Le point de départ du délai de la prescription de l’action en indemnisation des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle
La loi ne détermine pas expressément le point de départ du délai de la prescription en matière d’action en indemnisation des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle. Mais, depuis quelques années, la jurisprudence considère que le délai de la prescription court à compter de la publication au Journal officiel de l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle. Toutefois, cette solution pose d’énormes difficultés en pratique, notamment lorsque les dommages causés aux biens se révèlent plusieurs années après la publication de l’arrêté. C’est dans ce contexte qu’intervient l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juillet 2024, qui admet enfin la possibilité d’un report du point de départ du délai de la prescription : « Le point de départ de la prescription de l’action en indemnisation des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle se situe à la date de publication de l’arrêté, mais peut être reporté au-delà si l’assuré n’a eu connaissance des dommages causés à son bien par ce sinistre qu’après cette publication ». Cette solution nouvelle ne peut qu’être approuvée car elle renforce la protection des assurés. Elle soulève néanmoins des interrogations quant à l’avenir de la garantie contre les catastrophes naturelles.
Point de départ fuyant de la prescription. Le droit est écrit pour celui qui est vigilant et non pour l’endormi1. Cet adage trouve son illustration la plus parfaite en matière de prescription extinctive2, car l’écoulement du temps « fait perdre un droit réel ou un droit personnel du fait de l’inaction prolongée du titulaire du droit »3. La prescription, dont certains auteurs font l’éloge4, est le symbole d’une société qui sait oublier pour ne pas basculer dans la tyrannie. D’où la formule de Bigot de Préameneu, l’un des rédacteurs du Code civil de 1804, passée à la postérité : « De toutes les institutions du droit civil, la prescription est la plus nécessaire à l’ordre social »5. Cependant, le commencement du délai de la prescription a souvent été présenté comme le talon d’Achille de la réforme de 2008. C’est la raison pour laquelle il génère un contentieux particulièrement abondant6. En effet, le référentiel de la connaissance des faits permettant l’exercice de l’action en justice7 consacré par l’article 2224 du Code civil confère au point de départ un caractère subjectif, fuyant, flottant, voire évanescent qui crée, au premier abord, une profonde insécurité juridique. C’est probablement la raison pour laquelle, en matière d’assurance, le législateur a plutôt opté pour un point de départ objectif du délai de la prescription. Ainsi l’article L. 114-1 du Code des assurances dispose que les actions dérivant d’un contrat d’assurance se prescrivent « à compter de l’événement qui y donne naissance »8. Mais la loi demeure silencieuse quant à la détermination du point départ du délai de la prescription en matière d’action en indemnisation des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle. Face à ce vide juridique, la jurisprudence a décidé, depuis quelques années et de manière constante, que ce délai court à compter de la date de publication au Journal officiel de l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle9. Toutefois, cette solution pose d’énormes difficultés en pratique, notamment lorsque les dommages causés aux biens se révèlent plusieurs années après ladite publication. Dans cette situation, les assurés étaient forclos et ne pouvaient bénéficier d’une indemnisation. L’arrêt du 11 juillet 2024, rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, aménage significativement le système de computation du délai de la prescription en matière de catastrophe naturelle.
Les faits de l’espèce. Un couple a acquis par acte authentique, le 20 juin 201410, une maison d’habitation. Un mois plus tard, les acquéreurs ont découvert de nombreuses microfissures en escalier sur les murs extérieurs. Selon eux, ces désordres sont symptomatiques d’une dégradation résultant de la sécheresse du sol ou d’un défaut de planimétrie de celui-ci. Or, ces fissures étaient jusque-là dissimulées sous du lierre et des ronces. S’étant vainement rapprochés de leur assureur multirisques habitation, qui a refusé sa garantie en raison de l’antériorité de ces désordres à l’acquisition de l’immeuble, les acheteurs ont mis en demeure les vendeurs de leur communiquer la déclaration de sinistre faite auprès de leur assureur au titre de la catastrophe naturelle de sécheresse qui avait frappé la commune. En réponse à leur courrier recommandé tendant aux mêmes fins, l’assureur habitation des vendeurs les a informés de l’absence de toute déclaration de sinistre au titre de la sécheresse de la part de ces derniers. C’est ainsi que le couple a assigné les vendeurs en référé à fin d’instauration d’une mesure d’expertise. Ceux-ci ont eux-mêmes appelé en garantie leur assureur multirisques habitation. Par ordonnance rendue en 2015, le tribunal a ordonné une expertise judiciaire. L’expert a déposé son rapport en 2016, il y conclut que les désordres affectant la maison ont pour origine exclusive l’épisode de sécheresse qu’a connu la commune du 1er avril 2011 au 30 juin 2011, épisode qui a été reconnu comme catastrophe naturelle par arrêté du 27 juillet 2012 publié au Journal officiel le 2 août 2012.
Dès lors, par actes d’huissier de justice des 20 et 21 avril 2017, le couple acquéreur a assigné les vendeurs et leur assureur11 devant un tribunal afin d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices. L’assureur a soulevé la prescription de l’action en indemnisation des conséquences dommageables du sinistre de catastrophe naturelle12. En effet, il ressort de l’article L. 114-1 du Code des assurances que « toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance ; toutefois, ce délai ne court : 1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l’assureur en a eu connaissance ; 2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là ». Dans le même sillage, il est de jurisprudence constante qu’en matière de catastrophe naturelle, le délai de la prescription court à compter de la publication au Journal officiel de l’arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle13. La compagnie d’assurances estime qu’étant donné que l’arrêté interministériel reconnaissant la catastrophe naturelle survenue du 1er avril au 30 juin 2011 a été publié le 2 août 2012, l’action en justice introduite les 20 et 21 avril 2017 est manifestement hors délai.
La position des juridictions du fond. L’argumentation de l’assureur n’a cependant pas séduit le tribunal. Selon les premiers juges, le délai de la prescription de l’action en indemnisation diligentée contre l’assureur du bien au titre des catastrophes naturelles, transmise aux acquéreurs lors de la vente de l’immeuble, trouvait son point de départ dans la découverte des vices consécutifs à la catastrophe naturelle. Les acquéreurs ayant assigné aux fins d’expertise, puis au fond, leur action n’était pas prescrite. Le tribunal fait par conséquent droit à la demande des acheteurs et condamne la compagnie d’assurances au paiement d’une certaine somme au titre de la réparation des désordres constatés. L’assureur interjette appel du jugement devant la cour d’appel de Toulouse14 qui infirme le jugement en ce qu’il a décidé que l’action en indemnisation diligentée contre l’assureur n’était pas prescrite.
Pour les juges du second degré, tant l’assignation en référé que l’assignation au fond ont été délivrées plus de deux ans après la publication de l’arrêté du 2 août 2012 reconnaissant l’existence d’une catastrophe naturelle, de sorte que l’action des acquéreurs à l’encontre de l’assureur des vendeurs est irrecevable. C’est dans ce contexte que les nouveaux propriétaires de l’immeuble se pourvoient en cassation et sollicitent l’annulation de l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse pour violation de la loi. En soutien à leur prétention, les requérants estiment que « si en cas de catastrophe naturelle, la prescription de l’action en indemnisation ne peut pas commencer à courir avant la publication de l’arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle, ce délai ne peut nécessairement pas courir non plus tant que l’assuré ou le bénéficiaire de la garantie n’a pas eu connaissance que son dommage était dû aux mouvements de terrains consécutifs à une sécheresse constitutive d’une catastrophe naturelle ». Dès lors, concluent-ils, c’est à tort que la cour d’appel a décidé que l’action des acquéreurs était prescrite, étant donné que les acquéreurs n’avaient pas eu connaissance des fissures litigieuses avant la vente et que celles-ci n’étaient pas visibles en raison de la végétation recouvrant les murs.
L’éclairage de la Cour de cassation. La Cour de cassation devait alors répondre à la question de savoir quel est le point de départ de la prescription de l’action en indemnisation des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle. Plus spécifiquement, le délai de la prescription prévu par l’article L. 114-1 du Code des assurances, qui court à compter de la publication de l’arrêté constatant la catastrophe naturelle, peut-il être reporté au jour où l’assuré a eu connaissance des dommages causés à son bien ? À cette question, la Cour régulatrice répond par l’affirmative au visa des articles 2224 et L. 114-1 du Code des assurances : « Il résulte de la combinaison de ces textes que le point de départ de la prescription de l’action en indemnisation des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle se situe à la date de publication de l’arrêté, mais peut être reporté au-delà si l’assuré n’a eu connaissance des dommages causés à son bien par ce sinistre qu’après cette publication ». La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse dans les termes suivants : « En statuant ainsi, alors que le délai de la prescription n’avait pu commencer à courir avant que [les acquéreurs] aient eu connaissance des dommages affectant leur bien, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
La solution de la Cour de cassation est digne d’intérêt à plusieurs titres. Tout d’abord, sur le plan juridique, et à notre connaissance, c’est la toute première fois que la Cour de cassation consacre la possibilité du report du point de départ du délai de la prescription prévu par l’article L. 114-1 du Code des assurances au jour où l’assuré a eu connaissance des dommages causés à son bien par le sinistre de catastrophe naturelle. À cet égard, on peut être surpris que l’arrêt ait été rendu en formation restreinte de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, même s’il est promis à une large diffusion. Mais il ne faut pas toujours se fier à la formation de jugement de la Cour de cassation pour apprécier la valeur d’un arrêt. Il est souvent arrivé que des arrêts non publiés ou rendus par des formations restreintes soient plus importants que des arrêts publiés ou rendus par des formations plus solennelles. Ensuite, sur le plan pratique, l’analyse du point de départ de la prescription permet d’éviter les pièges de cette question technique, pourtant incontournable. Cela est d’autant plus important que le délai de la prescription en matière d’assurances est globalement très court. Enfin, sur le plan politique, il est intéressant d’apprécier l’impact de l’arrêt sur la politique nationale en matière de catastrophe naturelle ainsi que ses répercussions sur le marché des assurances. À l’analyse et plus substantiellement, l’arrêt du 11 juillet 2024 consacre la plasticité du point de départ du délai de la prescription en matière de catastrophe naturelle (I) en faisant une application combinée des dispositions des articles L. 114-1 du Code des assurances et 2224 du Code civil. Cette plasticité tend inéluctablement au renforcement de la protection des intérêts des assurés victimes de catastrophes naturelles (II). Mais elle interroge également sur le sort de l’assureur et, partant, sur l’avenir des assurances contre les conséquences dommageables des catastrophes naturelles.
