Logement : les projets de réforme se multiplient

Publié le 29/05/2024
Bâtiment
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Dans un contexte de crise sans précédent, le logement fait enfin l’objet de plusieurs initiatives, gouvernementales et parlementaires. Habitat dégradé, logements sociaux, rénovation énergétique, fiscalité sur les plus-values, abandon de logement : tour d’horizons des réformes proposées.

Le logement connaît une crise sans précédent. Environ 1,8 million de personnes sont demandeuses d’un logement social en France et 4,2 millions de personnes sont mal logées. Et 82 % des Français estiment que le sujet reste le grand oublié du gouvernement, selon l’étude réalisée par l’institut OpinionWay pour la plateforme Wellow en août 2023. En l’espace de quelques semaines, plusieurs initiatives émergent.

Publication de la loi Habitat dégradé

La loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement (JORF n° 0084 du 10 avril 2024) vise à lutter contre le 1,5 million de logements indignes. Ses 59 articles poursuivent trois objectifs : prévenir la dégradation de l’habitat, accélérer la réhabilitation de l’habitat dégradé et lutter contre les marchands de sommeil.

Pour anticiper la dégradation des immeubles, la loi étend le champ des travaux pouvant faire l’objet d’une opération de restauration immobilière (ORI), afin d’en permettre l’utilisation à un stade plus précoce des dégradations. Elle crée également une nouvelle procédure d’expropriation des immeubles indignes à titre remédiable. La loi facilite également la possibilité, pour les syndicats de copropriétaires, de souscrire un prêt global collectif afin de financer les travaux de réparation, d’amélioration ou d’entretien des immeubles. Par ailleurs plusieurs dispositions renforcent le permis de louer et accordent aux maires la faculté de demander un diagnostic structurel des immeubles situés dans des zones d’habitat dégradé ou ancien, aux frais des propriétaires. Notons également la prolongation, jusqu’à 2027, de la réduction d’impôt accordée aux propriétaires de logements anciens (dispositif Denormandie) et son élargissement aux travaux de rénovation de l’habitat dégradé dans les copropriétés en grande difficulté.

Pour lutter contre les marchands de sommeil, la loi renforce les sanctions pénales : la peine complémentaire d’interdiction d’acquérir un bien immobilier autre que la résidence principale pour ces bailleurs est alourdie, la durée de l’interdiction étant portée de 10 à 15 ans. En outre, le fait pour un bailleur de refuser d’établir un contrat de bail ou de délivrer un reçu ou une quittance de loyer sera désormais puni jusqu’à un an de prison et 20 000 euros d’amende. Enfin, les biens confisqués aux marchands de sommeil pourront être mis à disposition gratuitement pour les collectivités locales afin en faire des logements.

Logement social et accès à la propriété : le projet de loi du gouvernement

Après 12 semaines de concertation, le projet de loi n° 573 relatif au développement de l’offre de logements abordables, présenté au nom de Gabriel Attal, Premier ministre, par M. Christophe BÉCHU, ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires et par Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du Logement, est soumis à procédure accélérée. Il sera discuté en séance publique au Sénat à partir du 17 juin prochain.

Le projet de loi poursuit l’objectif principal de créer un choc de l’offre : pour faire baisser les prix et les loyers, et les rendre abordables au plus grand nombre, il faut produire plus de logements libres, plus de logements intermédiaires et plus de logements sociaux.

Tout d’abord, il propose de simplifier des procédures administratives pour produire plus vite et offrir de nouveaux outils aux élus qui veulent construire. Ainsi, l’article 1er propose d’assouplir la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (JORF n° 289 du 14 décembre 2000) dite SRU, relative au logement social en incluant dans son périmètre de production la construction de logements intermédiaires pour favoriser la mixité. Ainsi, 650 communes déficitaires au sens de la loi SRU pourront utiliser le logement locatif intermédiaire pour remplir leurs objectifs de rattrapage.

