La protection des secrets techniques

Publié le 14/11/2016

Actuellement, l’innovation contribue efficacement au succès des entreprises. Cela leur permet de se démarquer de leurs concurrents. De prime abord, on associe cela à la matérialisation d’un élément. Cependant, il s’agit seulement de la résultante d’un long travail mené en amont. L’existence d’un support matériel suppose que différentes techniques aient été réunies préalablement. Il s’agit des secrets techniques et il est indispensable de les protéger.

Une interrogation générale s’impose alors. Vers quelle branche de la propriété intellectuelle les entreprises ont-elles tendance à se tourner lorsqu’elles souhaitent obtenir une protection de leurs secrets techniques ? La réponse la plus intuitive serait certainement le droit des brevets. Conférant un monopole d’exploitation à son détenteur, il permet ainsi d’interdire aux tiers de s’en prémunir. Cependant, le brevet ainsi que les autres droits de propriété intellectuelle comportent de nombreux inconvénients auxquels les entreprises tentent d’échapper. Dès lors, le secret paraît donc être la voie la plus appropriée. Pourtant, la société de consommation prône la transparence et l’accès à l’information.

Il existe donc un conflit entre secret des affaires et transparence. Le second l’emporte sur le premier dans la mesure où nous sommes dans une société où l’accès à l’information demeure un principe souhaité par la majorité. Toujours est-il que la directive européenne sur le secret des affaires adoptée le 13 avril dernier inverse cette tendance.

Le secret est une notion définie par la doctrine. Selon Valéry Mariage, il s’agit de « tout ce qui contribue d’une manière générale à isoler ou cacher une chose, un fait ou une information qu’il convient de ne pas révéler »1. Plus communément, cela porte sur ce qui n’est généralement pas connu de tous ou accessible à tous. Le secret signifie que l’ensemble du savoir-faire, considéré globalement ou dans la configuration et l’assemblage précis de ses éléments, n’est généralement pas connu ou pas facile à obtenir, de sorte qu’une partie de sa valeur réside dans l’avance que sa communication procurerait à un tiers. Il s’agit donc d’une notion abstraite mais il est clair que les secrets techniques disposent d’une importance économique considérable. Le savoir s’apparente en effet à une arme de taille sur le marché.

Néanmoins, le secret est souvent illusoire car la mise en circulation sur le marché d’un bien encadré par le secret permet souvent aux concurrents de découvrir le procédé de fabrication ou les caractéristiques du produit. Les moyens techniques, chimiques, scientifiques permettent de déduire d’un résultat donné les procédés ayant abouti à celui-ci. Ainsi, il existe un mythe de la protection. Les formules de produits comme la boisson Coca-Cola ou encore le parfum Chanel n° 5 sont, paraît-il, inconnues du monde entier. Cependant, les analyses chimiques permettent de restituer les formules mais « la légende est tellement plus belle que la vérité ».

Le secret est donc lié au silence. A priori, la violation du silence conduirait à la violation du secret. Cependant, cela s’applique uniquement à l’égard des tiers puisqu’un secret, même partagé entre plusieurs individus, demeure secret. En d’autres termes, pour que la qualité du secret soit maintenue, il est indispensable qu’un nombre restreint d’individus en ait connaissance.

Le savoir a un caractère substantiel dans la mesure où il doit porter sur un élément essentiel de ce qui va être commercialisé ou de la technique employée. À ce titre, une autre problématique se pose. En effet, comment est-il possible de valoriser une chose qui n’est pas divulguée ? Le savoir est indéniablement une arme mais la question de sa portée doit se poser. Cela passe par la notoriété de l’enseigne ou de la qualité des services ou des produits mis sur le marché par celle-ci. En admettant que cette valorisation soit caractérisée, le secret permet-il d’assurer la protection effective d’un savoir technique non nécessairement protégeable par un droit privatif ?

Il conviendra en premier lieu de qualifier ces secrets techniques (I) et en second lieu d’analyser leurs outils de protection (II).

I – La qualification des secrets techniques

D’une part, une délimitation des secrets techniques doit être opérée (A) et d’autre part, il faut étudier leur protection inhérente (B).

