Soutien accordé au père qui ne vit plus avec la mère de son enfant

Publié le 20/11/2024
Soutien accordé au père qui ne vit plus avec la mère de son enfant
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En droit de la famille, un homme devient père quand son épouse ou sa compagne accouche, mais également grâce à une adoption. Les couples avec enfants peuvent toutefois décider de se séparer ou bien subir la perte du compagnon en raison d’un décès. Il y a différentes formes de séparation, car pour les époux il s’agit d’un divorce et pour les personnes non mariées d’une cessation de la vie en couple. La place des pères peut alors se voir fragilisée voire supprimée. Toutefois, le législateur a mis en place différentes mesures pour leur accorder des droits tout en maintenant leurs devoirs, car il ne faut pas que la place des pères s’efface devant celle des mères. Il est important que les hommes ayant des enfants puissent garder des liens avec eux.

La fragilisation de la place des pères divorcés ou séparés a été redoutable pendant longtemps, mais il y a eu des améliorations de leur situation (I). Si jamais, lorsqu’une mère ne veut plus vivre avec son époux ou compagnon, elle fait le nécessaire pour que ce soit à elle que leurs enfants soient confiés, obtenant du juge la mise en place de leur résidence habituelle au domicile maternel ainsi que la suppression du droit de visite et d’hébergement du père elle n’est toutefois plus systématiquement entendue, car les pères sont mieux soutenus aujourd’hui notamment grâce à la mise en place de la coparentalité, ce qui améliore leur place après des séparations (II).

I – La place de l’homme qui devient père

Un homme n’est pas toujours père (A) et quand il est père, ses droits ont beaucoup changé (B)1.

A – La mise en place de la paternité

Quand le couple est marié, l’homme est automatiquement père grâce à la présomption de paternité et quand il s’agit de concubins ou de personnes pacsées, il faut qu’il reconnaisse le nouveau-né. Certes, être père en droit n’est pas synonyme d’être géniteur, puisqu’il faut que les conditions de l’établissement de la paternité soient réunies. Le père au sens juridique n’a rien à voir avec le beau-père, le père d’intention, ni même le géniteur car la filiation est une institution et il faut prendre en compte les textes qui permettent à un homme de devenir père. Pendant longtemps on parlait de filiation légitime pour la paternité du mari liée à la présomption de paternité et de filiation naturelle quand le compagnon de la mère reconnaissait son enfant, mais ces deux notions ont été supprimées quand une ordonnance de 20052 a porté réforme de la filiation, ce qui a sécurisé la paternité hors mariage. Dans le cadre de l’adoption, il s’agit généralement d’un homme et d’une femme qui voulaient devenir parents malgré l’impossibilité pour le couple de procréer. Toutefois un homme vivant seul a également le droit de devenir père en adoptant un enfant, et il en va de même pour un couple d’hommes car la loi n° 2013-404 du 17 mai 20133 les a autorisés à se marier et à devenir parents grâce à l’adoption. Puis la loi du 21 février 20224 est allée encore plus loin en autorisant les couples de concubins à faire une démarche afin d’adopter le même enfant ou l’enfant de leur compagne.

Une fois qu’il est père, il a des devoirs mais aussi des droits, y compris lorsqu’il ne vit plus avec la mère de son enfant5, mais il est nécessaire que la filiation ne soit pas contestée (C. civ., art. 332) s’il s’agissait d’une reconnaissance mensongère ou parce que le mari n’est pas le géniteur, voire que l’adoption simple ne soit pas révoquée (C. civ., art. 370).