I – La plasticité du point de départ du délai de la prescription en matière de catastrophe naturelle
La détermination du point de départ du délai est souvent considérée comme l’une des faiblesses du droit de la prescription15. Cela est d’autant plus regrettable qu’elle a un intérêt pratique majeur16. Lorsque le délai de la prescription est long, nul besoin pour l’assuré de plaider sur le dies a quo car, le plus souvent, il est encore dans les délais17. En revanche, lorsque le délai de la prescription est court, comme c’est le cas en matière d’assurance, « le point de départ acquiert une importance particulière parce que le plaideur est proche de son terme, voire au-delà »18. Dans ce dernier cas, les juges développent souvent des solutions originales pour retarder le point de départ afin de compenser la brièveté du délai19. Tel est le cas en l’espèce. La haute juridiction rappelle d’une part l’application principielle du point de départ objectif du délai de la prescription prévu par l’article L. 114-1 du Code des assurances (A) et admet d’autre part l’application exceptionnelle du point de départ subjectif du délai de la prescription prévu par l’article 2224 du Code civil (B).
A – Application principielle du point de départ objectif prévu par le Code des assurances
Généralités sur le point de départ objectif du délai de prescription. Le point de départ objectif du délai de la prescription est déterminé seulement en fonction de faits ou d’actes situés dans le temps d’une façon définitive. Il est donc complètement détaché de la connaissance effective de l’événement ou du fait permettant d’exercer une action. En matière d’assurance, aux termes de l’article L. 114-1 du Code des assurances, dans sa version applicable au litige, « toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance ». Comme on peut le constater, le point de départ du délai d’exercice de l’action en justice est donc l’événement qui y donne naissance, autrement dit la réalisation du risque. Mais encore faut-il que l’assuré soit informé de la durée ainsi que ses modalités de computation du délai de prescription. En effet, la brièveté du délai de la prescription tout comme les difficultés qui entourent la détermination du point de départ justifient que soit mis à la charge de l’assureur un devoir d’information. Ainsi, l’article R. 112-1 du Code des assurances prévoit des mentions informatives obligatoires au rang desquelles « le rappel des dispositions des titres I et II du livre 1er de la partie législative du [Code des assurances] concern[e]nt la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance ». La jurisprudence exige que cette information soit écrite et apparaisse dans les polices d’assurance et non dans les conditions générales de vente de l’assureur20. On peut néanmoins se poser la question de savoir si ce devoir d’information implique l’indication du point de départ du délai de la prescription. Selon la doctrine, l’article R. 112-1 du Code des assurances peut être analysé de deux manières. Dans une lecture a minima, cette disposition obligerait simplement l’assureur à rappeler l’existence des dispositions de l’article L. 114-1 du Code des assurances relatives au délai de la prescription21. Dans une lecture a maxima, l’assureur serait tenu non seulement de rappeler l’existence et le contenu de l’article L. 114-1 du Code des assurances, mais également de préciser les modalités de computation du délai. De ce second point de vue, l’assureur doit non seulement indiquer le point de départ et d’arrivée du délai, mais également les causes d’interruption et de suspension prévues à l’article L. 114-2 du Code des assurances.
Quoi qu’il en soit, le législateur ne prévoit pas de sanction en cas de manquement de l’assureur à son devoir d’information. Cette situation a occasionné une divergence entre les différentes chambres de haute juridiction. Dans un premier temps, la première chambre de la Cour de cassation a considéré que « l’article R. 112-1 du Code des assurances ne prévoit aucune sanction à la règle qu’il édicte et ne saurait faire obstacle à la prescription établie par l’article L. 114-1 du même Code »22. Selon cette jurisprudence, l’assuré ne pouvait se prévaloir de l’absence des mentions informatives prévues par l’article R. 112-1 du Code des assurances pour soutenir que le délai de la prescription n’avait pas commencé à courir. Cette solution se justifie essentiellement par le fait que le délai de la prescription prévu par l’article L. 114-1 du Code des assurances étant d’ordre public, l’assuré est censé ne pas l’ignorer23. Dès lors, le devoir d’information de l’assureur ne serait qu’une simple incitation à la clarté plutôt qu’une obligation juridiquement contraignante.
Mais, dans un second temps, la deuxième chambre de la Cour de cassation a adopté une solution contraire en décidant que le défaut de mention des informations relatives à la prescription a pour effet d’interdire à l’assureur de se prévaloir de la prescription contre l’assuré. Autrement dit, « l’inobservation de ces dispositions est sanctionnée par l’inopposabilité à l’assuré du délai de la prescription édicté par l’article L. 114-1 du Code des assurances »24. Cette solution s’est par la suite cristallisée dans la jurisprudence de la Cour de cassation qui ajoute que l’assureur doit également reproduire toutes les causes d’interruption de la prescription prévues à l’article L. 114-2 du Code des assurances25. Ainsi, si l’assureur s’est prévalu de la prescription dans l’affaire qui nous occupe, c’est très probablement parce qu’il s’était conformé aux dispositions de l’article R. 112-1 du Code des assurances26. Cette précision étant faite, il convient de s’intéresser plus spécifiquement à la détermination du point de départ du délai de la prescription de l’action en indemnisation des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle.
Quid en matière de catastrophe naturelle ? Comme indiqué plus haut, le Code des assurances ne détermine pas expressément le point de départ du délai de la prescription en matière d’action en garantie des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle. Néanmoins, étant donné que la garantie est subordonnée à un arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle, la jurisprudence considère, en se fondant sur l’article L. 114-1 du Code des assurances, que le délai de la prescription court à compter de la date de publication de l’arrêté interministériel au Journal officiel27. Cette solution logique est rappelée dans le premier segment de la motivation de l’arrêt sous commentaire. Elle découle d’une appréciation in abstracto du point de départ du délai de la prescription qui trouve une explication dans l’adage « nul n’est censé ignorer la loi »28. En effet, dès la publication de l’arrêté constatant la catastrophe naturelle, l’assuré est supposé connaître les faits permettant l’exercice de son action en justice. On considère alors que la publication de l’arrêté interministériel provoque nécessairement la connaissance par l’assuré de l’existence du sinistre, puisqu’elle est le plus souvent précédée par des vérifications et études permettant de déterminer l’ampleur et l’intensité de la catastrophe29. Ainsi, une fois l’arrêté publié, l’assuré, de qui on est en droit d’attendre un minimum de diligence et de vigilance, devrait vérifier si son bien n’a pas été affecté par la catastrophe et assurer le cas échéant la défense de ses intérêts30. Dans l’affaire qui nous intéresse, une stricte et exclusive application de l’article L. 114-1 du Code des assurances dans l’espèce aurait conduit la Cour de cassation à prononcer l’irrecevabilité de l’action de l’assuré. En effet, l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle a été publié le 2 août 2012 et le tribunal n’a été saisi qu’en 2017, soit au-delà du délai de prescription en vigueur au moment des faits. Mais, comme nous le verrons plus tard, il peut arriver que le titulaire du droit ignore les dommages causés à son bien par le sinistre de catastrophe naturelle. Tel est notamment le cas lorsque, comme en l’espèce, les propriétaires vendeurs n’occupaient pas l’immeuble et que les dommages n’étaient apparus que plusieurs années après la publication de l’arrêté interministériel.
Parfois, encore, l’assuré connaît l’existence de l’événement mais ignore qu’il est à l’origine des dommages causés à son bien. Dans cette situation, une expertise s’avère utile voire indispensable31. Dans l’affaire qui nous occupe, les acquéreurs du bien immobilier ont assigné les vendeurs et leur assureur devant le juge des référés afin d’obtenir la désignation d’un expert. Il convient d’analyser son incidence sur le délai de la prescription, même si cela n’a pas fait l’objet de discussion au stade de la cassation. La désignation d’un expert constitue-t-elle une cause de suspension ou d’interruption de la prescription ? La question mérite d’être posée car, si l’ordonnance de référé a un effet interruptif de la prescription, alors le temps couru depuis l’assignation en référé ne compte plus et un nouveau délai se substitue à l’ancien32. En revanche, si l’ordonnance de référé est considérée comme une cause suspensive du délai de la prescription, cela signifie qu’elle en arrête temporairement le cours sans en effacer le délai déjà couru33. La réponse à la question est donnée par l’article L. 114-2 du Code des assurances qui dispose que « la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d’interruption de la prescription et par la désignation d’experts à la suite d’un sinistre »34. Il est important de préciser que la désignation de l’expert peut être judiciaire ou amiable35. Cependant, la désignation par une partie en vue de la représenter au cours d’une éventuelle expertise ne peut s’analyser comme un acte interruptif de la prescription36.
Aussi, la Cour de cassation a décidé à maintes reprises que, pour une expertise judiciaire ordonnée en référé, « le délai de la prescription biennal recommence à courir, au plus tard, à compter du jour de l’ordonnance de référé qui désigne [l’expert] et non d’en suspendre les effets pendant la durée des opérations d’expertise »37. Exception est cependant faite de l’appel formé contre l’ordonnance de référé désignant l’expert, car il reporte simplement le délai de prescription jusqu’au prononcé de l’arrêt de la cour d’appel38, sous réserve des dispositions impératives de l’article 2243 du Code civil39. En outre, selon une jurisprudence récente, « toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d’expertise, ordonnée par une précédente décision, a un effet interruptif de prescription à l’égard de toutes les parties et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige »40.
