Transidentité : quid novi ? « Nihil, ferè nihil, minus nihilo » ?

Publié le 29/07/2016

Question complexe et controversée, le changement de la mention de sexe à l’état civil fait l’objet d’une dense activité jurisprudentielle. Depuis plusieurs années, des voix sollicitent que le législateur se prononce. Dans le cadre des débats relatifs au projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, des parlementaires ont pris l’initiative d’une modification des règles inscrites dans le Code civil. Le Gouvernement, cependant, est intervenu pour modifier l’évolution envisagée par amendement. Une évolution du Code civil se profile néanmoins, mais le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture est loin de faire l’unanimité. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme, notamment, a fait connaître son désaccord.

La question de la modification de la mention du sexe à l’état civil est régulièrement sous les feux de l’actualité juridique et judiciaire. Elle semble condamnée à un immobilisme1 prétorien mâtiné de mauvaise foi.

Comme nous l’écrivions, « Les vers d’Ovide2 nous conduisent à percevoir que la question n’est pas née de manière contemporaine3. La summa divisio de l’humanité conduit à assigner, à la naissance, un sexe (mâle/femelle) qui est aussi, dans nos sociétés4, notre genre (masculin/féminin). Cette distinction conduit alors davantage à opposer qu’à classer les deux moitiés de l’humanité5 »6.

Assurément l’abord du corps n’ai pas aisé pour les juristes et son apparition dans le Code civil est relativement récente7. En l’absence de définition légale8, la notion de sexe est tout aussi « insaisissable » et son abord juridique apparaît pour le moins délicat et hésitant9. Les « troubles du droit » augmentent encore lorsqu’il est confronté à la transidentité et au transsexualisme10 !

Si, en France, la question est traditionnellement considérée comme relevant de la régulation par la jurisprudence, des voix s’élèvent pour dénoncer l’insécurité juridique résultant de décisions souvent contradictoires émanant des juridictions du fond. Certains n’hésitent pas à dénoncer l’arbitraire des juges et l’assourdissant silence du législateur en la matière. Assurément les juridictions françaises ont été contraintes11 à modifier leur position à l’initiative de la Cour européenne des droits de l’Homme »12, mais nous le verrons, les exigences prétoriennes demeures draconiennes, elles s’inscrivent dans une approche pathologique et médicale de la question.

Beaucoup en appellent à l’intervention du législateur. Ce mouvement est en cours mais la position adoptée par l’Assemblée nationale ne fait pas l’unanimité.

Une affaire récente rendue par le TGI de Montpellier est révélatrice de la situation paradoxale faite aux personnes transidentitaires. Le TGI de Montpellier13 est saisi d’une demande de changement de sexe à l’état civil par une personne, née en 1987 de sexe masculin, qui a « développé depuis l’enfance un profond sentiment d’appartenance au sexe féminin, qui s’est finalement imposé comme une évidence. Cette situation de dysphorie de genre, a été prise en charge médicalement depuis novembre 2011, ce qui a permis à (…) d’entreprendre un parcours de changement d’identité de sexe, consistant en des traitements médicaux et psychologiques, ainsi que des opérations chirurgicales, complexes et variées ». Le requérant souligne qu’il est « encore contraint aujourd’hui de révéler à des tiers (employeurs, administrations, banques etc.) qu’il est transsexuel, ce qui constitue une atteinte à son intimité et à sa vie privée ». L’action engagée est étayée par « des éléments médicaux probants de l’engagement du processus de transition, et de nombreuses attestations de sa famille et de tiers ».

D’ordinaire, les demandes de modification de la mention de sexe à l’état civil s’inscrivent dans le cadre d’une procédure gracieuse. Dans cette affaire, la voie contentieuse a été privilégiée par la personne demanderesse et une assignation délivrée au procureur de la République le 5 juin 2015. Ce choix conduira le ministère public à manifester son étonnement, pour autant, il émettra un « un avis favorable à la demande dès lors que les documents médicaux démontrent une volonté ancienne de s’inscrire dans un processus de changement d’état et que la féminisation de l’apparence est en cours et apparaît irréversible ». L’option contentieuse n’étonne pas que le parquet et les juges du siège s’interrogent dans leur décision « sur l’opiniâtreté avec laquelle le demandeur a voulu maintenir une procédure contentieuse, ce qui lui a fait perdre beaucoup de temps avant que le dossier ne puisse être audiencé et n’a pas permis au tribunal, en l’état de la non-opposition du procureur de la République à la demande, de proposer par exemple une mesure d’expertise qui aurait peut-être permis de faire objectivement le point sur la caractère irréversible du traitement hormonal ». L’irritation des magistrats est perceptible et aura probablement pesé dans la décision.

Le TGI étudie, en fait et en droit, la demande de la personne « tendant à se voir désigner à l’état civil comme étant de sexe féminin, à dire que ses prénoms seront remplacés (…) et à ordonner en outre la transcription de cette décision sur les registres de l’état civil ».

Les magistrats montpelliérains constatent que « le transsexualisme est un phénomène ancien qui demeure complexe en raison des enjeux juridiques mais surtout humains qu’il implique, et quant à sa définition puisque l’origine de cette particularité demeure controversée, bien qu’elle soit inscrite dans la classification internationale des maladies »14. Ils précisent que l’on se réfère davantage de nos jours à la qualification de « syndrome15 de dysphorie16 de genre17 ou transgenre pour rendre compte du phénomène en termes psychologique et social plutôt qu’en termes de sexe. L’évolution de l’appréhension médicale ou sociale se double d’une évolution de l’appréhension juridique, tant en termes de modification de l’état civil, qu’en termes de prise en compte des droits fondamentaux de l’individu, sans distinction notamment de sexe, et du respect de la vie privée et familiale ». On ne peut que remarquer la terminologie utilisée par le TGI pour qualifier la « transidentité », « phénomène », « particularité », qui semble ancrer la question dans « l’anormalité ». L’approche des juges montpelliérains semble, à l’instar de la Cour de cassation, demeurer fidèle à « une logique pathologique (…). On sait que son abord est souvent ancré dans une dimension psychiatrique. Ainsi en est-il pour l’OMS dans sa Classification internationale des maladies, mais aussi pour l’American Psychiatric Association et son contesté Diagnostical and statistical manual of mental disorders. La France, quant à elle, intégrait la transidentité dans l’Affection longue durée 23 « troubles anxieux graves ». Sous l’influence du droit européen18, l’approche juridique de la question évolua. En 2010 s’opéra une rupture avec la logique de psychiatrisation19 »20.

