DPE : « Des sanctions financières plus dissuasives et la suspension immédiate en cas de faute grave pourraient renforcer la qualité du diagnostic »

Publié le 27/03/2025
DPE : « Des sanctions financières plus dissuasives et la suspension immédiate en cas de faute grave pourraient renforcer la qualité du diagnostic »
Kadmy/AdobeStock

Valérie Létard, ministre du Logement, vient d’annoncer que les contrôles sur les diagnostics de performance énergétique (DPE) allaient être significativement renforcés. Cette mesure vise à éradiquer les diagnostics de complaisance, souvent responsables de la sous-évaluation des performances énergétiques des logements. À cette occasion, David Brutin, thermicien, expert près la cour d’appel d’Aix en Provence, expert près la cour administrative d’appel de Marseille et auteur de « La performance énergétique », paru aux éditions Lextenso-Gualino, répond à Actu-Juridique sur les implications de ces nouvelles directives pour les propriétaires, les locataires et les professionnels du secteur. Quels seront les impacts sur le marché immobilier ? Comment les acteurs concernés peuvent-ils se préparer à ces changements ? Entretien.

Actu-Juridique : Les récents engagements de la ministre du Logement, Valérie Létard, prévoient un renforcement des contrôles des DPE jugés trop laxistes. Selon vous, quelles seraient les mesures les plus efficaces pour garantir la fiabilité des diagnostics immobiliers ?

David Brutin : Les récentes mesures proposées visant à instaurer un QR code pour vérifier la certification des diagnostiqueurs me semblent adaptées, mais uniquement en préalable à la sélection d’un diagnostiqueur et pas au contexte opérationnel. Il est peu probable qu’un particulier demande ce QR code à un diagnostiqueur venu réaliser plusieurs diagnostics (surface, électricité, amiante, termites, etc.). Cette mesure pourrait injustement jeter un doute sur les compétences du diagnostiqueur uniquement pour le DPE, alors que les autres types de diagnostics ne sont pas soumis à une telle vérification. Des contrôles renforcés sur la qualité des rapports produits et des audits aléatoires apparaissent pertinents, mais c’est la création d’une norme qui régira l’établissement des DPE qui aura le plus d’impact. En effet, si la réalisation d’un DPE devient soumise à une norme comme le prépare la NF X046-50 cela entraînera d’énormes changements en termes d’assurance pour les diagnostiqueurs. En cas de litige sur un DPE qui se révélerait être sciemment erroné ou de complaisance, le fait de ne pas avoir respecté une norme leur enlèvera dans la plupart des cas la prise en charge de leur assurance.

AJ : Pensez-vous que les sanctions actuelles contre les diagnostiqueurs en cas de manquements sont suffisantes ou devraient-elles être durcies ?

David Brutin : Les sanctions actuelles prévues en cas de manquement (amendes, suspension temporaire de certification) apparaissent insuffisantes face aux enjeux liés à la fiabilité du DPE. Un durcissement progressif doit être envisagé, avec une responsabilité accrue des organismes de certification. Il ne faut pas oublier les organismes de certifications qui sont totalement absents des discussions actuelles. L’attention se porte sur les diagnostiqueurs alors que les organismes de certification ont une part de responsabilité dans la certification de candidat dont les compétences sont parfois faibles et le phénomène de complaisance pourrait être également discuté sur le processus de certification. Pour l’avoir passé, la certification DPE est basée sur une banque de questions dont un nombre non négligeable comporte des erreurs dans les questions ou voire les réponses ne sont pas les bonnes, mais il faut les cocher pour valider. Ainsi, des sanctions financières plus dissuasives et la suspension immédiate en cas de faute grave pourraient renforcer la qualité du diagnostic, mais également un contrôle des organismes de certification qui ne semblent pas jouer totalement le rôle de filtrage sur la base des réelles compétences techniques.

AJ : Le DPE influence de plus en plus les transactions immobilières et la valeur des biens. Ce durcissement des contrôles pourrait-il impacter le marché immobilier, notamment pour les logements classés F et G ?

David Brutin : Le durcissement des contrôles pourrait accroître la prudence des acheteurs et des vendeurs, notamment pour les logements classés F et G. Cela pourrait conduire à une pression à la baisse sur les prix des biens les moins performants énergétiquement. Toutefois, cette tendance pourrait inciter les propriétaires à réaliser davantage de travaux de rénovation énergétique, ce qui serait bénéfique à terme pour la transition énergétique du parc immobilier.

AJ : Quelles bonnes pratiques recommanderiez-vous aux propriétaires et aux acheteurs pour s’assurer de la fiabilité du DPE qu’ils reçoivent ?

David Brutin : Pour garantir la fiabilité du DPE, il est recommandé aux propriétaires et acheteurs de :

  • Vérifier que le diagnostiqueur est assuré (et accessoirement certifié, mais avant de la faire se déplacer).
  • Comparer plusieurs devis pour s’assurer d’un chiffrage correct de la prestation.
  • Ne pas hésiter à faire appel à un second avis en cas de doute sur le premier DPE établi.

AJ : Au-delà du DPE, d’autres diagnostics sont-ils également concernés par des risques de complaisance ou d’imprécision ?

David Brutin : Le DPE est un diagnostic assez complexe et opaque pour les particuliers qui ne voient le résultat qu’après obtention des fameuses étiquettes énergie et climat. Ainsi, le DPE se prête plus aisément à des altérations volontaires ou maladroites d’une ou plusieurs données entrées parmi les centaines saisies par le diagnostiqueur (arrondi sur une surface mesurée, arrondi sur une épaisseur…). Outre le DPE, les diagnostics relatifs à l’électricité, au gaz et à l’amiante peuvent également être sujets à des erreurs mais moins à des risques de complaisance, car des conséquences graves sur la sécurité des biens et des personnes sont alors possibles. Dans le cas du DPE, l’erreur ou la complaisance d’un diagnostiqueur n’a pas de conséquence directe ou indirecte sur la sécurité des occupants. Ainsi, seul un contrôle accru, des formations continues des diagnostiqueurs et la mise en place d’une norme sur les DPE sont essentiels pour pérenniser leur fiabilité.

AJ : Votre ouvrage met-il en lumière des solutions ou des recommandations qui pourraient accompagner ces nouvelles mesures gouvernementales ?

David Brutin : La deuxième édition de mon ouvrage met en avant plusieurs recommandations concrètes pour accompagner les nouvelles mesures gouvernementales :

  • Renforcement des formations des diagnostiqueurs sur les spécificités techniques du bâtiment.
  • Mise en place de contrôles réguliers et inopinés des diagnostiqueurs et des organismes de formation par des organismes indépendants.
  • Développement d’une base de données nationale permettant de croiser les résultats des DPE et de détecter d’éventuelles anomalies statistiques.
  • Sensibilisation des particuliers pour mieux comprendre les enjeux du DPE et les inciter à exiger des diagnostiqueurs rigoureux et transparents.

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