La liberté d’expression à l’épreuve des procédures de prévention des difficultés des entreprises

Publié le 07/06/2016

La recherche d’un équilibre entre la protection de la confidentialité des procédures préventives et le respect de la liberté d’information du journaliste est un exercice délicat. En reconnaissant au devoir de confidentialité attaché aux procédures de prévention des difficultés des entreprises une portée extrêmement large, la chambre commerciale de la Cour de cassation favorise le droit au secret des affaires au détriment du droit à l’information dont jouit le journaliste. Le constat de la violation de la confidentialité suffit à caractériser un trouble manifestement illicite de nature à justifier une mesure de cessation ordonnée par le juge des référés.

Cass. com., 15 déc. 2015, no 14-11500, Sté Consolis Dermart A/S c/ Sté Mergermarket Limited, FS–PBI

Principe fondateur de toute société démocratique1, la liberté d’expression se trouve souvent confrontée à d’autres droits avec lesquels il apparaît délicat de la concilier2. Par un arrêt du 15 décembre 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé que cette liberté n’est pas absolue3, en faisant prévaloir le droit au secret attaché aux procédures de prévention des difficultés des entreprises sur le droit à l’information des journaux spécialisés dans le suivi de l’endettement des entreprises.

En l’espèce, les sociétés d’un groupe spécialisé dans la fabrication de béton précontraint avaient sollicité et obtenu l’ouverture d’une procédure de mandat ad hoc. Après l’ouverture de cette procédure, une société éditrice d’un site d’informations financières en ligne spécialisé dans le suivi de l’endettement des entreprises avait publié divers articles rendant compte de la procédure ouverte, et de son évolution, notamment de l’ouverture d’une procédure de conciliation et des négociations envisagées.

Un mois après le commencement de la conciliation, plusieurs sociétés du groupe, ainsi que le conciliateur, ont assigné la société d’édition devant le juge des référés pour obtenir le retrait de l’ensemble des articles contenant des informations confidentielles les concernant, ainsi que l’interdiction de publier d’autres articles.

Le juge des référés a fait droit à l’action commune engagée, en retenant que « la liberté d’expression reconnue aux organes de presse doit s’exercer dans le respect des droits d’autrui et que la divulgation délibérée (…) sur [un] site internet, d’informations que la loi déclare soumises à la confidentialité, est fautive et excède les droits légitimes que peut revendiquer la société [éditrice] ».

La société d’édition a alors interjeté appel devant la cour d’appel de Versailles.

Par un arrêt rendu le 27 novembre 2013, les juges versaillais ont infirmé l’ordonnance rendue et ont débouté les intimés de l’ensemble de leurs demandes. Les magistrats du second degré ont en effet avancé que l’article L. 611-15 du Code de commerce, qui soumet à la confidentialité toute personne appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui en a connaissance par ses fonctions, ne crée aucune obligation à l’égard de la société d’édition, et donc, que le fait pour celle-ci d’avoir publié, comme d’autres journaux spécialisés, des informations confidentielles, par application de cet article, ne constitue pas un trouble manifestement illicite au regard de la liberté d’informer du journaliste. Les juges d’appel ont encore ajouté qu’aucune violation évidente de la loi susceptible d’être sanctionnée par la juridiction des référés n’était avérée du fait qu’il n’était justifié d’aucun préjudice résultant de la diffusion des informations litigieuses.

Un pourvoi principal a alors été formé par les sociétés ayant fait l’objet de la conciliation, assorti d’un pourvoi incident relevé par le conciliateur.

Les demandeurs ont invoqué trois moyens à l’appui de leur prétention. Dans un premier temps, ils ont considéré que la divulgation des informations litigieuses constituait une atteinte au droit à la vie privée des personnes morales, ne pouvant être justifiée que si l’information présentait un intérêt pour le débat public, ce qu’il appartenait à la cour d’appel de rechercher. Dans un deuxième temps, ils ont soutenu que la publication sur un site spécialisé d’informations relatives à une procédure de prévention des difficultés qui sont pourtant déclarées confidentielles par la loi constituait à elle seule, un trouble manifestement illicite que le juge des référés pouvait faire cesser par toute mesure, sans qu’il soit besoin de justifier d’un préjudice, et à la condition qu’il ne soit pas prouvé que l’information présentait un intérêt pour le débat public. Dans un troisième et dernier temps, les sociétés ont fait valoir l’existence d’un risque que le journal ne réitère la publication d’articles contenant des informations confidentielles au sujet des procédures engagées dans le cadre du mandat ad hoc ou de la conciliation, les exposant ainsi à un dommage imminent, et justifiant que le juge des référés prescrive, même en cas de contestation sérieuse, les mesures qui s’imposaient pour prévenir ce dommage.

Plusieurs questions étaient ainsi posées à la Cour de cassation. Tout d’abord, il appartenait aux juges du droit de déterminer si la divulgation des informations relatives aux procédures préventives constituait une atteinte à la vie privée des personnes morales en difficulté. Il leur revenait ensuite de dire si la nature confidentielle de ces informations s’imposait à une société éditrice spécialisée, et le cas échéant, si cette violation constituait à elle seule un trouble manifestement illicite.

À l’aide de trois attendus énoncés sous le double visa des articles 10§ 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (Convention EDH) et L. 611-15 du Code de commerce, la haute cour casse l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles.

Dans son premier attendu, elle condamne la décision rendue en appel pour violation de la loi, en rappelant que l’article 10, § 2, de la Convention EDH autorise que des restrictions soient apportées par la loi à la liberté d’expression, dans la mesure de ce qui est nécessaire dans une société démocratique, pour protéger les droits d’autrui et empêcher la divulgation d’informations confidentielles, tant par la personne soumise à un devoir de confidentialité que par un tiers. Elle précise que tel est le cas des informations relatives aux procédures visées par l’article L. 611-15.

Dans le deuxième attendu, les juges du droit reprochent à la cour d’appel d’avoir privé sa décision de base légale, en ce qu’elle n’avait pas recherché, conformément à ce que prévoit l’article 10, § 2, de la Convention EDH, si les informations diffusées relatives à des procédures de prévention des difficultés des entreprises couvertes par la confidentialité, ne contribuaient pas à la nécessité d’informer le public sur une question d’intérêt général, auquel cas il ne pouvait être fait obstacle à leur diffusion par voie de presse.

Dans un troisième et ultime attendu, la Cour de cassation juge encore que la cour d’appel a violé la loi en y ajoutant une condition qu’elle ne prévoit pas, car la diffusion d’informations relatives à une procédure de prévention des difficultés des entreprises, couvertes par la confidentialité, sans qu’il soit établi qu’elles contribuent à l’information légitime du public sur un débat d’intérêt général, constitue à elle seule un trouble manifestement illicite. Ainsi, selon la Haute Cour, il n’est pas nécessaire de rapporter la preuve d’un préjudice pour obtenir une mesure de cessation de l’illicite en référé.

La solution ici rendue s’inscrit au cœur du débat général portant sur l’articulation entre deux droits de même valeur qui s’opposent : le droit au secret des affaires et le droit à la transparence4. La difficulté était encore accrue en ce que l’atteinte au secret était causée par un journaliste spécialisé, or la liberté d’expression journalistique fait l’objet d’une protection privilégiée par la jurisprudence5. Mais, si la transparence est de principe en droit positif, ce dont témoigne, par exemple, le fait que le dirigeant ne saurait se retrancher derrière le secret des affaires pour refuser de déposer les comptes sociaux6, la hiérarchie de ces droits semble inversée dans le cadre des procédures de prévention des difficultés des entreprises.

