Val-de-Marne (94)

Pierre-Antoine Molina : « La santé est emblématique de la capacité du territoire francilien à concentrer les entreprises innovantes » !

Publié le 31/01/2023

Une ferme de production de fruits et de légumes high-tech dans les Yvelines (78), un contrôleur de pression de microfluides innovant développé au Kremlin-Bicêtre (94), ou encore des microsphères de hautes valeurs commerciales destinées à la bioproduction et conçues à Paris (75). Ces trois technologies de pointe dans le domaine de l’agroécologie et de la santé ont bénéficié du programme France 2030. Cette stratégie d’investissement de l’État à hauteur de 54 milliards d’euros sur cinq ans vise à renforcer la compétitivité de la France et développer de nouvelles filières et des technologies innovantes. C’est le cas de la santé, de l’environnement, de l’automobile, de l’aérospatial, de l’agroalimentaire ou encore du nucléaire. En Île-de-France, 682 projets d’entreprise ont été soutenus pour un montant de 1,9 milliard d’euros. Le préfet Pierre-Antoine Molina, secrétaire général aux politiques publiques d’Île-de-France dresse un premier bilan du programme France 2030, déployé il y a plus d’un an.

Actu-Juridique : Quel bilan global faites-vous du déploiement du plan France 2030 en Île-de-France ?

Pierre-Antoine Molina : L’objectif de France 2030, annoncé par le président de la République le 12 octobre 2021, est de rattraper le retard industriel français, d’investir massivement dans les technologies innovantes et de soutenir la transition écologique. Pour ce faire, l’État s’est donné pour mission de financer des porteurs de projets ambitieux et en pointe dans leurs secteurs. Cela implique d’être prêt à prendre des risques, en priorisant le potentiel à long terme, même incertain, sur le retour sur investissement immédiat.

Le bilan de France 2030 en Île-de-France après une année de mise en œuvre est très positif car le tissu économique et de recherche a répondu présent. Sur les 54 milliards prévus au niveau national, 1,9 milliard a d’ores et déjà été engagé en Île-de-France, permettant de soutenir 682 lauréats. Le nombre conséquent de lauréats franciliens témoigne de la dynamique d’innovation exceptionnelle de la région.

Il existe toutefois des disparités importantes en fonction des filières qui résultent des spécificités territoriales préexistantes. Les appels à candidatures ayant pour objectif de financer les projets les plus prometteurs, l’impact territorial hétérogène démontre l’exigence et la sélectivité des appels à projets.

Actu-Juridique : Quels sont les secteurs d’activité concernés par le plan France 2030 ?

Pierre-Antoine Molina : Le plan France 2030 ambitionne de transformer durablement les secteurs clés de l’économie française par la recherche, l’innovation et l’investissement industriel. Il vise à positionner la France, non pas seulement en acteur, mais en leader de l’économie de demain, tout en faisant le pari d’investir sur des projets sans impact négatif sur l’environnement.

Concrètement, France 2030 vise à produire par exemple, de l’hydrogène décarboné, des véhicules électriques à zéro émission carbone, des petits réacteurs nucléaires innovants, des biomédicaments, ou bien encore le premier avion bas carbone. Il s’agit encore d’engager la troisième révolution agricole, de disposer de chaînes alimentaires respectueuses de la biodiversité, et d’agroéquipements intelligents. Mais aussi de préparer la société toute entière à s’engager dans les métiers de demain en faisant le pari de la formation. Enfin, il s’agit de soutenir les technologies immersives et la réalité virtuelle ainsi que l’exploration des grands fonds marins et de l’espace.

Cela représente une opportunité exceptionnelle pour les filières telles que l’aéronautique, l’agroalimentaire, l’hydrogène, le nucléaire, la culture et la santé, particulièrement dynamiques dans notre région.

Actu-Juridique : Quelles sont les particularités de la région Île-de-France dans le cadre de ce plan ?

Pierre-Antoine Molina : L’économie francilienne se distingue par une importance très forte des écosystèmes de recherche (SATT, IRT, pôles de compétitivité, centres de R&D et universités) et l’implantation de la FrenchTech. La plupart des grands groupes ont leurs centres de R&D et de nombreuses start-up de tous les domaines sont implantées dans la région. Cela représente inéluctablement un avantage.

Le secteur de la santé est emblématique de la capacité du territoire francilien à concentrer les entreprises innovantes. Sur les principaux appels à candidature du secteur déjà réalisés, les 48 projets franciliens représentent 43,5 % des projets nationaux sélectionnés pour une enveloppe d’aide totale d’environ 84 millions d’euros, soit 49 % des aides au niveau national.

Cette réussite s’explique par un tissu très complet, avec des acteurs de tous types et de toutes tailles (académiques, start-up, industriels ETI/GE, laboratoires, hôpitaux…). Elle traduit la priorité de l’État de devenir leader dans les domaines de l’oncologie, de la bioproduction et des biotechnologies.

