Encadrement des loyers à Paris : des effets positifs mesurés

Une évaluation inédite des effets de l’encadrement des loyers à Paris, un dispositif expérimental mis en place jusqu’en novembre 2026, montre que ce mécanisme a un effet de modération de la hausse des loyers à Paris, qui lui est propre, distinct des effets de l’inflation, de l’évolution de l’IRL ou de la conjoncture économique.
L’encadrement des loyers a eu un effet de modération de la hausse des loyers observés dans le parc privé parisien depuis juillet 2019, conclut une étude de L’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR). Entre le 1er juillet 2019 et le 30 juin 2023, l’encadrement des loyers à Paris a permis une baisse des loyers de -4,2 % par rapport à la situation sans encadrement. Cette baisse des loyers représente 64 euros par mois de dépense évitée pour les locataires, si l’on se base sur un loyer moyen, soit 768 euros par an.
Un dispositif expérimental
Prévue pour une durée de cinq ans par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (loi ELAN), l’expérimentation de l’encadrement des loyers a été prolongée jusqu’en 2026 par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation et la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (dite Loi 3DS). La loi ELAN a ouvert ce dispositif expérimental d’encadrement des loyers du secteur privé sur un périmètre défini par les collectivités, au regard de quatre critères : un écart important entre le niveau de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social, un niveau de loyer médian élevé, un taux faible de logements commencés, rapportés aux logements existants sur les cinq dernières années et des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements et de faibles perspectives d’évolution de celles-ci. Paris a été la première candidate à cette expérimentation, vite rejointe par de nombreuses villes.
Le mécanisme d’encadrement des loyers à Paris
Le dispositif d’encadrement des loyers à Paris repose sur trois références fixées chaque année par arrêté préfectoral :
• un loyer de référence,
• un loyer majoré (loyer de référence + 20 %)
• un loyer minoré (loyer de référence – 30 %).
Ces loyers de référence sont déterminés en fonction du marché locatif observé et déclinés par secteur géographique. En principe, le loyer hors charges d’un logement mis en location ne peut dépasser le loyer de référence majoré. Par exception, si la qualité du bien le justifie, l’investisseur-bailleur peut opter pour un complément de loyer. Quant au loyer de référence minoré, il permet à ce propriétaire d’augmenter le montant d’un loyer inférieur à ce seuil, notamment en cas de relocation. En pratique, les sanctions sont encore rares. Pour les baux signés à compter du 18 août 2022 aucun complément de loyer ne peut être pratiqué pour les logements les plus énergivores, les biens classés F et G. Il en est de même des biens présentant un défaut de confort comme une mauvaise exposition de la pièce principale, la présence d’un vis-à-vis de moins de dix mètres ou encore de biens présentant une installation électrique dégradée. Précisons que ce dispositif d’encadrement s’ajoute au décret annuel qui limite la hausse annuelle des loyers à la relocation (IRL), en agissant sur le montant des loyers 8.
De nouveaux loyers de référence viennent d’être publiés
Le 28 mai 2024, un arrêté actualisant les loyers de référence du dispositif en vigueur à Paris a été signé. Ces nouveaux loyers de référence s’appliquent depuis le 1er juillet 2024, pour les biens mis en location dans les 80 quartiers de la capitale. Ces loyers de référence doivent être pris en compte pour les renouvellements des baux comme pour les nouveaux contrats signés à partir du 1er juillet 2024. L’encadrement des loyers s’applique aux nouveaux baux signés (relocations et premières locations) et aux renouvellements de baux explicites (avec signature d’un nouveau contrat de bail). Les reconductions tacites à l’expiration du bail et les baux en cours ne sont en revanche pas concernés. Dans le cas d’une relocation ou d’une première location, le bailleur peut appliquer un complément de loyer, s’il le justifie, au-delà du loyer de référence majoré. Les logements sociaux, les biens soumis à la loi de 1948 et les locations saisonnières ne sont pas soumis à l’encadrement des loyers.
