Le régime réglementaire de la salubrité et de l’hygiène des locaux d’habitation est retoqué
Le Conseil d’État annule les dispositions relatives aux caractéristiques des locaux propres à l’habitation prévues par le décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023.
L’article L. 1331-23 du Code de la santé publique prévoit que « ne peuvent être mis à disposition aux fins d’habitation, à titre gratuit ou onéreux, les locaux insalubres (…) que constituent les caves, sous-sols, combles, pièces dont la hauteur sous plafond est insuffisante, pièces de vie dépourvues d’ouverture sur l’extérieur ou dépourvues d’éclairement naturel suffisant ou de configuration exiguë, et autres locaux par nature impropres à l’habitation, ni des locaux utilisés dans des conditions qui conduisent manifestement à leur suroccupation ».
Le décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 portant règles sanitaires d’hygiène et de salubrité des locaux d’habitation et assimilés fixe les règles sanitaires d’hygiène et de salubrité des locaux d’habitation et assimilés dans la partie réglementaire du Code de la santé publique. Il précise la définition des situations d’insalubrité et les critères fondant la qualification de locaux par nature impropres à l’habitation et organise la sanction du non-respect de ces règles par une contravention de 4e classe. Il détermine ainsi, au niveau national, les règles sanitaires d’hygiène et de salubrité des logements jusqu’alors fixées départementalement par des arrêtés préfectoraux portant règlement sanitaire départemental. Le décret du 29 juillet 2023 précise donc, notamment, les éléments qui doivent se trouver dans un logement, parmi lesquels une installation électrique, un système naturel ou mécanique de régulation de la chaleur, un dispositif de renouvellement de l’air, une salle de bains ou encore des toilettes.
Une décision du Conseil d’État du 29 août 20241 a annulé une partie des articles de ce décret du 29 juillet 2023 relatif aux règles d’hygiène et de salubrité des logements relative aux caractéristiques des locaux propres à l’habitation, prévus dans une section 2 aux articles R. 1331-17 à R. 1331-23 du Code de la santé publique.
Ces dispositions ne sont pas annulées sur le fond, mais sur la forme. En effet, selon l’article L. 1311-1 du Code de la santé publique, « sans préjudice de l’application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d’État, pris après consultation du Haut Conseil de la santé publique et, le cas échéant, du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, fixent les règles générales d’hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l’homme, notamment en matière (…) de salubrité des habitations, des agglomérations et de tous les milieux de vie de l’homme (…) ». Or, selon le Conseil d’État, « l’organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l’intervention d’une décision doit être mis à même d’exprimer son avis sur l’ensemble des questions soulevées par cette décision. Par suite, dans le cas où, après avoir recueilli son avis, l’autorité compétente pour prendre ladite décision envisage d’apporter à son projet des modifications, elle doit procéder à une nouvelle consultation de cet organisme lorsque ces modifications posent des questions nouvelles ».
Pourtant, le Conseil d’État relève qu’il ressort de la comparaison du projet de décret ayant fait l’objet de la consultation du Haut Conseil de la santé publique et du décret de 2023 que ce dernier diffère du premier, notamment, d’une part, en ce qu’il ne comporte plus de condition relative à la proportion d’enfouissement dans le sol au-delà de laquelle des locaux ne peuvent être regardés comme à usage d’habitation et, d’autre part, en ce qu’il retient comme suffisante pour un tel usage une hauteur sous plafond des pièces de vie et de service égale ou supérieure à 2,20 mètres, susceptible d’être ramenée, par renvoi à l’article 4 du décret du 30 janvier 2002 susvisé, à 1,80 mètre pour les locaux disposant au moins d’une pièce principale ayant un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes, alors que le projet soumis au Haut Conseil retenait qu’une hauteur sous plafond comprise entre 2,20 mètres et 2,50 mètres pouvait contribuer à qualifier une situation d’insalubrité et excluait les locaux d’une hauteur inférieure à 2,20 mètres.
Dès lors, selon le Conseil d’État, les modifications apportées postérieurement à la consultation du Haut Conseil de la santé publique, qui portent sur des critères essentiels au regard de l’objet de cette réglementation et dont la nécessaire combinaison pour apprécier la salubrité d’un local destiné à l’habitation est susceptible de permettre la mise à disposition aux fins d’habitation de locaux enterrés en totalité et d’une hauteur sous plafond de 1,80 mètre, ce qu’excluait le projet de décret soumis à consultation, doivent être regardées comme posant, eu égard à l’objet de ce décret, une question nouvelle qui imposait une nouvelle consultation de cet organisme. En l’espèce, une telle omission de consultation a été susceptible d’exercer une influence sur le contenu du décret attaqué.
