Le point de vue de l’avocat

Publié le 14/11/2016

Notre société semble aujourd’hui atteinte d’une frénésie de transparence. Ce qui est caché serait nécessairement suspect. Les notions de « secret » et « d’affaires » ont de ce fait mauvaise presse.

Pourtant, le secret est inhérent au monde des affaires.

En effet, le secret des procédés, les informations économiques et financières, entre autres, font partie intégrante du patrimoine d’une entreprise.

À ce titre, ces données suscitent bien des convoitises, tout particulièrement de la part de concurrents qui n’hésiteront pas parfois à utiliser des moyens détournés, afin d’obtenir la communication d’informations confidentielles (I). Or, au contraire, ce patrimoine doit être nécessairement protégé et la violation du secret sanctionnée(II).

I – L’accès à l’information concurrentielle par l’instrumentalisation de la justice

Notre droit positif offre des moyens procéduraux permettant à des tiers d’obtenir (ou à tout le moins d’essayer d’obtenir) des informations sur une entreprise.

Ainsi, les articles L. 232-21 et suivants du Code de commerce obligent certaines sociétés (SA, SARL, SNC) à déposer leurs comptes au greffe du tribunal de commerce, sous peine d’une amende contraventionnelle. Or, en cas de non-respect de cette obligation, l’article 123-5-1 du Code de commerce prévoit également que : « À la demande de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires ».

On peut également citer les dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile, lesquelles permettent à une partie de solliciter d’un juge, par voie de requête non contradictoire, une mesure d’instruction qui, sous couvert d’une action en apparence légitime, pourrait en réalité cacher une tentative d’obtenir des informations confidentielles à l’égard d’un concurrent.

De même, en matière de contrefaçon de marque, l’article L. 716-5-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que : « Si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d’une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services ».

La tentation peut donc exister d’engager une action en contrefaçon à l’égard d’un concurrent, dans le seul but en réalité d’obtenir des informations qui normalement seraient couvertes par le secret. Or, au contraire, le secret des affaires doit être efficacement protégé.

II – La protection du secret par le droit

L’arsenal juridique interne permet de sanctionner certains cas d’atteinte au secret des affaires et ainsi de protéger l’entreprise. On peut ainsi citer les infractions de vol, d’abus de confiance, le délit d’intrusion dans un système informatique, voire également le délit de divulgation d’un secret de fabrique.

Sur le plan civil, l’action en concurrence déloyale permet dans une certaine mesure de sanctionner des atteintes portées au secret des affaires.

Néanmoins, cette protection n’est pas totalement efficace, car elle bute toujours sur l’absence d’un régime juridique spécifique au secret des affaires.

Le législateur national avait pourtant tenté, en 2012-2013, d’instaurer un cadre spécifique, à travers une proposition de loi « visant à sanctionner la violation du secret des affaires ». Sans succès.

Aussi, sur ce point, on peut saluer la directive européenne protégeant le secret des affaires adoptée le 13 avril dernier1 et qui permettrait de créer un outil plus adapté et donc plus efficace.

Notes de bas de pages

  • 1.
    COM/2013/0813 final – 2013/0402 (COD), Text 52013PC0813.