A – La délimitation des secrets techniques (définition)

La délimitation des secrets techniques doit être opérée. À l’analyse, les secrets techniques englobent principalement deux notions. Il s’agit du savoir-faire et du secret de fabrique.

Le savoir-faire n’est défini par aucun texte légal. C’est pourquoi, la doctrine et la jurisprudence se sont penchées sur la question en délimitant les contours de cette notion. Jean-Marc Mousseron considère qu’il s’agit d’un ensemble transmissible, secret (ou non immédiatement accessible au public), de connaissances techniques ou commerciales présentant une certaine utilité ou importance2. De manière générale, la doctrine s’accorde sur les caractéristiques nécessaires à la constitution du savoir-faire. Un faisceau d’indices est donc indirectement mis en place. Ainsi, le savoir-faire doit pouvoir être transmissible tout en n’étant pas immédiatement accessible au public : telles sont les particularités qui permettent de prouver l’existence d’un savoir-faire. Le savoir-faire revêt une forme immatérielle mais aussi intellectuelle. Il est parfois indissociable de son support, toujours est-il qu’il ne faut pas confondre ces deux éléments.

Le savoir-faire ne fait donc pas l’objet d’un droit de propriété industrielle mais il est tout de même assimilable à un droit de propriété industrielle. Certains auteurs parlent de propriété du savoir-faire3. Cette formule démontre qu’il y a une assimilation du savoir-faire à un bien, qui plus est, un bien intellectuel. Il s’avère que concernant cette notion, le secret demeure sa seule voie de réservation4. Autrement dit, le seul moyen de protéger ce savoir-faire reste de le garder secret. Il ne fait en effet l’objet d’aucun régime spécifique.

Parallèlement, il s’avère utile de se pencher vers une seconde notion, celle du secret de fabrique. Par sa dénomination même, on comprend aisément que le secret est intrinsèque à cet élément. Selon le professeur Garçon, le secret de fabrique consiste en un procédé industriel brevetable ou non qui n’est connu que d’un ou de très peu d’industriels. Le doyen Roubier considère quant à lui que le procédé de fabrique recouvre « tout moyen de fabrication qui offre un intérêt pratique ou commercial, et qui, mis en usage dans une industrie, est tenu caché aux concurrents »5. Le secret de fabrique est brevetable ou non et c’est donc à ce niveau que réside la nette distinction entre le savoir-faire et le secret de fabrique. Par ailleurs, alors que le secret de fabrique a pour unique objet le processus industriel de fabrication, le savoir-faire peut quant à lui intéresser tous les secteurs d’activité de l’entreprise6.

Le savoir-faire ne peut donc pas constituer un élément de propriété, il en est de même pour les connaissances. Le secret de fabrique peut quant à lui faire l’objet d’une protection par le biais de la propriété intellectuelle. C’est donc sur ce point que diffèrent ces deux éléments si proches en pratique.

Néanmoins, il est généralement admis que les connaissances couvertes par le secret de fabrique relèvent d’une catégorie plus vaste, celle du savoir-faire. Le secret de fabrique aurait pour objet le processus industriel de fabrication alors que le savoir-faire toucherait quant à lui tous les secteurs d’activité de l’entreprise. Ce constat fait naître un paradoxe car le secret technique pourrait en quelque sorte être davantage protégé que le savoir-faire alors qu’il constituerait simplement une sorte de savoir-faire. Le secret de fabrique peut vraisemblablement être protégé par la voie du brevet. Il y a donc une contradiction lorsque celui-ci entre dans la catégorie du savoir-faire. Un constat permet de pallier cette affirmation. Le droit positif actuel permet de considérer que l’atteinte portée au savoir-faire est assimilable à l’atteinte portée à un droit de propriété intellectuelle.

En l’absence de droit privatif permettant de protéger le savoir-faire, il est nécessaire de se tourner vers une autre méthode et il s’avère que le secret tend à lui conférer cette protection. Un critère permet donc de rapprocher ces différents secrets techniques et il s’agit de la protection que leur confère le secret. Ce constat laisse une question en suspend. Il est légitime de se demander si le secret de fabrique et le savoir-faire entrent dans la nouvelle définition du secret des affaires, par la directive européenne. La réponse semble positive puisqu’il est fait mention de ces deux éléments dans l’article 2.

