Responsabilité pour insuffisance d’actif : précision sur la notion de simple négligence

Publié le 23/04/2021
Avion rouge en origami qui prend feu au dessus d'une flotte de bateaux blanc en papier
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L’article L. 651-2 du Code de commerce permettant d’écarter la responsabilité du dirigeant en cas d’insuffisance d’actif ne réduit pas l’existence d’une simple négligence à l’hypothèse dans laquelle le dirigeant a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission.

Cass. com., 3 févr. 2021, no 19-20004

1. « Cadeau de Noël »1 déposé par la loi Sapin II, l’exclusion de la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif en cas de simple négligence suscite de nombreuses interrogations2, notamment quant à l’interprétation de la notion même de simple négligence. En témoigne l’arrêt rendu le 3 février 2021 par la chambre commerciale de la Cour de cassation.

En l’espèce, le liquidateur judiciaire d’une société poursuivait ses deux présidents successifs en responsabilité pour insuffisance d’actif. Saisie de l’affaire, la cour d’appel de Metz a, dans une décision du 23 mai 2019, rejeté sa demande. Ce dernier forma alors un pourvoi en cassation.

Le mandataire reprochait aux juges du fond d’avoir rejeté sa demande tendant à ce que les dirigeants supportent l’insuffisance d’actif de la société. Il estimait que l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal ne peut constituer une simple négligence du dirigeant qu’à la condition que celui-ci ait pu ignorer cet état. Or des éléments de fait permettaient, selon lui, de démontrer que les dirigeants avaient connaissance de la situation de cessation des paiements de la personne morale débitrice. En l’occurrence, le résultat de l’exercice de société sur les 15 derniers mois était déficitaire de 122 350 € et un dossier prévisionnel de développement avait été établi afin de résoudre les difficultés financières de la société. Ensuite, il a été procédé à la vente de 80 % du fonds de commerce et 60 000 € ont été versés afin d’augmenter le capital social afin d’apurer la situation financière de la société. Dès lors, en décidant le contraire, la cour d’appel aurait violé les articles L. 640-4 et L. 651-2 du Code de commerce.

La Cour de cassation devait répondre à la question de savoir si la connaissance, par le dirigeant, de l’état de cessation des paiements permet d’écarter la simple négligence.

Par l’arrêt du 3 février 2021, statuant sur l’application de l’article L. 651-2 du Code de commerce, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Selon elle, ce texte, « qui permet, lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, à un tribunal en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, de décider que le montant en sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion, écarte cette faculté en cas de simple négligence du dirigeant dans la gestion de la société, sans réduire l’existence d’une simple négligence à l’hypothèse dans laquelle le dirigeant a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission ». Par conséquent, le moyen du liquidateur judiciaire, selon lequel l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal ne peut constituer une simple négligence qu’à la condition que le dirigeant ait ignoré cet état, est infondé.

2. Relatif à l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, l’article L. 651-2 du Code de commerce pose des difficultés quant à l’appréciation de la notion de simple négligence. Si la responsabilité pour insuffisance d’actif d’un dirigeant ne peut être retenue en cas de simple négligence (I), cette notion ne peut cependant être réduite à l’hypothèse dans laquelle le dirigeant a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission (II).

I – L’exclusion de la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif en cas de simple négligence

Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle indirectement la nature indemnitaire de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif (A). Dès lors, la responsabilité du dirigeant ne saurait être retenue en cas de simple négligence (B).

A – La nature indemnitaire de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif

3. À la différence de l’interdiction, de la faillite personnelle, de la banqueroute ou encore des autres sanctions pénales, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif n’est pas une mesure punitive ; si elle permet de protéger le monde économique de personnes indésirables car incompétentes ou malhonnêtes, son but n’est pas de sanctionner une pratique professionnelle frauduleuse mais d’indemniser les créanciers.

En l’espèce, le liquidateur judiciaire de la société soutenait que l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal ne peut constituer une simple négligence qu’à la condition que celui-ci ait pu ignorer la cessation des paiements. Or différents éléments du dossier tels que le résultat déficitaire de l’exercice de la société sur les 15 derniers mois, l’existence d’un dossier prévisionnel de développement établi afin de résoudre les difficultés financières de la société, la vente de 80 % du fonds de commerce ou encore le versement d’une somme d’argent afin d’augmenter le capital social et d’apurer la situation financière de la société montrent que les dirigeants avaient connaissance de l’état de cessation des paiements. Par conséquent, l’omission de la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal ne pouvait être qualifiée de simple négligence. Son raisonnement ne convainc guère la Cour de cassation. Rappelant indirectement la nature indemnitaire de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, les hauts magistrats affirment que l’existence d’une simple négligence ne peut être réduite à l’hypothèse dans laquelle le dirigeant a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission.

