Essonne (91)

Renan Ayrault : « Le sens du travail et la maîtrise sur sa destinée peut expliquer le mouvement vers l’entrepreneuriat » !

Publié le 25/05/2022

Le département de l’Essonne a enregistré un nombre record de créations d’entreprises. En 2021, 21 801 sociétés ont été créées dans le département, selon les chiffres de l’Insee. Une hausse de 11 % par rapport à 2020. Un phénomène constaté par le Réseau Entreprendre Essonne. Cette association de chefs d’entreprise accompagne les entrepreneurs dans le développement de leur business. En 2021, une trentaine d’entrepreneurs ont été accompagnés. Le président de Réseau Entreprendre 91, Renan Ayrault, dirigeant d’Ammareal, une entreprise de vente de livres d’occasion sur internet à Morangis, donne son sentiment sur le succès de l’entrepreneuriat.

Actu-Juridique : Qu’est-ce que le Réseau Entreprendre 91 ?

Renan Ayrault : Le Réseau Entreprendre 91 est une association de 110 chefs d’entreprise bénévoles. Ils soutiennent les lauréats c’est-à-dire des créateurs et des repreneurs de société ainsi que les entrepreneurs dont l’entreprise est en croissance soutenue. En 2021, nous avons accompagné 30 projets, dont un tiers est porté par des femmes entrepreneures. En général, nous apportons un soutien de deux manières. D’abord, il y a des prêts d’honneur qui peuvent aller de 15 000 à 50 000 € pour une création d’entreprise. Ils peuvent monter plus haut pour une reprise ou pour des entreprises de croissance. C’est un prêt à taux zéro, sans garantie personnelle de la part du bénéficiaire. En moyenne, chaque année, nous réalisons 800 000 € de prêts dans le département, soit environ 30 000 € par projet.

Par ailleurs, les dirigeants membres de l’association accompagnent gratuitement et bénévolement les chefs d’entreprise lauréats pendant deux ans. Tous les mois, pendant une heure au moins, les lauréats du Réseau Entreprendre de l’Essonne rencontrent un chef d’entreprise pour être accompagnés et conseillés. Le membre du Réseau Entreprendre partage son expérience pour permettre aux lauréats créateurs ou repreneurs d’une société de mieux s’orienter dans sa démarche. L’accompagnement se fait aussi à travers des promotions de lauréats pour échanger sur leurs problématiques comme le recrutement d’un premier salarié, par exemple.

Actu-Juridique : Quels sont les secteurs d’activité représentés au sein du Réseau entreprendre Essonne ?

Renan Ayrault : Nous avons une particularité au sein du Réseau Entreprendre Essonne. Nous sommes le reflet de notre territoire. Nous avons beaucoup de lauréats engagés dans les nouvelles technologies. C’est le cas des biotechnologies et des start-up très orientées vers la tech et même la deep tech c’est-à-dire l’innovation de rupture. Les technologies sont très poussées. Par exemple, nous avons signé récemment plusieurs conventions notamment avec une start-up qui fait de l’analyse de cancer colorectal par simple prise de sang. Autre exemple moins technique avec une market place autour de la communauté hip-hop. Puis, nous allons avoir des entreprises plus traditionnelles dans le domaine du service à la personne ou de la restauration, par exemple.

Actu-Juridique : Pouvez-vous décrire le tissu économique de l’Essonne ?

Renan Ayrault : Vous avez un grand pôle économique sur le plateau de Saclay tourné vers l’Université Paris-Saclay et plusieurs grandes écoles comme Polytechnique, Télécom ParisTech ou CentraleSupélec. Il y a donc un tissu scientifique et industriel très riche sur ce territoire. Il y a aussi l’École nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée qui a déménagé sur le plateau, il y a quelques années. Sur cet important pôle d’innovation, vous avez des entreprises qui se sont développées et des grands groupes déjà implantés. C’est un territoire important dans l’activité directe de Réseau entreprendre 91. En 2021, 17 de nos entrepreneurs lauréats étaient situés dans la communauté d’agglomération Paris-Saclay, dont six situés dans la commune de Gif-sur-Yvette, au cœur du plateau de Saclay.

Il y a un deuxième pôle économique autour d’Évry et du Génopôle. Vous avez de nombreuses start-up et d’entreprises de nouvelles technologies notamment dans la biotech. Puis, d’une façon générale, le nord de l’Essonne est plus industriel avec des activités de logistique autour de la N104 et de l’A86. Le sud du département est plus rural avec quelques entreprises très localisées.

Actu-Juridique : Comment les entreprises du département de l’Essonne ont-elles traversé la crise sanitaire ?

Renan Ayrault : Plusieurs constats à ce propos. D’abord, d’une manière générale, après avoir fait le dos rond en 2020, puis avoir redéployé nos ailes en 2021, notre activité continue à être très forte et soutenue. Mais, les chefs d’entreprise et leurs équipes sont fatigués. La crise sanitaire a été une période particulièrement éprouvante et incertaine. La gestion de l’incertitude au quotidien a drainé les énergies. Par exemple, c’est l’appel téléphonique du matin d’un collaborateur pour annoncer que son enfant est positif au Covid et qu’il ne peut pas venir. Autre exemple avec les cas contacts à gérer. Les esprits étaient fatigués aussi. Le télétravail a rendu les salariés plus distants de l’entreprise. Puis, il y a aussi un autre phénomène, ces derniers temps, partagé par plusieurs dirigeants d’entreprise. Des salariés qui quittent la société du jour au lendemain. Ils partent sans donner de nouvelles ou de raisons à leur départ.