B – La protection inhérente par le secret

Bien qu’il existe certaines distinctions entre ces deux éléments, on peut tout de même constater qu’ils se rejoignent sur un point. Il est en effet tout à fait possible pour l’un comme pour l’autre de choisir le secret comme base de protection. Par leur nature même, ces éléments ont vocation à être protégés ab initio par le secret. En effet, le savoir-faire résulte notamment de la connaissance ainsi que de l’expérience d’une personne sur un objet déterminé. Cela s’acquiert donc de manière personnelle.

De manière générale, ces deux éléments sont donc protégés par ce que l’on appelle le secret industriel. Ce dernier peut se définir comme toute information susceptible d’application industrielle, gardée secrète par son détenteur et utilisée afin de créer ou de fournir des biens ou des services. Il suppose la réunion de trois éléments. En premier lieu, il faut que le secret industriel soit réellement inconnu de l’industrie concerné ou du moins qu’il ne soit pas facilement accessible. Autrement dit, il ne doit pas être tombé dans le domaine public. Il faut que le secret procure un avantage économique à son détenteur. La valorisation du secret est donc un élément décisif. Pour terminer, il faut que le détenteur en préserve obligatoirement la confidentialité par la mise en place de mesures spécifiques.

Concernant le savoir-faire, la protection par le secret est imposée dans la mesure où il s’agit là de la seule voie possible. En ne permettant pas de breveter le savoir-faire, on assimile celui-ci à la notion d’idée qui, nous le savons, n’est pas protégeable par le biais d’un droit de propriété intellectuelle.

Pour ce qui est du secret de fabrique, la notion de secret est directement incorporée dans sa dénomination. Ainsi, on peut aisément penser que celui-ci caractérise la seule voie de protection. En réalité, il s’avère qu’une option est laissée à son détenteur. Il pourra en effet choisir de le breveter ou préférer utiliser la voie de la non-divulgation. Cette option laisse à penser que l’appellation « secret de fabrique » lui confère un avantage. La faculté de déposer un brevet n’est possible que sous certaines conditions dont le savoir-faire ne dispose pas.

Ce constat laisse penser que le brevet est la solution optimale pour protéger un bien dans la mesure où il ne peut s’appliquer en toutes hypothèses. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que le brevet revêt également certains inconvénients. Cela réside notamment dans le fait que son détenteur aura l’obligation de divulguer son invention en contrepartie du monopole qui lui est confié. Cela est donc en quelque sorte paradoxal. D’un côté, on prône la protection par le biais du secret en estimant que la non-divulgation d’informations reste la méthode la plus efficace. D’un autre côté, il est admis que le brevet, en formalisant la protection, doit faire l’objet d’une contrepartie en imposant la transparence vis-à-vis des tiers. Le risque étant donc que ces derniers deviennent contrefacteurs du bien en question mais qu’il y ait également une certaine concurrence déloyale, notamment via les pays non couverts par le brevet. Aucune action ne pourrait alors être intentée par le dépositaire de ce brevet.

Le brevet possède une seconde limite qui tient cette fois à l’aspect temporel. En effet, dès lors qu’il y a dépôt de brevet, le délai commence à courir. À terme, cela tombera dans le domaine public. Le droit des brevets est donc un périphérique au secret.

Il faut désormais mettre en avant les avantages du secret des affaires qui, quant à lui, peut être appliqué à tous et par tous. A contrario du brevet, aucune limite temporelle n’est fixée et il n’est même pas nécessaire de remplir certaines formalités pour que la protection soit active. Bien évidemment, certains inconvénients lui sont propres et particulièrement lorsqu’il est possible de breveter ces secrets techniques. Il sera en effet plus difficile à faire respecter qu’un brevet et il se peut qu’il soit breveté par un tiers. Par ailleurs le secret bride en quelque sorte ce qui est sous son couvert dans la mesure où, inconnu du public, sa valeur est difficilement quantifiable. Ne disposant pas d’un titre de propriété industrielle, sa valorisation s’avère complexe.