B – La suppression du paterfamilias

Autrefois les relations sociales et familiales étaient construites autour du paterfamilias si bien que le père remplissait seul toutes les missions, hormis celle de faire naître un enfant, mais il pouvait imposer une grossesse à son épouse. La société a beaucoup évolué depuis le Code civil de 1804 et cela a eu des incidences sur la place occupée par les pères dans la sphère familiale. Il est vrai que dans la Rome antique, après l’accouchement, le père devait accepter sa paternité en levant l’enfant déposé à ses pieds, mais il était surtout le chef de famille qui avait seul toute autorité pour gérer et régler les affaires familiales, exerçant isolément l’autorité parentale. Les pères avaient aussi un droit de vie et de mort sur leurs enfants. Il a fallu attendre la loi du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale6 pour que la puissance paternelle soit supprimée. Aujourd’hui il n’est plus question de paterfamilias, les parents étant mis à égalité, notamment pour exercer en commun l’autorité parentale7. Toutefois dans les années 1990, lors d’un divorce, les pères se sentaient brutalement privés de leur enfant parce qu’environ 80 % des gardes étaient confiées aux mères. En effet, dans le système mis en place en 1970, c’était le parent gardien qui exerçait après un divorce l’autorité parentale.

II – La place du père séparé de la mère

Quand un homme ne vit plus avec une femme, il souhaite souvent garder des liens avec ses enfants ; toutefois il estime généralement être privé de droits dans la sphère familiale, n’étant pas mis à égalité avec son ancienne compagne. Heureusement beaucoup de changements ont été apportés sur ce point, notamment en raison de la mise en place de l’autorité parentale conjointe (A). Les relations du père avec ses enfants sont toutefois variables car il peut parfois obtenir une résidence alternée ou tout au moins un droit de visite et d’hébergement (B). À moins qu’il y ait eu une contestation de la paternité, mais il arrive alors que l’ex-père obtienne un droit de visite car le juge peut fixer « les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables » (C. civ., art. 371-4)8. La séparation du couple peut aussi découler de la mort de la mère et en ce cas, le rôle du père est de bien prendre en charge ses enfants (C).

A – Importance de la coparentalité

Sauf s’il y a un retrait de l’autorité parentale, les deux parents sont titulaires de l’autorité parentale car la coparentalité9 a été mise en place par la loi du 4 mars 200210. Par conséquent la place des pères et des mères doit être la même, non seulement durant leur vie commune, mais aussi lors de leur séparation. Effectivement, le législateur a mis en place de nombreuses mesures pour que les deux parents séparés conservent un lien étroit avec leurs enfants. Précisément, la séparation du couple est normalement sans incidence sur l’exercice de l’autorité parentale (C. civ., art. 373-2), si bien que la place des deux parents pour leur enfant mineur est maintenue (C. civ., art. 1242, al. 4)11. Ils doivent tous les deux conserver des relations personnelles avec l’enfant mais aussi respecter ses liens avec l’autre parent. Ils sont surtout tenus de prendre ensemble des décisions concernant sa santé, son éducation et sa scolarité, mais pour les actes usuels la mère chez qui vit l’enfant peut prendre des décisions toute seule puisque l’autorisation de l’autre parent n’est pas obligatoire.

Il en va toutefois autrement si le père a eu des agissements violents, car le juge peut alors décider de confier l’exercice de l’autorité parentale à un seul parent, si l’intérêt de l’enfant le commande (C. civ., art. 373-2-1), ou de procéder à un retrait de l’exercice de l’autorité parentale (C. civ., art. 378). En ce domaine, il est important de noter qu’il faut prendre des décisions conformes à l’intérêt de l’enfant et lui donner la possibilité de s’exprimer pour faire connaître son désir de rester proche de son père12 ou sa peur de vivre avec un homme violent.

B – Droit du père de vivre au quotidien avec le mineur ou d’obtenir un droit de visite

Bien que les parents séparés exercent toujours ensemble l’autorité parentale, ils ne vivent plus sous un même toit, et il faut déterminer le lieu de vie des enfants du couple : la résidence habituelle chez l’un des parents ou de la résidence alternée (C. civ., art. 373-2-9). Entendre l’enfant peut permettre de repérer ses liens paternels, car il peut arriver qu’il explique au juge qu’il va beaucoup souffrir de ne plus côtoyer son père au quotidien, raison pour laquelle il faut au moins lui accorder un droit de visite et d’hébergement ou opter pour l’alternance de la résidence du mineur.

