Limitation de garantie d’assurance et droit européen : un conflit de lois favorable à la victime
À la suite de la collision d’un navire avec la passerelle d’accès du port d’une commune, celle-ci assigne en indemnisation devant le TGI l’armateur et les assureurs du navire qui saisissent la Haute Cour de Londres d’une action en déclaration de non-responsabilité à l’égard de la commune et de son assureur, fondée sur la clause « pay to be paid » stipulée dans le contrat d’assurance. La Haute Cour de Londres rend une décision déclarant que les assureurs de l’armateur ne sont pas responsables en application de leur contrat.
La CJUE a dit pour droit qu’une clause attributive de juridiction convenue entre un assureur et un preneur d’assurance ne saurait être opposée à la victime d’un dommage assuré, qui souhaite agir directement contre l’assureur, dès lors que l’extension aux victimes de l’effet contraignant des clauses attributives de juridiction pourrait compromettre l’objectif du règlement Bruxelles I, à savoir protéger la partie économiquement et juridiquement la plus faible (CJUE, 13 juill. 2017, n° C-368/16, Assens Havn).
La cour d’appel, après avoir admis la validité de la clause désignant la Haute Cour de Londres, retient qu’elle ne peut produire ses effets qu’entre les cocontractants et n’est pas opposable à la commune, qui n’y a pas consenti et en déduit à bon droit que l’exception d’incompétence fondée sur la clause attributive de juridiction doit être rejetée.
Il se déduit du règlement précité que ses règles impératives s’imposent à l’assureur qui agit contre la victime d’un dommage causé par l’assuré, la victime devant être assimilée au preneur d’assurance, assuré ou bénéficiaire.
Dès lors que la clause attributive de juridiction est inopposable à la commune et que cette dernière est domiciliée en France, la décision de la Haute Cour de Londres ne peut être reconnue.
Selon ce même règlement, la possibilité de l’action directe de la partie lésée contre l’assureur du responsable est déterminée par la loi désignée par la règle de conflit du juge saisi.
Il résulte des principes régissant le conflit de lois en matière d’action directe que l’action est possible si elle est permise, soit par la loi de l’obligation principale, soit par la loi du contrat d’assurance, de sorte que, si la loi de l’obligation principale l’autorise, la loi du contrat d’assurance, applicable au régime de l’assurance, ne peut y faire obstacle et ne peut être invoquée que dans ses dispositions qui régissent les relations entre l’assureur et l’assuré, dispositions à laquelle la question de l’action directe est étrangère.
Après avoir rappelé que la loi applicable à l’obligation principale était celle du lieu de survenance du dommage et, par conséquent, la loi française, que l’article L. 124-3 du Code des assurances, d’application générale, accorde au tiers lésé une action directe contre l’assureur de responsabilité de l’auteur du dommage, et après avoir fait ressortir que, selon le droit anglais applicable au contrat d’assurance, la clause « pay to be paid », qui impose au responsable d’un sinistre d’indemniser la victime pour être remboursé par son assureur, a pour effet de rendre l’action directe de la victime impossible, en privant cette action de son objet même, la cour d’appel en déduit exactement que l’opposabilité de cette clause à la victime s’analyse, au sens du règlement Bruxelles I, en une règle de la loi du contrat régissant la possibilité de l’action directe, qui est évincée par la loi française applicable à l’obligation principale.
Sources :