Depuis la loi de sauvegarde de 2005 et au fil des réformes postérieures, le législateur n’a eu de cesse de renforcer l’effectivité des procédures préventives. L’instauration d’une mesure de prévention détection du président du tribunal de commerce, la consécration de la procédure prétorienne du mandat ad hoc, la conservation et l’aménagement de la procédure de conciliation particulièrement favorable au débiteur7, sont autant d’initiatives qui marquent cette volonté politique de favoriser, en amont, la sauvegarde de l’entreprise et de préserver le succès que rencontrent ces mesures dans la pratique8. Or, précisément, c’est la confidentialité de ces procédures qui conditionne largement leur réussite9. Le mandat ad hoc et la conciliation sont des procédures volontaires : c’est le débiteur qui décide d’y recourir ou non. Cela est justifié par le fait que, bien que l’entreprise rencontre des difficultés, sa situation n’est pas encore gravement obérée10. Pour inciter le débiteur à trouver des solutions avant que son sort ne s’aggrave, sans risquer d’inquiéter ses partenaires commerciaux, il s’est avéré nécessaire de couvrir ces procédures du sceau du secret11. Ainsi l’article L. 611-15 du Code de commerce dispose que « Toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité ».

Mais quelle est la portée de ce devoir de confidentialité attaché aux procédures préventives ? Cède-t-il face à la liberté d’expression du journaliste spécialisé ?

En tentant de chercher un équilibre entre la protection de la confidentialité des procédures préventives et le respect de la liberté d’information du journaliste, la Cour de cassation participe ici au débat très fourni, et certainement sans fin, qui porte sur le domaine et les limites de la liberté d’expression, protégée par l’article 10 de la Convention EDH.

La solution rendue prouve que la recherche d’un équilibre entre deux droits antagonistes est extrêmement délicate et que les solutions qui y sont apportées tranchent en réalité souvent dans le sens d’une protection accentuée de l’un au préjudice de l’autre. Ici, en reconnaissant au devoir de confidentialité attaché aux procédures de prévention des difficultés des entreprises, et donc au droit au secret des affaires, une portée extrêmement large, la Cour le favorise au détriment du droit à l’information dont jouit le journaliste (I). La violation de la confidentialité couvrant les procédures préventives constitue alors un trouble manifestement illicite justifiant une mesure de cessation ordonnée par le juge des référés (II).

I – La liberté d’expression limitée par la confidentialité couvrant les procédures préventives

Dans ses deux premiers attendus, la Cour de cassation vient rappeler le fait que des restrictions peuvent être apportées à la liberté d’expression dans certaines limites. L’apport majeur de la solution ici rendue est de dire que la confidentialité des informations relatives aux procédures de prévention des difficultés des entreprises fait obstacle au droit de les divulguer par voie de presse (A). Mais cette limite n’est, elle-même, pas absolue et fait l’objet de réserves (B).

A – Le principe de la confidentialité des procédures préventives

Dans son premier attendu, la Cour de cassation répond favorablement au deuxième moyen avancé au pourvoi, pris en sa première branche, en relevant le fait que le législateur a entendu restreindre la liberté d’expression en déclarant confidentielles les informations relatives aux procédures préventives (1), et que l’interdiction de divulguer ces informations pèse tant sur les personnes soumises au devoir de confidentialité que sur les tiers (2).

1 – Une limite légale apportée à la liberté d’expression

Le droit à la liberté d’expression, véritable condition de la vie en démocratie, dont la presse est d’ailleurs considérée comme étant le « chien de garde »12, est consacré à l’article 10, § 1, de la Convention EDH13. Mais, comme le rappelle la Cour de cassation à l’appui de l’alinéa 2 du même article, ce droit n’est pas absolu, il peut être limité14.

De manière générale, cette liberté doit être conciliée avec d’autres principes ayant la même valeur normative, tel que le respect dû à la vie privée que protège l’article 8 de la Convention EDH15. Ici, la Cour de cassation ne répond pas au moyen relatif à la prétendue atteinte à la vie privée de l’entreprise qui était défendu à l’appui des articles 8 de la Convention EDH et 9 du Code civil. Elle ne répond donc pas à la question de savoir si un droit à la vie privée des personnes morales existe16. Cette question est assez controversée17. En effet, il est parfois soutenu que les droits extrapatrimoniaux appartiendraient aux seules personnes physiques. Pourtant, si « l’exclusive se vérifie pour ceux des droits extrapatrimoniaux qui ont un rapport avec le corps humain, ou pour les droits de famille », il est « d’autres droits extrapatrimoniaux [qui] peuvent, au contraire, avoir pour titulaire une personne morale »18. Précisément, le droit au secret des affaires est le prolongement du droit au respect de la vie interne de l’entreprise19, qui est un équivalent du droit au respect de la vie privée20. D’ailleurs, « selon la jurisprudence de la [CEDH], la notion de « vie privée » est large et ne se prête pas à une définition exhaustive »21. De fait, la Cour de cassation ne se prononce pas non plus sur ce qui relève de la vie privée de l’entreprise : est-ce que la divulgation d’une information patrimoniale à caractère confidentiel suffit22 ? Faut-il au surplus caractériser l’enjeu de la préservation de l’emploi et de la défense des salariés ?

Mais, au-delà de la limite apportée à la liberté d’expression par l’article 8 de la Convention EDH, la liberté d’expression peut aussi être soumise à des restrictions spéciales, qui doivent être prévues par la loi23, de manière précise, accessible et prévisible24.

Justement, la loi impose, à l’article L. 611-15 du Code de commerce, un devoir de confidentialité à « Toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance ». En matière de traitement amiable et précoce des difficultés des entreprises, le principe est donc celui de la confidentialité25. L’article L. 611-15 pose un fondement légal à la restriction apportée à la liberté d’expression dans le cadre, tant du mandat ad hoc26, que de la conciliation27.

A priori, ce devoir de confidentialité vise tant l’existence même de la procédure, si elle a été ouverte28, que son contenu, pendant toute sa durée29, ainsi qu’à son issue30. Concernant la procédure de conciliation, la portée de la confidentialité diffère selon que l’accord est constaté ou homologué. Dans le premier cas, l’accord reste strictement confidentiel. Dans le second, il fait l’objet d’une publicité légale mais dans la limite des « seuls éléments utiles à la sécurité juridique des tiers, à savoir l’existence et l’étendue du privilège accordé à certains créanciers (art. L. 611-10 et R. 611-40, al. 2 et R. 611-43) »31. En revanche, « une fois que les accords ont été trouvés, le contenu d’une restructuration financière fait partie des documents sociaux »32, ce qui est révélé aux tiers au moment de la publication des comptes33.

Il sera particulièrement difficile de préserver cette confidentialité dans les faits, notamment « dès lors qu’il y a plus de trois personnes autour d’une table de négociation »34 : « C’est souvent le cas lors de réunions de pools bancaires, c’est encore plus le cas lorsque les dettes ont été revendues et sont passées de mains en mains »35.

Aussi, pour contrer la difficulté liée à la détermination de la provenance de la divulgation, la Cour de cassation donne une portée extrêmement large à la contrainte du silence.

2 – Les personnes assujetties au devoir de confidentialité

L’article L. 611-15 donne une large portée au devoir de confidentialité puisqu’il l’impose tant à la personne qui est appelée à la procédure (débiteur, créanciers, conciliateur), qu’à toute personne qui, par ses fonctions, en a connaissance.

En l’espèce, dès le stade des débats en appel, la question s’était précisément posée de savoir qui était visé par cette dernière catégorie. En effet, par l’expression de « personne qui par ses fonctions a connaissance de la procédure » le législateur entend-il englober seulement les membres de la profession judiciaire, ou bien également les journalistes spécialisés dans le suivi de l’endettement des entreprises ? Dans sa défense, la société éditrice évoquait le fait que sa qualité de journaliste spécialisé ne pouvait être entendue comme étant une « fonction » au sens de l’article L. 611-15. Dans sa réponse, la Cour de cassation semble vouloir contourner cette difficulté, puisqu’elle dit que l’interdiction de divulguer des informations confidentielles s’impose tant aux personnes soumises au devoir de confidentialité, qu’aux tiers. Ainsi formulée, cette phrase confère le sentiment que même une personne qui ne serait pas, de par sa qualité, soumise au devoir de confidentialité, serait soumise à l’interdiction de divulguer les informations, de par leur nature confidentielle. La Cour de cassation élargit ici considérablement le sens de l’article L. 611-15.