Outre les appels à candidatures sectoriels, d’autres sont transversaux. L’appel à projet « Première usine », par exemple, vise à financer des implantations de sites pilotes et/ou de production industrielle, destinées à commercialiser des produits innovants et à mutualiser des capacités préindustrielles au profit des start-up. Les projets candidats doivent présenter une assiette de dépenses totales d’un montant supérieur à 5 millions d’euros, ce qui traduit une ambition de réindustrialisation significative. Trois projets franciliens ont été soutenus dans le cadre de la première relève, rappelant que l’Île-de-France, au-delà de son écosystème innovant, possède des avantages certains pour l’implantation de sites productifs.

Actu-Juridique : Comment ont été choisis les projets soutenus dans le cadre de France 2030 ?

Pierre-Antoine Molina : Les cahiers des charges des appels à candidatures sont définis au plan interministériel. Les dispositifs sont généralement confiés à des opérateurs (BPI, ADEME, Banque des Territoires, ANR) qui instruisent les candidatures. Des experts indépendants sont ensuite chargés d’évaluer les projets par rapport au cahier des charges.

Il est important que les services de l’État soient en lien avec l’écosystème régional et les opérateurs pour assurer l’adéquation entre les attentes du tissu économique, la réalité du marché, le processus d’instruction et le cahier des charges.

Actu-Juridique : En quoi le plan « France 2030 régionalisé » est-il complémentaire du plan France 2030 ?

Pierre-Antoine Molina : Ce volet permet de financer des acteurs et des projets qui ne peuvent être soutenus sur le volet national ou des filières non ciblées au niveau national. Les projets retenus font l’objet d’une codécision entre l’État et le Conseil régional. Dans le cadre de la convention entre l’État et la région, 183 millions d’euros sont alloués au volet régional de France 2030, qui se décline en appels à projets visant à financer des projets d’innovation les plus ambitieux des PME et ETI, des projets collaboratifs de recherche, des lieux d’innovation et la structuration de filières industrielles et agricoles.

Actu-Juridique : Quelles sont les prochaines étapes du déploiement de ce plan ?

Pierre-Antoine Molina : Aujourd’hui, 8 milliards d’euros sur les 54 milliards d’euros prévus au niveau national sont engagés. Les appels à candidatures vont donc continuer à un rythme soutenu grâce à de nouvelles relèves sur les dispositifs existants mais également grâce à de nouveaux dispositifs, indispensables pour faire face à l’évolution très rapide des marchés innovants et tenir compte des remontées de terrain.

L’autre grand chantier concerne l’accompagnement des acteurs émergents. Il s’agit d’aller au-delà du simple financement des projets en assurant une continuité de l’accompagnement jusqu’à l’achèvement du projet avec la mobilisation de l’ensemble des services l’État.

Il s’agit de favoriser le « passage à l’échelle ». Au-delà de la première levée de fonds et du premier projet, l’État doit être capable de suivre les lauréats dans la durée pour leur proposer de nouvelles solutions au moment où ils sont en passe de devenir des champions de niveau européen ou mondial.

À ce titre, France 2030 permet de financer des démonstrateurs industriels et pas seulement des dépenses de R&D. Il s’agit d’une vraie évolution en termes d’aides publiques qui atteindra son plein potentiel grâce à un accompagnement qui ira au-delà du soutien financier (administratif, export, compétences, sécurité, etc.).

Actu-Juridique : Face à la conjoncture économique incertaine, comment les acteurs économiques réussissent-ils à se projeter dans un tel programme d’investissement ?

Pierre-Antoine Molina : Se lancer dans un projet innovant est toujours source de risques. C’est un principe admis et même assumé dans le cadre de France 2030 !

France 2030 vise à assurer la souveraineté française sur des domaines d’avenir tels que la santé, le nucléaire ou la mobilité durable. Le marché français comme européen est extrêmement dynamique dans ces domaines qui pour la plupart ne sont pas fortement exposés aux aléas de conjoncture.

Pour autant, au-delà de France 2030, l’État est très mobilisé pour accompagner les acteurs économiques qui subissent ces aléas.

Le gouvernement a mis en place un dispositif complet pour accompagner les entreprises face aux hausses des prix de l’électricité et du gaz. Il s’agit notamment du guichet d’aide au paiement des factures de gaz et d’électricité, du bouclier tarifaire, de l’amortisseur électricité, du report du paiement des impôts et cotisations sociales ou encore la résiliation, sans frais, des contrats d’énergie.

Par ailleurs, pour les entreprises en difficulté, en particulier industrielles, l’État est mobilisé afin de leur proposer un accompagnement global. Ainsi, les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP) prennent en compte le potentiel d’innovation des entreprises qu’ils accompagnent et sont en lien étroit avec les équipes en charge de France 2030.

Enfin, les entreprises consommant beaucoup d’énergie et les PME/ETI émettrices de CO2 incluent de plus en plus des projets ambitieux de décarbonation dans leur stratégie à moyen et long termes. En plus de diminuer leur impact environnemental, il s’agit d’une vraie solution pour diminuer leur exposition face aux incertitudes concernant le prix de l’énergie et face à l’augmentation du prix du carbone. À ce titre, au-delà des aides de court terme mises en place par le gouvernement pour faire face à la hausse des prix de l’électricité et du gaz, l’objectif de décarbonation de France 2030 permet aux entreprises de financer leur transition vers un modèle plus vertueux et plus soutenable économiquement.

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