La prise en compte juridique récente des animaux et de leurs propriétaires
De nombreuses lois visent la protection et la reconnaissance des droits des animaux, même s’ils ne font pas partie de la catégorie des personnes. Il faut certes prendre en compte les animaux, mais aussi les membres des familles qui en accueillent. Ils ne doivent pas être oubliés, raison pour laquelle deux lois récentes abordant la vie des personnes âgées ou victimes de violence ont pris en considération les animaux de la famille. Il est effectivement question des animaux vivant en famille, d’une part, dans la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie, qui permet aux personnes vivant en EHPAD de conserver leurs animaux à leur côté et, d’autre part, dans la loi n° 2024-536 du 13 juin 2024 renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate, loi qui prévoit que ce soit la victime de violences conjugales qui garde avec elle les animaux de compagnie.
Au fil du temps, le droit animalier a évolué dans le but de protéger nos animaux et de les considérer comme des êtres vivants doués de sensibilité (I), mais, dans deux lois récentes, les personnes vivant avec leurs animaux se sont vu reconnaître des nouveaux droits (II), cela visant également à mieux protéger leurs animaux.
I – Le droit animalier
Sont visés par des règles juridiques et de nombreuses lois les animaux élevés en France ou vivant dans chez des particuliers.
La loi n° 63-1143 du 19 novembre 1963, protection des animaux1, est très importante car elle a interdit les actes de cruauté envers les animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité en modifiant le Code pénal, la cruauté envers eux étant devenue un délit. L’article R. 654-1 du Code pénal sanctionne les mauvais traitements infligés à l’animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité et l’article 521-1 sanctionne les sévices graves ainsi que les actes de cruauté dont il peut être victime. Dès lors, l’abandon d’un animal domestique est assimilable à un acte de cruauté, raison pour laquelle la personne qui abandonne son animal lors d’un départ en vacances peut être condamnée à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.
La loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature2 a préservé les espèces animales, son chapitre II visant la protection de l’animal et l’article L. 214-1 du Code rural et de la pêche maritime notant qu’il faut reconnaître en lui « un être sensible qui doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». Précisément, en France, les animaux domestiques ou captifs ne sont formellement reconnus par le droit comme des êtres vivants doués de sensibilité que depuis la loi de 1976 sur la protection de la nature. Elle a été complétée par la loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux3, loi distinguant les animaux des objets au sein des biens, tout en donnant à l’animal un régime juridique cohérent qui reconnaît sa sensibilité. Ce texte a modifié le Code rural et de la pêche maritime, relevant que si un animal présente un danger, son propriétaire ou son gardien doit prendre des mesures de nature à éviter ces risques (C. rur., art. L. 211-11). Le statut juridique de l’animal, être vivant doué d’une sensibilité, lui permet d’être mieux protégé contre les agressions diverses et les mauvais traitements. Plus tard, la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures4 a inséré l’article 515-14 dans le Code civil : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens ». Ils sont effectivement reconnus depuis cette date comme des êtres sensibles5, l’animal n’étant plus qualifié de bien mais d’être vivant, même s’il est tout de même encore affilié au régime des biens, puisque, avant cette réforme, l’animal était considéré comme un bien meuble dans le Code civil. En outre, pour protéger davantage les animaux et prévoir des mesures visant à combattre les abandons d’animaux domestiques, le législateur a publié la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes6. Elle a pour objectif d’améliorer leurs conditions de détention (chap. 1er) et d’intensifier la lutte contre la maltraitance à l’encontre des animaux domestiques (chap. II). Elle a renforcé les sanctions contre la maltraitance des animaux domestiques et assimilés et organisé la disparition progressive des animaux sauvages dans les cirques et les spectacles animaliers, tout en fixant la liste des animaux sauvages pouvant être détenus comme animaux de compagnie. Elle a également vocation à mieux gérer le lien entre l’homme et l’animal, qu’il s’agisse des animaux de compagnie ou sauvages et elle a introduit des mesures visant à combattre les abandons d’animaux domestiques.