Son article 2 attribue davantage de pouvoirs aux élus. Il prévoit de donner aux maires le droit, pour chaque logement neuf, de classer les propositions faites par les réservataires et disposera d’un droit de véto, à motiver, sur les candidatures proposées par chaque réservataire sur son contingent. En outre, le préfet pourra déléguer au maire tout ou partie de son contingent de réservation pour les primo-attributions. Son article 3 propose de créer un nouveau droit de préemption aux maires pour maîtriser l’évolution des coûts du foncier. Ainsi, si la cession d’un terrain ou d’un bien est objectivement déconnectée des prix du marché, les maires pourront préempter les terrains vendus trop cher, comme cela se pratique déjà pour les terrains agricoles.

Au chapitre des simplifications, l’article 4 du projet de loi prévoit de réduire de 4 mois les délais de recours pour construire des logements plus rapidement (à un mois pour le recours gracieux et à un mois pour la réponse de l’autorité). Il supprime l’effet interruptif des recours en justice après recours gracieux. L’article 5 attribue aux élus la maîtrise de la densification pavillonnaire douce pour encourager la construction. Quant à l’article 6, il devrait permettre de ne déposer qu’une seule autorisation pour plusieurs projets, grâce à l’outil du permis d’aménager multi-sites.

Pour libérer l’investissement dans le logement abordable, le gouvernement prévoit trois mesures. Afin d’augmenter la production de logements intermédiaires (jusqu’à 4000 logements intermédiaires supplémentaires par an), l’article 7 double le volume de logements intermédiaires que les bailleurs sociaux peuvent détenir directement, à hauteur de 20 % de leur parc de logements locatifs sociaux, contre 10 % aujourd’hui.

L’article 8 permet aux bailleurs sociaux d’ajuster les loyers des logements anciens à la relocation, dans le respect des plafonds réglementaires applicables aux logements neufs. Enfin, l’article 9 cherche à encourager les bailleurs à trouver des solutions financières avantageuses pour la construction de logement, comme des montages publics-privés entre bailleurs et promoteurs.

Enfin, pour répondre à l’objectif de favoriser l’accès à la propriété tout en favorisant la mobilité dans le logement social, l’article 10 rend l’accès au logement social plus facile pour les travailleurs du secteur privé ou public. Le préfet pourra confier une partie des attributions de logements sociaux à Action Logement, qui pourra loger davantage de ménages fragiles salariés dans les zones où l’emploi est tendu. L’article 11 du projet de loi prévoit de réduire de 50 % à 20 % le dépassement de plafond de ressources applicable dans le parc social et de prendre en compte le patrimoine des locataires, pour ceux qui ont pu constituer un patrimoine qui leur permettrait de se loger en dehors du parc social. L’article 12 renforce les compléments de loyers pour les locataires dont la situation s’améliore en abaissant son seuil de déclenchement et en limitant les exemptions possibles. L’article 13 entend étendre le bail mobilité au parc social pour les personnes en besoin de logement pour une courte durée (personnes en formation, en apprentissage ou en mutation professionnelle). Enfin, pour faciliter la vente des logements sociaux, l’article 14 prévoit de confier au maire la responsabilité d’autoriser la vente directe aux locataires du logement social, en supprimant les autorisations préfectorales et en sécurisant la gestion des copropriétés.

Révision des abattements pour durée de détention

Présentée par le député Christophe Blanchet, la proposition de loi n° 2509 harmonisant l’abattement de prélèvements sociaux sur les plus-values immobilières avec l’abattement sur l’impôt sur le revenu a été déposée le 11 avril 2024 à l’Assemblée nationale. Sa réponse à la crise de l’immobilier est fiscale. « Le coût de la fiscalité pèse lourdement sur les propriétaires qui souhaiteraient mettre en vente leurs biens et ne peuvent attendre que les prix de l’immobilier remontent ». Pour redynamiser le marché de l’immobilier, la proposition entend permettre de mettre plus rapidement davantage de logements sur le marché. Ainsi l’article 1er de la proposition de loi consiste à harmoniser les taux d’abattement sur les prélèvements sociaux avec ceux de l’abattement sur l’impôt sur le revenu. Les plus‑values immobilières seraient totalement exonérées à partir de 22 années de durée de détention.

