Les procédures collectives atteignent un niveau historiquement bas !

Publié le 17/05/2022
Concept de collectivité territoriale
Hurca!/AdobeStock

Alors qu’une « vague de défaillances » des entreprises est régulièrement annoncée, les procédures collectives ont atteint en 2021 un niveau historiquement bas. Le 12 avril dernier, Frédéric Abitbol, le président du Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires avait convié la presse à un décryptage de ces chiffres contre-intuitifs après deux ans de crise sanitaire.

Enseignement majeur du premier rapport annuel du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) compilant les données économiques écoulées : les procédures collectives ont considérablement baissé en 2021, jusqu’à atteindre sur l’ensemble du territoire un niveau historiquement bas de 27 103 procédures, cumulant 75 478 emplois. Ces procédures collectives avaient déjà marqué un net recul en 2020. Ce mouvement s’est donc poursuivi en 2021. Entre 2019 et 2021, elles ont diminué de 42,7 %.

La première explication qui s’impose est que les entreprises ont bénéficié de la politique gouvernementale dite du « Quoi qu’il en coûte » : « un gigantesque soutien à l’économie, de 240 milliards d’euros », a rappelé Frédéric Abitbol. Celui-ci, a-t-il détaillé, est à considérer en deux parties. « La première, composée du chômage partiel, des aides aux coûts fixes, des subventions ; a été une manière d’externaliser la perte. C’est la collectivité qui a payé. Elle est derrière nous. La deuxième partie de cette aide, ce sont les prêts garantis par l’État : 140 milliards répartis en 100 000 prêts. Le PGE médian est de 45 000 euros, avec un marché qui n’a pas redémarré pour tout le monde ».

Autre enseignement du rapport : les entreprises ont en 2021 largement eu recours aux procédures de prévention de mandat ad hoc et de conciliation. Alors que les procédures collectives ont chuté, le taux de procédures préventives a suivi un mouvement inverse et bondi de 48 % sur la même période. Plus de 3 200 procédures préventives ont ainsi été ouvertes, par des entreprises de taille de plus en plus variées. « Les entreprises qui ont recours aux procédures de prévention en France comptent en moyenne 23 salariés. Il s’agit donc de PME. La conciliation se démocratise beaucoup et cesse de concerner seulement les grosses entreprises », a analysé Frédéric Abitbol. « On trouve en procédure de prévention des entreprises tenues par une personne ou un couple, sans salarié. Le monde de la restructuration est vraiment celui des TPE », a-t-il encore estimé.

Les chiffres montrent tout de même que les grosses entreprises ont le réflexe de chercher plus tôt des solutions à leurs problèmes. « La taille moyenne des entreprises en redressement judiciaire est de 6 salariés, celles des entreprises ayant ouvert une procédure de sauvegarde est de 13 salariés. La taille moyenne des sociétés en prévention est de 23 salariés ». Conclusion : « Plus elles augmentent en taille, plus les boîtes sont capables d’anticiper » !

Ces procédures de prévention, a-t-il également rappelé, sont une spécificité du droit français. « Historiquement le droit a pour fonction d’indemniser la victime. Mais depuis 30 ans, la priorité en France est de sauver l’entreprise et les emplois. Cela paraît aller de soi, et pourtant, cette approche n’est pas partagée partout. Nous considérons que les crises ne doivent pas mener à la destruction des boîtes », a précisé Frédéric Abitbol, se réjouissant du succès de ces procédures préventives.

Autre enseignement du rapport : les restructurations fonctionnent. « Depuis le début de la crise, on voit que les restructurations se passent très bien en France. Les procédures de prévention ont un taux de succès de 80 %. Dans le détail, la conciliation et les mandats ad hoc marchent dans 80 % des cas. La sauvegarde, dans deux tiers des cas. Le redressement, dans seulement 40 % ». Cela signifie, a souligné le président du CNAJMJ, que « plus on vient tôt, plus ça marche ».

Le rapport rappelle également qu’en 2021, deux nouvelles procédures ont été créées pour donner des outils aux entreprises ayant des difficultés conjoncturelles liées à la crise. La première est la procédure de traitement de sortie de crise (PTSC) pour les entreprises de moins de 20 salariés ayant un passif inférieur à 3 millions d’euros. La deuxième est le mandat ad hoc de sortie de crise, qui cible les entreprises de moins de 10 salariés avec un tarif très attractif de 1 500 euros. Ces procédures, qui devraient respectivement s’arrêter en décembre 2022 et mai 2023, ont été très peu demandées en 2021.

En ce qui concerne les procédures collectives, la région la plus touchée par ces défaillances est comme d’habitude l’île-de-France, qui enregistre 5 700 procédures collectives, soit plus d’une défaillance sur cinq — elles enregistrent néanmoins un recul de 11 % sur un an. Exception sur l’Hexagone, la région Grand Est. À rebours de la moyenne nationale, les ouvertures de procédures collectives y ont enregistré une hausse de 15 %. En ce qui concerne les secteurs d’activité, le plus représenté dans ces procédures collectives est celui de la construction, qui totalise 22 % des ouvertures sur l’ensemble du territoire.

Les procédure collectives concernent massivement des petites entreprises. « Il y a très peu de dossiers significatifs en termes d’effectifs dans les procédures collectives, parce que ces dossiers se traitent en amiable. Les boîtes structurées sont conseillées, se prennent en main avant de taper le mur. Elles font un mandat ad hoc ou une conciliation. Les boîtes familiales, voyant que ça marche, y viennent aussi », a explicité Frédéric Abitbol. Néanmoins, 7 500 procédures concernaient en 2021 des entreprises ayant entre 1 et 10 salariés, et 4 procédures concernaient des entreprises de plus de 1 000 salariés. « Dans ces dossiers significatifs, les procédures collectives sont mises en place après avoir négocié un accord pour l’implémenter dans une sauvegarde ».

Sur les plus de 27 000 procédures enregistrées en 2021, plus de 17 000 avaient zéro salarié. « Il s’agit massivement de liquidations judiciaires et elles concernent massivement des boîtes qui n’ont plus d’activité. 86 % des liquidations judiciaires sont des dossiers impécunieux. La boîte n’a même plus les moyens de payer le professionnel qui va s’en occuper, celui-ci est indemnisé. C’est un indicateur de ce qu’il n’y a rien dans le dossier. La très vaste majorité des liquidations judiciaires sont en fait des dossiers sans enjeux économiques », a-t-il relativisé. « Les défaillances sont normales. Elles sont aussi le signe de la bonne santé de l’économie ».

Pour les prochains mois, le CNAJMJ table sur une hausse progressive des dossiers de restructuration. Les premiers chiffres de 2022 montrent déjà une légère hausse des procédures collectives (+8 %), 9 600 dossiers ouverts dont 98 % ont moins de 10 salariés, et une baisse de 10 % des procédures de prévention.

À la question d’un journaliste l’interrogeant s’il fallait s’attendre à un mur de faillite, Frédéric Abitbol a répondu par la négative. « La moitié des PGE n’a pas été dépensée. Il reste beaucoup de liquidités dans les boîtes, donc il ne devrait pas y avoir de défaillances à court terme ». Il a rappelé également que l’État anticipe seulement 3 % de défaut de paiement sur ces PGE. « Ce sera une pente, pas un mur. Le PGE se rembourse sur six ans et peut se restructurer. Il ne devrait rien y avoir de brutal ».

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