119e Congrès des notaires de France

Redonner confiance en l’acte de produire du logement

1re commission « Développer l’offre de logements »
Publié le 27/09/2023

Sophie Lambert, Alexandre Leroux et Raphaël Léonetti

Bruno Levy

Actu-Juridique : Le développement de l’offre de logements répond-il uniquement à une évolution quantitative ?

On parle de « crise du logement » depuis 30 ans. Derrière cette expression se cache nécessairement une réalité. L’offre de logements est insuffisante. Pour autant notre constat est limpide. Favoriser cette offre de logements ne peut se réduire au simple fait de construire. C’est en cela que nos travaux se sont axés sur la « production de logements ». La sémantique prend alors tout son sens.

Indubitablement il faudra continuer à construire, mais il faudra le faire autrement. Les enjeux sociétaux et environnementaux auxquels nous devons faire face commandent de repenser l’acte même de construire. À cet effet, favoriser la mixité sociale et fonctionnelle dans les opérations de construction est indispensable. On ne peut plus « juste » construire soit un immeuble d’habitation, soit de bureaux, un ensemble commercial ou un équipement public. Cependant, l’articulation des règles actuelles qui gouvernent la construction soit « privée » soit « publique » n’est pas pleinement satisfaisante. Il est nécessaire de pouvoir concilier les deux par le rapprochement des acteurs publics et privés.

C’est en cela que la première commission portera une proposition favorisant les partenariats entre les promoteurs et les organismes de logements sociaux et intermédiaires.

Parallèlement, la trajectoire dessinée par le ZAN (zéro artificialisation nette) des sols implique que toute consommation d’espace le soit à bon escient. Un bâtiment qui va être produit demain devra pouvoir s’adapter aux évolutions de notre société ; faire preuve de résilience. Le développement du télétravail et la vacance qui s’est instaurée dans les grands ensembles de bureaux en sont l’illustration contemporaine. C’est en cela que notre commission fera une proposition prospective mais qui, finalement, semble incontournable. Reconnaître et définir un cadre juridique à la construction réversible ; c’est-à-dire un immeuble capable d’évoluer et de muter dans le temps, à moindres frais, au travers notamment d’un changement de destination, sans nécessiter une nouvelle autorisation d’urbanisme.

Mais rappelons-nous : il faut « produire du logement » et pas seulement le construire. Produire du logement c’est faire avec le « déjà-là » ; s’appuyer sur l’existant et le valoriser. Ainsi devra-t-on « bâtir la ville sur la ville » en encourageant sa surélévation. Mais également « bâtir la ville dans la ville » tout en promouvant la sobriété foncière. Pour répondre à cette injonction, de prime abord contradictoire, il faut alors favoriser le redécoupage parcellaire du pavillonnaire (Bimby), rendre possible l’évolution de l’existant dans les lotissements, encourager le recyclage des friches, faciliter la transformation d’immeubles tertiaires vacants en logements.

Le rapport traite chacune de ces problématiques.

AJ : Pour mieux faire, que faudrait-il de plus ?

La réponse à cette question réside peut-être dans sa reformulation inverse : « Pour faire mieux, que faudrait-il de moins ? » : moins de normes enchevêtrées voire antagonistes, moins de complexité dans leur applicabilité, mais aussi possiblement moins de méfiance voire de défiance à l’égard des projets de logements.

Nous sommes arrivés à la conclusion que « pour faire mieux, il faut faire ensemble ».

Un porteur de projet de logements, parce qu’il répond à l’intérêt général, doit pouvoir s’engager avec confiance dans sa réalisation. Or, aujourd’hui, les contestations locales, l’enchevêtrement des normes et des services consultés lors de l’instruction des projets, mais aussi la diversité des documents à prendre en compte sans uniformité sur le territoire créent des complications, voire un climat de méfiance dans la conception des projets. Pourtant, lorsque les maîtres d’ouvrage dialoguent avec les habitants, les élus, et les services compétents, on voit que les projets avancent plus vite et sont davantage acceptés.

Nous souhaitons favoriser ces bonnes pratiques en les récompensant par une optimisation des délais d’obtention des autorisations d’urbanisme. Cette idée nous semble de nature à réconcilier toutes les parties prenantes : les maires qui ont toute légitimité pour délivrer des autorisations d’urbanisme adaptées parce qu’ils connaissent parfaitement les besoins de leur territoire, et qui auraient ainsi une responsabilité accrue dans l’instruction des autorisations ; les habitants qui doivent pouvoir donner leur avis sur les projets avec lesquels ils devront vivre, sur le long terme ; et aussi les porteurs de projets qui ont tout à gagner si leurs opérations de développement immobilier sont bien acceptées et la délivrance des autorisations optimisée.

Nous encouragerons donc le dialogue et la concertation en amont du dépôt du permis de construire, sans modifier les textes existants à cet égard, mais en lui attribuant des effets juridiques nouveaux quant à l’instruction des autorisations et aux recours dont elles peuvent faire l’objet.

AJ : Pour une offre qualitative, quelles dispositions devraient-elles être aménagées ?

La qualité des logements va dépendre des normes applicables aux constructions mais surtout de leur conception et de leur insertion urbaine. Se développe depuis plusieurs années une volonté de partir des usages pour mieux concevoir les bâtiments, en favoriser la mutabilité, mais également une réflexion plus que jamais nécessaire sur leur inscription dans leur environnement social, économique et écologique. Autrement dit, la qualité d’un logement ne se réduit pas à la qualité des m² privatifs ; son environnement est tout aussi important.

Dans ce cadre, les chartes, dès lors qu’elles restent des outils de droit souple, et les appels à projets urbains innovants sont des outils qui favorisent une prise en compte volontaire, par les maîtres d’ouvrage, d’enjeux de qualité des logements qui sont identifiés par les acteurs publics.

La qualité des logements passe aussi de plus en plus par leur intégration dans des ensembles immobiliers présentant une mixité sociale et fonctionnelle, elle-même rendue nécessaire à l’heure de la sobriété foncière. Dans ce cadre, il est fondamental que les personnes publiques et les bailleurs sociaux qui ont vocation à conclure des contrats ou constituer des sociétés à capitaux mixtes avec des opérateurs privés puissent le faire, en toute sécurité juridique bien sûr, mais aussi en s’assurant que leurs besoins seront réellement satisfaits.

Nous ferons des propositions de simplification des règles existantes, tant pour les contrats hors commande publique que pour ceux qui pourraient en relever, afin de favoriser ces partenariats entre le secteur public et le secteur privé.

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