1 – Mise en place du droit de visite et d’hébergement

Le père se voit alors accorder un droit de visite et d’hébergement, sauf motifs graves qui autorisent le juge à lui refuser ce droit (C. civ., art. 373-2-1, al. 2) ou à mettre en place un droit de visite médiatisé13. Le droit de visite et d’hébergement intervient après une séparation, lorsque l’un des parents obtient la garde de l’enfant et que l’autre parent obtient le droit de ne s’occuper de l’enfant que ponctuellement car il peut l’accueillir régulièrement. Ce droit est fixé entre les parents ou par le juge aux affaires familiales (al. 3), mais pendant le Covid-19 beaucoup d’hommes ont été privés de leurs enfants14. Parfois, le père peut continuer à voir son enfant mais il ne peut pas l’accueillir chez lui, les juges ayant mis en place un droit de visite dans un espace de rencontre désigné à cet effet (C. civ., art. 373-2-1, al. 4 et CPC, art. 1180-5). Quand le père héberge son enfant il doit surtout comprendre qu’il doit reconduire l’enfant chez sa mère à la fin de ce droit de visite car conformément à l’article 227-7 du Code pénal, l’enlèvement d’enfant peut être sanctionné : « Le fait, par tout ascendant, de soustraire un enfant mineur des mains de ceux qui exercent l’autorité parentale ou auxquels il a été confié ou chez qui il a sa résidence habituelle, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

Parallèlement, faute de vie commune, le parent qui ne réside pas avec les enfants, mineurs mais aussi jeunes majeurs dans le besoin (C. civ., art. 371-2, al. 2), est tenu au paiement d’une pension alimentaire (C. civ., art. 373-2-2), cette pension étant aussi due parfois en cas de résidence alternée par le parent le plus fortuné. Il doit la payer en fonction des ressources des deux parents et des besoins de leurs enfants.

2 – Mise en place de la résidence alternée

Bien que par principe les parents exercent toujours ensemble l’autorité parentale, ils ne vivent plus sous un même toit et il faut déterminer le lieu de vie des enfants en cas de résidence habituelle chez l’un des parents ou parfois de résidence alternée (C. civ., art. 373-2-915). L’analyse des décisions de justice montre que l’enfant est plus souvent confié aux mères, car traditionnellement elles sont reconnues comme étant plus aptes à l’éduquer. Il est vrai que certains pères ne souhaitent pas que l’enfant leur soit confié une fois que le couple a pris fin. Cependant, quand ils veulent le garder avec eux, ils espèrent non seulement obtenir le droit de visite et d’hébergement, mais aussi gagner la mise en place d’une résidence alternée car en ce cas l’enfant peut vivre quotidiennement avec sa mère puis avec son père. Le juge peut la mettre en place16 si le père n’a pas une attitude répréhensible et s’il est bien en état d’assumer ses devoirs tout en respectant les droits maternels, le juge devant préciser le temps accordé à chacun des parents. Toutefois ce n’est pas possible si les parents séparés vivent désormais très loin l’un de l’autre.

C – Droit du père d’élever ses enfants si sa femme vient de mourir

Si la séparation est généralement volontaire, elle peut être involontaire en raison du décès de l’un des parents. Quand la mère meurt, le père assume seul la prise en charge des enfants et il gère leur patrimoine, sachant notamment qu’après le décès d’un parent, les enfants sont héritiers et que le père doit s’occuper de leur patrimoine. En effet, les parents gèrent ensemble les biens des mineurs (C. civ., art. 382), et c’est le survivant qui s’en occupe jusqu’à la majorité de ses enfants ou leur émancipation. Il bénéficie tout seul de la jouissance légale du patrimoine des mineurs quand la mère est décédée (C. civ., art. 386-1). Il gère notamment le patrimoine reçu par les jeunes gens en héritage, même si ce sont seulement eux qui sont propriétaires. Il est vrai qu’ils peuvent être attristés de porter le nom du père alors que leur mère a disparu. Ils pourront toutefois lors de leur majorité demander un changement de nom en mairie (C. civ., art. 61-3-117), mais le père peut dès à présent ajouter le nom de la mère à titre d’usage (C. civ., art. 311-24-2).

