Grand Paris

Grand Paris : peu d’impact sur les prix de l’immobilier

Publié le 09/03/2020

10 ans après son lancement institutionnel le projet du Grand Paris rentre dans sa phase active avec la mise en service, cet été, du prolongement de la Ligne 14 au Nord de Paris. L’effet, attendu et redouté, par certains, d’une spéculation sur le marché de l’immobilier à proximité des nouvelles gares n’est pas prouvé selon les spécialistes. Le projet urbain, le plus important d’Europe, ne modifie que peu, pour le moment, la structure immobilière résidentielle et tertiaire de la région Île-de-France.

Rien à signaler, pour l’instant. On pourrait résumer ainsi, de manière laconique, les données de l’immobilier, dévoilées jeudi 27 février par les Notaires du Grand Paris, pour les biens situés à proximité directe des 68 gares qui vont structurer la région Île-de-France de demain. Si les prix augmentent depuis 10 ans dans les quartiers concernés, l’évolution suit de près la tendance régionale. Aucune dérive matérialisée par une hausse excessive des prix de biens n’a été jusqu’à présent constatée. « Je ne connais pas de clients qui ont investit en se disant qu’une ligne allait arriver dans 10 ans », résume Thierry Delesalle, notaire à Paris. En moyenne, depuis 2008, et les premières réflexions lancées sur le Grand Paris Express — ce super-métro francilien qui a pour objectif d’arrimer toute l’Île-de-France à quelques arrêts de stations seulement — le prix du m² des appartements anciens a augmenté de 36 % dans un rayon de 800 mètres autour des gares, et de 37 % dans un rayon de 800 et 1 500 mètres. Si de telles évolutions peuvent sembler impressionnantes, elles n’ont rien d’étonnant dans un marché global de l’immobilier très dynamique en Île-de-France. Sur la même période les prix au m² des appartements anciens ont bondi, en moyenne, de plus de 30 % sur l’ensemble de la petite couronne, là ou le nouveau réseau du Grand Paris Express sera majoritairement construit.

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Pas de spéculation immobilière autour du Grand Paris

Les analyses des Notaires du Grand Paris ne révèlent pas non plus de « survalorisation » sur  ces deux dernières années alors même que le projet rentre dans sa phase la plus concrète. Le prolongement de la ligne 14 au Nord de Paris sera effectif cet été. Pourtant, à proximité des 4 nouvelles gares construites, entre la gare Saint-Lazare et la Mairie de Saint-Ouen, les prix des logements n’ont augmenté « que » de 5 % entre 2018 et 2019. Pas de ruée des acquéreurs, ni de ventes spéculatives donc. Pour Thierry Delesalle « ces nouvelles gares sont déjà dans un tissu urbain et de transports très denses donc quand on regarde de près il n’y en a pas beaucoup qui révolutionnent le quartier ».

Augustin Lazaroiu / AdobeStock

Une analyse qui peut être étendue à l’ensemble de la région et du réseau. Ainsi sur une même ligne, l’évolution des prix des appartements anciens varient de façon très hétérogène. Sur la ligne 15 Est, les prix des biens situés autour de la gare de Bondy ont baissé de 7 % depuis 2008. À quelques kilomètres de là, dans le quartier de la mairie d’Aubervilliers, l’effet inverse s’est produit avec une hausse des prix des appartements de 22 % en moyenne. Une ligne, deux tendances et un constat : pas d’effet Grand Paris précis et caractérisé. Même chose sur la ligne 18 qui doit desservir notamment le département de l’Essonne en 2024. Dans la ville de Massy, les deux gares qui accueilleront la future ligne connaissent des fortunes immobilières diverses depuis 10 ans. + 19 % pour Massy-Palaiseau contre – 2 % pour Massy-Opéra. « Les prix des appartements restent essentiellement représentatifs des zones géographiques dans lesquelles ils s’inscrivent », expliquent les notaires du Grand Paris. En résumé, la dynamique précise d’un territoire et de la politique d’une ville dans un quartier restent encore les principaux facteurs qui peuvent expliquer la hausse, ou la baisse, des prix de l’immobilier.

« Trop tôt pour résumer un impact généralisé »

Faut-il en conclure pour autant que le projet du Grand Paris, qui doit s’étaler jusqu’en 2030, n’aura à terme que peu d’impact sur le marché de l’immobilier francilien ? « Ces premiers résultats reflètent la progressivité et la complexité des phénomènes de valorisation liées au développement de nouvelles infrastructures de transport. Sans doute est-il trop tôt pour résumer un impact généralisé du réseau de transport en cours de développement et de l’ensemble des transformations progressivement induites par la restructuration urbain », détaillent les notaires du Grand Paris. Si une tendance se dégage il faudra donc tout de même attendre quelques années avant de la juger définitivement. Et notamment pour les lignes dont la mise en service est prévue pour dans 5 ou 10 ans, et dont le calendrier pourrait être encore repoussé, comme ce fut le cas en février 2018 par le Premier ministre Édouard Philippe.

Aussi, si le prix du logement ancien reste insensible au Grand Paris c’est en raison, également, du rythme élevé des constructions en région. Près de 80 000 logements ont été construits en 2019 en Île-de-France, principalement en grande couronne. La loi de 2010 relative au Grand Paris prévoit l’édification de 70 000 logements chaque année sur une période de 25 ans, dont 30 % de logements sociaux. Contrairement à Paris, par exemple, les biens ne sont globalement pas rares en région, surtout en grande couronne.

Massification des pôles tertiaires

À l’instar du marché résidentiel, celui des bureaux, quoique soutenu, n’est pas transformé par l’avancée du Grand Paris. Les pôles les plus attractifs restent le Quartier central des affaires (QCA) parisien et la Défense d’après le groupe spécialisé en conseil immobilier d’entreprise CBRE France, venu présenter, dans les locaux des notaires du Grand Paris, des données sur les opportunités tertiaires en Île-de-France dans le cadre du développement du Grand Paris Express. À ces deux quartiers historiques s’ajoutent aussi « la zone de la première couronne nord-ouest entre Clichy et Saint-Denis et la première couronne sud entre la Seine et Montrouge », assure Pierre-Édouard Boudot, directeur de la recherche et prospective chez CBRE France. Sans surprise, ces territoires seront les premiers à bénéficier du nouveau métro francilien, dès 2020 pour le nord avec la ligne 14 et en 2024 avec le prolongement au sud de la ligne 14 et la mise en service d’un premier tronçon de la ligne 15. La dynamique du marché tertiaire est liée à la concrétisation à court terme des lignes de transport. « 2030 pour un investisseur c’est loin », affirme Pierre-Édouard Boudot, avant de préciser que « les pôles vont se massifier, devenir plus gros, plus profonds, donc s’étendre, mais il n’y aura pas de création ex nihilo de nouveaux pôles crédibles ». Concrètement, le réseau du Grand Paris Express permettra de rapprocher les franciliens des grandes zones d’activités, et donc de ce fait réduire quelques inégalités territoriales, mais il ne devrait pas, selon les projections, réactualiser la carte du développement économique de la région. Le déséquilibre d’attractivité historique entre l’est et l’ouest de l’Île-de-France ne serait être résorbé par le seul projet du Grand Paris.

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