Le permis de louer gagne du terrain à Colombes dans les Hauts-de-Seine

Publié le 12/03/2024
Le permis de louer gagne du terrain à Colombes dans les Hauts-de-Seine
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Le permis de louer se répand progressivement dans le département des Hauts-de-Seine. Il s’inscrit désormais également dans le cadre de la lutte contre les biens locatifs énergivores menée par les villes. À Colombes, qui compte plus de 40 % de passoires thermiques au sein de son parc immobilier, c’est un outil précieux pour la gestion qualitative de l’habitat privé, une des priorités de la ville.

Dès 2019, cinq villes du département des Hauts-de-Seine : Gennevilliers, Clichy, Villeneuve, Puteaux, Asnières, ont adopté le permis de louer, un dispositif mis en place dans le cadre de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite Alur, qui a pour vocation de s’assurer des bonnes conditions d’habitabilité des logements loués. La ville de Colombes a, quant à elle, rejoint le dispositif en 2020. En février 2022, neuf communes du territoire Vallée sud-Grand Paris – Antony, Bagneux, Châtenay-Malabry, Châtillon, Clamart, Fontenay-aux-Roses, Malakoff, Montrouge et Sceaux – ont opté pour ce dispositif. La ville de Bois-Colombes a, quant à elle, adopté cet outil, qui peut prendre la forme d’une demande d’autorisation préalable à la mise en location (AMPL) ou d’une déclaration de mise en location (DML) depuis le 1er avril 2023.

Le permis de louer en pratique

Le décret n° 2016-1790 du 19 décembre 2016 a défini les modalités réglementaires d’application de ces deux régimes. La déclaration de mise en location est à effectuer dans les quinze jours qui suivent la conclusion d’un nouveau contrat de location pour un logement, qu’il soit meublé ou non meublé. Les propriétaires concernés doivent remplir le formulaire Cerfa n° 15651 et l’accompagner du dossier technique contenant l’ensemble des diagnostics joints au contrat de location : diagnostic de performance énergétique (DPE), constat de risque d’exposition au plomb (Crep), copie de l’état mentionnant la présence ou l’absence d’amiante, état de l’installation intérieure de l’électricité si l’installation a plus de 15 ans, état de l’installation intérieure du gaz si celle-ci a plus de 15 ans, état des risques et pollutions (naturels, miniers, technologiques, sismiques, radon, etc.).

L’autorisation préalable à la mise en location doit être obtenue avant la signature du contrat de bail, lorsque le bailleur met son bien en location pour la première fois ou le remet en location après une période d’inoccupation.

Les bailleurs concernés doivent remplir le formulaire Cerfa n° 15652 et l’accompagner d’un dossier technique comprenant tous les diagnostics joints au contrat de location avant la signature pour tout logement, qu’il soit meublé ou non meublé.

Mutation du bien et transfert du permis de louer

Dans le cadre de l’autorisation préalable à la mise en location, les services concernés ont la possibilité de prévoir une visite du logement. L’autorisation de mise en location nécessaire est alors délivrée à l’issue de cette visite, sous réserve de la réalisation de travaux le cas échéant. L’autorisation préalable de mise en location ne peut être délivrée lorsque l’immeuble dans lequel est situé le logement fait l’objet d’un arrêté d’insalubrité, de péril ou relatif aux équipements communs des immeubles collectifs à usage principal d’habitation. L’autorisation devient caduque si celle-ci n’est pas suivie d’une mise en location dans un délai de deux ans suivant sa délivrance. Une autorisation en cours de validité peut être transférée au nouveau propriétaire du logement en cas de mutation à titre gratuit ou onéreux du logement. La décision de rejet de la demande d’autorisation préalable de mise en location peut être refusée ou soumise à conditions lorsque le logement est susceptible de porter atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique. Elle est alors motivée et précise la nature des travaux ou aménagements prescrits pour satisfaire aux exigences de sécurité et de salubrité. Les refus d’autorisation préalable de mise en location ou les autorisations assorties de réserves sont transmis par les autorités compétentes au plan départemental d’action pour le logement et les personnes défavorisées (PDALHPD) et sont inscrits à l’observatoire des logements indignes.

La détermination du périmètre du permis de louer

Le dispositif poursuit trois objectifs, explique la ville de Colombes : « empêcher les pratiques abusives de propriétaires qui louent de plus en plus chers des biens impropres à l’habitation comme des caves, des abris de jardins, des surfaces minuscules, prévenir des situations potentiellement dangereuses et éviter ainsi de graves accidents, accompagner avec pédagogie des propriétaires souvent ignorants des lois et règles à respecter en matière de location de biens ». Le permis de louer s’applique pour toute nouvelle location, à l’exception des logements sociaux, des locations saisonnières, des foyers et des logements de fonction dans des périmètres définis. Chaque commune ou intercommunalité peut définir des secteurs géographiques, des catégories de logements ou d’ensembles immobiliers au sein de secteurs géographiques éligibles au permis de louer. Ce dispositif peut ne concerner qu’un ou plusieurs ensembles immobiliers lorsqu’ils se situent dans une zone qui ne comporte pas d’autres habitats dégradés. Ainsi en vue d’un démarrage du dispositif en mai 2020, la ville de Colombes s’est appuyée sur « un travail très fin réalisé depuis de nombreuses années par les services Habitat et Hygiène de la ville et d’une connaissance approfondie de situations dégradées en matière d’habitat, notamment à travers les procédures de péril et d’insalubrité ». Elle a ainsi pu procéder à une première sélection d’adresses. La ville a procédé à une extension de ce périmètre, avec de nouvelles rues et adresses qui portent le nombre de logements concernés par l’autorisation préalable à la mise en location à environ 1 300 logements. Cette extension du périmètre est effective depuis le 1er juin 2022 soit, comme le veut la loi, six mois après que la délibération a été présentée en novembre 2021 au conseil territorial de l’EPT Boucle Nord-de-Seine.