Le jugement rendu mérite que l’on s’attarde sur les interrogations soulevées et les arguments développés par les magistrats pour asseoir le rejet de la demande.

Les juges du siège, s’ils notent une évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation, remarquent toutefois que les exigences fixées demeurent strictes sur le terrain de l’état des personnes (I). Ils étudient la situation du demandeur au regard des conditions prétoriennes (II) et se livrent à une analyse qui n’est pas exempte de critiques. Cette décision qui s’inscrit dans un courant prétorien très majoritaire qui en réaction motivent les demandes nombreuses d’intervention du législateur (III).

I – L’État des personnes en pierre angulaire

Le TGI souligne que la position de la Cour de cassation « a beaucoup évolué à l’éclairage de la Cour européenne des droits de l’Homme »21. En dépit des mutations relevées, les juges du fond précisent que la jurisprudence « exige toujours la preuve du caractère irréversible de la transformation de l’apparence pour satisfaire au respect de l’intangibilité de l’état des personnes ».

Il convient ici de s’arrêter sur l’affirmation émise par le TGI. Il pose en pierre d’angle du raisonnement juridique le respect d’un principe « d’intangibilité de l’état des personnes ». Le terme choisi ne peut qu’étonner le lecteur attentif dans la mesure où le principe classiquement invoqué et admis est celui « l’indisponibilité de l’état des personnes » !

Ainsi la Cour de cassation se réfère-t-elle à « l’indisponibilité » et non à « l’intangibilité » dans les arrêts rendus par l’assemblée plénière en 1992 : « Vu l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, les articles 9 et 57 du Code civil et le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes ; Attendu que lorsque, à la suite d’un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d’origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l’autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l’apparence ; que le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes ne fait pas obstacle à une telle modification »22.

Dans les arrêts du 13 février 201323, la haute juridiction en appelle encore à « l’indisponibilité » :

  • « Et attendu qu’ayant relevé que M. X ne rapportait pas la preuve, de nature intrinsèque à sa personne, du caractère irréversible du processus de changement de sexe, qui ne pouvait résulter du seul fait qu’il appartenait au sexe féminin aux yeux des tiers, c’est sans porter atteinte aux principes posés par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme, mais par un juste équilibre entre les impératifs de sécurité juridique et d’indisponibilité de l’état des personnes d’une part, de protection de la vie privée d’autre part, que la cour d’appel a rejeté sa demande » ;

  • « Et attendu qu’ayant relevé que M. X se bornait à produire un certificat d’un médecin du 23 avril 2009 établi sur papier à entête d’un autre médecin, aux termes duquel le premier certifiait que le second, endocrinologue, suivait M. X pour une dysphorie de genre et précisait que le patient était sous traitement hormonal féminisant depuis 2004, la cour d’appel a estimé que ce seul certificat médical ne permettait de justifier ni de l’existence et de la persistance d’un syndrome transsexuel, ni de l’irréversibilité du processus de changement de sexe, qui ne constituent pas des conditions discriminatoires ou portant atteinte aux principes posés par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme, 16 et 16-1 du Code civil, dès lors qu’elles se fondent sur un juste équilibre entre les impératifs de sécurité juridique et d’indisponibilité de l’état des personnes d’une part, de protection de la vie privée et de respect dû au corps humain d’autre part ».

On s’étonnera donc de la terminologie choisie par le TGI et ce d’autant plus qu’il invoque dans sa décision les arrêts du 13 février 2013 : « Bien qu’elle ait beaucoup évolué à l’éclairage de la Cour européenne des droits de l’Homme, la jurisprudence de la Cour de cassation exige toujours la preuve du caractère irréversible de la transformation de l’apparence pour satisfaire au respect du principe de l’intangibilité de l’état des personnes, notamment dans des arrêts de principe rendus le 13 février 2013 » !

Il convient d’analyser les termes utilisés par les différentes juridictions pour tenter d’en rappeler le sens. Le dictionnaire de l’Académie française définit ainsi le mot « intangible » : « Qui ne peut subir d’atteinte, d’altération ; qui doit rester intact »24, « disponible » signifiant « dont on peut user à son gré (…). Qui est libre, dégagé de toute contrainte ». S’il est précédé du préfixe, in-, pour marquer la négation, alors « indisponible » marque l’impossibilité « d’user à son gré ». Les immortels du Quai Conty, soulignent qu’en droit « indisponible » détermine ce « dont la loi ne permet pas de disposer ». Dans le même sens, les dictionnaires du vocabulaire juridique précisent que :

  • « l’indisponibilité de l’état des personnes » est un « principe en vertu duquel l’état civil et la capacité des personnes ne peuvent faire l’objet d’une convention »25 ;

  • « l’indisponibilité » est « l’état d’un bien, d’un droit ou d’une action qui échappe au libre pouvoir de la volonté individuelle par interdiction ou restriction d’en disposer »26.

L’intangibilité confine à l’immuabilité et l’immutabilité27, elle ne souffre pas d’exception. Assurément l’approche de l’indisponibilité a parfois été fort proche de l’intangibilité et de l’immutabilité. Le TGI de Montpellier n’est au demeurant pas le seul à se laisser aller à un glissement terminologique. Ainsi le garde des Sceaux lui-même s’exprimant devant l’Assemblée nationale ne se réfère pas à l’indisponibilité mais à l’immutabilité : « Avec ce sous-amendement, le Gouvernement poursuit un objectif de sécurité juridique essentiel, tout en maintenant un cadre suffisant pour garantir le respect de l’immutabilité de l’état des personnes atteintes, qui est disproportionné »28 ! Comme nous le rappelle Mme L. Lambert-Garrel, le doyen Carbonnier « qualifiait… “la date, le lieu et le sexe de naissance” de “vérités historiques” qui ne devaient jamais être modifiées »29. Ainsi dans son arrêt précité de 1975, la Cour de cassation considérait que « Le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, auquel l’ordre public est intéressé, interdit de prendre en considération les transformations corporelles ainsi obtenues ». Mais on peut considérer « cependant que l’indisponibilité ne saurait être synonyme d’immuabilité »30.