Pour comprendre la nature de la responsabilité du dirigeant en cas d’insuffisance d’actif, il faut revenir sur la construction de cette action spécifique. Créée par la loi du 16 novembre 1940, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif a pour objectif de faire supporter aux dirigeants les conséquences des actes de gestion accomplis au nom de la personne morale qui auraient contribué à la cessation des paiements. Conformément à l’ordonnance du 18 décembre 2008, cette action ne peut être ouverte contre un dirigeant qu’en cas de liquidation judiciaire de la personne morale dirigée. Dans un premier temps, faisant preuve de sévérité à l’égard des dirigeants, la loi dite Petroplus n° 2021-346 du 12 mars 2012 consacre, à l’article L. 631-10-1 du Code de commerce, la possibilité, pour le président du tribunal saisi, d’ordonner toute mesure conservatoire utile à l’égard des biens du dirigeant lorsqu’une « action en responsabilité fondée sur une faute ayant contribué à la cessation des paiements du débiteur » a été introduite par un administrateur ou mandataire judiciaire. Dans un second temps, témoignant d’une certaine bienveillance à l’égard des dirigeants, la loi dite Sapin II n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 est venue préciser que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif ne peut aboutir en cas de simple négligence. Modifié par la loi Sapin II, l’article L. 651-2 du Code de commerce a, en effet, pour objectif d’encourager le développement de l’entreprenariat et la création d’entreprise en exonérant les dirigeants de toute responsabilité pour insuffisance d’actif en cas de simple négligence dans la gestion de la société. Selon ce texte, « lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ». Cependant, « en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée ».

4. La nature indemnitaire de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif apparaît encore au travers de ses conditions de mise en œuvre. D’abord, le domaine de cette action est limité dans la mesure où l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif ne peut être intentée contre un dirigeant – de droit ou de fait, personne physique ou morale – uniquement si un jugement a ordonné la liquidation judiciaire de la société qu’ils dirigent3. Ensuite, le tribunal ne peut être saisi que par le mandataire ou le liquidateur en fonction dans la liquidation ouverte par le tribunal ou le ministère public4. Enfin, la responsabilité pour insuffisance d’actif nécessite la réunion de trois éléments : une faute de gestion, un préjudice procédant d’une insuffisance d’actif et un lien de causalité entre la faute de gestion et l’insuffisance d’actif.

De ces trois conditions, celle qui suscite, en l’espèce, des difficultés est l’existence d’une faute de gestion. Celle-ci peut être définie comme toute faute commise dans la direction ou l’administration de l’entreprise5. Sur ce point, la Cour de cassation a, dans un arrêt en date du 22 février 2017, précisé que « seules les fautes de gestions antérieures à l’ouverture de la procédure collective peuvent être retenues à l’encontre du dirigeant poursuivi »6. Dans une décision du 9 décembre 20207, elle a également affirmé que peu importe que la fonction de direction soit ou non rémunérée, la responsabilité pour insuffisance d’actif est encourue. Rappelons que, si par le passé la solution inverse a pu être retenue8, la faute de gestion ne saurait être présumée9. Il appartenait donc au liquidateur judiciaire d’établir l’existence d’une faute du dirigeant.

Si la faute du dirigeant dans la gestion de la société permet au liquidateur judiciaire d’intenter une action fondée sur la responsabilité pour insuffisance d’actif, la simple négligence empêche, quant à elle, cette action d’aboutir.

B – La simple négligence du dirigeant dans l’omission de procéder à une déclaration de cessation des paiements

5. L’arrêt commenté témoigne de la difficulté de différencier la faute de gestion sanctionnée au titre de l’insuffisance d’actif de la simple négligence de gestion. Si l’article L. 651-2 du Code de commerce conditionne l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif à l’existence d’une faute de gestion du dirigeant et l’exclut en cas de simple négligence, il ne définit pas ces notions. Or l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif est tributaire de la distinction entre faute de gestion et simple négligence. Cette mission délicate revient alors à la jurisprudence.