Beaucoup de choses ont changé car, en France, les premières protections accordées à l’animal remontent au milieu du XIXe siècle. Il s’agissait alors de condamner les mauvais traitements infligés en public aux animaux, aux chevaux notamment, disposition qui visait autant à prévenir les comportements violents et à protéger la morale publique que l’animal lui-même. En effet, le Code civil de 1804 les avait classés dans la catégorie des biens meubles. Toutefois, les animaux domestiques ou captifs n’ont été que récemment formellement reconnus par le droit comme des êtres vivants doués de sensibilité, bénéficiant de certains droits. Parler de leurs droits renvoie à leur statut.
L’essentiel a été fait pour modifier les textes du droit français7 afin qu’ils prennent mieux en compte les caractéristiques sensibles des animaux, mais, il fallait encore faire avancer les règles juridiques pur les animaux vivant chez des particuliers. Toutefois, ni le fait que les animaux ne puissent pas hériter8, ni le droit de prévoir une sépulture commune n’ont changé9, même si le lien affectif qui lie l’animal à son maître n’est pas ignoré par les juristes. Il faut donc rappeler aux intéressés qu’ils ont intérêt à effectuer une donation à terme de leur animal à une personne de confiance.
II – Les récentes lois tenant compte des personnes vivant avec des animaux
Les rapports de l’homme à l’animal n’ont cessé d’évoluer avec la reconnaissance de droits croissants pour les animaux, mais les deux lois de 2024 tiennent aussi compte de leurs liens en faisant évoluer leurs relations.
En premier lieu, la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie (JO, 9 avr. 2024) contient plusieurs volets en vue d’aider les personnes que l’âge rend vulnérables10.
Plusieurs mesures sont prises dans cette loi pour mieux soutenir les personnes âgées. Parmi celles-ci, une évolution des droits permet aux résidents installés en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de garder leurs animaux de compagnie, chien, chat ou autres animaux domestiques (CASF, art. L. 311-9-1), leur permettant notamment de ne pas être isolés. En effet, ces mesures ont pour objectif de soutenir les personnes âgées et éviter qu’elles ne vivent isolément. C’est bien dans ce but que la loi autorise la présence de ces animaux au sein des établissements qui les accueillent, à condition que le résident soit apte à assurer leurs besoins physiologiques, comportementaux et médicaux et qu’il respecte les conditions d’hygiène et de sécurité. Il est prévu qu’un arrêté précisera les conditions à remplir ainsi que les catégories d’animaux pouvant être accueillis, des limitations de taille étant envisagées. Il est important que le résident se sente chez lui tout en vivant dans cet établissement.
Cette évolution législative est à saluer car, en gardant ses animaux à ses côtés, la personne vivant en Ehpad aura davantage la sensation d’être chez elle. Il faut néanmoins veiller à ce qu’il ne devienne pas dangereux pour son maître ou pour autrui, la personne âgée devant alors organiser sa prise en charge.
Que les personnes en Ehpad puissent garder leur chien ou leur chat permet également de mieux protéger ces derniers, le bien-être animal étant une préoccupation croissante11. Le nombre de foyers ayant un animal de compagnie augmentant, il est nécessaire que la souffrance animale et le bien-être animal soit efficacement pris en compte. La personne âgée peut être accompagnée de son animal de compagnie à condition que ce soit compatible avec l’organisation des soins.
Par ailleurs, les animaux ont une place importante dans la vie de leurs maîtres, qu’ils soient enfants ou adultes, grandissant ou vieillissant ensemble (a fortiori lorsque la personne est veuve). La plupart des personnes ont, au cours de leur vie, une interaction avec un animal, expérience pouvant être agréable, douce, angoissante ou génératrice de traumatismes, raison pour laquelle le législateur est intervenu récemment. Mais la personne qui a été contrainte de quitter son domicile et qui est affaiblie par son âge retrouvera sans doute avec son animal une utilité sociale qu’elle pensait avoir perdue. En effet, l’être humain frappé d’altérité et devenu vulnérable peut conserver ou développer une communication non verbale avec son animal, représentant donc un soutien pour lui.