En pratique, le secret s’avère un élément indispensable à la protection des données du droit des affaires. De manière générale, son importance s’explique principalement à trois égards. D’abord, le détenteur du savoir n’aura peut-être pas d’autres options que de garder celui-ci secret le plus longtemps possible. Cela car il ne peut être protégé à l’aide de l’un des droits privatifs que contient le droit de la propriété intellectuelle. Lorsque le détenteur dispose d’une option, il se peut qu’il préfère garder secrète son invention. Par conséquent, il empêchera sa divulgation afin d’empêcher ses éventuels concurrents d’utiliser le secret technique à des fins concurrentielles. En revanche, si son intention est de breveter sa création, le possesseur de cette dernière veillera à ce que le secret soit gardé jusqu’à ce que les formalités de protection via le brevet soient remplies. Garder le secret est donc une garantie pour son détenteur. Ainsi, garder le secret est un choix, breveter lorsque les conditions le permettent en est un autre. Toutefois, lorsque les conditions du brevet ne sont pas réunies ou que l’obtention du brevet est hypothétique, on peut avoir recours à la protection par le secret. Celui-ci constitue donc une base de protection mais qui suppose le maintien de ce secret.

Quelle que soit la méthode choisie, la sécurité juridique du secret technique peut être altéré dans la mesure où chaque mode de protection a ses propres inconvénients. Il paraît donc utile de renforcer cette protection.

Comme vu précédemment dans cette analyse, le détenteur du secret doit en préserver la confidentialité par la mise en œuvre de mesures spécifiques. À cette fin, plusieurs outils de protection s’offrent à lui.

II – Les outils de protection

D’une part, la protection passe par l’application du régime légal (A) et d’autre part, il peut faire l’objet d’aménagements contractuels (B).

A – La protection légale et normative

Concernant la protection légale et normative, rares sont les textes qui évoquent ces secrets techniques. Le principal texte applicable en matière de secret de fabrique est l’article L. 152-7 du Code du travail. Ce dernier est retranscrit dans le Code de la propriété intellectuelle. Ce rappel de texte témoigne de son importance significative. Ces dispositions ne délimitent pas la notion du secret mais consacrent le délit de révélation du secret de fabrique. « Le fait, par tout directeur ou salarié d’une entreprise où il est employé, de révéler ou de tenter de révéler un secret de fabrique est puni par une peine d’emprisonnement assortie d’une amende »7. L’absence de définition assortie de l’utilisation expresse du terme « secret de fabrique » laisse à croire que ces articles ne sont applicables que pour ces secrets techniques spécifiques. Néanmoins, il s’avère qu’en pratique, ceux-ci s’appliquent également au savoir-faire. De manière générale, ils visent donc le secret industriel qui apparaît sous des appellations diverses et variées.

Sur le plan pénal, il est également possible de mette en avant le délit d’abus de confiance prévu à l’article 314-1 du Code pénal. Cette disposition générale laisse penser qu’il est tout à fait possible d’user de ce texte pour apporter une protection à ces secrets techniques. Toujours est-il que ce texte pourrait s’appliquer dans l’unique hypothèse où les secrets auraient été partagés avec des tiers qui en auraient fait un usage détourné. Le but consiste également en la lutte contre la contrefaçon. Bien entendu cela s’adresse plus particulièrement au support matériel. Toujours est-il que celui-ci découle de la réunion de divers secrets techniques sans lesquels ce support ne pourrait exister.

La loi relative à l’accès aux documents administratifs8 fait également mention de cette protection à plusieurs égards et ne manque pas de faire mention du secret en matière commerciale et industrielle.

Lorsque le mécanisme du brevet est préféré, le secret doit être maintenu avant que les formalités inhérentes au brevetage ne soient remplies. Néanmoins, les sources légales permettent une préservation minimale du secret.

Au titre de la responsabilité civile, le détenteur du secret dispose de deux voies de protection par le biais de ce même article : soit de l’action en concurrence déloyale, et contre les non-concurrents, il dispose de l’action en responsabilité de droit commun9.