Cependant, l’article L. 114-2 du Code des assurances n’est pas complet sur la question car il se limite à indiquer que l’ordonnance de référé désignant l’expert interrompt la prescription. Autrement dit, dès le prononcé de cette mesure, le délai de la prescription recommence à courir. Mais qu’en est-il des opérations d’expertise proprement dite ? De toute évidence, les opérations d’expertise peuvent se dérouler sur plusieurs années, notamment en matière de catastrophe naturelle. Dès lors, si la prescription commence à courir dès la désignation de l’expert et que les opérations d’expertise n’ont pas d’incidence sur le cours de la prescription, il peut arriver que l’action en justice soit prescrite avant même que l’expert ait rendu son rapport. Pour combler cette lacune, la Cour de cassation applique le droit commun de la prescription qui prévoit qu’une expertise judiciaire ordonnée par le juge des référés soit une cause de suspension du délai de la prescription41. Ainsi, lorsque l’ordonnance de référé est immédiatement suivie des opérations d’expertise, l’interruption de la prescription (par l’ordonnance de référé) est doublée d’une suspension jusqu’au dépôt du rapport d’expertise42.
Il ressort des développements qui précèdent que, dans l’affaire qui nous occupe, l’ordonnance du tribunal du 29 mai 2015 désignant l’expert a interrompu le délai de la prescription – si tant est que ce délai courait déjà. Le délai de la prescription a par la suite été suspendu jusqu’à la remise du rapport d’expertise le 13 juillet 2016. Dès lors, l’assuré avait théoriquement jusqu’au 13 juillet 2018 pour saisir le juge. Il en résulte que les assignations délivrées les 20 et 21 avril 2017 aux vendeurs et à l’assureur l’ont été dans le délai de la prescription. En somme, si l’arrêt commenté ne fait pas allusion aux effets de la désignation de l’expert et des opérations d’expertise sur la computation du délai de la prescription, c’est parce que la question préalable était plutôt celle de savoir si le délai de la prescription avait commencé à courir dès la publication de l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle. Ce n’est qu’après avoir répondu à cette question que le juge allait vérifier si la requête aux fins de désignation de l’expert a été introduite dans le délai de prescription et a par conséquent valablement interrompu la prescription. Pour déterminer le point de départ du délai de la prescription, le juge va apprécier les circonstances de l’espèce et faire une application exceptionnelle du point de départ subjectif du délai de la prescription découlant de l’article 2224 du Code civil.
B – L’application exceptionnelle du point de départ subjectif prévu par le Code civil
Présentation du droit commun de la prescription. L’arrêt sous commentaire est également rendu au visa de l’article 2224 du Code civil qui dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Il s’agit incontestablement du texte de référence en matière de prescription. Bien que son contenu soit susceptible d’interprétation et de développements multiples, cet article a vocation à servir de droit commun de la computation du délai de la prescription43. Concernant le point de départ du délai de prescription, trois hypothèses, renvoyant chacune à un point de départ bien précis, sont envisagées par le législateur. Dans la première hypothèse, le titulaire du droit a connaissance des faits lui permettant d’exercer son action en justice. Dès lors, le point de départ est fixé au jour des faits servant de base à la demande. Dans la deuxième hypothèse, le titulaire du droit ignore, sans faute ou imprudence de sa part, les faits déclenchant le délai d’exercice de son droit. Dans ce cas, la prescription ne commencera à courir qu’au jour de la connaissance de ces faits. Enfin, lorsque le titulaire ignore les faits qu’il devrait connaître compte tenu des circonstances ou de la nature des faits44, le point de départ est fixé au jour où il aurait dû avoir connaissance de ceux-ci.
Selon la Cour de cassation, l’article 2224 du Code civil s’applique lorsqu’un texte particulier ne prévoit pas le point de départ du délai de la prescription qu’il édicte45. Dans une affaire, pour les besoins de la construction d’un bâtiment agricole assurée auprès d’une compagnie d’assurances, une entreprise a acheté auprès d’un fournisseur des plaques de couverture en fibrociment. Se plaignant d’infiltrations dans la toiture, le maître de l’ouvrage a assigné en justice l’entreprise et son assureur. Il a obtenu la désignation d’un expert. La compagnie d’assurances a par la suite assigné en ordonnance commune le fournisseur et le fabricant sur le fondement de la garantie des vices cachés. Au stade de la cassation, ces derniers ont reproché à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir fait droit à la demande de l’assureur, alors que cette action était manifestement prescrite depuis 2013, soit cinq ans après à la vente des matériaux de construction. Selon eux, « l’action en garantie des vices cachés, même si elle doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de la prescription prévu par l’article L. 110-4 du Code de commerce, qui court à compter de la vente de la chose ». Mais cette argumentation est écartée par la troisième chambre de la Cour de cassation. Elle rappelle que « l’article 2224 du Code civil fixe le point de départ du délai de la prescription au jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, ce qui annihile toute possibilité d’encadrement de l’action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l’article 1648 du même code, à savoir la découverte du vice »46. Or, « la loi du 17 juin 2008 ayant réduit le délai de la prescription (…) sans préciser son point de départ, celui-ci ne peut que résulter du droit commun de l’article 2224 du Code civil »47.
Comme nous l’avons relevé plus haut, l’action en garantie des conséquences dommageables dérivant d’un sinistre de catastrophe naturelle est soumise à la publication préalable d’un arrêté interministériel constatant la catastrophe naturelle. Toutefois, le Code des assurances ne détermine pas expressément le point de départ du délai de la prescription. Dès lors, en suivant le raisonnement de la troisième chambre civile48, on devait retourner au point de départ de droit commun, c’est-à-dire le « jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Dans l’arrêt qui nous occupe, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation admet la possibilité du recours à l’article 2224 du Code civil mais n’en fait pas un principe automatique. Cela peut se comprendre car, pour combler le silence du législateur, elle avait déjà décidé que le point de départ du délai de la prescription en matière de catastrophe naturelle est la date de publication de l’arrêté interministériel. Dans un tel contexte, l’application automatique de l’article 2224 du Code civil aurait bouleversé considérablement la jurisprudence qui commençait peine à se cristalliser49. Consciente de cet enjeu, la haute juridiction a donc préféré conférer au point de départ subjectif du délai de la prescription une application exceptionnelle en matière de catastrophe naturelle.
Le caractère exceptionnel du point de départ subjectif. Dans l’arrêt sous commentaire, la Cour régulatrice fait une application combinée des dispositions du Code des assurances (C. assur., art. L. 114-1) et du Code civil (C. civ., art. 2224) : « Le point de départ de la prescription de l’action en indemnisation des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle se situe à la date de publication de l’arrêté, mais peut être reporté au-delà si l’assuré n’a eu connaissance des dommages causés à son bien par ce sinistre qu’après cette publication ». Cette solution est logique car ce n’est que lorsque le titulaire du droit a connaissance des faits qui fondent son action en justice qu’il est en mesure de saisir le juge. Il s’agit là du principe général du droit selon lequel la prescription ne court pas contre celui qui est dans l’incapacité de l’interrompre50. Le contraire serait très surprenant et entraînerait des conséquences néfastes pour le titulaire d’un droit, qui verrait s’abattre sur lui le couperet de la prescription alors même qu’il ignorait la survenance du fait permettant l’exercice d’une action en justice. Dans l’affaire qui nous occupe, la commune dans le ressort de laquelle se trouvait l’immeuble litigieux avait subi un épisode de sécheresse des sols en 2011. L’état de catastrophe naturelle a été reconnu par un arrêté interministériel publié le 2 août 2012. Cette catastrophe a entraîné des fissures sur les murs extérieurs de la maison, mais celles-ci étaient dissimulées sous du lierre et des ronces, de sorte que ni les vendeurs non occupants, ni les acquéreurs de la maison n’avaient connaissance des dommages causés au bien. Ce n’est qu’après la vente qui a eu lieu en 2014, soit plusieurs années après la publication de l’arrêté interministériel, que les acquéreurs ont eu connaissance des dégâts causés au mur de l’immeuble.
Peut-on raisonnablement, dans de telles circonstances, reprocher à l’assuré le fait de n’avoir pas agi dans le délai de la prescription ? La jurisprudence y répond par la négative, car « autant on peut reprocher à quelqu’un de ne pas connaître lorsqu’il pouvait se renseigner, autant il serait injuste de lui reprocher l’absence de conscience parce qu’elle ne peut pas être fautive »51. C’est ainsi que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation admet que le point de départ de la prescription « peut être reporté au-delà [de l’arrêté de catastrophe naturelle] si l’assuré n’a eu connaissance des dommages causés à son bien par ce sinistre qu’après cette publication ». L’arrêt fait donc une application in favorem de l’article 2224 du Code civil qui consiste à considérer que les faits sont connus quand ils le sont réellement et en excluant l’hypothèse où le titulaire aurait dû les connaître. Il s’agit donc d’une appréciation in concreto du point de départ du délai de la prescription manifestement protectrice des intérêts de l’assuré.
Allant plus loin, on peut penser que la Cour de cassation ne fait pas intervenir formellement le droit de la preuve en présumant que les faits étaient connus de l’assuré au plus tard dès la publication de l’arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle, à charge pour celui-ci de démontrer qu’ils ne l’étaient pas. Si tel est le cas, elle s’éloignerait de l’article L. 114-1, 2°, du Code des assurances qui dispose qu’en « cas de sinistre, [le délai de la prescription ne court] que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là ». Mais, à bien y regarder, l’exigence de la preuve par l’assuré de l’ignorance du sinistre ou de ses conséquences transparaît dans l’arrêt commenté par l’emploi des expressions « peut être reporté » et « si » par la Cour de cassation. En clair, le point du départ du délai de la prescription ne peut être reporté que si l’assuré démontre qu’il n’a eu connaissance des dommages causés par le sinistre qu’après la publication de l’arrêté de constatation de la catastrophe. Tel était le cas en l’espèce, puisque ce n’est qu’après la vente de l’immeuble en 2014, soit près de deux ans après la publication de l’arrêté, que les acquéreurs ont eu connaissance des dommages causés par le sinistre. Dès lors, il incombe au juge, en cas de contestation du point de départ du délai de la prescription, de vérifier si, au regard des circonstances, l’assuré avait connaissance des dommages lui permettant d’agir en justice. Il convient cependant de noter que l’application du point de départ subjectif de la prescription n’est pas à l’abri des critiques, car elle peut donner « lieu à des solutions trop divergentes qui dépendent entièrement ou presque des circonstances propres à chaque espèce et de la psychologie du titulaire du droit »52. À n’en pas douter, il n’est pas évident d’apprécier le moment de la connaissance du dommage par l’assuré. D’où le risque d’un glissement du critère de la « connaissance » à celui de la « conscience », car le titulaire d’un droit peut connaître les faits lui permettant d’agir, sans avoir conscience qu’il peut saisir le juge. Il est par conséquent légitime de craindre que l’application de l’article 2224 du Code civil puisse rendre davantage floue la computation du délai de la prescription.