Une telle solution peut trouver une justification en ce que dans les faits, il existera très souvent de grandes difficultés pour savoir qui manque à son devoir de confidentialité, d’autant plus que le secret des sources journalistiques est préservé36. Précisément, en l’espèce comment le tiers pouvait-il avoir eu connaissance de la procédure confidentielle sans qu’une personne qui y était appelée ne lui ait divulgué des informations37 ? Souvent, et paradoxalement, « ce sont ceux qui ont le moins de chances de récupérer leurs créances qui ont le plus de raisons de révéler l’information »38. Pire, certains, parce qu’ils sont assurés, ont intérêt à pousser à l’échec des discussions amiables. Il existe encore le risque de la divulgation de l’information par le trader de dette qui « participe ainsi à permettre au marché de fixer le juste prix de la dette à vendre ou acheter »39. Et le risque de fuite des informations va crescendo en fonction du nombre de personnes appelées à négocier autour de la table40. Ce risque est encore accru aujourd’hui du fait de la technologie41. Aussi, c’est certainement dans la volonté de contrer ces dérives que la Cour de cassation élargit considérablement la portée de la restriction qui est donnée à la liberté d’expression par la loi.

Néanmoins, la formulation retenue interroge car, précisément, sur quelle disposition la Cour de cassation, qui condamne l’arrêt d’appel pour violation de la loi, se base-t-elle pour élargir à ce point le champ de la limite à la liberté d’expression ? L’article 10, § 2, de la Convention EDH ne précise pas qui est soumis à l’interdiction de divulguer des informations confidentielles, mais il renvoie à la loi de chaque État qui délimite les restrictions apportées à la liberté d’expression. Or, eu égard à la formulation de l’article L. 611-15 du Code de commerce, il aurait été sans doute plus convaincant de qualifier clairement le journaliste spécialisé dans le suivi de l’endettement des entreprises de « personne qui, par ses fonctions » a connaissance de la conciliation, et donc d’en faire une personne directement soumise au devoir de confidentialité. Mais peut-être était-ce s’exposer trop franchement à la critique de la remise en question de leur activité de même que d’imposer à tout journaliste spécialisé dans la divulgation d’informations financières, et dans le suivi de l’endettement des entreprises, un devoir de confidentialité concernant les procédures de prévention de difficultés dont peut faire l’objet une entreprise ! En réalité, la Cour de cassation ne fait que reprendre une solution de la Cour européenne du 10 décembre 2007 qui a précisé que l’expression « empêcher la divulgation d’informations confidentielles » doit être interprétée comme englobant « les informations confidentielles divulguées aussi bien par une personne soumise à un devoir de confidentialité que par une tierce personne, et notamment, comme en l’espèce, par un journaliste »42.

Il n’en reste pas moins que la portée de la restriction apportée à la liberté d’expression est particulièrement étendue, et la prévisibilité de la loi à cet égard est assez discutable. Ainsi il est possible de se demander si une même solution serait rendue en présence d’une divulgation provenant d’autres acteurs, tels que des associations de consommateurs ou des syndicats de salariés de l’entreprise concernée par la procédure préventive.

Toutefois, par esprit de mesure, et conformément à ce que prévoit la Convention EDH, la Cour de cassation retient l’existence de réserves quant à la légitimité de la confidentialité attachée aux procédures préventives.

B – Les réserves quant à la légitimité de la confidentialité des procédures préventives

Dans son deuxième attendu, la Cour de cassation précise l’existence de réserves quant à l’interdiction de divulguer des informations confidentielles. Tout d’abord, elle rappelle les conditions auxquelles la loi doit se conformer pour restreindre la liberté d’expression (1). Ensuite, elle reprend l’exception générale d’origine prétorienne, qui est la nécessité d’informer le public sur une question d’intérêt général (2).

1 – Les conditions justifiant la restriction apportée à la liberté d’expression

Conformément à l’article 10, § 2, de la Convention EDH, la Cour de cassation rappelle que si des restrictions à la liberté d’expression peuvent être prévues par la loi, c’est seulement dans la mesure de ce qui est nécessaire dans une société démocratique, pour protéger les droits d’autrui et empêcher la divulgation d’informations confidentielles.

Elle rappelle ainsi, en premier lieu, que l’ingérence doit être nécessaire dans une société démocratique. Pour être nécessaire, cette ingérence « doit répondre à un besoin social impérieux »43. Les États Parties disposent d’une certaine marge d’appréciation pour juger de cette nécessité. Or, selon la jurisprudence de la Cour européenne, cette marge est assez ample en l’absence de consensus des États sur la question en cause, et tel est le cas lorsque l’ingérence est due à la divulgation d’informations confidentielles par un journaliste44.

La Cour de cassation rappelle, en second lieu, que l’ingérence apportée à la liberté d’expression par la loi doit poursuivre un but légitime. Aussi faut-il, d’une part, que l’interdiction vise la protection des droits d’autrui, et, d’autre part, que l’interdiction empêche la divulgation d’informations confidentielles. Ces deux conditions sont cumulatives.

Ce qui posait problème en l’espèce, était que le respect de la confidentialité se heurtait directement à la liberté de la presse, à la liberté d’informer dont jouit le journaliste, liberté fondamentale. À l’appui d’une décision de la CEDH, la société éditrice avançait d’ailleurs que cette liberté ne pouvait être susceptible de restrictions dès lors que les informations étaient transmises de bonne foi, sur la base de faits exacts et fiables, et qu’il s’agissait d’informations utiles car permettant une meilleure transparence de la vie des affaires45. Il est vrai qu’à l’occasion de décisions relatives à la divulgation d’informations confidentielles, la CEDH a posé des critères pour juger de la nécessité de l’ingérence par rapport aux buts poursuivis. Elle examine ainsi à la fois les intérêts en présence46, l’authenticité des informations divulguées47, le préjudice causé48, le comportement du requérant ayant divulgué les informations, et particulièrement sa bonne foi49, et enfin la sévérité de la sanction prononcée50. Alors que la cour d’appel avait appliqué cette jurisprudence, la Cour de cassation ne se réfère pas à ces différents critères. Il est d’ailleurs remarquable qu’elle ne se réfère pas au critère du mode de captation de l’information, c’est-à-dire à la question de la loyauté de la preuve, pourtant fréquemment retenu par la Cour de cassation pour légitimer la restriction apportée à la liberté d’expression du journaliste51. Mais c’est sûrement par manque de preuve concernant la source de la divulgation que ce critère n’est pas ici repris.

La haute cour se contente de reprocher aux juges du fond de ne pas avoir constaté la réunion des deux conditions légitimant la restriction à la liberté d’expression, à savoir, en premier lieu, le caractère confidentiel des informations relatives aux procédures de prévention des difficultés des entreprises, et, en second lieu, la poursuite d’un but de protection des droits et libertés des entreprises recourant aux procédures préventives. La Cour ne rentre pas davantage dans le détail concernant l’identification exacte des droits protégés. Cet argument n’est pas vraiment explicité. Aussi est-il possible de s’interroger : s’agit-il du droit à la vie privée de l’entreprise qui est ici protégé, tel que le prétendait le demandeur au pourvoi – auquel cas la Cour répondrait également favorablement au premier moyen de manière indirecte ? S’agit-il de la protection de la « valeur d’entreprise »52 ? S’agit-il plus simplement du droit à la prévention des difficultés de l’entreprise ?

Sans plus de précision, le constat de la réunion de ces deux critères est de nature, selon les juges du droit, à justifier l’empêchement de la diffusion des informations litigieuses par voie de presse.

Toutefois, la Cour énonce encore l’existence d’une dernière limite à la restriction apportée à la liberté d’expression, à savoir la nécessité d’informer le public sur une question d’intérêt général.