Il faut souligner que si l’intangibilité est figée, l’indisponibilité n’est pas aussi absolue : « Le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes ne fait pas obstacle à une telle modification »31. La terminologie utilisée par les juges du siège est contestable et lourde de sens. Pourquoi substituer « l’intangibilité » à « l’indisponibilité de l’état » ? Probablement la crainte du « spectre » de l’autonomie de la volonté figure-t-elle en arrière-plan de la décision. Immuable, intangible l’état des personnes permettrait de faire barrage à ceux qui voudraient « … faire du sexe un élément soumis à la pure autonomie de la volonté, ce qui permettrait à tout un chacun d’afficher le sexe qu’il désire et d’en changer quand il veut »32.

Ces considérations se heurtent toutefois au constat maintes fois dressé que la transidentité n’est pas « voulue » mais constatée, voire parfois « subie », « la lecture des décisions laissent entrevoir que la volonté des personnes inscrites dans un parcours transidentitaire ne semble pas intervenir a priori dans leur démarche, mais bien davantage a posteriori, lorsque la dysphorie de genre de ces personnes est identifiée, leur est expliquée et qu’un accompagnement leur est proposé »33.

Les critiques émises à l’encontre de la décision du TGI ne se cantonne pas à la seule question de la substitution opérée entre intangibilité et indisponibilité. L’approche réalisée des conditions prétoriennes quant à la réception d’une demande de changement de la mention du sexe à l’état civil, est-elle aussi sujette à interrogations.

II – L’analyse restrictive des conditions émises par la Cour de cassation

Le TGI souligne que « l’évolution de l’appréhension médicale ou sociale se double d’une évolution de l’appréhension juridique ; tant en termes de modification de l’état civil qu’en termes de prise en compte des droits fondamentaux de l’individu, sans distinction notamment de sexe, et du respect de sa vie privée et familiale ». Les magistrats rappellent que la Commission nationale consultative des droits de l’Homme « préconise une refonte de la législation française concernant l’identité de genre et le processus de changement de sexe à l’état civil »34. Ils constatent cependant qu’aucune modification législative n’est intervenue à ce jour et ils alignent donc leur raisonnement sur celui de la Cour de cassation, en précisant que « pour obtenir une modification de la mention du sexe sur les registres de l’état civil, il appartient à la personne qui le demande, de justifier à la fois de « la réalité du syndrome transsexuel » et de « l’irréversibilité du processus de changement de sexe » ».

La qualification de l’irréversibilité est délicate, « Influencée par les travaux de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe35, la Haute autorité de santé fut conduite à aborder la question de l’irréversibilité36. Elle s’inscrivit sur ce point dans un courant “limitatif” où la dimension médicale domine37»38. La Haute autorité de santé restreint l’abord de l’irréversibilité : « Qu’entend-on par transsexualisme irréversible ? La réponse à cette question se situe ici sur un plan médical, et non plus juridique »39. Comme nous le notions, « il paraît très restrictif de la circonscrire dans une dimension exclusivement médicale et pathologique au mépris de toute considération sociale et psychosociale »40.

Là encore, les magistrats montpelliérains prennent quelques libertés avec les conditions émises par la haute juridiction qui, dans ses arrêts de 2013 n’exige pas la preuve de « l’irréversibilité du processus de changement de sexe » mais celle « du caractère irréversible de la transformation de l’apparence » : « Mais attendu que, pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence »41.

Cette nouvelle substitution n’est pas anodine car il semble bien que l’irréversibilité « de la transformation de l’apparence » soit, en l’espèce, une réalité attestée, tant par les témoignages nombreux que par les multiples documents et certificats médicaux versés aux débats, qui conduisent le TGI à souligner qu’« il est ainsi démontré “la réalité du syndrome transsexuel” et de l’engagement dans “le processus de changement de sexe” ». Rappelons que le ministère public avait donné un avis favorable à la demande, ce qui laisse à penser qu’il considérait comme remplies les conditions.

Précisément, le TGI ne se contente pas de la preuve de « l’irréversibilité du changement de l’apparence », il exige celle de « l’irréversibilité du processus de changement de sexe ». Ce faisant il ne statue pas sur les conditions de la modification de la mention du sexe à l’état civil mais davantage sur la réalité, médicale, de changement de sexe. Pour les magistrats, ni la démonstration de « l’irréversibilité du changement de l’apparence », ni le constat de « l’engagement dans le processus de changement de sexe » ne suffisent, ils exigent la preuve de « l’irréversibilité du changement de sexe » !

À l’appui de sa demande la personne apportait de multiples éléments médicaux et non médicaux. Elle est accompagnée par de nombreux professionnels de santé, elle bénéficie d’une prise en charge par la Caisse primaire d’assurance maladie dans le cadre d’une affection longue durée (ALD). Pour autant, elle « ne souhaite pas s’engager dans une chirurgie de réattribution sexuelle ».

Le médecin psychiatre qui l’accompagne depuis 2011, « certifie la réalité d’un trouble précoce de l’identité de genre à type de transsexualisme primaire fiable et stable, indemne de toute pathologie psychiatrique surajoutée et caractérisée par une identification féminine originelle structurée et organisée, un mode de vie féminin depuis septembre 2012 et un processus de transition déjà bien engagé avec effet bienfaisant et thérapeutique ».

La personne a accepté de se soumettre à nombreuses intervention chirurgicales féminisantes, une intervention de féminisation cervicale (réduction de la pomme d’Adam), une opération de féminisation de la voix, une opération de la poitrine, une opération de féminisation du visage (plastie modelante de la mandibule, rhinoplastie, septoplastie).

Malgré ce, le TGI ne considère pas comme suffisamment probante ces interventions chirurgicales. Il souligne que « toutes les opérations pratiquées (…) entrent dans la catégorie de la « chirurgie esthétique », généralement utilisée par les femmes qui souhaitent, pour avoir une apparence encore plus féminine, gommer les aspects « masculins » de leur physique (pilosité, traits grossiers, absence de poitrine, voix grave etc.) et ne justifient donc en aucun cas du « caractère irréversible de la transformation de l’apparence » dans le cadre d’un changement de sexe à l’état civil » ! L’argumentation, dans son ton notamment, laisse perplexe. L’approche de la chirurgie esthétique à laquelle se livre le tribunal pourrait aisément être considérée comme « sexiste », si les magistrats ayant statué n’étaient des « magistrates ». Le rejet péremptoire des actes de chirurgie esthétique ne peut qu’étonner lorsque l’on rappelle que pour la Cour de cassation « les actes de chirurgie esthétique, quand ils sont réalisés dans les conditions prévues aux articles L. 6322-1 et L. 6322-2 du Code de la santé publique, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens de l’article L. 1142-1 du même code »42.