En outre, force est de constater que la Cour de cassation n’envisage que la possibilité d’un report du point de départ de la prescription au-delà de la date de publication de l’arrêté interministériel. Est par conséquent exclue l’hypothèse d’un délai de prescription en matière de catastrophe naturelle qui commencerait à courir avant la date de publication de l’arrêté interministériel, même s’il est établi que l’assuré avait eu connaissance des faits lui permettant d’exercer son droit. Cette précision est importante, car elle amène à s’interroger sur l’incidence de l’absence d’arrêté sur l’action en garantie des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle. En effet, il peut arriver qu’un arrêté de catastrophe ne soit pas pris par les autorités compétentes, notamment lorsque la commune n’a pas entrepris les démarches dans les délais. L’article L. 125-1 du Code des assurances prévoit qu’« aucune demande communale de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ne peut donner lieu à une décision favorable de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle par arrêté interministériel lorsqu’elle intervient vingt-quatre mois après le début de l’événement naturel qui y donne naissance. Pour les mouvements de terrain différentiels mentionnés au troisième alinéa, ce délai de vingt-quatre mois intervient après le dernier événement de sécheresse donnant lieu à la demande communale ». Dans cette hypothèse, quel serait le point de départ du délai de la prescription des actions découlant du contrat d’assurance ? Comme nous l’avons vu, l’absence d’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle exclut l’application de l’extension légale. Il faudra alors s’en tenir à la garantie conventionnelle53. Dans ce cas, c’est l’article L. 114-1 du Code des assurances qui déterminera le point de départ du délai de la prescription. Ce délai commencera à courir à compter de l’événement qui donne naissance à l’action, c’est-à-dire la date de réalisation du risque. D’où la question de la portée de l’arrêt commenté qui sera abordée plus tard.
En somme, l’arrêt qui nous occupe démontre la volonté de la haute juridiction judiciaire de tempérer la brièveté et l’inadéquation de l’article L. 114-1 du Code des assurances en matière d’action en garantie des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle. En admettant la possibilité d’un report du point de départ de la prescription au jour de la connaissance par l’assuré des dommages causés aux biens, la deuxième chambre de la Cour de cassation entend incontestablement renforcer la protection des victimes de catastrophe naturelle.
II – Le renforcement de la protection des victimes de catastrophe naturelle
Organisation du propos. Selon l’article L. 125-1 du Code des assurances, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021, les contrats d’assurance qu’il énumère ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les effets des catastrophes naturelles. Sont considérés comme tels les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel54. Face à de tels événements, de nombreuses victimes sont souvent ruinées. L’analyse des textes de lois et de la jurisprudence permet de constater une amélioration lente mais considérable de la situation des assurés (A). Toutefois, face à l’intensification des catastrophes naturelles que connaît la France et alors que les risques liés au dérèglement climatique sont classés en deuxième position55, la question de l’avenir de l’étendue de la garantie des conséquences dommageables de ces catastrophes est d’actualité (B).
A – L’amélioration considérable de la situation des assurés
L’apport indéniable de la jurisprudence. Certes, les catastrophes naturelles ne se réalisent pas – ou pas encore – avec la même fréquence que les autres risques couverts par les compagnies d’assurances. Cependant, la survenance de tels événements peut affecter l’économie d’un État et à plus forte raison la situation financière des victimes (destruction des biens, déménagement, etc.). C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu la garantie contre les conséquences dommageables des catastrophes naturelles. Toutefois, la brièveté du délai de la prescription en vigueur avant la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 202156 n’était pas suffisamment protectrice des intérêts des assurés. De surcroît, ce délai pouvait commencer à courir alors même que les dommages causés aux biens n’étaient pas encore apparus, ce qui avait pour conséquence de priver de garantie les victimes n’ayant pas engagé d’action en justice dans le délai de deux ans à compter de la publication de l’arrêté constatant la catastrophe naturelle. De ce point de vue, en retenant que le point de départ du délai de la prescription peut être reporté au jour de la connaissance des dommages causés aux biens, l’arrêt du 11 juillet 2024 renforce la protection des victimes des catastrophes naturelles. Le report du délai de la prescription se révèle ainsi comme un mécanisme de compensation de la brièveté du délai car, bien souvent, le consommateur inexpérimenté en matière de litiges assurantiels était placé dans l’impossibilité d’agir.
Plus globalement, la Cour de cassation s’est toujours montrée favorable à l’amélioration de la situation de l’assuré victime de catastrophe naturelle. Dans son rapport annuel 2022, elle a suggéré une nouvelle fois la réforme de l’article L. 114 du Code des assurances avec alignement du délai de la prescription du droit des assurances sur le délai de droit commun. Pour rappel, la prescription biennale a été instaurée par la loi du 13 juillet 1930 relative au contrat d’assurance. Cette loi « entendait mettre fin, sur ce point, à la pratique antérieure des assureurs qui, à la faveur de la liberté contractuelle, souhaitaient échapper au délai trentenaire de droit commun et, à cet effet, inséraient fréquemment dans leurs contrats des clauses imposant une prescription très courte, parfois limitée à six mois »57. Ainsi, en fixant un délai biennal de prescription et en lui conférant un caractère impératif, la loi de 1930, tout en prenant en compte l’inadaptation d’un délai trentenaire, a cherché à protéger les droits des assurés. Cependant, plus de 80 ans après l’adoption de la loi de 1930, le délai de la prescription de droit commun a été ramené à cinq ans. De même, les législateurs, national et européen, ont mis en œuvre une politique législative et réglementaire soucieuse des intérêts des consommateurs. Dans ce contexte, et comme l’a martelé la Cour de cassation, la brièveté du délai de la prescription en matière d’assurances est inadaptée, surtout en matière de catastrophe naturelle.
Pour inverser cette mauvaise tendance, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a développé une jurisprudence tendant à renforcer l’information de l’assuré sur le délai de la prescription ainsi que ses modalités d’application58. Plus spécifiquement, en matière de catastrophe naturelle, elle a allégé la preuve du caractère déterminant de l’intensité anormale d’un agent naturel en cas d’aggravation des dommages59. Ainsi, la cause déterminante s’entend moins comme la cause exclusive60, mais davantage comme la cause prépondérante du dommage61. La deuxième chambre civile a également répondu à la question de savoir, en cas d’assureurs successifs d’un bâtiment touché par une catastrophe naturelle, qui est celui qui doit mettre en œuvre la garantie. La question se posait avec acuité lorsque les dommages causés aux biens se manifestaient dans un certain temps après la survenance de l’agent naturel d’une intensité anormale. Dans une affaire, des épisodes de sécheresse ont eu lieu dans les années 1990, 1993 et 1997, donnant lieu à des arrêtés datant de 1991 et 1997. Or, un assuré a vu apparaître des fissurations à compter de 2003. En pareille situation, l’assuré peut être embarrassé, ne sachant vers qui se tourner entre l’assureur dont le contrat est en cours de validité au moment de l’événement dommageable (épisodes de sècheresse) ou celui dont le contrat est en cours de validité quand les dommages se manifestent (fissurations sur l’immeuble). La Cour de cassation retient la première hypothèse en décidant que c’est à l’assureur dont le contrat est en cours de validité au moment de l’événement dommageable de mettre en œuvre la garantie d’assurance (critère du fait dommageable)62. On comprend alors pourquoi, dans l’affaire qui nous occupe, l’action des acquéreurs a été dirigée contre l’assureur des vendeurs en tant qu’assureur dont le contrat est en cours de validité au moment de la catastrophe naturelle.
La solution est certes logique, mais elle peut aussi avoir un effet redoutable en cas de vente, car la détermination de l’assureur influence la détermination du bénéficiaire de la garantie63. Plus substantiellement, une partie de la doctrine considère qu’étant donné que l’article L. 125 du Code des assurances vise la garantie contre « les effets des catastrophes naturelles », la prise en charge des dommages causés aux biens incomberait plutôt à l’assureur dont le contrat est en cours au moment où les effets se manifestent64. Mais cette divergence découle probablement d’une méprise sur la notion de « sinistre ». Il nous semble que la garantie – et, partant, le contrat d’assurance – est rattachée à la survenance d’un événement appelé « risque ». C’est la réalisation du risque et non l’apparition de ses effets qui permet de déterminer l’assureur qui doit réparer le préjudice. En d’autres termes, la garantie légale contre les effets des catastrophes naturelles est due en raison de la réalisation de cet événement (sécheresse des sols, éboulements de terrains) et non du fait des dommages (perte, destruction, fissure). Dès lors, il n’est pas surprenant que l’assuré, même en cas de survenance tardive du dommage, puisse faire appel à la garantie de l’assureur dont le contrat était en cours au moment des faits dommageables.
