TJ de Versailles : « La médiation familiale reste mal connue » !, déplore Sabine Tzanov
Pour faire connaître les outils proposés par les médiateurs, une rencontre interprofessionnelle était organisée le 13 octobre dernier au tribunal judiciaire de Versailles. Les services de médiations familiales conventionnés dans le département, à l’origine de l’événement, s’étaient employés à montrer de manière ludique la réalité de leur métier.
Actu-Juridique : Quel bilan dressez-vous de cette rencontre interprofessionnelle consacrée à la médiation ?
Sabine Tzanov : Cet événement était organisé dans le cadre de la quatrième semaine internationale de la médiation, mais aussi pour célébrer les 20 ans de la plateforme d’information sur la médiation famille, implantée au tribunal judiciaire de Versailles. Celle-ci est née d’un partenariat entre l’APME Médiation et le centre Yvelines Médiation, alors que la loi sur l’autorité parentale venait d’être promulguée en mars 2002. Cette loi permettait aux magistrats d’enjoindre à l’information sur la médiation. Le juge ne peut pas contraindre le justiciable à faire une médiation, mais il peut depuis lors lui enjoindre d’aller s’informer. Malgré cette disposition, les avocats et les magistrats ne comprennent toujours pas très bien la réalité et les enjeux de la médiation. Nous avons voulu montrer le métier de manière ludique : nous avons mis en scène de saynètes qui permettaient de rejouer des situations vécues en médiation, organisée un grand quiz sur le sujet. Des professionnels de la juridiction intervenaient également. Des greffiers, des juges aux affaires familiales se sont exprimés, ainsi qu’un juge des enfants, qui dans le cadre de l’assistance éducative peut proposer des médiations familiales quand un conflit entre les parents est préjudiciable à leurs enfants… L’événement a été très formateur et convivial.
Actu-Juridique : La médiation est-elle soutenue localement dans les Yvelines ?
Sabine Tzanov : Oui, elle l’est depuis toujours. L’APME Médiation va fêter ses 40 ans et elle a toujours été soutenue par la CAF des Yvelines, le conseil départemental et la cour d’appel. La juridiction a mis plus de temps à adhérer à la médiation. Elle y a été encouragée par différentes réformes législatives : la loi de 2002 sur l’autorité parentale, la réforme du divorce en 2004, ou plus récemment, la possibilité donnée en 2022 aux juges des enfants d’ordonner des médiations familiales. Au début, les juges voyaient la médiation comme une possibilité de désengorger les juridictions. Ils la considèrent désormais, et le président du tribunal judiciaire l’a dit le 13 octobre, comme une autre manière de trouver une solution à des litiges et une plus-value pour le justiciable.
Actu-Juridique : Quelles sont les possibilités données aux magistrats en termes de médiation ?
Sabine Tzanov : Ils ont la possibilité d’enjoindre à l’information et d’ordonner des médiations. Le dispositif d’information s’adresse aux personnes ayant déposé une requête dans un contexte de séparation, post-séparation ou post-divorce. Elles sont systématiquement convoquées à un entretien d’information qui, au-delà de l’information sur l’objet et le déroulement d’une médiation, va leur permettre d’expérimenter ce que pourrait être une séance de médiation. Parfois, les parties ne se sont pas vues pendant 10 ans et il s’agit là de la seule occasion qui va leur permettre de se reparler avant l’audience. La médiation ordonnée signifie que le juge peut demander à un justiciable s’il souhaite s’engager dans une médiation. S’il obtient un accord, il peut l’acter sur une ordonnance ou un jugement. Le médiateur qui intervient ensuite s’assure néanmoins que cet accord est réel et qu’il ne s’agit pas d’un justiciable qui n’a pas osé dire non au juge.
Actu-Juridique : Quels sont les champs d’application de la médiation familiale ?
Sabine Tzanov : Les premiers champs d’application de la médiation ont été la séparation et le divorce, mais elle s’applique aujourd’hui à bien d’autres domaines. Elle est adaptée pour accompagner les personnes en perte d’autonomie, que ce soit du fait du vieillissement ou d’un handicap. Depuis 2018, la CAF a également ouvert de nouveaux champs d’application aux médiateurs, qui peuvent intervenir dans le cadre de conflits entre parents et adolescents, ou dans le cadre des successions. Cette ouverture s’est évidemment accompagnée d’une exigence de formation.
Actu-Juridique : Pourquoi les magistrats ne se saisissent pas davantage de cette possibilité ?
Sabine Tzanov : Ils ont des représentations de la médiation qui ne correspondent pas à la réalité de notre métier. Les magistrats pensent par exemple qu’ils ne savent pas gérer les questions de successions. Pourtant, dans les services conventionnés, tous sont formés à cela. Les notaires ne règlent pas les conflits et s’ils font face à des tensions importantes, ils sont obligés de faire un procès-verbal de difficultés. Les médiateurs, eux, vont travailler sur ces conflits. Ce sont généralement des conflits qui remontent à l’enfance qui se jouent lors des séances. Une fois que les litiges sont réglés, les médiateurs vont évidemment renvoyer les personnes qu’ils ont accompagnées vers un notaire qui va prendre les actes. Le juge de la protection, ancien juge des tutelles, ne pense pas souvent à renvoyer vers un médiateur familial qui est pourtant à même de penser avec les proches un accompagnement pour les personnes en perte d’autonomie. Il reste à faire tout un travail de promotion de la médiation familiale qui reste encore mal connue.
Référence : AJU006p3