Pour mémoire, les plus‑values immobilières (hors résidences principales qui sont exonérées) sont taxées à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 19 % (Code général des impôts – CGI, art. 150 U) et aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 %. Elles supportent donc une pression fiscale de 36,2 %. Le propriétaire peut appliquer un abattement pour durée de détention de 6 % pour chaque année de détention au-delà de la 5e et jusqu’à la 21e, puis de 4 % au terme de la 22e année de détention (CGI, art. 150 VC). Ce mécanisme aboutit à exonérer les plus-values d’impôt sur le revenu au terme de 22 ans.

Pour les prélèvements sociaux, les abattements s’élèvent à 1,65 % pour chaque année de détention au-delà de la 5e et jusqu’à la 21e, 1,60 % pour la 22e année de détention puis 9 % pour chaque année au-delà de la 22e (article L. 136‑7 du Code de la sécurité sociale, VI, 2). Les plus-values se trouvent totalement exonérées de prélèvements sociaux au bout de 30 années de détention.

Rénovation énergétique

La proposition de loi n° 2596 relative aux conditions de réalisation des travaux de rénovation énergétique des logements a été déposée à l’Assemblée nationale le 2 mai 2024. Elle vise à modifier le cadre d’intervention des travaux de rénovation énergétique. Son article 1er s’adresse aux copropriétés, il prévoit des aménagements lorsque les travaux portent sur les parties communes d’un immeuble en copropriété. L’article 1er précise aussi que les obligations de décence énergétique issues de la loi climat et résilience s’applique aux nouveaux contrats, aux contrats renouvelés et aux reconductions tacites à compter de la date d’entrée en vigueur des niveaux de performance énergétique minimaux.

Il prévoit aussi que lorsque le bailleur prend des mesures pour effectuer les travaux de mise en conformité de son logement aux critères de décence mais ne parvient pas à mener à bien ces travaux car le locataire fait obstacle à leur réalisation, le locataire ne pourra pas se prévaloir de la possibilité de saisir le juge aux fins d’engager la responsabilité de son bailleur.

L’article 2 limite la sous-traitance à deux rangs pour les chantiers aidés et interdit la sous-traitance à des entreprises qui ont obtenu le label reconnu garant de l’environnement de la part d’entreprises qui n’ont pas obtenu ce label. Quant à l’article 3, il propose d’expérimenter le recours aux groupements momentanés d’entreprises dans les marchés privés.

Abandon des logements

Le 2 mai, la proposition de loi proposition de loi n° 2585 visant à mieux lutter contre l’abandon des logements a été déposée à l’Assemblée nationale. Près de 5 000 constats d’abandon d’appartement ont été effectués en 2023 selon la Chambre nationale des commissaires de justice. En hausse, ces départs à la cloche de bois mettent les propriétaires et les bailleurs dans des situations délicates, notamment sur le plan financier.

Pour reprendre possession de leurs logements, les bailleurs doivent prouver qu’ils étaient effectivement abandonnés, à défaut, ils pourraient être accusés de violation de domicile. Or, la procédure encadrant la reprise d’un logement abandonné, fixée par l’article 14‑1 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986, prévoit qu’en préalable à la demande de résiliation du bail par le juge des contentieux et de la protection, le propriétaire doit charger un commissaire de justice de délivrer au locataire une mise en demeure de justifier qu’il occupe bien le logement. Le locataire dispose ensuite d’un délai d’un mois pour répondre. La proposition de loi propose de réduire ce délai apparaît à quinze jours pour permettre aux bailleurs de remettre plus rapidement sur le marché locatif des biens abandonnés.

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