En conséquence, la sous-section 2 « Caractéristiques des locaux propres à l’habitation » de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre III de la première partie de la partie réglementaire du Code de la santé publique, dans sa rédaction résultant du décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023, est annulée par le Conseil d’État.
Sont donc annulées par les dispositions prévoyant que sont par nature impropres à l’habitation et ne peuvent en conséquence être mis à disposition aux fins d’habitation, à titre gratuit ou onéreux (CSP, art. R. 1331-17), à savoir :
• les caves, quels que soient les aménagements et transformations qui leur sont apportés ;
• ainsi que, sauf s’ils répondent aux exigences réglementaires fixées par les articles R. 1331-18 à R. 1331-23 :
– les sous-sols : l’article R. 1331-18 du Code de la santé publique prévoyait la possible mise à disposition aux fins d’habitation si ses caractéristiques ne constituent pas un risque pour la santé de l’occupant et s’il répond aux conditions cumulatives d’exigences de hauteur sous-plafond, d’ouverture sur l’extérieur n’exposant pas les occupants à des sources de pollution, notamment, à des émissions des gaz d’échappement de véhicules à moteurs thermiques, d’éclairement et de configuration (v. CSP, art. R. 1331-20 à R. 1331-23) et d’aménagement à usage d’habitation. Le texte précise que les rez-de-chaussée ou les rez-de-jardin de maisons implantées sur des terrains d’une pente égale ou supérieure à 10 degrés ne sont pas des sous-sols,
– les combles : l’article R. 1331-19 du Code de la santé publique prévoyait la possible mise à disposition aux fins d’habitation s’ils répondent aux conditions cumulatives de solidité du plancher garantissant la sécurité de l’occupation, de hauteur sous-plafond, d’ouverture sur l’extérieur, d’éclairement et de configuration (CSP, art. R. 1331-20 à R. 1331-23) et d’aménagement en habitation,
– les pièces dont la hauteur sous plafond est insuffisante : l’article R. 1331-20 du Code de la santé publique posait l’exigence pour les pièces de vie et de service du logement d’avoir une hauteur sous plafond suffisante et continue pour la surface exigée permettant son occupation sans risque, une hauteur sous plafond égale ou supérieure à 2,20 mètres étant suffisante. Dès lors, par principe, les locaux dont la hauteur sous plafond est inférieure à 2,20 mètres sont impropres à l’habitation,
– les pièces de vie dépourvues d’ouverture sur l’extérieur : l’article R. 1331-21 du Code de la santé publique posait l’exigence, pour les pièces de vie d’un local, d’une ouverture sur l’extérieur donnant à l’air libre, le cas échéant, par l’intermédiaire d’un volume vitré donnant lui-même à l’air libre, et présentant une section ouvrante permettant une aération naturelle suffisante. Au moins une de ces pièces est munie d’une fenêtre ou d’une baie offrant une vue sur l’extérieur correspondant au minimum à un prospect permettant un éclairement naturel suffisant. Selon l’article R. 1331-22 du Code de la santé publique, l’éclairement naturel dont sont pourvues les pièces de vie d’un local est suffisant lorsque l’éclairement au centre de celle-ci permet d’y lire par temps clair et en pleine journée sans recourir à un éclairage artificiel,
– les pièces de vie dépourvues d’éclairement naturel suffisant ou de configuration exiguë : l’article R. 1331-23 du Code de la santé publique considérait comme satisfaite l’exigence de configuration de pièces de vie non exiguë lorsqu’étaient remplies les conditions cumulatives d’une pièce de vie d’une surface au moins égale à 9 mètres carrés ou présentant un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes avec une surface pour les autres pièces au moins égale à 7 mètres carrés et dès lors qu’un occupant peut se mouvoir sans risque et circuler aisément dans le logement en tenant compte du mobilier, des équipements et des aménagements nécessaires à la vie courante.
En conséquence de cette annulation, les règlements sanitaires départementaux devraient trouver à s’appliquer sur ces sujets jusqu’à l’adoption d’un nouveau texte.
Notes de bas de pages
-
1.
CE, 5e-6e ch. réunies, 29 août 2024, n° 488640.
Référence : AJU015x5