Responsabilités et nullités à propos d’un tableau plus illustre qu’il n’y paraissait
Un tableau est vendu lors d’une vente aux enchères publiques par une société de ventes volontaires.
Ce tableau est revendu à une autre société qui elle-même le revend à un particulier. Ce particulier refuse ultérieurement que le tableau soit expertisé.
Faisant valoir que la société de ventes avait commis des fautes et que le consentement de l’héritière, depuis décédée, avait été vicié par l’erreur commise sur les qualités substantielles du tableau en présence de fortes présomptions que le tableau soit l’œuvre d’un artiste de renom, ses ayants droit et les curateurs de certains d’entre eux assignent la galerie qui avait racheté le tableau avant de le revendre, en annulation de la vente pour erreur sur la substance et en responsabilité de la société de ventes.
Il résulte des articles 1109 et 1110 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 que l’erreur du vendeur sur les qualités substantielles de la chose vendue n’est une cause de nullité du contrat que dans la mesure où elle est excusable. Tel est le cas si le vendeur a transmis tous les éléments en sa possession au professionnel chargé de la vente en s’en remettant à son avis et que celui-ci n’a pas procédé aux recherches qui auraient permis d’éviter cette erreur.
Viole ces textes la cour d’appel qui, pour rejeter la demande, après avoir relevé que l’héritière du tableau, persuadée du caractère ordinaire de la peinture, avait été victime d’une erreur dès lors qu’il existait un doute sur l’attribution possible du tableau à un artiste renommé, qui ne pouvait être levé en l’absence d’expertise, retient que cette erreur est inexcusable en l’absence, par elle et de son fils, d’un examen préalable des archives familiales, alors qu’ils avaient connaissance que le peintre dont le frère avait défendu le peintre supposé et son œuvre le Radeau de la Méduse, était membre de leur famille, alors qu’elle a constaté que la société de ventes était elle-même en possession des archives familiales comprenant les documents permettant d’établir ce lien de parenté, information qu’elle avait portée à la connaissance du public immédiatement avant la vente, sans modifier l’évaluation initiale, ni faire appel à l’avis d’un expert.
Concernant la responsabilité de la société de vente, selon l’article L. 321-17 du Code de commerce, l’opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques engage sa responsabilité au cours ou à l’occasion des prisées et des ventes de meubles aux enchères publiques, conformément aux règles applicables à ces ventes.
Et selon l’arrêté du 21 février 2012 portant approbation du recueil déontologique des opérateurs de vente volontaires, applicable au litige, il est soumis à un devoir de transparence et de diligence à l’égard du vendeur tout au long du processus de vente et il lui apporte tous les éléments d’information dont il dispose pour éclairer sa décision quant aux conditions de mise en vente de l’objet concerné. Il effectue les recherches appropriées pour identifier le bien qui lui est confié en vue de la vente et déterminer, en l’état actuel des connaissances, la qualité de celui-ci notamment en considération de sa nature, de son origine géographique et de son époque et le cas échéant, il recourt à l’assistance d’un expert.
Encourt la cassation l’arrêt qui, pour écarter l’existence d’une faute de la société de ventes, après avoir constaté que le tableau litigieux n’avait pas fait l’objet d’investigations particulières de la part du commissaire-priseur, retient que celui-ci n’a jamais été alerté et interrogé sur ce tableau et qu’il ne lui a pas été demandé d’expertise malgré les éléments figurant aux archives familiales, motifs impropres à écarter la responsabilité de la société de ventes au regard des obligations lui incombant préalablement à une vente.
Sources :