Comment ne pas considérer que les interventions effectuées apportent la preuve, exigée la Cour de cassation, de « l’irréversibilité du changement de l’apparence » ? L’intervention de féminisation cervicale, réduction de la pomme d’Adam, serait réversible ? Faut-il rappeler que la « pomme » dont il s’agit de relève pas du « règne végétal », et qu’en conséquence elle ne « repoussera » pas… ! Le recours à la chirurgie ou la microchirurgie des cordes vocales, la plastie modelante de la mandibule, la rhinoplastie, la septoplastie serait-elle réversibles ?

Il ressort, donc, de l’analyse menée par les juges du fond que « l’irréversibilité de la transformation de l’apparence » ne peut être obtenue par le recours à la chirurgie esthétique, qui pourtant est une chirurgie… de la modification de l’apparence ! On ne peut que s’étonner de la position adoptée par le TGI lorsqu’on lit, par exemple, le dictionnaire de l’Académie nationale de médecine. Le terme « transsexualisme » est ainsi défini : « Condition d’hommes comme de femmes, sans anomalies biologiques constantes connues, qui ont le sentiment intense et pénible de ne pas être de leur sexe de naissance mais d’appartenir au sexe opposé ; les transformations corporelles qu’ils demandent en conséquence aux chirurgiens plasticiens et aux endocrinologues portent sur les signes sexuels primaires et secondaires et ont, pour les transsexuels, valeur de rectification. Aucun délire de type schizophrénique n’est détectable (P. H. Castel) »43.

La question mérite d’être posée de savoir si, comme l’affirment les magistrats, les interventions relèvent de la chirurgie esthétique. Dans son approche, en effet, le tribunal a pris soin de rappeler que le transsexualisme demeure une problématique « inscrite dans la classification internationale des maladie ». Un raisonnement ad absurdum pourrait être proposé. Si la qualification de « maladie » est acceptée, alors lorsqu’un « diagnostic » est posé, on peut suggérer que les interventions médico-chirurgicales pratiquées relèvent non pas de la chirurgie esthétique, mais bien de la chirurgie réparatrice. La prise en charge dans le cadre d’une ALD conduit aussi à cette analyse.

Mais en l’espèce la personne ne s’est pas soumise aux seules interventions chirurgicales évoquées. Elle est, en outre, suivie par un médecin endocrinologue qui atteste que sa patiente « prend un traitement féminisant depuis mars 2012, qui a permis une modification de son apparence et cela de façon non réversible » ! Non réversible peut-il signifier « irréversible » ? Le dictionnaire de l’Académie française nous renseigne utilement : « Qui n’est pas réversible, qui ne peut s’inverser, se reproduire en sens inverse »44. Pourtant les magistrats n’en jugent pas ainsi, pour eux, « le seul certificat médical du Dr (…) qui est le prescripteur du traitement hormonal, ne peut servir de preuve du caractère irréversible de la transformation de (…) en une personne de sexe féminin, d’autant plus que sa patiente a aujourd’hui 28 ans et n’est traitée que depuis 4 ans (mars 2012), ce qui est une période particulièrement courte pour apprécier les effets irréversibles du traitement hormonal sur le plan médical ». Faute d’avoir pu proposer, « en l’état de la non opposition du procureur de la République à la demande », « une mesure d’expertise qui aurait peut-être permis de faire objectivement le point sur le caractère irréversible du traitement hormonal », les juges du siège rejettent l’attestation de l’endocrinologue et se permettent de formuler des affirmations d’ordre médical.

Dans leur argumentaire pourtant, les juges commettent un lapsus ô combien révélateur. Ils rejettent comme non probant le certificat du spécialiste en endocrinologie. Ils réfutent « transformation de (…) en une personne de sexe féminin ». Dans la même phrase cependant ils qualifient la demanderesse en utilisation la formule « sa patiente » et non « son patient ». L’emploi de la désinence féminine, sous la plume des juges, est révélatrice d’une réelle incohérence : cette « patiente » n’est pas « une personne de sexe féminin » ! Les méandres du raisonnement prétoriens sont ici insondables.

Un constat doit être dressé. Le TGI ne se satisfait pas de la preuve de « l’irréversibilité de la modification de l’apparence », comme la jurisprudence de la Cour de cassation semble l’y inviter, il exige davantage.

Que faut-il donc pour que puisse être acceptée la demande de changement de la mention du sexe à l’état civil45 ?

Sur la forme, la position implicite du TGI semble perceptible. En dépit du caractère précis et concordant des multiples éléments médicaux et non médicaux, la juridiction les rejettent tous sous divers prétextes, dont certains peinent à masquer la mauvaise foi sous-jacente. Rejet des interventions de chirurgie esthétique, rejet du certificat de non réversibilité de l’hormonothérapie, etc. Comme la cour d’appel de Montpellier dans une précédente affaire46, et à l’instar de la Cour de cassation dans ses arrêts de 201247 et de 201348, il semble bien qu’aucun document ne soit en mesure de convaincre certains magistrats qui ne peuvent envisager de faire droit aux demandes de modification de la mention de sexe que si la personne se soumet à une expertise judiciaire. Pourtant une circulaire du 14 mai 201049 « (…) laissait entrevoir un assouplissement dans les conditions de recevabilité de la demande de changement d’état civil »50. La Chancellerie, en effet, pointait du doigt l’insécurité juridique produite « par l’absence de cohésions des juridictions, tant au regard de l’exigence de « réassignation », qu’à l’égard du recours à l’expertise »51.

Il apparaît cependant que cette circulaire recevra un accueil très variable devant les juridictions, pour la cour de Montpellier, par exemple, « la réalité du syndrome transsexuel ne peut être établie que par une expertise judiciaire. Cette interprétation ne peut être modifiée par une circulaire. C’est donc à bon droit que les premiers juges ont ordonné une expertise et, sur le refus de l’intéressée de s’y soumettre, ont rejeté sa demande »52. Rappelons que de telles expertises « (…) sont particulièrement invasives tant sur le plan de l’intimité psychique que sur le plan de l’intégrité physique. Lorsqu’elles sont menées il conviendrait de s’assurer que des principes de base du droit des patients soient respectés. Le respect du secret des informations concernant la personne, notamment, conduit à s’interroger sur la pratique révélée « d’enquêtes » auprès de l’entourage familial, amical, professionnel… »53.

