Travailleurs indépendants des plateformes de mobilité : une ordonnance pour renforcer leur autonomie
La ministre de la Transition écologique et la ministre du Travail ont présenté le mercredi 6 janvier 2022 une ordonnance renforçant l’autonomie des travailleurs indépendants des plateformes de mobilité, portant organisation du dialogue social de secteur et complétant les missions de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi.
Ces règles viennent compléter le dispositif visant à organiser un dialogue social de secteur entre les plateformes de la mobilité et les travailleurs indépendants qui y recourent pour leur activité en prévoyant les modalités de représentation de ces plateformes, en définissant les règles de la négociation au sein de chaque secteur et en complétant les missions de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi. Par ailleurs, elle renforce également les obligations incombant aux plateformes de la mobilité à l’égard des travailleurs indépendants qui y recourent, afin de renforcer l’autonomie de ces derniers dans l’exercice de leur activité.
Cette ordonnance est prise sur le fondement de l’article 2 de la loi n° 2022-139 du 7 février 2022 ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes.
En premier lieu, ce texte vient achever l’édifice législatif permettant la structuration d’un dialogue social au niveau de deux secteurs d’activités : celui des activités de conduite d’une voiture de transport avec chauffeur (VTC), et celui des activités de livraison de marchandises à vélo ou à scooter, qui représentent près de 100 000 travailleurs indépendants.
L’ordonnance fixe ainsi les modalités de représentation des organisations de plateformes au niveau de chacun des secteurs d’activités. Au-delà des critères traditionnels de la représentativité (respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté, influence), l’ordonnance impose une audience minimale estimée en combinant un critère majoritaire – celui du montant total des revenus d’activité des travailleurs générés par les plateformes adhérentes aux organisations candidates – et un critère minoritaire – celui du nombre de travailleurs. Pour ce premier cycle de mesure de la représentativité, la liste des organisations de plateformes représentatives devra être arrêtée au plus tard le 31 octobre 2022, avec l’objectif que le dialogue social puisse s’engager dès la rentrée, les élections permettant de désigner les organisations représentant les travailleurs ayant lieu en mai.
Sont également précisées les règles du dialogue social.
Une commission de négociation est instituée afin de permettre la négociation des accords sectoriels. Les organisations représentatives pourront recourir sous certaines conditions à une expertise financée par l’ARPE pour les accompagner dans les négociations des accords.
Par ailleurs, un accord de secteur sera valide s’il est signé par des organisations de travailleurs représentant plus de 30 % des suffrages exprimés, à condition toutefois que l’accord ne se heurte pas à l’opposition d’organisations représentant la majorité des travailleurs des plateformes.
Les accords valides pourront être, par le biais d’une homologation de l’ARPE, rendus obligatoires pour toutes les plateformes et tous les travailleurs indépendants du secteur concerné. Ne pourront cependant pas être homologués les accords qui feraient l’objet de l’opposition d’organisations de plateformes dont le poids serait supérieur à 50 %. Par ailleurs, l’ARPE pourra refuser l’homologation pour un motif d’intérêt général tel qu’une atteinte excessive au principe de libre concurrence.
Pour favoriser la conclusion d’accords sur des sujets d’une importance particulière pour les travailleurs et les plateformes, l’ordonnance prévoit l’obligation d’engager une négociation de secteur, portant sur un des quatre thèmes centraux prédéterminés par une liste, tels que les modalités de détermination des revenus des travailleurs, les conditions d’exercice de l’activité professionnelle, la prévention des risques professionnels ou encore les modalités de développement des compétences professionnelles.
Enfin, l’ordonnance prévoit également que l’ARPE puisse exercer une fonction de médiation en cas de litiges entre une plateforme et un ou plusieurs travailleurs, s’agissant de l’application des accords de secteur.
En second lieu, l’ordonnance vient compléter le cadre juridique existant afin de renforcer l’autonomie des travailleurs des plateformes de mobilité dans l’exercice de leur activité. Elle comporte dans cet objectif de nouvelles obligations incombant aux plateformes à l’égard des travailleurs qui y recourent.
L’ordonnance prévoit ainsi l’obligation de communiquer la destination des prestations proposées et d’accorder aux travailleurs un délai raisonnable pour choisir ou non de les accepter.
Elle renforce également l’indépendance des travailleurs sur les points suivants :
- elle interdit aux plateformes de leur imposer l’utilisation d’un matériel ou d’un équipement déterminé, sous réserve de ce qu’impose la réglementation en matière notamment de santé, de sécurité et d’environnement ;
- elle rappelle le principe de non-exclusivité de la relation commerciale en permettant aux travailleurs de recourir simultanément à plusieurs intermédiaires de mise en relation et en leur permettant de commercialiser leurs prestations sans intermédiaire ;
- elle leur garantit de pouvoir choisir librement leur itinéraire, au regard notamment des conditions de circulation, de l’itinéraire proposé par la plateforme et le cas échéant du choix du client.
L’exercice de ces droits ne pourra faire l’objet d’aucune mesure pénalisant les travailleurs et notamment pas conduire à la suspension ou la rupture de leur contrat commercial.
Sources :