Bordeaux ou Nantes.

LPA : Votre étude révèle que l’économie berlinoise est moins affectée que l’économie francilienne par la pandémie de la Covid-19. Pourquoi ?

M.L.P. : Cela tient à plusieurs aspects. Le premier est que l’Allemagne a probablement mieux géré la crise sanitaire. L’Île-de-France quant à elle, contrairement à Berlin, a été l’un des épicentres de l’épidémie, son économie était totalement – ou presque – à l’arrêt pendant plus de deux mois. Ce fut moins le cas à Berlin où le confinement a été moins strict et les fermetures des entreprises moins nombreuses. Ainsi moins d’emplois ont été ou vont être détruits et moins d’entreprises vont disparaître. Aussi les réouvertures des commerces se sont faites plus rapidement.

Selon les dernières estimations de l’OCDE, la baisse du PIB allemand devrait être de 6,5 % pour l’année 2020 contre plus de 11 % pour la France.

LPA 30 Juil. 2020, n° 155p7, p.4

Référence : LPA 30 Juil. 2020, n° 155p7, p.4

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