Dans l’arrêt commenté, les acquéreurs avaient engagé les poursuites à la fois contre l’assureur du vendeur (assureur au moment de la survenance de l’événement) et leur propre assureur (assureur au moment de l’apparition des désordres). Pour mettre hors de cause le second, la cour d’appel a décidé « qu’il ressort des conclusions de l’expert que les désordres constatés trouvent leur origine avant la vente du 20 juin 2014 puisqu’il en attribue la cause exclusive à la sécheresse de 2011 qui a été reconnue catastrophe naturelle, de sorte que [le nouvel assureur] ne peut être tenu à garantie ». Cette solution des juges du fond correspond parfaitement à l’hypothèse où le point de départ du délai de l’action en justice est l’événement qui y donne naissance, c’est-à-dire la publication de l’arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle. Or, dans l’arrêt qui nous occupe, la Cour de cassation admet le report du point de départ du délai de la prescription au jour de la connaissance des dommages causés au bien. Ce report du point de départ du délai de la prescription à la survenance du dommage opère-t-il un transfert de l’obligation de garantie au nouvel assureur ? On ne saurait répondre par l’affirmative car le report du point de départ de la prescription n’a pour but que de favoriser l’exercice de l’action. À partir des dommages, il faut remonter à l’événement causal pour déterminer la garantie à mettre en œuvre.
Une intervention timorée du législateur. En dépit d’une jurisprudence de plus en plus favorable à l’assuré, le contentieux des catastrophes naturelles reste abondant du fait des solutions tout à la fois imparfaites et sources de complexité65. Cette situation a amené le législateur à se montrer sensible à certaines propositions de la Cour de cassation, notamment celles relatives au délai de la prescription en matière d’action en garantie des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle. C’est ainsi que l’article 4 de la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 202166 modifie le délai de la prescription en la matière : « Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance. Par exception, les actions dérivant d’un contrat d’assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l’article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l’événement qui y donne naissance »67. Cet alignement du délai de la prescription applicable aux actions dérivant du contrat d’assurance de catastrophe naturelle sur celui de droit commun entraîne inéluctablement une simplification du droit que ne permettaient pas d’atteindre jusque-là les évolutions jurisprudentielles. Notons cependant que, dans l’affaire qui nous intéresse, la Cour fait application du délai de la prescription biennale, étant donné que la loi du 28 décembre 2021 n’était pas encore entrée en vigueur aux moments des faits. Si la nouvelle loi rallonge le délai de prescription, elle maintient néanmoins comme point de départ le jour de « l’évènement qui donne naissance » au droit d’agir en justice.
Partant de là, on peut s’interroger sur la portée de l’arrêt commenté. La solution dégagée est-elle isolée ou a-t-elle vocation à s’appliquer dans toutes les hypothèses où l’assuré n’a eu connaissance des dommages causés à son bien qu’après l’arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle ? La question mérite d’être posée pour plusieurs raisons. D’une part, l’arrêt est rendu sous l’empire du droit antérieur à la loi du 28 décembre 2021 prévoyant une prescription biennale en matière de catastrophe naturelle. D’autre part, la Cour de cassation a toujours été favorable à un alignement total du délai de la prescription en matière d’assurances sur le délai de droit commun, ce qui inclut la prise en compte du point de départ subjectif de la prescription prévu par l’article 2224 du Code civil. À l’analyse, le choix de la deuxième chambre civile de la Cour de statuer en formation restreinte laisse penser que la solution paraît s’imposer et que l’affaire ne présente pas une difficulté particulière. De même, la publication de l’arrêt au Bulletin des arrêts de la deuxième chambre civile lui confère une large portée. De ce point de vue, il est autorisé de penser que cette solution s’appliquera à toutes les situations où l’assuré n’a eu connaissance des dommages causés à son bien qu’après la publication de l’arrêté interministériel constatant la catastrophe naturelle. Toutefois, la motivation de l’arrêt permet de constater que la solution retenue ne vaut qu’en matière d’assurance contre les conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle et ne peut s’étendre à toutes les hypothèses relevant de l’article L. 114-1 du Code des assurances.
L’applicabilité de l’article 2232 du Code civilen matière de catastrophe naturelle. En matière de prescription, l’article 2232 du Code civil apporte une limitation importante au délai de la prescription de droit commun. Cet article dispose que « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ». L’article L. 114-1, alinéa 2, du Code des assurances prévoit seulement trois hypothèses de report du point de départ du délai de la prescription. Tout d’abord, en cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, le point de départ du délai est reporté au jour où l’assureur en a eu connaissance. Ensuite, en cas de sinistre, ce délai ne court que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là. Enfin, quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier. Toutes ces hypothèses légales de report du point de départ du délai de la prescription sont soumises au délai butoir de l’article 2232 du Code civil68. Par exemple, en cas de déclaration fausse ou inexacte de l’assuré sur le risque couru, le délai de la prescription court à compter du jour où l’assureur en a eu connaissance. Toutefois, peu importe le jour de la connaissance de la déclaration fausse ou inexacte, l’action de l’assureur ne sera plus recevable au-delà d’un délai de 20 ans entre le jour de la déclaration (naissance du droit) et le moment où l’assuré saisit le juge.
Or, dans l’arrêt commenté, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation institue une nouvelle hypothèse de report du point de départ du délai de la prescription en matière de catastrophe naturelle, notamment lorsque l’assuré n’a eu connaissance des dommages causés à son bien qu’après la publication de l’arrêté interministériel. D’où la question de savoir si l’article 2232 du Code civil s’applique également à cette hypothèse jurisprudentielle de report du délai de prescription69. Faute de précédent en la matière, il n’est pas évident de prendre position. Il faudra donc scruter la jurisprudence à venir de la Cour de cassation. Néanmoins, il est important d’insister sur la spécificité des dommages résultant d’une catastrophe naturelle. Supposons que, dans l’affaire qui nous occupe, les dommages causés à l’immeuble soient apparus ou aient été découverts plus de 20 ans après la survenance de la catastrophe ou la publication de l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle. La Cour de cassation aurait-elle constaté la prescription de l’action en garantie exercée contre l’assureur ? En effet, si la haute juridiction avait eu l’intention de faire application de l’article 2232 au report du point de départ du délai de la prescription qu’elle a consacré, elle l’aurait mentionné dans le visa de l’arrêt. N’ayant pas procédé ainsi, on serait tenté de penser qu’en matière de catastrophe naturelle, le point de départ du délai de la prescription peut commencer à courir le jour où l’assuré a eu connaissance des dommages causés à son bien, même si cette connaissance intervient plus de 20 ans après l’événement qui en est la cause. Ainsi, par exemple, pour une catastrophe qui s’est produite en 2000 et dont l’assuré parvient à établir qu’il n’a eu connaissance des dommages qu’en 2024, son action en justice devrait être recevable dans la limite du délai légal de la prescription. Il va sans dire qu’une telle approche est susceptible de déséquilibrer profondément la relation contractuelle au détriment de l’assureur. Dès lors, nous estimons que la Cour de cassation devrait faire application de l’article 2232 du Code civil en cas de report du point de départ du délai de la prescription.
B – Vers la disparition de l’assurance des catastrophes naturelles ?
Augmentation des catastrophes naturelles. En matière de catastrophe naturelle, la balance de la justice penche le plus souvent en faveur de l’assuré. L’arrêt commenté en est une parfaite illustration. Assurément, lorsque l’action en justice de l’assuré est recevable, comme ayant été introduite dans le délai de la prescription et que l’assuré n’a commis aucune faute70, l’assureur est tenu de mettre en œuvre la garantie prévue par le contrat71. Face à l’augmentation des catastrophes naturelles et l’amélioration de la situation de l’assuré, il est probable que les assureurs évitent désormais de garantir les dommages résultant des catastrophes naturelles. D’ailleurs, l’assurance catastrophe naturelle ne fait pas partie des assurances obligatoires et n’est donc pas incluse dans les contrats d’assurance de base. Le choix du législateur français est à cet égard astucieux72 car, d’une part, il n’a pas opté pour une assurance obligatoire – qui imposerait la souscription d’une police d’assurance catastrophe naturelle – mais, d’autre part, il prévoit une extension automatique de la garantie obligatoire adossée à certains contrats. Ainsi, l’assuré adhère volontairement au contrat socle73, mais, une fois la police souscrite, la couverture complémentaire contre les dommages résultant d’une catastrophe naturelle est automatique. Dès lors, l’assurance catastrophe naturelle est une assurance obligatoire déguisée et l’assureur qui accepte le contrat socle sur lequel ce risque est adossé ne peut pas refuser de le couvrir74.
En dépit de la réforme du régime d’indemnisation des dommages résultant d’une catastrophe naturelle introduite par la loi du 28 décembre 2008, ce contentieux promet de nombreux rebondissements au regard de la problématique du dérèglement climatique et de la multiplication des catastrophes qu’il engendre. À se fier aux données des institutions internationales, il y a plus d’une catastrophe naturelle en moyenne par jour au niveau mondial et les chiffres devraient tourner aux alentours de 1,5 par jour d’ici à 203075. Prenant la mesure de la menace pour le droit des assurances, le gouvernement français a entamé des réflexions sur la soutenabilité du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles76. En effet, les assureurs sont au cœur de la problématique du réchauffement climatique avec « la multiplication des catastrophes conduisant à une augmentation des indemnités de sinistre, au risque d’entraîner une augmentation considérable des primes, voire un désengagement total des assureurs »77. Selon un auteur, « dès lors que le dérèglement climatique est un risque systémique, et que la tendance est à la multiplication des catastrophes, l’exposition aux risques se globalise, ce qui rend le risque lié au climat techniquement inassurable »78. On peut donc comprendre que les assureurs se désintéressent peu à peu du secteur de l’immobilier79, avec pour conséquence que les personnes qui ne peuvent souscrire une police d’assurance couvrant les catastrophes naturelles ne puissent bénéficier que du fonds de secours, dont l’indemnité est assez faible80. Sous ce prisme, l’admission par la Cour de cassation de la possibilité du report du point de départ du délai de la prescription en matière de catastrophe naturelle au jour de la connaissance des dommages causés au bien peut inciter davantage les assureurs à éviter ce type de garantie.