2 – La limite de la considération d’intérêt général

Le devoir de confidentialité n’est pas plus absolu que la liberté d’expression53. C’est ce que rappelle la Cour de cassation en accueillant l’argumentation de la cinquième branche du premier moyen au pourvoi, toujours à l’appui de l’article 10, § 2, de la Convention EDH. En effet, la diffusion des informations confidentielles ne peut être empêchée si elle contribue à la nécessité d’informer le public sur une question d’intérêt général. La contribution de la publication au débat d’intérêt général apparaît clairement comme étant l’« élément déterminant » de la conciliation entre la liberté d’expression et le droit au respect du secret des affaires54. La Haute Cour reproche ainsi à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si les informations diffusées relevaient d’un tel débat et condamne la décision pour privation de base légale. Une question d’intérêt général fait primer la liberté d’expression sur le devoir de confidentialité. Elle permet un retour au principe initial. La Cour européenne tend à élargir la notion de débat d’intérêt général au fil de ses décisions55, et elle a notamment pu considérer que la liberté de circulation d’informations et d’idées sur les activités de puissantes sociétés commerciales, notamment des entreprises multinationales, était une question d’intérêt général56. Elle a également décidé que la stratégie d’une entreprise privée pouvait constituer une question d’intérêt général57. Aussi n’est-il pas inenvisageable que la cour d’appel de Paris, chargée de statuer sur renvoi, considère sur ce fondement que l’information transmise en l’espèce relève de l’intérêt général.

Par ailleurs, et bien que la Cour ne les évoque pas, deux autres limites semblent encore exister face au droit au secret. Il s’agit du devoir de délation, prévu à l’article L. 814-12 du Code de commerce, qui est à la charge de tout administrateur ou mandataire judiciaire inscrit sur les listes qui, « dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit »58, et de la renonciation du débiteur au bénéfice de la confidentialité59.

Après avoir caractérisé l’existence d’un devoir de confidentialité et les conditions de sa justification, le juge rappelle les conséquences de la violation d’un tel devoir.

II – La violation illégitime de la confidentialité constitutive d’un trouble manifestement illicite

Autrefois sanctionnée pénalement, la violation du secret couvrant les procédures préventives fait aujourd’hui l’objet d’une sanction civile60, sauf pour certaines des personnes appelées à la négociation qui sont astreintes, par leur fonction, au secret professionnel, pénalement sanctionné. Il est possible de regretter le défaut de mention dans l’article L. 611-15 du Code de commerce de la sanction de la violation du principe de confidentialité. En l’absence de précision, ce sont les règles du droit commun de la responsabilité délictuelle qui s’appliquent : la violation de la confidentialité constitue une faute, réparable par l’allocation de dommages-intérêts. Néanmoins, et comme c’est le cas en l’espèce, ce sont des mesures de cessation de l’illicite en référé qui sont le plus souvent sollicitées sur le fondement des articles 9 du Code civil61 et 809 du Code de procédure civile en matière civile, ou 873 du même code en matière commerciale62. En une telle hypothèse, ce ne sont donc pas les conditions de la responsabilité civile qu’il s’agit de constater, mais celles du trouble manifestement illicite, ce que la Cour rappelle dans son troisième attendu (A). Ces conditions réunies, la demande de mesure de cessation de l’illicite doit être accueillie favorablement par le juge. Reste alors à en comprendre les conséquences (B).

A – Les conditions de la caractérisation du trouble manifestement illicite

« La cessation de l’illicite désigne, en un mot, toute sanction ayant pour objet ou pour effet de prévenir ou de faire cesser une situation de fait contraire au droit »63. Pour être prononcée, elle nécessite que soit caractérisé un « trouble » manifestement « illicite ». Se pose alors la question des liens entre ces conditions et celles de la responsabilité civile64. Cette question a suscité et provoque encore des controverses65. Au fil des décisions jurisprudentielles, le régime de la cessation de l’illicite a évolué et « son efficacité a été constamment renforcée par l’assouplissement des conditions de sa recevabilité »66. À la lecture de la solution ici rendue, on se rend compte de cet assouplissement, et surtout, de la particularité du régime de la cessation de l’illite par rapport à celui de la responsabilité civile. En effet, pour caractériser l’existence d’un « trouble illicite », la Cour ne fait pas référence à la notion de faute (1), et elle rejette très clairement la condition de la preuve d’un préjudice (2).

1 – L’absence de référence à la faute

La caractérisation d’un trouble manifestement illicite nécessite un fait illicite, qui peut être défini comme toute méconnaissance d’une règle impérative. Un débat a animé la doctrine sur le point de savoir si cette notion est assimilable à celle de faute. Si pour Geneviève Viney ces notions sont similaires, elles sont en revanche à distinguer selon M. Bloch. En effet, ce dernier a défendu l’idée que « l’illicite n’est pas une qualification impliquant le sujet qui devra en répondre mais une qualification d’une situation de fait considérée de manière abstraite, abstraction faite de toute considération tenant à la conscience personnelle ou à la part matérielle ou juridique que le sujet a pris dans sa réalisation »67. Quant au trouble, toujours selon cet auteur, il « ne se détache pas de la situation illicite. Il ne désigne pas les conséquences du fait illicite, mais le fait ou l’état de fait illicite lui-même, circonscrit à l’intérêt concret invoqué au soutien de l’action »68.

Or, précisément, à la lecture de l’attendu de la Cour de cassation, il semble bien que cette dernière ne cherche pas à caractériser une faute stricto sensu, mais, indépendamment de toute appréciation morale du comportement adopté par le journaliste, à caractériser objectivement l’existence de la diffusion d’informations couvertes par la confidentialité sans que cela soit justifié par une considération d’intérêt général. La Cour de cassation caractérise à la fois le trouble et le fait illicite par la constatation, tout d’abord, de la diffusion d’informations relatives à une procédure de prévention des difficultés des entreprises couvertes par la confidentialité, et ensuite, par l’absence de preuve que ces informations contribuent à l’information légitime du public sur un débat d’intérêt général.

La première de ces deux circonstances est a priori plutôt aisée à établir, car elle est objective : les informations concernant les procédures préventives sont protégées par la confidentialité.

Ainsi, il est très peu probable qu’une telle jurisprudence soit étendue au cadre des procédures de traitement des difficultés des entreprises, puisqu’il n’existe pas, les concernant, de textes équivalents à l’article L. 611-15. « En procédure collective, tout est publié, tout est communiqué, tout est déposé notamment en liquidation judiciaire »69. Le principe y est celui de la transparence. Le commissaire aux comptes et l’expert-comptable sont soumis à la transparence70. Pourtant, « la révélation des difficultés d’une entreprise à l’ouverture d’une procédure collective détruit beaucoup de valeurs »71. Sûrement est-ce là aussi l’une des raisons pour lesquelles la Cour de cassation renforce considérablement la portée du devoir de confidentialité au stade des mesures préventives : la conciliation permet le Prepack cession, qui est un moyen d’anticiper la cession de l’entreprise, et donc de conserver sa valeur72. En revanche, il est possible de penser que la condition serait remplie en présence d’un engagement exprès de confidentialité pris par les personnes ayant accès à la procédure. En effet, le fait illicite peut être la violation d’un engagement contractuel. Mais en une telle hypothèse se pose encore la question de la portée de l’interdiction. La solution extensive ici rendue serait-elle alors transposable73 ?

La seconde des deux circonstances sus évoquées rend a priori peu aisée la défense du journaliste poursuivi, tant l’appréciation de la légitimité de l’information vis-à-vis du public est une donnée subjective. Néanmoins, comme il l’a déjà été dit, la jurisprudence européenne retient une conception de plus en plus extensive de la notion de débat d’intérêt général, et regroupe sous ce concept un nombre croissant de situations74. Il appartiendra aux juges du fond, au regard des critères qui ont pu être posés par la CEDH, de déterminer si certaines valeurs en présence révèlent l’intérêt de l’information du public, au détriment de la protection de l’image de l’entreprise.

Si la Cour de cassation s’avère peu précise eu égard à la condition de la constatation d’un trouble illicite, elle est, en revanche, particulièrement claire concernant le rejet de la condition de la preuve d’un préjudice pour obtenir une mesure en référé-cessation de l’illicite.