Un mécanisme de sanctions financières

En cas de non-respect de ces obligations, des sanctions financières pouvant aller de 5 000 € à 15 000 € peuvent être mises en œuvre par le préfet. Si l’absence d’autorisation préalable est sans effet sur le bail dont bénéficie le locataire, le fait de mettre en location un logement sans avoir préalablement déposé la demande d’autorisation, ou en dépit d’une décision de rejet de cette demande, est sanctionné par une amende. L’amende tient compte de la gravité des manquements constatés. Elle peut atteindre 5 000 euros en l’absence de déclaration de mise en location ou en l’absence de demande d’autorisation préalable de mise en location. En cas de nouvel oubli d’effectuer la demande dans les 3 ans, elle peut aller jusqu’à 15 000 euros. En outre, en cas de mise en location alors que l’autorisation a été refusée, l’amende s’élève directement à 15 000 euros. « Ces amendes (…) peuvent être complétées par des signalements à la caisse d’allocations familiales pour demander la suspension des aides aux logements dont ils bénéficient et au procureur pour les pratiques les plus abusives pouvant mener à des condamnations pénales », précise la ville de Colombes.

Une extension du permis de louer aux biens énergivores

Le dispositif du permis de louer s’inscrit dans la politique publique de lutte contre l’habitat indigne. Il a d’abord été créé pour lutter contre les marchands de sommeil ou les bailleurs peu scrupuleux qui louent des biens ne présentant pas les conditions d’habilité adéquates. Dans les Hauts-de-Seine, on estime que 19 000 logements du parc privé sont potentiellement indignes, soit 3,2 % des résidences principales. Avec la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite Climat et résilience, le permis de louer a évolué pour s’inscrire dans la lutte contre les biens énergivores. C’est pourquoi, il inclut désormais la prise en compte de performances énergétiques. Si le logement ne respecte pas des critères de décence énergétique, l’autorisation de louer ne peut être donnée. Avec cette réforme, les passoires thermiques, ces biens qui obtiennent les étiquettes F ou G, les classes énergétiques les plus basses du DPE, sont assimilées à un habitat insalubre ou indigne.

De nombreux logements énergivores à Colombes

Selon l’Institut Paris Région, en 2018, l’Île-de-France comptait 2,3 millions de résidences principales étiquetées E, F et G, dont 567 000 à Paris. Parmi ces dernières, 326 000 sont même classées F ou G, catégories assimilées aux passoires thermiques. 90 % de ces logements appartiennent au parc privé. 66 % des logements loués dans le parc privé parisien sont étiquetés E, F ou G, contre 52 % en petite et grande couronnes et 47 % dans le reste de la France métropolitaine. Le département des Hauts-de-Seine compte environ 43 % de biens classés E F et G.

À Colombes, on recense de très nombreuses passoires thermiques (63 %). En Île-de-France, elle fait partie avec Vincennes (44 %), Paris (42 %) et Saint-Maur-des-Fossés (41 %) des rares communes où la proportion de passoires thermiques, logements classés F et G, dépasse les 40 %, d’après une étude de la plateforme d’accompagnement à la transition énergétique Hello Watt, réalisée fin 2023 sur les passoires thermiques.

Du permis de louer à l’interdiction de louer pour les biens les plus énergivores

Dans le cadre de la loi Climat de 2021, les logements ayant obtenu la note G+ en diagnostic de performance énergétique (DPE) et consommant plus de 450 kilowattheures (kWh) d’énergie par mètre carré et par an sont considérés comme indécents et sont donc interdits de mise en location. D’après une étude plus ancienne de Hello Watt, réalisée début 2023 à partir des données de l’ADEME, il y aurait en France plus de 126 000 logements en G+. On en dénombre 14 646 à Paris soit près du triple de nombre de logement G+ recensés dans les Hauts-de-Seine (5 099). Le portrait-robot de ces biens classés G+ ? Un appartement d’une surface moyenne de 56 m², chauffé à l’électricité et datant en moyenne de 1951. Rappelons que les biens les plus énergivores sont progressivement interdits à la location. Depuis le 1er août 2022, la hausse des loyers des biens classés F et G n’est plus autorisée. Depuis le 1er janvier 2023, les biens consommant plus de 450 kWh par m2 et par an en énergie finale ne peuvent plus être loués. En 2025 cette interdiction s’étendra à tous les logements de la classe G et, en 2028, à tous les biens de la classe F. En 2034, elle concernera également les biens classés E.

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