La déchéance de la garantie comme bouée de sauvetage ? Dans l’affaire qui nous occupe, l’assureur s’est contenté d’invoquer la prescription de l’action en garantie engagée à son encontre, sans se soucier d’une évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation. Or, il était également possible de se prévaloir de la déchéance de la garantie si une telle sanction était expressément prévue par le contrat d’assurance. En effet, en cas de réalisation du risque (catastrophe naturelle), l’assuré doit le déclarer à son assureur « dès qu’il en a connaissance et au plus tard dans les trente jours suivant la publication de l’arrêté interministériel »81. La décision interministérielle est prise sur la base d’un avis d’une commission interministérielle et doit être rendue dans les deux mois suivant le dépôt de la demande faite par la commune affectée par la catastrophe naturelle82. Le législateur ne prévoit pas de sanction spécifique en cas de non-respect du délai de déclaration du sinistre. Toutefois, il est de jurisprudence constante que l’article L. 113-2 du Code des assurances s’applique et que l’assuré est déchu de son droit à la garantie si l’assureur prouve que l’absence ou le retard de déclaration lui a causé un préjudice83. Il convient cependant de noter que dans l’hypothèse d’une pluralité d’assureurs, et sous réserve d’avoir informé chaque assureur de l’existence des autres contrats d’assurance qu’il a souscrits, l’assuré peut déclarer le sinistre à l’assureur de son choix84.
Dans l’arrêt sous analyse, la déclaration de sinistre devait être faite dans un délai de dix jours, conformément au droit applicable au moment des faits85. Ainsi, l’arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle ayant été publié le 2 août 2012, l’assuré avait jusqu’au 12 août 2012 pour déclarer le sinistre à l’assureur. Or, il ressort des éléments de la procédure que les vendeurs n’ont pas déclaré le sinistre à leur assureur86. Sans toutefois invoquer la déchéance de la garantie, celui-ci a donc estimé que « l’absence de toute déclaration de sinistre de la part [des vendeurs] et de travaux confortatifs (…) ne pouvait que conforter l’hypothèse d’un bien n’ayant subi aucun impact à la suite de cette sécheresse ». À la lumière de l’arrêt commenté, on est en droit de se demander si la déchéance de la garantie peut être retenue lorsque l’assuré n’a pas eu connaissance des dommages causés à son bien. Une réponse négative paraît s’imposer car, tout comme le point de départ du délai de la prescription qui peut être reporté au jour où l’assuré a eu connaissance des dommages causés à son bien, il nous semble que le délai de déclaration du sinistre ne peut véritablement courir qu’au jour où l’assuré a eu connaissance du sinistre.
Dans une espèce similaire, après la survenance d’une catastrophe naturelle, l’assuré a entrepris des travaux pour combler les fissures apparaissant sur le mur et a, par la suite, vendu l’immeuble. Les juges du fond ont déduit de cette circonstance que l’assuré avait connaissance des dommages, de sorte que la déclaration de sinistre était tardive87. Or, tel n’est pas le cas dans l’affaire qui nous occupe puisque les vendeurs ignoraient les dommages causés à l’immeuble. D’ailleurs, dans l’acte de vente de l’immeuble, il est clairement indiqué que « le bien n’a jamais connu de sinistres résultant de catastrophes naturelles ». De même, selon le rapport d’expertise, les fissures sur le mur de l’immeuble étaient invisibles après la catastrophe naturelle et ne sont apparues que tardivement. On voit bien que, dans de telles circonstances, on ne peut raisonnablement opposer à l’assuré la déchéance de la garantie. La solution retenue par la Cour de cassation dans cette affaire peut parfaitement s’étendre à toutes les hypothèses où le législateur impose à l’assuré un délai pour accomplir une formalité ou pour agir en justice, notamment lorsque ce délai a pour point de départ la survenance d’un événement. Comme on peut le constater, en matière de catastrophe naturelle, il n’est pas évident pour l’assureur de se soustraire à son obligation de mettre en œuvre la garantie prévue au contrat en l’absence de faute ou de négligence fautive de l’assuré. Et quand bien même l’action en garantie serait prescrite ou que la déchéance de garantie lui serait opposée, l’acquéreur d’un immeuble endommagé par une catastrophe naturelle dispose, le cas échéant et sous certaines conditions, d’un recours contre le vendeur et/ou le notaire.
Possibilité d’un recours contre le vendeur et le notaire. Dans l’arrêt sous commentaire, seule la responsabilité du vendeur pour les vices cachés a été débattue devant les juridictions du fond88. Mais ce moyen a été écarté pour les motifs déjà évoqués. Même si la responsabilité éventuelle du notaire n’a pas été discutée, il convient de l’aborder car elle présente un relief particulier en matière de catastrophe naturelle. En effet, outre l’obligation d’efficacité et de validité des actes, le notaire est tenu – comme la plupart des professionnels – d’un devoir d’information. Cette obligation n’est pas absolue, notamment en cas de déclarations inexactes des parties89. Toutefois, il peut y avoir un partage de responsabilité entre le vendeur90 et le notaire, notamment lorsque le premier a volontairement fait de fausses déclarations sur le bien et que le second a manqué à son devoir d’information et de conseil. La Cour de cassation a en effet décidé que le notaire est tenu de vérifier, « spécialement lorsqu’il existe une publicité légale », les déclarations du vendeur, qui conditionnent la validité ou l’efficacité de l’acte qu’il dresse91. Le manquement à cette obligation constitue une faute professionnelle.
Dans une affaire92, les vendeurs se sont prévalus d’une clause de non-garantie des vices cachés93 pour tenter de se soustraire à leur responsabilité du fait d’avoir de mauvaise foi dissimulé l’existence d’un arrêté interministériel portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Ils sont condamnés à payer à l’acquéreur le montant des travaux de reprise de l’immeuble et à indemniser le trouble de jouissance qui en a résulté. Le notaire est quant à lui condamné pour manquement à son devoir d’information car il n’a pas renseigné les acquéreurs, par une mention expresse ou par une annexion à l’acte de vente, sur l’existence de l’état de catastrophe naturelle94. Cette obligation d’information est désormais prévue par la loi95. Dans l’affaire qui nous intéresse, le notaire avait pris le soin d’annexer à l’acte de vente la liste des arrêtés de catastrophe naturelle pris pour la commune, notamment celui du 2 août 2012. Dès lors, les acquéreurs ont été informés de l’épisode de sécheresse qui a occasionné les dommages litigieux. En définitive, si les vendeurs de l’immeuble avaient connaissance des dommages causés par la catastrophe naturelle et s’étaient abstenus de déclarer le sinistre à l’assureur ou d’agir en justice dans les délais, les acquéreurs auraient été fondés à engager leur responsabilité contractuelle.
Notes de bas de pages
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1.
En latin, « nota quod vigilanti et non dormienti, jus civile scriptum est ».
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2.
Elle est également appelée « prescription libératoire ».
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3.
S. Guinchard et T. Debard, Lexique des termes juridiques, 2022, Dalloz, p. 826.
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4.
M. Dosé, Éloge de la prescription, 2021, Éditions de l’Observatoire.
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5.
P. A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, t. 15, 1836, Paris, Videcoq Libraire, Place du Panthéon, p. 573.
-
6.
P. Malaurie, « La réforme de la prescription civile », Defrénois 30 oct. 2008, n° 38842, p. 2029 et s., spéc. n° 11 ; C. Brenner, « De quelques aspects procéduraux de la réforme de la prescription extinctive », RDC 2008, p. 1431 ; R. Boffa, « Le point de départ de la prescription », in dossier « La prescription civile : 10 ans après la réforme », RDC juin 2020, n° RDC116w3.
-
7.
C. civ., art. 2224 : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
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8.
Le Conseil constitutionnel a jugé, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité que lui avait transmise la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, que l’article L. 114-1 du Code des assurances ne contrevenait à aucune norme constitutionnelle(Cons. const., QPC, 17 déc. 2021, n° 2021-957, Épx T.). Il n’en demeure pas moins que le délai qu’il instaure demeure défavorable à l’assuré qui est généralement un consommateur lié par un contrat dont il n’a pas négocié les termes.
-
9.
Pour une jurisprudence récente, v. CA Montpellier, 19 mai 2022, n° 21/06365 – CA Nîmes, 23 juin 2022, n° 21/04457 – Cass. 3e civ., 11 juin 2014, n° 13-11786.
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10.
Il convient de relever l’existence d’une coquille dans l’arrêt commenté qui indique que la vente a eu lieu le 20 juin 2004 au lieu du 20 juin 2014 tel que précisé par l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse.
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11.
La Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence sur la question de la transmission, à l’acquéreur de la chose sinistrée, de la créance d’indemnité d’assurance afférente à un sinistre résultant d’une catastrophe naturelle apparu avant la vente. Par le passé, elle considérait que le bénéficiaire de l’indemnité d’assurance est le propriétaire du bien au moment du sinistre, la transmission de plein droit de l’assurance au profit de l’acquéreur n’ayant d’effet que pour les sinistres postérieurs à la vente. Par conséquent, il n’y avait de transmission de l’indemnité d’assurance en cas de vente d’un immeuble sinistré (Cass. 3e civ., 16 avr. 2013, n° 12-16242 – v. également Cass. 2e civ., 7 avr. 2011, n° 10-17426 – Cass. 1re civ., 18 juill. 2000, n° 98-12272 : Bull. civ. I, n° 212). Désormais, est affirmé le principe de la transmission de plein droit, à l’acquéreur, de la créance d’indemnité d’assurance compensant un sinistre de catastrophe naturelle antérieur à la vente (Cass. 3e civ., 7 mai 2014, n° 13-16400, PB : RDC mars 2015, n° RDC111j2, note F. Leduc ; GPL 2 sept. 2014, n° GPL190g0, note F.-X. Ajaccio, A. Caston et R. Porte).
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12.
L’assureur ne conteste pas la qualité à agir des requérants. Sur la transmission des obligations, v. O. Deshayes, La transmission de plein droit des obligations à l’ayant-cause à titre particulier, 2004, LGDJ, p. 393 et 394, n° 449).
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13.
CA Montpellier, 19 mai 2022, n° 21/06365 – CA Nîmes, 23 juin 2022, n° 21/04457 – Cass. 3e civ., 11 juin 2014, n° 13-11786.
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14.
CA Toulouse, ch. 1, 11 juill. 2022, n° 19/04290.
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15.