2 – Le rejet de la condition du préjudice

En insistant sur le fait que les deux éléments sus évoqués suffisent à eux seuls pour constituer un trouble manifestement illicite, la Cour de cassation rejette clairement la condition de la preuve d’un préjudice. Elle sanctionne l’arrêt d’appel pour violation de la loi par ajout d’une condition qu’elle ne prévoit pas. Il n’est donc pas demandé à celui qui se plaint d’un trouble manifestement illicite devant le juge des référés, de rapporter la preuve que ce trouble lui a causé un préjudice. Ici la Cour de cassation rappelle une règle d’origine prétorienne qui constitue la différence majeure entre le régime du trouble manifestement illicite et de la responsabilité civile75. Cette dernière nécessite l’apport de la preuve d’un préjudice en lien avec la faute commise. Or, tel n’est pas le cas du trouble manifestement illicite76. Cette règle présente un avantage évident pour le plaideur et facilite grandement l’accès à la condamnation par le biais du référé-cessation de l’illicite, car la preuve d’un préjudice participe directement de la difficulté d’obtenir une réparation en cas de rupture de la confidentialité77.

Par ailleurs, une telle règle implique que le trouble manifestement illicite peut être constaté alors même que la rupture de confidentialité peut profiter au dossier. « Le fait que dans un cercle d’initiés, au bon sens du terme, on sache que telle entreprise a des besoins de financement ou cherche à revendre sa dette, permet d’en discuter et peut faire naître des solutions »78. Mais il est vrai que « la limite de cet aspect positif reste la définition de ce cercle »79. Précisément, les journalistes ne font pas partie de ceux qui sont appelés à la confidentialité par la loi, ils sont ceux qui connaissent le dossier, ses difficultés, tout en étant extérieurs au périmètre de protection légale. De plus, la CEDH semble apprécier la légitimité de l’atteinte portée à la liberté d’expression à la mesure du préjudice subi par la victime de la divulgation80. L’existence d’un préjudice n’est donc pas totalement indifférente eu égard à cette jurisprudence européenne.

Au regard des solutions de droit interne, il apparaît a priori préférable pour l’entreprise lésée de demander une interdiction des publications en référé, c’est-à-dire une forme de réparation en nature, plutôt que de solliciter une réparation pécuniaire pour un mal déjà subi. Une telle affirmation doit toutefois être relativisée en raison du problème lié à la longueur de la procédure, y compris en référé. Par exemple, dans l’affaire qui opposait des journalistes à une célèbre milliardaire, la cessation de l’illicite avait été obtenue « plus de trois ans après la publication et le début de la commercialisation de l’information attentatoire à la vie privée, ce qui a permis le développement du préjudice et des profits issus de l’exploitation de cette information, ainsi que sa reprise ultérieure par d’autres journaux »81. En matière de sanction des droits extrapatrimoniaux, « une fois le mal fait, le droit avoue sa faiblesse »82. Dans de telles hypothèses, « le retrait [du support de l’information litigieuse] ne fera guère plus qu’apporter une certaine satisfaction morale à la victime »83. Néanmoins, cette satisfaction morale ne serait certainement pas des moindres car la caractérisation d’un trouble manifestement illicite peut entraîner des conséquences lourdes pour celui qui l’a causé.

B – Les conséquences de la caractérisation d’un trouble manifestement illicite

La caractérisation d’un trouble manifestement illicite n’est pas sans conséquences à l’égard de la société d’édition, à différents points de vue. Tout d’abord, d’un point de vue technique, une telle constatation implique que le juge des référés est en droit de prononcer toute mesure d’urgence visant à faire cesser le trouble (1). Ensuite, d’un point de vue politique, et eu égard à une telle décision, se pose la question de la place désormais accordée aux sociétés d’édition spécialisées dans le suivi de l’endettement des entreprises (2).

1 – La condamnation en référé à faire cesser le trouble constaté

En vertu de l’article 873 du Code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut « même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

Bien qu’il ait existé un risque, selon les demandeurs au pourvoi, que le journal ne réitère la publication d’articles contenant des informations confidentielles, la Cour de cassation ne se prononce pas sur la question du dommage imminent à éviter par la mesure en référé. Elle se contente de se référer à l’existence du trouble manifestement illicite.

La Haute Cour ne précise pas plus la nature exacte de la condamnation pouvant être prononcée. Celle-ci relève de l’appréciation du juge des référés. En effet, « le droit à la cessation de l’illicite ne porte que sur le résultat – sortir de l’illégalité – et non sur les moyens permettant de l’obtenir. Il est donc normal que le choix des mesures propres à faire cesser l’illicite soit laissé aux juges du fond et qu’ils conservent à cet égard une marge de liberté »84. De plus, ce choix « dépend bien évidemment du procédé qu’a employé l’auteur »85. En l’espèce, c’était la diffusion d’informations confidentielles par voie de presse sur internet qui justifiait la demande de retrait de l’ensemble des articles contenant ces informations, ainsi que l’interdiction de publier d’autres articles. De manière générale, lorsqu’il y a atteinte à la vie privée par voie de presse, le juge des référés est en droit d’interdire la vente du journal ou d’ordonner sa saisie ou son retrait. C’est une sanction particulièrement rude. La cessation du trouble « fait disparaître la partie du dommage que l’indemnité ne parvient qu’à compenser »86. Mais au-delà de ce pur aspect punitif, la cessation de l’illicite présente d’autres avantages qui participent de son originalité. Principalement, « c’est sa fonction « corrective » ou « de rétablissement de la légalité » qui est notable87. De plus, elle revêt un aspect préventif non négligeable, « l’essentiel étant alors de prévenir la réalisation de tels dommages ou, s’ils ont commencé à se produire, d’y mettre fin ou de faire en sorte d’en éradiquer les effets »88. C’est une mesure provisoire, qui n’a pas d’autorité de la chose jugée au principal, mais cela « n’a qu’une faible portée au regard de son efficacité immédiate, qui est le résultat recherché »89. D’ailleurs la très grande majorité des affaires jugées en référés ne donne pas lieu à un jugement au fond par la suite.

Néanmoins, la CEDH a précisé que la nature et la lourdeur des peines infligées sont des éléments à prendre en considération pour mesurer la proportionnalité de l’atteinte portée à la liberté d’expression90. Or, la première chambre civile de la Cour de cassation a pu considérer, dans des arrêts du 5 février, du 2 juillet, et du 3 septembre 2014, que les limites à la liberté d’expression qui découlent des mesures de cessation de l’illicite sont compatibles avec les articles 11 de la DDHC et 10 de la Convention EDH91. Tout de même, en raison de la gravité de ses conséquences, la décision du juge des référés est encadrée par le respect des principes d’« adéquation » et de « proportionnalité de la mesure au trouble à faire cesser »92. D’ailleurs, la CEDH apprécie le contrôle exercé par les juridictions internes sur l’application de ces sanctions93. Il est justement possible de s’interroger sur le caractère adéquat et proportionné de la mesure ordonnée par le juge des référés en l’espèce. En effet, la décision ici rendue n’est-elle pas une porte ouverte à la remise en cause de l’objet social des sociétés éditrices spécialisées dans le suivi de l’endettement des entreprises ?

2 – La remise en cause de l’objet social des sociétés éditrices spécialisées ?

La décision rendue par la Cour de cassation soulève une interrogation majeure. En effet, puisqu’il ressort de la raison d’être, c’est-à-dire de l’objet social des sociétés éditrices de sites d’informations financières spécialisées dans le suivi de l’endettement des entreprises, de divulguer des informations concernant les difficultés des entreprises, que reste-t-il, au regard de la solution retenue par la Cour de cassation, de la place laissée à la liberté d’expression les concernant ? Qu’en est-il de la conformité de leur objet social à l’ordre public ? Ainsi, qu’en est-il de leur avenir ? En l’espèce, il est possible d’avoir un doute sur le fait que l’activité d’édition du site d’informations financières en ligne (Debtwire) compose l’essentiel de l’objet social de la société Mergermarket Limited, car ce dernier est publiquement affiché comme étant une activité de conseils pour les affaires et autres conseils de gestion. Il n’en reste pas moins que, au-delà des circonstances de l’espèce, la solution peut légitimement inquiéter les professionnels de l’information financière. D’ailleurs, en raison des retombées pécuniaires qu’aurait une telle mesure sur ce type de sociétés, celles-ci ne pourraient-elles pas plaider à l’avenir l’existence d’une atteinte portée à leur liberté d’entreprendre ou à leurs biens94 ?