Actu-Juridique : Comment a évolué la création d’entreprise dans le département de l’Essonne ?

Renan Ayrault : En Essonne, pour l’année 2021, il y a eu 21 801 créations d’entreprise, en hausse de 11 % par rapport à 2020 et de 22 % par rapport à 2019. Au niveau de Réseau entreprendre Essonne, en 2019, nous avions 25 lauréats. En 2020, ils étaient 20 entrepreneurs. Puis, en 2021, nous avons accompagné 30 dirigeants. Les entreprises lauréates du Réseau entreprendre, qui n’ont pas survécu à la crise, avaient pour la plupart déjà des difficultés. Nous nous interrogions déjà avant la crise sanitaire. Ensuite sur cette augmentation de la création d’entreprise, la crise n’a pas tari les vocations de certaines personnes. Nous nous inscrivons dans une tendance lourde. L’entrepreneuriat avec son indépendance et son autonomie est apprécié. Personnellement, ce que j’apprécie moi dans l’activité d’entrepreneur c’est qu’on va travailler plus d’heures, on va faire face à des problèmes qui sont les nôtres et on est maître de nos solutions. Je retrouve ce sentiment aussi dans mes échanges avec les lauréats. Il y a une relation au travail intéressante et qui a beaucoup plus de sens. Quand je me lève le matin, je sais que c’est pour développer mon entreprise. Ma société s’inscrit dans le cadre de l’économie sociale et solidaire. Nous vendons des livres d’occasion et nous reversons une part des prix de vente à des associations caritatives. Le sens du travail et le sentiment d’avoir plus de maîtrise sur sa destinée explique une partie du mouvement vers l’entrepreneuriat depuis la crise sanitaire.

Actu-Juridique : En Essonne, vous le disiez, Paris-Saclay est un territoire scientifique avec des laboratoires et des grandes écoles. Les ingénieurs et les chercheurs se tournent-ils de plus en plus vers l’entrepreneuriat ?

Renan Ayrault : Effectivement, il y a de plus en plus d’ingénieurs et de chercheurs qui deviennent entrepreneurs. Je vais vous donner l’exemple d’une institution, avec qui nous avons d’excellents rapports : c’est le Commissariat de l’énergie atomique (CEA). Il a un programme d’essaimage. Nous avons quasiment tous les ans des entrepreneurs, qui viennent nous contacter et qui sont issus de ce programme du CEA. J’ai l’exemple en tête de Jean-Marc Alexandre, fondateur de Sport Quantum. Il avait développé des technologies dans un laboratoire au sein du CEA. Ses solutions permettaient de détecter un impact de façon très précise sur un solide. Il a transformé cela en produit au profit des tireurs sportifs. À l’aide d’un logiciel, on peut identifier l’impact d’une balle sur une cible sans la faire revenir et faire des statistiques. Je pense aussi à l’entreprise Exoneo que j’ai accompagnée qui produit des prothèses de pied high-tech low cost. Un des fondateurs est issu de la DGA.

Actu-Juridique : Le département de l’Essonne est composé de nombreux quartiers populaires, classés parfois politique de la ville. Comment travaillez-vous avec la population de ces quartiers par rapport à l’entrepreneuriat ?

Renan Ayrault : Depuis un an et demi, nous nous intéressons à l’entrepreneuriat dans les quartiers populaires. Ce n’est pas évident d’aller chercher des entrepreneurs dans les quartiers populaires pour plusieurs raisons. Je sais qu’il y a des entrepreneurs dans ces territoires. Ensuite, pour devenir lauréat du Réseau entreprendre, il faut développer son business plan. Il va être étudié par un chargé d’étude. S’il est validé, le candidat est ensuite reçu par plusieurs dirigeants d’entreprise de l’association pour confirmer la poursuite du processus. Enfin, l’entrepreneur passe devant le comité d’engagement du Réseau Entreprendre. Cette longue démarche de sélection avec les documents à fournir n’est pas évidente pour une personne qui n’a pas les codes de l’entrepreneuriat. Une partie des jeunes issus des quartiers populaires s’autocensurent avec la crainte de rentrer dans ce processus. Nous avons donc des difficultés à les attirer. Puis, il y a l’impossibilité car ils n’ont pas le savoir-faire, par exemple sur la conception d’un business plan. Nous avons une personne dans le Réseau Entreprendre Essonne. Ceci dit, une fois ces difficultés surpassées, nous avons eu de belles réussites, c’est le cas de Mildred Omieh, lauréate 2019 et dirigeante du salon de coiffure et d’esthétique Mil’Beauty aux Ulis. Par conséquent, nous devons trouver des partenaires pour accompagner, en amont de notre processus, les candidats issus des quartiers.

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