Sur le fond, on ne peut légitimement s’interroger sur les exigences prétoriennes pour attester de l’irréversibilité. Il apparaît, tout d’abord évident, que la preuve de « l’irréversibilité de la modification de l’apparence », posée par la haute juridiction54 n’est qu’un leurre ! Ceci est confirmé lorsque l’on analyse les actes médicaux et chirurgicaux réalisés et dont la réversibilité est impossible. Ainsi dans une des affaires jugées par la Cour de cassation en 2012 la personne « avait subi une mastectomie55 totale avec greffe des aréoles et suivait un traitement hormonal ». Nous rappelions « que le sens des suffixes tomie56 voire ectomie57, semble suffisamment explicite sur le caractère irréversible de certains actes réalisés (…) »58. Dans l’affaire ici étudiée nous avons vu que le TGI considère expressément toutes les opérations pratiquées qui « entrent dans la catégorie de la « chirurgie esthétique », (…) et ne justifient donc en aucun cas du « caractère irréversible de la transformation de l’apparence » dans le cadre d’un changement de sexe à l’état civil » ! Le TGI rejette aussi la modification de l’apparence, provoquée par l’hormonothérapie et attestée par un endocrinologue !

Quelle est alors l’exigence posée ?

La réponse nous est fournie par les juges montpelliérains. Implicitement, tout d’abord, lorsqu’ils soulignent que la personne « ne souhaite pas s’engager dans une chirurgie de réattribution sexuelle » ! Rappelons que le refus de « soin » est un droit fondamental de tout patient59. Renouvelons ici un raisonnement ad absurdum. Si, comme semble le penser le TGI60, le transsexualisme est une « maladie », le refus de l’acte de « réassignation sexuelle » conduit-il à remettre en cause le « diagnostic » de « syndrome transsexuel » et donc à priver la personne des conséquences juridiques liées à son « état » ? Si on ose transposer cette proposition à d’autres situations, incontestablement pathologiques, l’absurdité du raisonnement est évidente : le refus d’une tumorectomie ou/et une chimiothérapie remet-il en cause le diagnostic de cancer, le refus d’une dialyse remet-il en cause l’insuffisance rénale ? !

Plus explicitement, le raisonnement du TGI affleure dans son approche de l’hormonothérapie : « le traitement hormonal, (…) peut entraîner le caractère irréversible de la transformation exigé par la jurisprudence, lorsqu’il entraîne une impossibilité définitive de procréer dans son sexe d’origine » !

Sous la plume des magistrats du siège les choses apparaissent dès lors clairement, l’irréversibilité nécessite la preuve que la personne est définitivement inapte à la reproduction ! Là encore le recours au dictionnaire de l’Académie nationale de médecine est précieux, l’inaptitude à la reproduction porte un nom : « stérilisation »61 ! On doit donc constater que « Les personnes qui veulent changer juridiquement de genre le payeront donc de leur fécondité. Cette solution eugénique n’honore pas le droit français »62. On rappellera avec M. Hammarberg : que « Le fait d’exiger comme préalable à la reconnaissance officielle du genre la stérilisation ou tout autre opération chirurgicale, c’est oublier que les personnes transgenres ne souhaitent pas toutes subir de telles interventions »63.

L’exigence posée doit alors confrontée aux stipulations de l’article 8-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». L’exigence d’une « impossibilité définitive de procréer » semble bien heurter frontalement le droit de la personne au respect de sa vie privée et familiale.

La position adoptée par la jurisprudence pose donc bien des interrogations au regard du respect des droits des patients et plus encore à la lumière du droit européen des droits de l’Homme. Une évolution à l’initiative de la jurisprudence interne semble peu probable, « si le droit doit être réformé, il semble qu’il faille attendre une décision de la CEDH ou, peut-être de manière moins incertaine, une évolution légiférée64 »65.

III – L’intervention attendue du législateur

Comme le constatait récemment le garde des Sceaux, « ce sujet important ne fait l’objet d’aucun texte dédié. C’est la Cour de cassation qui a défini le changement de sexe, lequel est conditionné à la démonstration de son caractère irréversible (…) Bien qu’une circulaire de la Chancellerie ait cherché à préciser cette jurisprudence, son application reste très variable selon les juridictions. L’amendement vise donc un objectif légitime, celui de mettre fin à une insécurité juridique »66.

Mme Lambert-Garrel soulignait que « Face à ces questions, la loi française est pourtant restée délibérément silencieuse. Le sénateur Henri Caillavet avait toutefois présenté deux propositions de loi en 1981 et 1982 qui ont été respectivement rejetées. L’objectif visé était d’autoriser les traitements chirurgicaux pour les personnes présentant un syndrome du transsexualisme afin de leur reconnaître la faculté de changer juridiquement de sexe sur les registre d’état civil. (…) À l’inverse, en 1985, un rapport intitulé : « Le transsexualisme, étude nosographique et médico-légale », de J. Breton, Charles Frohwith et Serge Pottiez recommandait de ne pas légiférer pour éviter que ces revendications ne se propagent. En 1989, le Conseil d’État dans son rapport Braibant, du nom du président de la section, abordant la question du transsexualisme, prônait également la méfiance. Néanmoins, il encourageait à demi-mots la mise en place d’une série de mesures favorables au changement de sexe dès lors qu’il était médicalement et socialement justifié »67.