A priori, ces craintes sont tout de même à relativiser en ce que cette jurisprudence semble réservée au cadre des procédures préventives. En effet, les « procédures de sauvegarde, de redressement ou liquidation judiciaires n’ont pas été voulues, ni même organisées, comme des procédures rétroactivement confidentielles, à l’instar du mandat ad hoc et de la conciliation. Aussi des mesures de publicité peuvent être considérées nécessaires à l’égard de ces procédures, tout au moins dans les conditions limitatives prévues par décret »95.

Pourtant, les procédures de traitement des difficultés des entreprises peuvent également entraîner la révélation d’informations confidentielles portant préjudice aux acteurs économiques. Reste alors à savoir jusqu’où la Cour de cassation serait prête à étendre la solution ici rendue. La question mérite surtout de se poser concernant la procédure de rétablissement professionnel récemment créée par le législateur. En effet, « la réforme de 2014 n’a-t-elle pas voulu en faire une procédure d’enquête secrète ? »96, et cela afin de favoriser la consécration d’un véritable « droit à l’oubli » au profit du débiteur97 ? Un tel objectif paraît imposer une nouvelle dérogation à la liberté d’informer dont jouissent par principe les journalistes. Dans ce cadre, tout comme dans celui des procédures préventives, il sera particulièrement délicat pour le juge de trouver un équilibre entre droit au secret – ou droit à l’oubli – et liberté d’expression, notamment à l’égard des organes de presse98.