En l’espèce, le liquidateur judiciaire estimait que les dirigeants successifs avaient commis une faute de gestion en ne procédant pas à la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal alors qu’ils avaient connaissance de cet état.

L’obligation de procéder à une déclaration de cessation des paiements est imposée par l’article L. 640-4 du Code de commerce, lequel dispose que l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire « doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiements, s’il n’a pas dans ce délai demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation ». Le manquement à cette obligation peut alors être sanctionné par une mesure d’interdiction de gérer prévue par l’article L. 653-8 du Code de commerce. Or, il arrive qu’espérant un retour à des jours meilleurs, le dirigeant ne procède pas à cette déclaration. Dans cette hypothèse, l’absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal constitue-t-elle une faute de gestion ou une simple négligence ?

L’étude de la jurisprudence montre que si le manquement à l’obligation de procéder à la déclaration de cessation des paiements peut constituer une faute de gestion10, cet arrêt prouve que ce n’est pas toujours le cas. En effet, la tardiveté ou l’absence de déclaration des cessations de paiement peut aussi constituer une simple négligence. Ainsi en est-il lorsque, de bonne foi, le dirigeant n’a pas procédé à cette déclaration, pensant que la situation financière de la société s’améliorait et que l’état de cessation des paiements allait disparaître11.

En l’espèce, les éléments du dossier ont permis aux juges du fond de constater la bonne foi des dirigeants. En effet, la cessation des paiements a été fixée au 5 juillet 2010. Or le bilan de la société arrêté au 31 décembre 2010 montre une amélioration de la situation financière de la société. Par conséquent, il n’y avait pas lieu de qualifier l’omission de déclaration de cessation des paiements de faute.

Il apparaît ainsi utile de rappeler qu’en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif, si la Cour de cassation effectue un contrôle de qualification, l’appréciation des éléments de fait relève, quant à elle, du pouvoir souverain des juges du fond12. S’agissant de l’omission de déclarer la cessation des paiements, la qualification de faute ou de simple négligence retenue par les juges du fond dépendra du contexte.

Dans la mesure où la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif lève l’écran protecteur de la personnalité morale, cette action est strictement encadrée ; la notion de faute ne peut être élargie au détriment de celle de simple imprudence, ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt commenté.

II – Une interprétation souple de la notion de simple négligence

En affirmant que la simple négligence ne saurait être réduite à l’ignorance des conditions ou de la situation ayant entouré sa commission (A), la Cour de cassation redonne à cette notion sa place dans l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif (B).

A – La simple négligence, une notion distincte de l’ignorance des conditions ou de la situation ayant entouré sa commission

6. Lors de son introduction dans le champ de l’article L. 651-2 du Code de commerce, la notion de simple négligence a suscité de vifs débats en raison de ses contours incertains. Un auteur a d’ailleurs proposé de ramener « dans le giron du droit commun, cette action “en comblement de passif” qu’il n’y a plus de raison de faire relever des dispositions spéciales »13. Pourtant, en venant préciser la notion de simple imprudence, cet arrêt montre qu’il n’en est rien.

En l’espèce, le liquidateur judiciaire soutenait que l’omission par le dirigeant de déclarer la cessation des paiements, en connaissance de cet état, permettait de caractériser l’absence de négligence. La Cour de cassation rejette son pourvoi. Selon elle, l’existence d’une simple négligence permettant d’exclure l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif intentée contre le dirigeant ne peut se réduire à l’hypothèse dans laquelle le dirigeant « a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission ». Autrement dit, la connaissance de l’état de cessation des paiements ne permet pas, à elle seule, d’exclure la qualification de simple négligence au bénéfice de la qualification de faute. D’ailleurs, l’analyse de la jurisprudence montre que la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif a pu être engagée sans qu’il soit nécessaire de rechercher la connaissance de cet état par les dirigeants14.

7. Commentant ces mêmes lignes, un auteur a relevé que, statuant à propos de faits similaires15, la Cour de cassation avait retenu que la seule connaissance de l’état de cessation des paiements par le dirigeant était suffisante à constituer une omission volontaire de déclaration susceptible d’entraîner une mesure d’interdiction de gérer. Dès lors, il est « étonnant qu’en l’espèce, la connaissance de la cessation des paiements par les dirigeants n’ait pas permis d’exclure en elle-même la qualification de simple négligence »16.

