Constitutionnalité de l’obligation vaccinale des personnels de santé

Publié le 01/02/2024

Constitutionnalité de l’obligation vaccinale des personnels de santé

En premier lieu, le législateur, en adoptant l’article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, a entendu, au regard de la dynamique de l’épidémie, du rythme prévisible de la campagne de vaccination, du niveau encore incomplet de la couverture vaccinale de certains professionnels de santé et de l’apparition de nouveaux variants du virus plus contagieux, en l’état des connaissances scientifiques et techniques, permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 par le recours à la vaccination, et garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et protéger, par l’effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des malades qui y étaient hospitalisés poursuivant ainsi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.

Si les vaccins en cause ne font l‘objet que d’une autorisation conditionnelle de mise sur le marché, en vertu du règlement (CE) n° 507/2006 de la Commission relatif à l’autorisation de mise sous le marché conditionnelle de médicaments à usage humain relevant du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, une telle autorisation ne peut être accordée que si le rapport bénéfice/risque est positif, et l’Agence européenne du médicament procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d’efficacité et de qualité et soient fabriqués et contrôlés dans des installations agréées. Ils ne peuvent donc être considérés comme ayant le caractère d’une expérimentation médicale.

Par ailleurs, l’obligation vaccinale ne s’impose pas, en vertu de l’article 13 de la même loi, aux personnes qui présentent un certificat médical de contre-indication ainsi que, pendant la durée de sa validité, aux personnes disposant d’un certificat de rétablissement. Enfin, l’article 12 donne compétence au pouvoir réglementaire, compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques et après avis de la Haute autorité de santé, pour suspendre cette obligation pour tout ou partie des catégories de personnes qu’elle concerne.

Ainsi, la disposition contestée, qui est justifiée par une exigence de santé publique et n’est pas manifestement inappropriée à l’objectif qu’elle poursuit, n’opère pas une conciliation manifestement déséquilibrée avec le principe constitutionnel de protection de la santé, la liberté d’entreprendre, la liberté d’opinion, et le droit à mener une vie familiale normale.

En deuxième lieu, la suspension du contrat de travail étant la conséquence du non-respect de l’obligation vaccinale prévue à l’article 12 de la même loi, la disposition contestée, qui n’emporte aucune atteinte à l’intégrité physique des personnes, ne méconnaît pas le principe du respect de la dignité de la personne humaine.

En troisième lieu, la disposition contestée, qui n’entraîne aucune mesure privative de liberté, n’affecte pas la liberté individuelle, protégée par l’article 66 de la Constitution.

En quatrième lieu, la disposition contestée ne porte pas atteinte au principe d’égalité dès lors, d’une part, qu’elle s’applique de manière identique à l’ensemble des personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé et dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux du code de la santé publique, à l’exception de celles y effectuant une tâche ponctuelle, qu’elles fassent ou non partie du personnel soignant, d’autre part, que la circonstance que les dispositions contestées font peser sur les personnes exerçant une activité au sein de ces établissements, une obligation vaccinale qui n’est pas imposée à d’autres personnes, constitue, compte tenu des missions des établissements de santé et de la vulnérabilité des patients qui y sont admis, une différence de traitement en rapport avec cette différence de situation, qui n’est pas manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

En cinquième lieu, cette disposition ne porte pas atteinte au droit à l’emploi, ni à l’interdiction de léser un travailleur dans son emploi en raison de ses opinions, dans la mesure où elle ne prévoit pas la rupture du contrat de travail mais uniquement sa suspension. Cette suspension prend fin dès que le salarié, qui n’est ainsi pas privé d’emploi, remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité et produit les justificatifs requis, conservant, pendant la durée de celle-ci, le bénéfice des garanties de protection complémentaires auxquelles il a souscrit.

En sixième lieu, cette disposition poursuivant le but d’intérêt général suffisant, de valeur constitutionnelle, de protection de la santé, est d’une portée strictement définie dès lors que la suspension cesse dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité, ou dès que le législateur prononce la suspension de l’obligation vaccinale pour tout ou partie des catégories de personnels qui en relèvent. Elle opère, au regard des objectifs poursuivis rappelés au paragraphe 10, une atteinte proportionnée à la liberté contractuelle et au principe de sécurité juridique.

En septième lieu, l’interruption du versement de la rémunération, qui n’est que la conséquence de l’interdiction d’exercice, laquelle obéit à l’objectif constitutionnel de protection de la santé, ne présente pas, compte tenu de son caractère temporaire, un caractère de gravité tel que le sens et la portée du droit de propriété s’en trouveraient dénaturés.

En dernier lieu, la disposition contestée, en ce qu’elle n’institue pas une sanction ayant le caractère d’une punition, dès lors que la suspension du contrat s’impose à l’employeur et ne présente aucun caractère disciplinaire, ne porte pas atteinte au principe de proportionnalité des peines.

En conséquence, il n’y a pas lieu de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

Sources :
Rédaction
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