Si les premières demandes d’intervention du législateur étaient axées sur l’autorisation du recours à la chirurgie pour les personnes transsexuelles, on verra que les sollicitations sont aujourd’hui orientées de manière inverse. Elles conduisent davantage à demander que le législateur intervienne pour permettre la modification de la mention de sexe à l’état civil sans que soit imposé les parcours médico-chirurgicaux de « réassignation/stérilisation ». Il est aussi revendiqué une plus large place à « l’autodétermination » des personnes et une « déjudiciarisation » des procédures de changement de la mention du sexe à l’état civil. Certains y sont farouchement opposés : « La revendication présentée au législateur serait d’abandonner ces conditions pour faire du sexe un élément soumis à la pure autonomie de la volonté, ce qui permettrait à tout un chacun d’afficher le sexe qu’il désire et d’en changer quand il veut. La logique voudrait alors que la mention du sexe disparût de l’état civil, celui-ci n’étant pas destiné à rendre compte de nos pulsions quotidiennes (au moins pour l’instant) et l’on pourrait ainsi satisfaire tout un courant qui voudrait réduire l’état civil au minimum. Mais, pour aller en si bon chemin, et reprendre une boutade que l’on doit à Jean Carbonnier, il faudrait aussi en rayer la date de naissance puisque l’âge, comme le sexe, ne serait pas celui qui est mais celui qu’on ressent ou prétend ressentir »68.

En 2012, Mme Paricard s’interrogeait : « Transsexualisme : À quand une loi ? »69.

Comme le remarquait Mme Larribau-Terneyre, « Le législateur français jusqu’à présent n’a pas voulu intervenir et déjà en 1989, le rapport Braibant, portant avant-projet de loi sur les sciences de la vie et les droits de l’Homme, préconisait de ne pas légiférer sur la question. Le législateur abandonne depuis lors la question à la jurisprudence, ce qui donne les errements que l’on a soulignés. La Haute autorité de santé en 2009 a pointé les imperfections du système français et énoncé qu’il semblait opportun de reprendre le dispositif français actuel.

Il est peut-être temps d’intervenir, alors par ailleurs que de nombreux pays européens ont fait ce choix de légiférer.

Après l’Allemagne, la Hollande, la Suède, l’Italie la Turquie, l’Espagne s’est dotée d’une une loi le 15 mars 2007 (BEE 16 mars 2007) et la Belgique également, en 200770. Le Royaume-Uni l’avait fait en 200471 précisément au regard de l’incapacité du juge à fournir de façon cohérente et globale les questions posées.

De façon générale, les lois envisagent la question du transsexualisme de façon globale, et ont pour objectif de faciliter le changement de sexes et d’affirmer les droits de la personne, attachés au nouveau sexe juridique. Mais le consensus n’existe pas pour autant entre les différentes législations et notamment concernant la question du mariage antérieur, dont l’absence reste parfois une condition du changement de sexe (Argentine par exemple).

Dans la mesure où la Cour de cassation ne remplit pas sa fonction unificatrice, où le Conseil constitutionnel en l’absence de toute disposition législative à lui soumettre ne sera sans doute pas rapidement saisi d’une QPC et où la Cour européenne reste en retrait, une loi, en France serait utile »72.

Les enseignements tirés du droit comparé73 peuvent se révéler intéressants si une évolution légiférée du droit français est envisagée. Des initiatives parlementaires peuvent au demeurant être notées74, mais elles n’avaient pas à ce jour convaincu la représentation nationale. Un texte législatif semble cependant nécessaire lorsque l’on connaît le sort réservé par la jurisprudence aux initiatives règlementaires, celui de la circulaire de 20175 étant particulièrement révélateur.

Le 27 juin 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) rendait un « Avis sur l’identité de genre et sur le changement de la mention de sexe à l’état civil »76. Elle estimait « nécessaire une refonte de la législation française concernant l’identité de genre et le processus de changement de sexe à l’état civil » 77. Elle soulignait « Les problèmes posés par la jurisprudence (…) En ce qui concerne le changement de la mention de sexe à l’état civil, le droit français se caractérise par l’absence de toute disposition législative ou règlementaire. Le système repose en son entier sur une construction jurisprudentielle, ce qui contribue à rendre la situation des personnes transidentitaires souhaitant obtenir une modification de leur état civil particulièrement précaire et difficile. (…) La situation des personnes transidentitaires se caractérise ainsi par une grande inégalité en fonction des juridictions où sont déposées les requêtes et, partant, par une grande insécurité juridique. Cette situation était déjà dénoncée par la circulaire du 14 mai 2010 comme discriminatoire »78.

Dès lors elle appelait de ses vœux « (…) la suppression des conditions médicales et recommande(ait) une déjudiciarisation partielle de la procédure de changement de sexe à l’état civil »79 et que soit mis un terme « (…) à toute demande de réassignation sexuelle, que celle-ci passe par un traitement hormonal entraînant la stérilité, ou qu’elle signifie le recours à des opérations chirurgicales »80.

La voie préconisée était celle « (…) d’une déjudiciarisation partielle de la procédure apparaît donc la mieux à même de garantir une procédure rapide et respectueuse des droits des personnes transidentitaires. La procédure se ferait ainsi en deux temps : elle consisterait d’abord en une déclaration auprès d’un officier d’état civil, avec production d’au moins deux témoignages attestant de la bonne foi du requérant, la qualité́ de ces témoignages devant faire l’objet d’une attention particulière. Ainsi, ils ne devront pas émaner de personnes ayant un lien d’alliance, de parenté ou de subordination avec le requérant. Cette première démarche devrait ensuite être contrôlée et validée par un juge du siège grâce à une procédure d’homologation. La législation encadrant le changement de sexe à l’état civil devrait alors spécifier deux éléments : d’une part, les délais dans lesquels l’homologation doivent avoir lieu, afin de garantir la rapidité de la procédure ; d’autre part, les motifs pour lesquels le juge est en mesure de refuser l’homologation pour ce genre de requête, ces motifs devant être explicitement limités au caractère manifestement frauduleux de la demande et au manque de discernement du requérant »81.

Étonnamment, le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle82 n’abordait pas la question de la modification de la mention du sexe à l’état civil. C’est donc à l’initiative de parlementaires qu’un amendement fut déposé à l’Assemblée nationale83.

Cet amendement envisageait la création d’une nouvelle section au sein du chapitre 2 du titre premier du livre premier du Code civil84. La procédure de changement de la mention de sexe était confiée à la compétence du procureur de la République : « Il repose sur l’autodétermination du demandeur, qui invite le procureur de la République compétent à « constater » qu’il « se présente et est connu » dans un sexe ne correspondant pas à celui qui est inscrit à l’état civil.

Le demandeur produit à l’appui de sa demande les documents de son choix permettant d’établir ce constat, sans qu’aucune condition médicale ne soit exigible ni suffisante à rejeter la demande. Le procureur de la République ordonne sous trois mois la modification de l’état civil. Une procédure de saisine du TGI est prévue dans les seuls cas où le procureur motive un doute sérieux sur la sincérité des documents produits »85. On sait que des voix s’élèvent régulièrement contre la place faite à « autodétermination » prônée dans l’amendement86.