Bien qu’il fût question d’une omission de déclaration de cessation de paiement, l’enjeu était bien différent. En premier lieu, il s’agissait de sanctionner le dirigeant en prononçant une interdiction de gérer à son égard. Or tel qu’il a été rappelé, si elle présente indirectement un aspect punitif, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif n’a pas pour objet de sanctionner la malhonnêteté des dirigeants en les excluant du monde économique. Dès lors, en raison de son fondement indemnitaire, le raisonnement adopté s’agissant des mesures d’interdiction de gérer ne peut être étendu à l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif. D’ailleurs, il faut souligner que l’action en comblement est indépendante des instances pénales relatives à des délits que le dirigeant pourrait avoir commis dans ses fonctions et qu’elle n’est donc pas arrêtée par l’instance pénale17. En second lieu, à elle seule, la connaissance de l’état de cessation des paiements ne permet pas de caractériser un comportement malhonnête du dirigeant ; il peut tout aussi bien s’agir d’un dirigeant malchanceux. Dès lors, la distinction entre la faute de gestion et la simple négligence ne passerait-elle pas par le critère de l’intention ?

La solution retenue dans cette décision doit être analysée avec prudence. En effet, la Cour de cassation n’affirme nullement que l’omission de déclarer la cessation des paiements ne constitue jamais une faute. Elle énonce seulement que la simple négligence ne saurait se réduire à l’ignorance des circonstances ou de la situation ayant entouré sa commission. Ce faisant, les hauts magistrats entendent laisser une place à la notion de simple négligence dans l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

B – La place de la simple négligence dans l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif

8. Controversée, la simple négligence est loin d’être une notion absconse ou théorique. Celle-ci dispose d’une véritable place dans l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif. Figurant parmi les mesures « Tout pour l’emploi dans les TPE et PME », l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif a pour objectif, d’une part, d’« encourager la création d’entreprise et favoriser le rebond des dirigeants » et, d’autre part, de « donner une deuxième chance aux chefs d’entreprise en cas de faillite ». Dès lors, retenir une conception restrictive de la notion de simple négligence irait à l’encontre même de l’esprit du législateur.

Bien que l’on puisse y voir un « risque de réduction réflexe du domaine des fautes de gestion répréhensibles »18, la solution retenue par la Cour de cassation doit, selon nous, être saluée et ce, pour deux raisons. En premier lieu, le risque redouté apparaît mesuré puisque les hauts magistrats n’affirment nullement que la connaissance des circonstances ou de la situation ayant conduit à l’insuffisance d’actif est indifférente. La conscience du dirigeant n’est qu’un élément de fait parmi d’autres permettant de déterminer si ce dernier a commis une faute ou une simple négligence. La notion de faute n’étant pas étrangère aux juges du fond, leur pouvoir souverain d’appréciation permettra alors de qualifier les faits. En second lieu, en refusant de réduire la simple négligence à l’ignorance des circonstances ou de la situation entourant sa commission, les hauts magistrats laissent à cette notion sa place dans l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif. À l’inverse, retenir une conception stricte de la simple négligence conduirait à la réduire à une peau de chagrin et, par la même, d’aller à l’encontre de la ratio legis. Sur ce point, rappelons que, destinée à encourager les porteurs de projets à créer leur entreprise, l’introduction de la notion de simple négligence doit faciliter le rebond des dirigeants en cas de liquidation judiciaire de la société qu’ils dirigent en leur permettant de ne pas voir leur responsabilité pour insuffisance d’actif engagée en cas de simple négligence.

Par cet arrêt publié au Bulletin, la Cour de cassation précise l’interprétation à donner à la notion de simple imprudence énoncée par l’article L. 651-2 du Code de commerce : l’existence d’une simple négligence ne saurait être réduite à l’hypothèse dans laquelle le dirigeant a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission. Il en résulte d’abord que le manquement à l’obligation de déclaration de l’état de cessation des paiements ne constitue pas nécessairement une faute. En d’autres termes, il appartiendra aux juges du fond de déterminer, au regard des éléments de fait, si l’omission et le défaut de déclaration doivent être qualifiés de faute ou de simple négligence. Ensuite, en l’absence d’autres éléments, il ne paraît pas opportun de retenir la seule connaissance des circonstances ou de la situation pour exclure la négligence.

En ce qu’elle éclaire et redonne une place à la notion de simple négligence de l’article L. 651-2 du Code de commerce, cette décision doit être approuvée. Celle-ci permet ainsi de réduire le risque de sanction en l’absence de faute caractérisée et, ce faisant, de respecter la volonté du législateur lorsque cette notion a été introduite. Par cet arrêt, la Cour de cassation montre qu’elle veille à respecter l’objectif poursuivi par la loi Sapin II.