Le droit communautaire s’est également penché sur la question. Il confère au savoir-faire une valeur qui lui est propre. Cette idée se reflète également sur la scène internationale. C’est donc naturellement que l’accord ADPIC consacre cette notion. L’article 39 énonce certaines normes générales pour l’application des mesures protégeant le secret.

Ainsi, les renseignements doivent être secrets et il faut qu’ils aient une valeur commerciale. De surcroît, la personne qui détient le secret doit avoir mis en œuvre des dispositions raisonnables pour garder l’information secrète.

Le secret demeure une notion abstraite toutefois consacrée par divers textes. Sa valeur considérable lui confère une protection a minima mais pour être conservée de manière effective, les détenteurs ont tout intérêt à lui octroyer une protection supplémentaire. Le détenteur d’un secret technique doit, de manière générale, lutter contre la concurrence déloyale et la voie contractuelle paraît adéquate. La directive permettra peut-être de redonner de la cohérence au système légal. En attendant, les textes juridiques s’avèrent insuffisants.

B – La contractualisation du secret

Il est largement admis que les contrats ont vocation à aménager les relations entre les parties contractantes. Ces aménagements peuvent intervenir lors de la conclusion dudit contrat ou faire l’objet d’un accord autonome. En outre, il se peut que des clauses interviennent à tous les stades de la vie du contrat.

Le secret technique peut être dévoilé alors qu’aucun contrat n’est encore conclu. En cours de négociation, la personne détenant le secret peut être menée à le révéler dans le but que le tiers contracte. Le secret sera donc l’objet du futur contrat. Il se peut cependant qu’une fois le secret technique révélé, le tiers ne trouve plus d’intérêt à contracter. Il sera donc judicieux pour le détenteur de lui faire signer au préalable un accord de non-divulgation ou de l’astreindre à lui remettre une certaine somme d’argent10.

Dans le cadre des entreprises, on imagine mal que le secret technique soit connu d’un seul. En effet, pour qu’il puisse être exploité, il doit faire partie intégrante des valeurs de l’entreprise. Ainsi, il doit constituer la base de développement d’une méthode ou d’un bien par l’ensemble des membres de l’entreprise. L’uniformisation est donc vectrice du développement industriel et de compétitivité. Le détenteur initial du secret a donc tout intérêt à faire entrer des tiers dans la confidence, qu’il s’agisse de concurrents ou de membres internes à l’entreprise. Cette dernière doit donc veiller à ce que les salariés qui entrent dans le processus du secret technique demeurent dans le secret. Ainsi, par le biais du contrat de travail, l’employeur peut aménager la relation contractuelle en y instaurant des clauses spécifiques. L’insertion de telles clauses peut avoir un caractère subsidiaire dans la mesure où tout salarié est tenu d’un devoir de loyauté envers son employeur.

En outre, il se peut que le détenteur ait besoin d’autres acteurs pour développer ce secret technique. Il peut par exemple avoir recours à de sous-traitants. Ces derniers seront alors qualifiés de partenaires lorsqu’ils entreront dans le processus au sein duquel le secret fait partie. Cependant, il faut garder à l’esprit que ces partenaires peuvent devenir des concurrents par la suite. Il existe également le contrat de franchise qui est très développé compte tenu des grandes enseignes qui dominent le marché à l’heure actuelle. A priori, ce type de contrat fait naître une relation entre non-concurrents. Le débiteur du secret technique fera valoir celui-ci pour développer son activité, mais une activité propre à une enseigne déterminée.

La cession d’un secret technique est donc possible. Elle aura pour effet de matérialiser la coopération entre partenaires et ainsi transmettre le savoir-faire. L’entreprise va donc valoriser son secret en signant un contrat de cession du savoir-faire. Le contrat lui-même permet de délimiter l’étendue du savoir-faire, à savoir le secret technique transmis ainsi que celui qui reste personnel. La frontière peut donc être délicate à déterminer11. Il existe donc deux contrats types permettant de valoriser ce secret. D’une part le contrat de communication de savoir-faire qui opérera un transfert à certains concurrents liés par le contrat et d’autre part, le contrat de franchise qui quant à lui concerne l’expansion de l’entreprise. Le type de contrat dépendra de l’objet de celui-ci. Ce contrat permettant de transmettre le savoir-faire est généralement dénommé « contrat d’entreprise »12. Il y a certes contractualisation mais toujours dans le but que le secret technique demeure secret.