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. CEDH, 13 juill. 2012, n° 16354/06, § 48, Mouvement Raëlien Suisse c/ Suisse : La liberté d’expression est « l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun ».
  • 2.
    Sur la liberté d’expression, sa complexité, et la nécessité de la concilier avec d’autres droits de même valeur, V. not., in La liberté d’expression aux États-Unis et en Europe, E. Zoller (dir.), Dalloz, 2008 : J.-F. Flauss, « La Cour européenne des droits de l’homme et la liberté d’expression », p. 97 et s. et J. Morange, « La conception française de la liberté d’expression », p. 157 et s.
  • 3.
    V. CEDH, Mouvement Raëlien Suisse c/ Suisse, préc. : La liberté d’expression « est assortie d’exceptions qui (…) appellent toutefois une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante ». Adde : J.-L. Sauron et A. Chartier, Les droits protégés par la Convention européenne des droits de l’Homme, Gualino, 2014, nos 565 et s.
  • 4.
    V. not. Cass. 1re civ., 9 juill. 2003, n° 00-20289. Adde : CEDH, 15 mars 2012, n° 4149/04, § 63, Aksu c/ Turquie – CEDH, 17 oct. 2006, n° 71678/01, § 38, Gourguénidzé c/ Géorgie : « Il n’existe aucun rapport de subordination entre les droits garantis par les [art. 8 et 10 Conv. EDH] » – CEDH, 7 févr. 2012, nos 40660/08 et 60641/08, § 106, Von Hannover c/ Allemagne (n° 2) : Ces droits « méritent a priori un égal respect. (…) Dès lors, la marge d’appréciation devrait en principe être la même dans les deux cas ».
  • 5.
    V. not. J.-F. Flauss, art. préc.
  • 6.
    V. C. Delattre, « Conditions de la sanction du non-dépôt des comptes sociaux » : Rev. proc. coll. 2011, comm. n° 152 : « La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation martèle que le dépôt des comptes sociaux est une infraction pénale qui doit être sanctionnée et qu’aucun argument, y compris celui du secret des affaires, ne saurait justifier la commission de cette infraction ». Adde : « Procédure de référé injonction : désignation d’un mandataire ad hoc pour pallier le refus du dirigeant » : Rev. proc. coll. 2012, comm. n° 176 : « Face à l’échec d’une mesure alternative et au refus réitéré du dirigeant de se conformer aux dispositions légales, le ministère public, au visa de l’article L. 123-5-1 du Code de commerce, peut solliciter la désignation d’un mandataire ad hoc pour procéder au dépôt des comptes à la place du dirigeant ».
  • 7.
    V. I. Rohart-Messager, « L’amélioration de la prévention » : Gaz. Pal. 7 mars 2009, p. 5, n° 66 : « La procédure de conciliation confère des avantages au débiteur face à ses créanciers puisque, d’une part, elle fait obstacle à l’ouverture d’une procédure collective et, d’autre part, elle permet, dans certains cas, l’octroi plus facile de délais de grâce pour le paiement des dettes ».
  • 8.
    Ibid. : « Le mandat ad hoc et la conciliation semblent connaître un réel succès ».
  • 9.
    Cela explique que le nouveau règlement européen sur les procédures d’insolvabilité, qui pose comme condition que les procédures soient publiques, c’est-à-dire qu’elles fassent l’objet d’une publication légale, maintienne l’exclusion des procédures de conciliation, dont le caractère confidentiel conditionne le succès.
  • 10.
    Le débiteur ne doit pas être en cessation des paiements pour recourir à un mandat ad hoc. La cessation des paiements doit être inférieure à quarante-cinq jours pour demander l’ouverture d’une conciliation.
  • 11.
    Il est possible de relever le paradoxe qui consiste à assortir ces mesures volontaires d’un devoir de confidentialité tout en consacrant un risque d’atteinte au secret des affaires par le dépôt des comptes exigé du fait d’une telle procédure : V. F. Gentin, « Le secret des affaires et la confidentialité des procédures », table-ronde : Rev. proc. coll. janv.-févr. 2015, p. 73 et s., spéc. p. 75 : « Si le dirigeant ne veut pas déposer ses comptes, il ne va pas demander l’ouverture d’une procédure pour se contraindre à déposer ses comptes ». Adde : F. Perochon, Entreprises en difficulté, LGDJ, 2014, 10e éd., n° 133 : « Le président du tribunal convoque aussitôt le représentant légal de la personne morale ou le débiteur personne physique pour “recueillir ses explications” (art. R. 611-23, al. 1er). Il disposait jusqu’en 2009 de puissants moyens d’information (investigation auprès de nombreux tiers et expertise), dont le prive la nouvelle rédaction de l’article L. 611-6. Le débiteur s’en réjouira a priori pour des raisons de célérité, de confidentialité et de coût, à ceci près que ces mesures pourront toujours être décidées une fois la conciliation ouverte (art. L. 611-6, al. 5) ».
  • 12.
    V. not. CEDH, 25 juin 1992, série A, n° 239, p. 28, § 66, Thorgeirson c/ Islande – CEDH, 29 mars 2001, § 45, Thoma c/ Luxembourg : RTDH 2002, p. 203, obs. Spielman. Adde : J.-F. Flauss, art. préc.
  • 13.
    V. Conv. EDH, art. 10, § 1 : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations ».
  • 14.
    V. not. CEDH, Mouvement Raëlien Suisse c/ Suisse, préc.
  • 15.
    V. not. Cass. 1re civ., 9 juill. 2003, préc. Adde : CEDH, Aksu c/ Turquie, préc., § 63 – CEDH, Gourguénidzé c/ Géorgie, préc., § 38 – CEDH, Von Hannover c/ Allemagne (n° 2), préc., § 106 – J.-L. Sauron et A. Chartier, op. cit., nos 435 et s.
  • 16.
    Une telle précision n’est pas donnée par l’article 8, § 1, de la Convention européenne qui dit de manière générale que « toute personne a droit au respect… ». Elle n’est pas non plus donnée par l’article 9 du Code civil qui dit que « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».
  • 17.
    Cela apparaît au vu même de la décision de la cour d’appel qui énonce qu’« en ce qui concerne une éventuelle atteinte à la vie privée de l’entreprise, force est de constater qu’une telle notion dont l’existence est particulièrement discutée peut difficilement donner lieu à protection par le juge des référés ».
  • 18.
    V. G. Cornu, Droit civil. Introduction au droit, Domat, 2007, 13e éd., p. 41, n° 63.
  • 19.
    V. C. Gavalda, « Le secret des affaires », in Mélanges R. Savatier, Dalloz, 1965, p. 291 et s.
  • 20.
    V. G. Cornu, op. cit. Pour l’admission d’un droit à la vie privée au profit de la personne morale, v. CA Aix-en-Provence, 1re ch., sect. B, 10 mai 2001 : D. 2002, p. 2299, obs. A. Lepage. Adde : J.-C. Saint-Pau (dir.), Droits de la personnalité, LexisNexis, 2013, n° 1120.
  • 21.
    V. J.-L. Sauron et A. Chartier, op. cit., n° 435. V. CEDH, 13 déc. 2012, n° 39630/09, § 248, El-Masri c/ L’ex-République yougoslave de Macédoine ; CEDH, 16 févr. 2000, n° 27798/95, § 65, Amann c/ Suisse : « Le terme “vie privée” ne doit pas être interprété de façon restrictive ». La CEDH n’exclut pas les activités professionnelles ou commerciales de la notion de vie privée, v. not. Amann c/ Suisse, préc. Adde : CEDH, 4 mai 2000, n° 28341/95, § 43, Rotaru c/ Roumanie.
  • 22.
    Sur cette question, v. not. C. Saint-Pau (dir.), op. cit., nos 1182 et s.
  • 23.
    La loi est entendue comme étant « le texte en vigueur tel que les juridictions compétentes l’ont interprété » (CEDH, n° 44774/98, § 88, Leyla Sahin c/ Turquie) : Ce sont à la fois la norme interne (le droit écrit) et la jurisprudence qui sont appréciées par la CEDH. Par ex., L. 29 juill. 1881 sur la liberté de la presse réprime la diffamation et l’injure. Adde : Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, n° 11-19530 : Les propos tenus sur un réseau social sont susceptibles de tomber sous le coup de la loi qui réprime non seulement les injures publiques mais aussi les injures non publiques.
  • 24.
    V. CEDH, 14 sept. 2009, n° 38224/03, § 81, Sanoma Uitgevers B.V. c/ Pays-Bas.
  • 25.
    V. F. Perochon, « Coût, transparence et confidentialité de la prévention » : Rev. proc. coll. janv. 2014, p. 79.
  • 26.
    V. C. com., art. L. 611-3.
  • 27.
    V. C. com., art. L. 611-5. De plus, et bien que l’article L. 611-15 du Code de commerce ne le précise pas, le devoir de confidentialité s’impose également dans la procédure d’alerte : V. F. Perochon, op. cit., nos 77 et s.
  • 28.
    V. F. Perochon, op. cit., n° 139 : « Elle ne s’applique à notre avis que si la conciliation a été ouverte, nul ne pouvant, si la demande est rejetée, avoir connaissance ou être appelé à une “non-conciliation” ».
  • 29.
    Ibid., n° 205 : « Pour assurer la confidentialité requise (v. C. com., art. L. 611-15 ; C. rur., art. L. 351-7), ces auditions ont lieu en chambre du conseil [n° 216. art. L. 611-9] ».
  • 30.
    Ibid., n° 174.
  • 31.
    Ibid., n° 212.
  • 32.
    V. F. Gentin, art. préc., p. 76.
  • 33.
    Ibid. : « Parfois même il y a des communiqués de presse volontaires pour faire savoir que la dette a été restructurée, que l’entreprise va mieux ».
  • 34.
    V. C. Thevenot, « Le secret des affaires et la confidentialité des procédures », table-ronde préc., p. 75.
  • 35.
    Ibid.
  • 36.
    V. not. CEDH, 27 mars 1996, n° 17488/90, Goodwin c/ Royaume-Uni. Adde : CEDH, 21 janv. 1999, n° 29183/95, Fressoz et Roire c/ France – CEDH, 15 oct. 2003, n° 33400/96, Ernst et a. c/ Belgique – CEDH, 25 avr. 2006, n° 77551/01, Dammann c/ Suisse – CEDH, 7 juin 2007, n° 1914/02, Dupuis et a. c/ France – CEDH, 27 nov. 2007, n° 20477/05, Tillack c/ Belgique : « Le droit des journalistes de taire leurs sources ne saurait être considéré comme un simple privilège qui leur serait accordé en fonction de la licéité ou de l’illicéité de leurs sources, mais comme un véritable attribut du droit à l’information ».
  • 37.
    D’ailleurs l’arrêt d’appel insiste sur le fait qu’« il est établi [que la société éditrice] a publié (…) des informations (…) dont on ignore comment elles ont été obtenues, voire même si c’est auprès de personnes soumises à cette obligation de confidentialité ».
  • 38.
    V. F. Gentin, art. préc., p. 76.