P. Sargos, « Le point de départ de la prescription dans la jurisprudence de la Cour de cassation », in P. Courbe (dir.), Les désordres de la prescription, 2000, Presses de l’Université de Rouen et du Havre, p. 23 et s., n° 290 ; JCP G 2003, I 152, n° 53, note G. Viney.
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16.
M. Mignot, « Réforme de la prescription : le point de départ du délai », Defrénois 28 févr. 2009, n° 38896, p. 393.
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17.
Tel était notamment le cas à l’époque de la prescription trentenaire.
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18.
M. Mignot, « Réforme de la prescription : le point de départ du délai », Defrénois 28 févr. 2009, n° 38896, p. 393.
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19.
J. Kullmann, in J. Bigot (dir.), Traité de droit des assurances, t. III, Le contrat d’assurance, 2002, LGDJ, n° 1945.
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20.
Pour les assurances de groupe, l’information doit être mentionnée dans les notices d’information destinées aux adhérents. Pour application, Cass. 1re civ., 27 mai 1997, n° 94-20213 : RGDA 1997, p. 792, note J. Kullmann – CA Bordeaux, 11 juill. 2024, n° 22/00634. Mais cette exigence ne semble pas soumise au formalisme de l’article L. 112-4 du Code des assurances qui impose que certaines mentions soient faites en caractères très apparents.
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21.
M. Périer, « La prescription biennale de l’article L. 114-1 du Code des assurances ou le rocher de Sisyphe », note ss Cass. 2e civ., 3 sept. 2009, n° 08-13094, Mme R. épouse B. c/ Sté Swiss Life Assurances et Cass. 2e civ., 3 sept. 2009, n° 08-18092, Établissement français du Sang c/ Mme L. T. et Sté SHAM et a., Gaz. Pal. 13 févr. 2010, n° 44, p. 24.
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22.
Dans ce sens, Cass. 1re civ., 22 janv. 2002, n° 98-18892 : RGDA 2002, p. 381, note J. Kullmann ; JCP G 2003, I 184, n° 1, note J. Kullmann. V. aussi J. Kullmann, « Fautes et sanctions liées à la prescription », in P. Courbe (dir.), Les désordres de la prescription, 2000, Presses de l’Université de Rouen et du Havre, p. 111.
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23.
H. Groutel, explication de texte, « L’assuré est censé ignorer la loi », Resp. civ. et assur. 2009, repère 8.
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24.
Cass. 1re civ., 2 juin 2005, n° 03-11871 : RGDA 2005, p. 619, note J. Kullmann ; Resp. civ. et assur. 2005, comm. 238 et étude 11, note H. Groutel – rappr. Cass. 2e civ., 10 nov. 2005, n° 04-15041 : RGDA 2006, p. 81, note critique J. Kullmann ; Resp. civ. et assur. 2006, comm. 42, note H. Groutel.
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25.
Cass. 2e civ., 3 sept. 2009, n° 08-18092.
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26.
Dans le même sens, v. CA Rouen, ch. civ. et com., 7 mars 2024, n° 23/03735 : « Ce rappel ne prévoyant pas que la prescription est interrompue par l’une des causes ordinaires d’interruption de la prescription et par la désignation d’experts à la suite d’un sinistre, ne respecte pas les dispositions des articles R. 112-1 et L. 141-2 du Code des assurances de sorte que la prescription biennale est inopposable à M. [N], et que l’assureur ne peut prétendre à l’application de droit commun ».
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27.
CA Montpellier, 19 mai 2022, n° 21/06365 – CA Nîmes, 23 juin 2022, n° 21/04457 – Cass. 3e civ., 11 juin 2014, n° 13-11786.
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28.
En latin, « nemo censetur ignorare legem ».
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29.
Les sinistrés doivent immédiatement signaler le sinistre à la mairie afin de déclencher la procédure de constatation de l’état de catastrophe naturelle et déclarer à leur assureur la nature des dommages subis.
-
30.
Notons cependant qu’un recours contre l’arrêté interministériel a un effet suspensif de la décision. Par conséquent, dans cette hypothèse, on considère que le délai de la prescription n’a pas encore commencé à courir. Sur le recours en annulation pour excès de pouvoir contre l’arrêté interministériel, v. CE, 6e et 4e ss-sect. réunies, 14 mai 2003, n° 235051 : Lebon – CE, 6e et 1re ss-sect. réunies, 24 févr. 2006, n° 273502 : Lebon – CE, 6e et 2e ss-sect. réunies, 12 mars 1999, n° 179723 : Lebon – CAA Versailles, 2e ch., 2 juill. 2024, n° 22VE01902, inédit.
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31.
Sur la question, v. T. Moussa (dir.), Droit de l’expertise, 5e éd., 2022, Dalloz ; C. Diaz, Le guide des expertises judiciaires, 2013, Dalloz.
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32.
Sur les effets de l’interruption, v. C. civ., art. 2231.
-
33.
C. civ., art. 2230.
-
34.
Il convient de préciser que cette interruption vaut pour tous les chefs de préjudice qui en découlent, alors même que l’expertise ne porterait que sur certains d’entre eux. V., dans ce sens, Cass. 2e civ., 22 oct. 2009, n° 07-21487 : Resp. civ. et assur. 2010, comm. 30, 1re esp., note H. Groutel.
-
35.
Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, n° 08-10144 – Cass. 1re civ., 4 mars 1997, n° 95-10045 : Bull. civ. I, n° 78 ; Resp. civ. et assur. 1997, comm. 247 et chron. 17, note H. Groutel ; RGDA 1997, p. 1026, note J. Kullmann ; RDI 1997, p. 253, note G. Leguay – Cass. 1re civ., 24 févr. 2004, n° 01-02719 : Bull. civ. I, n° 56 ; RGDA 2004, p. 396, note J. Kullmann ; Resp. civ. et assur. 2004, comm. 163 et chron. 11, note H. Groutel.
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36.
Cass. 2e civ., 5 juin 2008, n° 07-18287 : RGDA 2008, p. 644, note M. Bruschi.
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37.
Cass. 2e civ., 10 nov. 2005, n° 04-15041 : Bull. civ. II, n° 283 ; Resp. civ. et assur. 2006, comm. 42 et 44, note H. Groutel – Cass. 3e civ., 9 déc. 2003, n° 02-17485 : Resp. civ. et assur. 2004, note H. Groutel – v. aussi Cass. 1re civ., 9 mai 1994, n° 91-20976 : Bull. civ. I, n° 165 – Cass. 3e civ., 11 mai 1994, n° 92-19747 : Bull. civ. III, n° 90.
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38.
Cass. 2e civ., 22 oct. 2009, n° 07-21487 – rappr. C. civ., art. 2242.
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39.
C. civ., art. 2243 : « L’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ».
-
40.
Cass. 2e civ., 22 oct. 2009, n° 08-19840 – Cass. 2e civ., 10 nov. 2009, n° 08-19371 : Resp. civ. et assur. 2010, comm. 30, note H. Groutel. V. aussi M. Périer, note ss Cass. 2e civ., 9 juill. 2009, n° 08-17131, RGDA 2009, p. 1187 ; sur les causes d’interruption ou de suspension de la prescription. Toutefois, « la décision rejetant la demande tendant au remplacement d’un expert n’est pas une cause d’interruption de la prescription », Cass. 2e civ., 2 oct. 2008, n° 07-17511 : RGDA 2008, p. 130, note M. Brushi.
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41.
L’article 2239 du Code civil dispose que « la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès. Le délai de la prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ».
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42.
CA Pau, 19 sept. 2023, n° 22/03461. M. Bruschi, note ss Cass. 2e civ., 2 oct. 2008, n° 07-13670, RGDA 2009, p. 130. Il convient de préciser que le délai de la prescription de l’article L. 114-1 du Code des assurances n’est pas suspendu par les pourparlers entre l’assureur et l’assuré, même en cas d’expertise amiable en cours. Or, il serait judicieux de considérer que la phase de discussion amiable entre l’assureur et l’assuré est une cause de suspension du délai.
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43.
Le législateur n’a pas manqué d’occasion pour étendre le champ d’application de cette disposition dans plusieurs lois spéciales : L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 42, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis – L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 7-1 – C. trav., art. L. 1471-1, dans sa rédaction issue de L. n° 2013-504, 14 juin 2013, relatif à toute action portant sur l’exécution du contrat de travail – C. trav., art. L. 3245-1, dans sa rédaction issue de L. n° 2013-504, 14 juin 2013, relatif à l’action en paiement ou en répétition du salaire – CPI, art. L. 521-3, dans sa rédaction issue de L. n° 2019-486, 22 mai 2019, relatif aux actions civiles en contrefaçon de dessins et modèles – CPI, art. L. 615-8, dans sa rédaction issue de L. n° 2019-486, 22 mai 2019, relatif aux actions civiles en contrefaçon de brevets – CPI, art. L. 623-29, dans sa rédaction issue de L. n° 2019-486, 22 mai 2019, relatif aux actions civiles en contrefaçon des obtentions végétales.
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44.
Tel est notamment le cas lorsque le fait qui déclenche le délai de la prescription est la publication d’un texte de loi ou d’un acte réglementaire. Dans cette hypothèse, l’adage selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » devrait d’appliquer.
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45.
Cass. 3e civ., 25 mai 2022, n° 21-18218, B.
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46.
Cass. 3e civ., 25 mai 2022, n° 21-18218, B.
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47.
Il s’agit de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile.
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48.
Cass. 3e civ., 25 mai 2022, n° 21-18218, B.
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49.
CA Montpellier, 19 mai 2022, n° 21/06365 – CA Nîmes, 23 juin 2022, n° 21/04457 – Cass. 3e civ., 11 juin 2014, n° 13-11786.
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50.
En latin, « contra non valentem agere non currit praescriptio ». Sur la question, v. J. Carbonnier, Droit civil, Les biens, Les obligations, vol. II, 2004, PUF, Quadrige, p. 2522, n° 1277.
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51.
M. Mignot, « Le point de départ du délai de la prescription », RDC juin 2024, n° RDC201y6.
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52.
M. Mignot, « Le point de départ du délai de la prescription », RDC juin 2024, n° RDC201y6.
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53.