Au cours de la discussion devant l’Assemblée nationale, le garde des Sceaux, poursuivant « un objectif de sécurité juridique essentiel, tout en maintenant un cadre suffisant pour garantir le respect de l’immutabilité de l’état des personnes atteintes, qui est disproportionné », défendra le retour à la compétence du TGI en la matière : « En raison de l’importance de ce dernier principe87, le Gouvernement propose un deuxième sous-amendement, n° 401, destiné à maintenir la compétence du tribunal de grande instance, celle du droit commun, qui s’exerce pour toutes les demandes de modification de l’état civil portées en justice. Il n’y a pas de raison qu’une action en matière de filiation doive être portée devant le tribunal, alors qu’une action aux fins de faire modifier la mention de son sexe à l’état civil ne le doive pas »88.

Il ajoute : « Le changement d’état ne doit pas reposer sur une simple déclaration des intéressés. Il faut que la personne puisse démontrer qu’elle considère appartenir de manière sincère et continue au sexe opposé à celui mentionné sur son état civil. Le regard social, qui fait porter à une personne son appartenance à l’un ou l’autre sexe ne peut en effet suffire. Il s’agit d’abord du ressenti personnel de celui ou celle qui souhaite ce changement.

Dans le cas contraire, une personne simplement travestie, par exemple pour l’exercice de sa profession, mais sans intention réelle de changement de sexe, pourrait accéder à ce dispositif. Cela n’est évidemment l’intention ni des défenseurs de l’amendement ni du Gouvernement »89.

En dépit de ce recul sur le plan « procédural », le garde des Sceaux souhaite que le cadre législatif s’inscrive en rupture avec la jurisprudence : « parmi les éléments devant entrer en compte, le fait de ne pas avoir subi d’opération chirurgicale ni de stérilisation ne peut faire à lui seul échec à la demande, ce qui permettra de mettre fin à la principale divergence de la jurisprudence (…) au contraire, si les jurisprudences deviennent constantes, et ne peuvent plus s’opposer au rejet du seul fait de l’absence d’opération chirurgicale, maintenir une présence du tribunal apparaît comme une garantie d’une bonne prise en compte de chacun des intérêts fondamentaux qui sont en jeu »90.

On peut dès lors constater que la question de la mention de sexe à l’état civil s’inscrirait dans la notion de possession d’état91 : « Le premier sous-amendement, n° 400, a trait à la justification de la possession d’état de l’autre sexe et aux preuves destinées à son établissement. Le changement d’état ne doit pas reposer sur une simple déclaration des intéressés. Il faut que la personne puisse démontrer qu’elle considère appartenir de manière sincère et continue au sexe opposé à celui mentionné sur son état civil. Le regard social, qui fait porter à une personne son appartenance à l’un ou l’autre sexe ne peut en effet suffire. Il s’agit d’abord du ressenti personnel de celui ou celle qui souhaite ce changement. (…) La réunion d’une série de faits, énumérés à titre indicatif, permet d’établir cet état, selon la méthode du faisceau d’indices. Ces faits peuvent être très divers. Quatre d’entre eux ont été mentionnés à titre principal : se présenter publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ; être connu de son entourage comme tel ; avoir obtenu un changement de prénom ; avoir suivi des traitements médicaux de manière à modifier l’apparence physique du sexe revendiqué. La liste, chacun le comprendra, n’est pas exhaustive (…) La preuve de ces faits, dont la réunion de plusieurs d’entre eux permettra d’établir la possession d’état de l’autre sexe, est en revanche libre. La méthode du faisceau d’indices reste particulièrement adaptée à la multiplicité des situations individuelles. Il est par ailleurs indiqué que, parmi les éléments devant entrer en compte, le fait de ne pas avoir subi d’opération chirurgicale ni de stérilisation ne peut faire à lui seul échec à la demande, ce qui permettra de mettre fin à la principale divergence de la jurisprudence »92.

Le texte adopté le 24 mai 201693 est soumis à une commission mixte paritaire « chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle »94.

La « petite loi » adoptée en première lecture précise qu’« après la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du Code civil, est insérée une section 2 bis ainsi rédigée : Section 2 bis De la modification de la mention du sexe à l’état civil »95.

Les articles « futurs » du Code civil sont ainsi rédigés :

  • « Art. 61-5. – Toute personne majeure qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe à l’état civil ne correspond pas à celui auquel elle appartient de manière sincère et continue peut en obtenir la modification.

Les principaux de ces faits, dont la preuve peut être rapportée par tous moyens, sont :

1°) Qu’elle se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ;

2°) Qu’elle est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel ;

3°) Qu’elle a obtenu le changement de son prénom afin qu’il corresponde au sexe revendiqué ;

4°) Qu’elle a l’apparence physique du sexe revendiqué par l’effet d’un ou de plusieurs traitements médicaux.

  • Art. 61-6. – Le tribunal de grande instance est saisi par écrit.

Le demandeur fait état de son consentement libre et éclairé à la modification de la mention relative à son sexe à l’état civil et produit tous éléments de preuve au soutien de sa demande.

Le seul fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut suffire à motiver le refus de faire droit à la demande.

Le tribunal constate que le demandeur remplit les conditions fixées à l’article 61-5 et ordonne sous trois mois la modification de la mention relative au sexe ainsi que, le cas échéant, des prénoms, à l’état civil.

  • Art. 61-7. – Mention des décisions de modification de sexe et de prénoms est portée en marge des actes de l’état civil de l’intéressé.

Par dérogation à l’article 61-4, les modifications de prénoms corrélatives à une décision de modification de sexe ne sont portées en marge des actes de l’état civil des conjoints et enfants qu’avec le consentement des intéressés ou de leurs représentants légaux.

Les articles 100 et 101 sont applicables aux modifications de sexe.

  • Art. 61-8. – La modification de la mention du sexe à l’état civil est sans effet sur les obligations contractées à l’égard de tiers ni sur les filiations établies avant cette modification ».