  • 39.
    V. H. Bourbouloux, « Confidentialité et transparence réconciliées pour la prévention et le traitement des difficultés » : BJE mai 2012, p. 183, n° 87.
  • 40.
    V. F. Gentin, art. préc., p. 76.
  • 41.
    Ibid., p. 79. En effet, dans certaines audiences, à l’aide de téléphones, des personnes présentent dans la salle prennent des photos et les diffusent sur un moteur de recherche, dans la presse, parfois en temps réel.
  • 42.
    V. CEDH, 10 déc. 2007, n° 69698/01, § 61 et 62, Stoll c/ Suisse.
  • 43.
    V. J.-L. Sauron et A. Chartier, op. cit., n° 591.
  • 44.
    V. CEDH, 10 déc. 2007, n° 69698/01, § 105 et s, Stoll c/ Suisse. Adde : J.-L. Sauron et A. Chartier, op. cit., n° 592.
  • 45.
    V. CEDH, 22 oct. 2007, nos 21279/02 et 36448/02, § 67, Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c/ France : « Le droit des journalistes de communiquer des informations sur des questions d’intérêt général est protégé à condition qu’ils agissent de bonne foi, sur la base de faits exacts, et fournissent des informations “fiables et précises” dans le respect de l’éthique journalistique ».
  • 46.
    V. CEDH, 12 févr. 2008, n° 14277/04, § 74, Guja c/ Moldavie : « L’intérêt de l’opinion publique pour une certaine information peut parfois être si grand qu’il peut l’emporter même sur une obligation de confidentialité imposée par la loi ».
  • 47.
    Ibid., § 75 : « Quiconque choisit de divulguer des informations doit vérifier avec soin, dans la mesure où les circonstances le permettent, qu’elles sont exactes et dignes de crédit ».
  • 48.
    Ibid., § 76 : Il s’agit d’apprécier « le poids respectif du dommage que la divulgation litigieuse risquait de causer à l’autorité publique et de l’intérêt que le public pouvait avoir à obtenir cette divulgation ». Adde : CEDH, 10 déc. 2007, n° 69698/01, § 136, Stoll c/ Suisse.
  • 49.
    V. CEDH, Guja c/ Moldavie, préc., § 77. Adde : Stoll c/ Suisse, préc., § 103.
  • 50.
    V. CEDH, Stoll c/ Suisse, préc., § 153.
  • 51.
    V. not. Cass. 1re civ., 6 oct. 2011, n° 10-21823 – Cass. 1re civ., 2 juill. 2014, n° 13-21929 : Des journalistes avaient diffusé des informations enregistrées dans un lieu relevant de la vie privée et à l’insu de la personne enregistrée. Adde : Cass. 2e civ., 7 oct. 2004, n° 03-12653 – Cass. soc., 23 mai 2007, n° 06-43209 – Cass. com., 3 juin 2008, nos 07-17147 et 07-17196 – Cass. ass. plèn., 7 janv. 2011, n° 09-14316.
  • 52.
    V. F. Gentin, art. préc., p. 75 : « La révélation des difficultés d’une entreprise a tendance à détruire la confiance des clients ou des créanciers et donc détruire la valeur ».
  • 53.
    Il existe des limites légales à la confidentialité : V. C. Delattre, « Le secret des affaires – La confidentialité des procédures » : Dr. soc., 2012-1, étude n° 2. Adde : Rev. proc. coll. 2012, comm. n° 176, préc., spéc. n° 22, sur l’information à l’égard des instances représentatives du personnel.
  • 54.
    V. J.-F. Flauss, art. préc.
  • 55.
    Ibid.
  • 56.
    V. CEDH, 15 févr. 2005, n° 68416/00, Steel et Mores c/ Royaume-Uni.
  • 57.
    V. CEDH, Goodwin c/ Royaume-Uni, préc.
  • 58.
    V. L. n° 2011-331, 28 mars 2011. Selon F. Perochon, op. cit., n° 101 : Il est « possible (et raisonnable) d’écarter ce texte considérant que les fonctions visées résultent des seules missions légales, mais le doute subsiste, et il est fâcheux que le législateur n’ait pas réservé le domaine de la prévention et de la conciliation ». Adde : C. Delattre, in LEDEN juin 2011, p. 2, n° 103.
  • 59.
    V. F. Perochon, art. préc. : « Il semble toutefois loisible au débiteur ayant bénéficié de la conciliation de renoncer à la confidentialité, édictée dans son intérêt ». Adde : F. Macorig-Venier, « Prévention et règlement amiable : application de l’obligation de secret au mandat ad hoc » : RTD com. 2000, p. 714 : « La confidentialité n’a de sens qu’à l’égard des autres partenaires de l’entreprise dont les difficultés ont justifié la désignation d’un mandataire ad hoc et ne peut jouer à l’encontre de cette dernière. Au-delà de l’intérêt de l’entreprise, l’intérêt collectif des créanciers que représente le représentant des créanciers constitue également un intérêt légitime à la levée de la confidentialité ».
  • 60.
    V. C. Basse, « Le secret des affaires et la confidentialité des procédures », table ronde préc., p. 76 : « On a glissé d’une pénalisation, avec la rupture du secret professionnel, à la confidentialité qui est assortie de dommages-intérêts ».
  • 61.
    V. P. Kayser, La protection de la vie privée, Economica-PUAM, 1990.
  • 62.
    V. G. Viney, « Cessation de l’illicite et responsabilité civile », in Mélanges G. Goubeaux, D. Lextenso, 2009, p. 547 et s. : « il est (…) fréquent aujourd’hui que la mesure de cessation soit demandée à l’occasion d’une action en responsabilité » ; « place croissante » ; « omniprésence » ; « quasi-exclusivisme ». Cela est couramment admis en cas d’atteinte à un droit de la personnalité, notamment à la vie privée.
  • 63.
    V. C. Bloch, « La cessation de l’illicite », in Pour une réforme du droit de la responsabilité civile, F. Terré (dir.), Dalloz, 2011.
  • 64.
    V. G.Viney, art. préc.
  • 65.
    Ibid.
  • 66.
    Ibid. : « L’exigence d’une « contestation sérieuse » ayant été écartée et celle de l’urgence très largement atténuée. Quant au caractère provisoire des mesures prises par le juge des référés, il est devenu assez théorique car le plus souvent aucune action n’est exercée au fond ».
  • 67.
    V. C. Bloch, art. préc.
  • 68.
    Ibid.
  • 69.
    V. C. Basse, art. préc., p. 80.
  • 70.
    Néanmoins, il y a des situations marginales. V. par ex. CPC, art. 279 : En cas de difficulté, le recours au juge permet de déroger à l’exigence de transparence.
  • 71.
    V. F. Gentin, art. préc., p. 80.
  • 72.
    V. C. com., art. L. 642-2, al. 2.
  • 73.
    V. H. Bourbouloux, art. préc. : « Quelle est la portée des clauses de confidentialité insérées dans des contrats conclus par le débiteur, que ce soit avec des clients, des fournisseurs, entre associés dans des pactes… ? Il sera prudent d’interroger la partie contractante, ou a minima de l’informer, avant de diffuser l’information protégée ». Pour un exemple concret de la difficulté : dans son numéro du 27 janvier 2016, un journal satirique dévoilait une information relative aux résultats d’un appel à projet alors que les membres du jury avaient signé un engagement de confidentialité qui courrait jusqu’au 3 février : une telle divulgation constitue-t-elle un fait illicite susceptible de donner lieu à une mesure de cessation de l’illicite ?
  • 74.
    V. J.-F. Flauss, art. préc.
  • 75.
    V. not. Cass. 1re civ., 5 nov. 1996, n° 94-14798 : Bull. civ. I, n° 378 ; D. 1997, p. 403, note S. Laulom ; D. 1997, p. 289, obs. P. Jourdain ; JCP G 1997, I, 4025, obs. G. Viney ; JCP G 1997, II, 22805, note J. Ravanas ; RTD civ. 1997, p. 632, obs. J. Hauser – Cass. 1reciv., 25 févr. 1997, n° 95-13545 : Bull. civ. I, n° 73 ; JCP G 1997, II, 22873, note J. Ravanas – pour une décision plus récente, v. Cass. 3e civ., 25 févr. 2004, n° 02-18081 : Bull. civ. III, n° 41 ; D. 2004, p. 1631, obs. C. Caron.
  • 76.
    Cela est très discuté, car selon certains auteurs, le trouble renverrait au dommage et la notion d’illicite à celle de faute, v. not. G. Viney, art. préc.
  • 77.
    V. R. Mesa, « Appréhender efficacement les atteintes à la vie privée réalisées par voie de presse », RLDC 2015, p. 123 : « L’accès à la condamnation fondée sur l’article 9 du Code civil [est] facilité en raison de la règle prétorienne selon laquelle, en la matière, la seule constatation de l’atteinte ouvre droit à réparation ».
  • 78.
    V. C. Thevenot, art. préc., p. 75.
  • 79.
    Ibid.
  • 80.
    V. CEDH, Guja c/ Moldavie, préc., § 76. Adde : Stoll c/ Suisse, préc., § 136.
  • 81.
    V. R. Mesa, art. préc.
  • 82.
    V. G. Cornu, op. cit., p. 42, n° 67.
  • 83.
    V. R. Mesa, art. préc.
  • 84.
    V. G. Viney, art. préc.
  • 85.
    Ibid.
  • 86.
    Ibid.
  • 87.
    Ibid.
  • 88.
    Ibid.
  • 89.
    V. E. Putman, « Le juge des référés est-il un juge ordinaire des conflits de droit fondamentaux ? » : RJPF 2014.
  • 90.
    V. CEDH, 15 déc. 2005, n° 73797/01, § 171, Kyprianou c/ Chypre.
  • 91.
    V. Cass. 1re civ., 5 févr. 2014, n° 13-21929 – Cass. 1re civ., 2 juill. 2014, n° 13-21929 – Cass. 1re civ., 3 sept. 2014, n° 14-12200. Adde : R. Mesa, « Appréhender efficacement les atteintes à la vie privée réalisées par voie de presse », préc.
  • 92.
    V. G. Viney, art. préc.
  • 93.
    V. CEDH, Stoll c/ Suisse, préc., § 137 et s.
  • 94.
    V. E. Putman, art. préc.
  • 95.
    V. C. Robaczewski, « Le droit à l’oubli » : Dr. et patr., n° 242, déc. 2014, p. 56 et s.
  • 96.
    Ibid.
  • 97.
    Ibid. : « Au moins pour le rétablissement professionnel, la consécration d’un droit à être oublié pour le débiteur apparaît comme une nécessité ». Au surplus, ce droit vise des données relatives à la vie privée d’un individu dont il a pu être décidé qu’elles entrent dans le champ d’application de l’article 8 de la Convention « lorsqu’elles sont, d’une manière systématique, recueillies et mémorisées dans des fichiers tenus par les pouvoirs publics. Cela vaut davantage encore lorsque ces données concernent le passé lointain d’une personne » (V. CEDH, Rotaru c/ Roumanie, préc., § 43).
  • 98.
    V. La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés qui a pris en considération les risques d’entrave à la liberté d’expression. Adde : La directive n° 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données : Les États doivent prévoir des exemptions et dérogations dès lors que celles-ci « s’avèrent nécessaires pour concilier le droit à la vie privée avec les règles régissant la liberté d’expression ».