Cette étude mène à s’interroger sur les clauses susceptibles de protéger les secrets techniques. A priori, deux d’entre elles apparaissent très efficaces quant à la protection de ce secret. Cette efficience se déduit notamment de l’utilisation fréquente de celles-ci. D’une part, il existe la clause de confidentialité. Il s’agit d’une clause par laquelle on impose au débiteur d’une information de ne pas révéler cette dernière. À cette fin, celui-ci est astreint à une obligation de ne pas faire dans la mesure où il doit garder le silence sur cette connaissance qu’il partage. La clause de confidentialité repose donc sur deux impératifs. D’une part, la non-divulgation du secret et d’autre part, l’obligation de ne pas exploiter ce savoir-faire. Il existe par ailleurs la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail et qui permet de limiter la liberté du salarié lorsque celui-ci quitte l’entreprise. Il ne pourra alors exercer des fonctions équivalentes chez un concurrent ou pour son propre compte lorsqu’il y aura rupture du contrat de travail. Indirectement, le secret restera préservé.

De nombreuses mesures de protection peuvent donc être mises en place au sein du contrat. Cela passe par l’insertion de clauses particulières au sein du contrat, la mise en place d’une charte de confidentialité ou encore par la formation des salariés de l’entreprise. Ces aménagements contractuels ont donc vocation à protéger de manière optimale le secret détenu par une entreprise.

En guise de conclusion, il faut retenir que le secret n’est pas assimilable à un droit privatif ou du moins, pas à un droit privatif complet. Néanmoins, le secret est un outil de protection qu’il ne faut pas négliger. En d’autres termes, le secret est un mode de protection à proprement dit mais pour qu’il demeure efficace, il est nécessaire de garantir sa protection par des outils juridiques. Ainsi, la meilleure des protections reste certainement la prévention. Certains textes prévoient une protection a minima de celui-ci mais les aménagements contractuels en garantissent l’efficience. Malgré l’attention portée au secret, les risques d’espionnage industriel persistent, ce à quoi la direction tentera certainement de remédier.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Mariage V., Le secret et le droit : contribution à l’étude de la notion d’information, thèse, 1999, université de Versailles-Saint-Quentin.
  • 2.
    Mousseron J.-M., Traité des brevets, 1984, Litec, nos 12 et s.
  • 3.
    Mathély P. : « Le savoir-faire étant un bien, est objet de propriété pour celui qui, l’ayant réalisé ou régulièrement acquis, le possède légitimement ».
  • 4.
    Mousseron J.-M., « Secrets et contrats – de la fin de l’un à la fin de l’autre », in Mélanges Jean Foyer, 1997, PUF, p. 257.
  • 5.
    Chavanne A. et Burst J.-J., Droit de la propriété industrielle, 4e éd., Dalloz, n° 639.
  • 6.
    Cass. 3e civ., 13 juill. 1996, n° 64-12946 : Bull. civ. III, n° 358.
  • 7.
    Cass. crim., 14 août 1970 : Bull. crim., p. 292.
  • 8.
    L. n° 78-753, 17 juill. 1978, portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’Administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.
  • 9.
    Cass. com., 20 nov. 2007 : Propr. industr. 2008, comm. 71, obs. Larrieu J. – Cass. com., 12 févr. 2008, n° 06-17501.
  • 10.
    Gaudin J.-H., Guide pratique de l’ingénierie des licences et des coopérations industrielles, 1993, Litec, n° 210-214.
  • 11.
    Caseau-Roche F., « La clause de confidentialité », AJCA 2014, p. 119.
  • 12.
    Collart-Dutilleul F. et Delebecque P., Contrats civils et commerciaux, 8e éd., 2007, Dalloz, n° 899.