Notes de bas de pages

  • 1.
    F. Pérochon, « Sous la loi Sapin, un cadeau de Noël pour le dirigeant fautif ? », BJE janv. 2017, n° 114c8, p. 1.
  • 2.
    I. Parachkékova-Racine, « Retour sur les écueils de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs », BJS oct. 2018, n° 119a0, p. 600.
  • 3.
    C. com., art. L. 651-2.
  • 4.
    C. com., art. L. 651-3, al. 1er.
  • 5.
    Sur la faute, v. M. Bourrié-Quenillet, « La faute de gestion du dirigeant de société en cas d’insuffisance d’actif : pratique judiciaire », JCP E 1998, I 112 ; E. Obadia et Y. Sexer, « La responsabilité des dirigeants sociaux et l’article 180 de la loi du 25 janvier 1985 », BJS juin 1994, n° 175, p. 617.
  • 6.
    Cass. com., 22 févr. 2017, n° 15-17558 : Dr. sociétés 2017, p. 44, note J.-P. Legros ; Rev. proc. coll. 2017, p. 55, obs. A. Martin-Serf.
  • 7.
    Cass. com., 9 déc. 2020, n° 18-24730 : J.-M. Moulin, Gaz. Pal. 2021, à paraître ; LPA 24 févr. 2021, n° 158z9, p. 15 ; BJS févr. 2021, n° 121t6, p. 49.
  • 8.
    L’article 99 de la loi du 13 juillet 1967 reposait sur une présomption de faute.
  • 9.
    La rédaction actuelle de l’article L. 651-2 du Code de commerce montre que la faute de gestion n’est nullement présumée.
  • 10.
    V. Cass. com., 28 mai 1991, n° 89-21116 : D. 1992, p. 373, note A. Honorat – Cass. com., 8 oct. 1996, n° 94-18384 : Bull. civ. IV, n° 226 ; D. affaires 1996, p. 1356 ; BJS déc. 1996, n° 383, p. 1057, note J.-M. Calendini ; JCP E 1997, II 917, note J.-J. Daigre – Cass. com., 8 déc. 1998, n° 94-22055 : RTD com. 1999, p. 983, obs. C. Saint-Alary-Houin – Cass. com., 8 juill. 2003, n° 00-15919 : Bull. civ. IV, n° 129 ; D. 2003, p. 2171, obs. A. Lienhard ; RJDA 2004, p. 66 ; BJS nov. 2003, n° 234, p. 1129, note J.-F. Barbieri.
  • 11.
    B. Dodou, note sous Cass. com., 5 sept. 2018, n° 17-15031 : Bull. civ. IV, à paraître ; Dalloz actualité, 11 sept. 2018, obs. A. Lienhard ; D. 2018, p. 1693, obs. A. Lienhard ; D. 2019, p. 1903, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; Rev. sociétés 2019, p. 543, note B. Dodou ; M. Dizel, L’action en insuffisance d’actif revue par la loi Sapin II, 2016, Éditions législatives.
  • 12.
    Cass. com., 15 juin 2011, n° 10-18585.
  • 13.
    F.-X. Lucas, « Réforme de l’action en comblement de passif », BJS janv. 2017, n° 116a2, p. 1.
  • 14.
    V. Cass. com., 22 févr. 2017, n° 15-17558 ; Cass. com., 4 juill. 2018, n° 14-20117.
  • 15.
    Cass. com., 17 avr. 2019, n° 18-11743 : Bull. civ. IV, à paraître ; Dalloz actualité, 20 juin 2019, obs. X. Delpech ; D. 2019, p. 886 ; D. 2019, p. 1367, chron. A.-C. Le Bras, T. Gauthier et S. Barbot ; D. 2019, 1903, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli.
  • 16.
    B. Ferrari, « Responsabilité pour insuffisance d’actif : voyage au cœur de la notion de « simple négligence », Dalloz actualité, 9 mars 2021.
  • 17.
    V. par exemple Cass. crim., 9 oct. 1997, n° 96-85471 : Dr. sociétés 1998, n° 59, obs. Y. Chaput.
  • 18.
    B. Ferrari, « Responsabilité pour insuffisance d’actif : voyage au cœur de la notion de “simple négligence” », Dalloz actualité, 9 mars 2021.
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