En second lieu, c’est la loi n° 2024-536 du 13 juin 2024 renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate (JO, 14 juin 2024)12 qui a pris en considération le fait que les membres de la famille ont des animaux. Pour mieux soutenir les victimes qui vivent en couple avec des personnes violentes, cette réforme a renforcé l’ordonnance de protection qui permet au juge aux affaires familiales d’assurer dans l’urgence la protection de victimes de violences conjugales ou intrafamiliales. Le législateur a surtout augmenté la durée de l’ordonnance de protection et mis en place une nouvelle ordonnance provisoire. Toutefois, il a également prévu que le juge peut accorder à la victime la garde des animaux de compagnie du foyer, animaux qui peuvent être un moyen de pression et de chantage, sur les enfants notamment. Cela permet de mettre à l’abri les victimes directes et indirectes, mais également de tenir compte du fait que la vie familiale a concerné parents, enfants et animaux. Lorsque le couple qui possède un ou plusieurs animaux se sépare13, il est nécessaire de se pencher sur leur sort afin de défendre leurs droits. Cela se complique quand des violences conjugales ont eu lieu puisqu’il est alors indispensable de soutenir et d’accompagner également les victimes.
Tout doit donc être fait pour prendre en compte les animaux qui nous côtoient, au quotidien. Effectivement, notre société tend à être protectrice à la fois des personnes et de leurs animaux de compagnie.
Notes de bas de pages
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1.
JO, 20 nov. 1963.
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2.
JO, 13 juill. 1976.
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3.
JO, 7 janv. 1999.
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4.
JO, 17 févr. 2015.
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5.
Rédaction Lextenso, « L’homme, l’animal et le droit », LPA 7 août 2019, n° LPA146w2 ; M. Lis-Schaal, « Les animaux ont-ils des droits ? », LPA sept. 2021, n° LPA201b9.
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6.
JO, 1er déc. 2021 ; E. Dreyer, « Renforcement des sanctions dans la lutte contre la maltraitance à l’encontre des animaux domestiques », GPL 22 févr. 2022, n° GPL432n1 ; J. Leroy, « Protection des animaux - Renforcement de la lutte contre la maltraitance animale et du lien entre les animaux et les hommes », JCP G 2021, doctr. 1339, n° 50.
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7.
N. Reboul-Maupin, « Droit des animaux : opérer une distinction fondamentale entre biens vivants et biens inertes », LPA 31 janv. 2023, n° LPA202a7.
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8.
O. Folliot, « L’animal et le droit des successions et des libéralités », RJPF 2024/1, n° 288.
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9.
X.Labbée, « Se faire enterrer avec son chien », RSDA 2012, p. 15.
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10.
JO, 9 avr. 2024 ; I. Corpart, « Mise en place de nouvelles mesures pour permettre aux personnes de mieux vieillir », RJPF 2024-290/25 ; N. Finck, « Bien vieillir et autonomie : présentation de la loi », GPL 4 juin 2024, n° GPL463w4 ; F. Rogue, « Prévention de la perte d’autonomie et signalement de maltraitance », LEFP juin 2024, n° DFP202h2.
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11.
O. Buisine, « Animaux, droit de l’animal », Dr. rur. 2021, étude 19, n° 496.
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12.
JO, 14 juin 2024 ; I. Corpart, « Importance de l’ordonnance de protection pour les victimes de violences conjugales soutenues aussi par une ordonnance provisoire de protection immédiate », RJPF 2024-292, à paraître ; L. Garnerie, « Ordonnance provisoire de protection immédiate : la loi est publiée », GPL 18 juin 2024, n° GPL465d2 ; M. Musson, « Renforcement de l’ordonnance de protection et création de l’ordonnance provisoire de protection immédiate », Dalloz actualité, 24 juin 2024.
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13.
P. Hilt, « L’animal de compagnie lors de la séparation du couple », AJ fam. 2012, p. 74.
Référence : AJU014f9