Cass. 2e civ., 24 nov. 2011, n° 10-21685 : LEDA janv. 2012, n° 1, p. 3, obs. D. Krajeski.
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54.
Cass. 2e civ., 9 nov. 2023, n° 22-13156 : GPL 12 mars 2024, n° GPL460j0, note C. Cerveau-Colliard.
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55.
Selon le classement France Assureurs 2024.
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56.
L. n° 2021-1837, 28 déc. 2021, relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles.
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57.
C. cass., rapp. annuel 2022, p. 37.
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58.
C. assur., art. R. 112-1. V. également Cass. 1re civ., 22 janv. 2002, n° 98-18892 : RGDA 2002, p. 381, note J. Kullmann ; JCP G 2003, I 184, n° 1, note J. Kullmann. V. aussi J. Kullmann, « Fautes et sanctions liées à la prescription », in P. Courbe (dir.), Les désordres de la prescription, 2000, Presses de l’Université de Rouen et du Havre, p. 111.
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59.
Cass. 2e civ., 5 mars 2020, n° 18-20383.
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60.
Cass. 3e civ., 28 nov. 2001, n° 00-14320 : Bull. civ. III, n° 136 – Cass. 2e civ., 3 juin 2010, n° 09-15307 : RGDA 2010, p. 1148, note A. Astegiano-La Rizza.
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61.
A. Pélissier, note ss Cass. 2e civ., 16 avr. 2015, nos 14-13294 et 14-14829, RGDA juin 2015, n° RGA112h7.
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62.
Cass. 2e civ., 16 janv. 2014, n° 13-11356 : LEDA mars 2014, n° 3, p. 3, obs. D. Krajeski. Dans le même sens, Cass. 2e civ., 3 oct. 2013, nos 12-22908, 12-24473 et 12-25759 : RGDA janv. 2014, n° RGA110d4, note J. Kullmann ; Resp. civ. et assur. 2014, comm. 29, note J. Kullmann – Cass. 2e civ., 4 nov. 2010, n° 09-71677.
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63.
C’est le propriétaire du bien au moment où survient ce que la jurisprudence considère comme le sinistre (Cass. 2e civ., 7 avr. 2011, n° 10-17426 : RGDA 2011, p. 1111, note J. Bigot).
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64.
Cass. 2e civ., 3 oct. 2013, nos 12-22908, 12-24473 et 12-25759 : RGDA janv. 2014, n° RGA110d4, note J. Kullmann.
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65.
Par exemple, la Cour de cassation a décidé que l’action en garantie et en réparation des préjudices subis en raison de l’action porte sur des fautes commises par l’assureur dans l’exécution du contrat d’assurance, le point de départ se situe à la date où l’assuré a eu connaissance des manquements de l’assureur à ses obligations et du préjudice en résultant pour lui (Cass. 2e civ., 28 mars 2013, n° 12-16011, P : LEDA mai 2013, n° 5, p. 3, obs. C. Charbonneau).
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66.
L. n° 2021-1837, 28 déc. 2021, relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles.
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67.
Il convient de noter que les actions dérivant d’un contrat d’assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation ne peuvent être engagées dans le délai de cinq ans que si les mouvements de terrain ont été reconnus comme une catastrophe naturelle. Cela signifie qu’en l’absence d’arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle, les actions restent soumises au délai de la prescription biennale.
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68.
CA Douai, 3e ch., 1er juin 2023, n° 22/04508. V. aussi, Cass. ass. plén., 17 mai 2023, n° 20-20559, BR, CA Dijon, 20 janv. 2022, n° 19/00858 (en matière de sécurité sociale).
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69.
Il convient de noter que les articles 2224 et 2232 du Code civil sont souvent invoqués conjointement dans le contentieux assurantiel. Pour illustration, v. Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, n° 13-11032 : LEDA juin 2014, n° 6, p. 6, obs. P. Casson.
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70.
C. assur., art. L. 125-6 (l’assuré doit respecter le plan de prévention des risques naturels prévisibles).
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71.
La garantie porte sur les biens prévus par le contrat, Cass. 2e civ., 19 janv. 2023, n° 21-17936 (la garantie concerne les murs de clôture et les aménagements ou équipements à caractère immobilier, faute d’exclusion de la garantie-socle par la police).
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72.
B. Cerveau, « L’assurance des catastrophes naturelles : entre solidarité nationale et assurance », GPL 6 mars 2018, n° GPL315g0.
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73.
Parmi ces contrats-socles, on peut citer les assurances de dommages aux biens (sauf la dommage-ouvrages et les assurances corps en matière de transports) et assurances de pertes d’exploitation.
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74.
Si l’assureur refuse la garantie catastrophe naturelle au moment de la souscription du contrat ou à l’occasion de son renouvellement, l’assuré peut saisir par lettre recommandée avec accusé de réception le bureau central de tarification (BCT) dans les 15 jours suivant la notification du refus par l’assurance. Celui-ci pourra obliger l’assureur à couvrir contre les effets des catastrophes naturelles. Toutefois, si le risque est important ou s’il présente des caractéristiques particulières, le BCT peut demander à l’assuré de lui présenter une ou plusieurs compagnies d’assurances dans l’objectif de répartir le risque entre elles.
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75.
Les Échos, « Catastrophes naturelles : l’ONU appelle l’humanité à enrayer la “spirale d’autodestruction” », 26 avr. 2022.
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76.
Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, communiqué de presse n° 876, « Bruno Le Maire et Christophe Béchu lancent une mission sur l’assurabilité des risques climatiques », 26 mai 2023 ; T. Langreney, G. Le Cozannet et M. Mérad, rapp. officiel, 2 avr. 2024, Adapter le système assurantiel français à l’évolution des risques climatiques.
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77.
A. Touzain, « Le droit français des assurances à l’épreuve des catastrophes naturelles », Actu-Environnement, sept. 2023. Dans le même sens, G. J. Martin, « Les techniques financières du transfert des risques : l’exemple des Cat Bonds », Environnement 2006, étude 15.
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78.
A. Touzain, « Le droit français des assurances à l’épreuve des catastrophes naturelles », Actu-Environnement, sept. 2023. V. également A. Touzain, « Appréhender les risques systémiques : les préconisations du Conseil économique, social et environnemental », BJDA mai 2022, n° 81, p. 2.
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79.
A. Grotteria, « Aux États-Unis, les assurances se retirent face au changement climatique et ses catastrophes », Géo, 2 juin 2023.
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80.
A. Grotteria, « Aux États-Unis, les assurances se retirent face au changement climatique et ses catastrophes », Géo, 2 juin 2023.
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81.
C. assur., art. D. 125-6. Pour application, Cass. 2e civ., 8 mars 2012, n° 11-15472.
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82.
Une procédure d’urgence est également prévue pour les catastrophes naturelles présentant un caractère exceptionnel. L’arrêté doit préciser les zones et périodes de la catastrophe ainsi que la nature des dommages occasionnés, qui seront donc couverts par les assureurs. La décision est susceptible de recours pour excès de pouvoir.
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83.
Cass. 3e civ., 19 sept. 2019, n° 16-22797, D. V. également, Cass. 3e civ., 19 sept. 2019, n° 16-22797. L’assureur peut justifier son préjudice en indiquant que l’absence de déclaration du sinistre était de nature à entraîner une augmentation substantielle du coût de l’indemnisation.
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84.
L’idée étant d’éviter un cumul d’indemnisation qui serait contraire au principe indemnitaire selon lequel l’indemnité a pour but de réparer le préjudice subi, mais rien que le préjudice subi, sans enrichissement de l’assuré.
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85.
C. assur., art. A. 125 abrogé, annexe I.
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86.
CA Toulouse, 1re ch., 11 juill. 2022, n° 19/04290.
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87.
CA Paris, 24 juin 2016, n° 14/14762. Il peut arriver que le propriétaire d’un immeuble omette volontairement de déclarer un sinistre à l’assureur ou dissimule cette information à l’acquéreur, car le sinistre a nécessairement une incidence sur la valeur du bien à vendre.
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88.
CA Toulouse, 1re ch., 11 juill. 2022, n° 19/04290 : « Pour ce qui concerne les autres fissures les conclusions de l’expert sont claires, elles n’étaient pas visibles. Aucun élément ne permet d’établir que les vendeurs, propriétaires non occupants, auraient eu connaissance des fissures litigieuses et les auraient volontairement cachées aux acquéreurs, de sorte que M. et Mme [M] doivent être déboutés de leur demande au titre des vices cachés ».
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89.
Cass. 1re civ., 26 nov. 2014, n° 13-27965 : Bull. civ. I, n° 197 ; LEDIU janv. 2015, n° 10, p. 6, obs. M.-L. Besson ; Dalloz actualité, 7 janv. 2015, obs. F. Garcia – Cass. 1re civ., 23 févr. 2012, n° 09-13113 : Bull. civ. I, n° 39 ; AJDI 2012, p. 460, note N. Le Rudulier.
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90.
La responsabilité d’une agence immobilière peut également être retenue sur le fondement de l’obligation d’information et de conseil, notamment lorsqu’ayant connaissance des dommages causés au bien par la catastrophe naturelle, elle ne les porte pas à la connaissance de l’acquéreur.
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91.
Dans ce sens, Cass. 1re civ., 29 juin 2016, n° 15-17591 : DEF 15 sept. 2016, n° DEF124g3, note M. Latina ; D. 2016, p. 1498.
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92.
Cass. 1re civ., 11 janv. 2017, n° 15-22776 : LEDIU mars 2017, n° DIU110j7, obs. M.-L. Besson.
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93.
Sur les vices cachés, v. C. civ., art. 1641 et s.
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94.
Pour le juge, le notaire ne pouvait pas ignorer l’état de catastrophe naturelle dans la mesure où il a fait l’objet d’une publication dans la presse et que l’étude notariale était située dans une commune voisine à celle concernée par la catastrophe naturelle.
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95.
C. envir., art. L. 125-5 – C. envir., art. R. 125-24.
Référence : AJU015k1