Accorder aux pères des droits paternels même quand le couple se sépare est important car ainsi le couple parental survit au couple conjugal, ce qui conforte également le principe de l’égalité entre hommes et femmes. Il est essentiel que les hommes souffrent moins qu’avant de la privation de leurs droits et de la fragilisation de la place des pères.

Notes de bas de pages

  • 1.
    I. Corpart, « Les retombées des évolutions familiales, sociales et juridiques sur la place des pères », RJPF 2022/10, n° 1 ; C. Lienhard, Les nouveaux droits du père après la loi du 4 mars 2002 réformant l’autorité parentale, 2002, Dalloz, Delmas express.
  • 2.
    Ord. n° 2005-759, 4 juill. 2005 : JO, 6 juill. 2005.
  • 3.
    L. n° 2013-404, 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe : JO, 18 mai 2013.
  • 4.
    L. n° 2022-217, 21 févr. 2022, relative à l’adoption : JO, 22 févr. 2022.
  • 5.
    S. Dupont, Les pères et la paternité, 2024, Que sais-je ?.
  • 6.
    L. n° 70-459, 4 juin 1970, relative à l’autorité parentale : JO, 5 juin 1970.
  • 7.
    B. Beignier, « Père et mère dans la famille contemporaine », Dr. famille 2024, repère 8 ; C. Brunetti-Pons, « La place du père en droit des personnes et de la famille », in V. Egea (dir.) Homme de foi, homme de droit, Mélanges en l’honneur d’Alain Sériaux, 2023, Mare et Martin, p. 71.
  • 8.
    Situation prévue depuis la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013.
  • 9.
    I. Gallmeister, « Le principe de coparentalité », AJ fam. 2009, p. 148 ; L. Gebler, « La coparentalité à l’épreuve de la séparation : aspects pratiques », AJ fam. 2009, p. 150 ; T. Fossier, « L’exercice de l’autorité parentale par les parents séparés. Quarante mois d’application de la loi du 4 mars 2002 », Dr. famille 2005, étude 15 ; A. Gouttenoire, « Les décisions des parents séparés relatives à l’enfant », AJ fam. 2010, p. 12.
  • 10.
    L. n° 2002-305, 4 mars 2002, relative à l’autorité parentale : JO, 5 mars 2002.
  • 11.
    I. Corpart, « Divorce et responsabilité solidaire des parents en cas de dommage causé par leur enfant », Actu-Juridique.fr AJU014s5, à paraître, comm. ss Cass. ass. plén., 28 juin 2024, n° 22-84760, BR.
  • 12.
    I. Corpart, « Nécessité de tenir compte de la parole d’un mineur pour fixer sa résidence habituelle chez son père », RJPF 2023/10, n° 18, note ss Cass. 1re civ., 12 juill. 2023, n° 21-19362, F-B.
  • 13.
    I. Corpart, « Séparation des parents et droit de visite en espace rencontre », RJPF 2024/20, n° 291, note ss Cass. 1re civ., 12 juin 2024, n° 22-15694.
  • 14.
    I. Corpart, « Le Covid-19 et les problèmes posés par le confinement pour les parents séparés », comm. de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 : JO, 24 mars 2020 ; RJPF 2020/5, n° 25 ; G. Kessler, « La coparentalité à l’heure du déconfinement », Dr. famille 2020, dossier 19 ; C. Siffrein-Blanc, « Covid-19 et autorité parentale : quels impacts sur les droits et sur les relations parents/enfants », Dr. famille 2020, dossier 21.
  • 15.
    La résidence alternée avait été refusée par le législateur en 1987, loi n° 87-570 du 22 juillet 1987, JO du 24 juillet 1987, mais elle a été mise en place en 2002 sachant que l’article 373-2-9 du Code civil a été modifié par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, JO du 15 mars 2016.
  • 16.
    L’analyse des statistiques démontre que la résidence alternée progresse de manière significative en France : rép. min. n° 4584, 28 févr. 2023 : JOAN, 28 févr. 2023, p. 1997. Si la résidence des enfants est majoritairement fixée aujourd’hui chez les mères, c’est parce que les pères ne la demandent pas.
  • 17.
    Texte introduit par la loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation : JO, 3 mars 2022.
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