Le contrôle de la ville de Paris
La loi 3DS du 21 février 2022 a permis à la ville de Paris de se voir déléguer les attributions du préfet concernant le contrôle du respect des loyers de référence majorés sur son territoire. Les autres modalités du dispositif, notamment les recours relatifs au complément de loyer, à l’absence de mention dans le bail, à l’évolution des loyers dans le cadre d’un renouvellement de bail restent sous la responsabilité de la Commission départementale de conciliation (CDC) ou du juge des contentieux de la protection. Ainsi, en cas de non-respect supposé des plafonds de loyer après évaluation via le simulateur disponible sur le site Paris.fr, un signalement peut être effectué auprès de la ville de Paris en utilisant une plateforme dédiée. Dans le cadre d’une procédure encadrée, depuis le 1er janvier 2023, la ville met en demeure le propriétaire, personne morale ou personne physique, de régulariser le bail et reverser les trop-perçus au locataire. À l’issue d’un débat contradictoire avec le bailleur resté infructueux, la ville de Paris peut prononcer une amende. En 2023, plus de 1 630 signalements ont été effectués après évaluation du non-respect des loyers de référence majoré sur Paris.fr. Les signalements effectués sont majoritairement situés dans le 11e, 18e, le 15e et le 20e arrondissements. Ils portent à plus de 80 % sur des 1 et 2 pièces. Presque 500 mises en demeure ont été adressées aux propriétaires au cours de cette première année sur la base de 60 % des signalements instruits. Une centaine de situations ont pu aboutir lors de la phase de médiation pour un montant total estimé de plus de 240 000 € (2 313 € en moyenne). 7 amendes ont été prononcées en 2023. En moyenne, au moment de la mise en demeure, les dépassements mensuels constatés s’élevaient à 159 € par mois.
Lutter contre des loyers en forte augmentation
Une évaluation du dispositif d’encadrement des loyers est prévue par la loi, ce qui a conduit l’Atelier parisien d’urbanisme, en partenariat avec la ville de Paris, à inscrire une étude d’impact à son programme de travail. Cette étude économétrique s’est appuyée sur les données d’annonces du groupe SeLoger et les données de baux de l’Observatoire des loyers de l’Agglomération parisienne (Olap). Selon cette étude, les loyers ont augmenté de 75 % dans le parc privé depuis près de 20 ans à Paris. Selon les derniers chiffres publiés par l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (Olap) au 1er janvier 2023, le loyer mensuel moyen hors charges des logements du parc privé s’établissait à 24,70 €/m2 pour l’ensemble des logements locatifs privés à Paris. Il atteignait 18,00 €/m2 en petite couronne et 15,00 €/m2 en grande couronne. Le niveau de loyer moyen était ainsi de 1 201 € par mois pour 50 m2 à Paris. Les effets de l’encadrement sont mis en évidence par l’étude. Cet effet est de – 4,2 % entre juillet 2019 et juin 2022, par rapport à la hausse qui serait intervenue en l’absence d’encadrement, soit 768 € d’économie par an en moyenne. Si tous les bailleurs avaient respecté l’encadrement, le dispositif aurait permis une atténuation de la hausse des loyers deux fois plus importante, avec une baisse de -8,2 % par rapport à une situation sans encadrement. L’effet tend à se renforcer dans le temps. En effet, alors qu’il était de -2,5 % entre mi-2019 et mi-2020, il atteint -5,9 % entre mi-2022 et mi-2023. Les effets de l’encadrement sont plus marqués sur les petits logements. En effet, les variations de loyers imputables à l’encadrement sur la période sont de -10,2 % pour les logements de 8 à 18 m². En revanche, la capacité du dispositif à réduire les montants des loyers diminue à mesure que les surfaces/nombre de pièces augmentent. Cependant, aucune différence significative n’existe selon que le logement est meublé ou non meublé. Enfin, il n’apparaît pas de différences notables d’impact de l’encadrement selon la période de construction des logements, selon les arrondissements ou les secteurs géographiques.
Référence : AJU015h2