Le texte est donc en retrait par rapport à l’amendement déposé par les parlementaires, puisqu’il demeure ancré une logique de judiciarisation de la demande et dans la nécessité pour la personne d’établir la preuve qu’elle présente « l’apparence physique du sexe revendiqué par l’effet d’un ou de plusieurs traitements médicaux ». La médicalisation de la démarche transidentitaire deviendrait donc une exigence légale ! Assurément l’avancée demeure notable par rapport aux exigences de la jurisprudence. La « possession d’état de l’autre sexe » sera certes soumise à l’appréciation des magistrats, mais le cadre posé sera désormais précis, le Code civil précisant, notamment, que « Le seul fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut suffire à motiver le refus de faire droit à la demande ». La combinaison des exigences légales pourrait s’avérer assez complexe. Parmi les « principaux faits » contribuant à réunir un faisceau d’indices96 permettant d’établir la possession d’état de l’autre sexe figure bien « l’apparence physique du sexe revendiqué par l’effet d’un ou de plusieurs traitements médicaux ». Mais l’article suivant précise, nous l’avons vu, que « Le seul fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut suffire à motiver le refus de faire droit à la demande »97. On peut, donc, émettre l’idée que les éléments prévus à l’article 61-5 ne sont pas cumulatifs, ils sont cependant qualifiés de « principaux ». Soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond « Les principaux de ces faits » laissent augurer d’un possible maintien des inégalités, selon la juridiction territorialement compétente.

On le voit, les préconisations de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme n’ont pas été entendues. Elle souhaitait, rappelons-le, « (…) la suppression des conditions médicales et recommande(ait) une déjudiciarisation partielle de la procédure de changement de sexe à l’état civil »98.

Le 6 juin 2016, la CNCDH a d’ailleurs publié un communiqué de presse « Pour une procédure rapide et accessible de modification du genre à l’état civil »99. Dans ce texte concis, paru « à la veille du débat en commission paritaire mixte du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle », elle « exprime de vives inquiétudes sur les dispositions qui encadrent les modalités de modification de la mention du sexe à l’état civil »100.

Elle réaffirme deux impératifs :

  • « une démédicalisation complète de la procédure (…). Or dans leur rédaction actuelle, certaines dispositions sont sujettes à une divergence d’interprétation. Aussi la Commission appelle-t-elle le législateur à lever toute ambiguïté afin qu’il n’y ait aucune médicalisation de la procédure ;

  • une déjudiciarisation partielle de la procédure : la CNCDH n’est pas favorable à une saisine par écrit du tribunal de grande instance, telle que prévue par le nouvel article 61-1 du Code civil. La Commission réitère sa recommandation de 2013, appelant à une procédure en deux temps, plus simple et plus respectueuse des personnes transidentitaires : une déclaration auprès d’un officier de l’état civil, qui fait l’objet dans un second temps à une homologation par un juge du siège qui contrôlera les éléments apportés par le demandeur » ;

Les travaux de la commission mixte paritaire n’ayant pas abouti, la navette parlementaire reprend ses droits. La voix de la commission nationale consultative des droits de l’Homme sera-t-elle entendue ?

Notes de bas de pages

  • 1.
    Mme Paricard qualifie même la position de la Cour de cassation de « rétrograde » : Paricard S., « Transsexualisme : la Cour de cassation sonnerait-elle le glas de la libéralisation ? », RDSS 2012 p. 880.
  • 2.
    « Nam quae femina nuper eras, puer es », « En effet, toi naguère fille, tu es un garçon ! », Ovide, Les métamorphoses, Bibliotheca Classica Selecta, http://bcs.fltr.ucl.ac.be/metam/met09/m09-666-797.htm ; V. Vialla F., « Iphis ou Atalante », in Regards croisés sur le genre, Les assises du corps transformé, 2010, LEH, p. 213 et s. www.bnds.fr.
  • 3.
    Lascaratos et Perentidis D., « Deux cas chirurgical de sexe au IIe siècle avant notre ère : approche historique », in Regards croisés sur le genre, op. cit., p. 25 et s. www.bnds.fr.
  • 4.
    Il n’en est pas toujours de même, V. Hérault L., « De la transition transsexuelle aux rites transgenres amérindiens », in Regards croisés sur le genre, op. cit., p. 47 et s., www.bnds.fr.
  • 5.
    Badinter E., Fausse route, 2003, Odile Jacob, p. 196 ; Vialla F., Du sexe au genre, JCP G 2012, 122, p. 230 ; sur la persistance de l’approche binaire des sexes v. CA Orléans, 22 mars 2016, n° 15/03281 : JCP G 2016, 492, note Vialla F. ; JCP G 2016, 1020, obs. Joseph-Parmentier M., LPA 2 mai 2016, n° 87, p. 9, note Péron M. ; D. 2016, p. 904, chron. Moron-Puech B.
  • 6.
    Vialla F., « Transsexualisme : l’irréversibilité en question », D. 2012, p. 1648
  • 7.
    Galloux J.-C., « Le corps humain dans le Code civil, in 1804-2004, Le Code civil, un passé, un présent, un avenir », D. 2004, p. 381.
  • 8.
    Rassat M.-L., Sexe, médecine et droit, in Mélanges offerts à Pierre Raynaud, 1985, Dalloz, p. 655 ; Py B., Le sexe et le droit, 1999, PUF, Que sais-je ; Branlard J.-P., Le sexe et l’état des personnes, 1993, LGDJ, n° 1353 ; Reigné P., Sexe genre et état des personnes, JCP G 2011, 1140.
  • 9.
    On peine parfois à distinguer sexe et genre : v. Reigné P., « Sexe, genre et état des personnes », JCP G 2010, 1140 ; Gobert M., « Le transsexualisme ou de la difficulté d’exister », JCP G 1990, I, 3475, n° 19 ; Vialla F., « Transsexualisme : l’irréversibilité en question », D. 2012, p. 1648 ; Lambert-Garrel L., Le transsexualisme en droit interne français, in Regards croisés sur le genre, op. cit., p. 177 et s. ; Borrillo D., Le droit des sexualités, 2009, PUF, les voies du droit ; Caballero F., Droit du sexe, 2010, LGDJ.
  • 10.
    Branlard J-P., Le sexe et l’état des personnes, 1993, LGDJ, not. nos 1173 et s. ; Groupe d’études du droit médical, Actes de la réunion du 17 juin 1983, Droit et éthique médicale, vol. 1, « Le transsexualisme », 1984, Masson ; Mémeteau G., « Transsexualisme et débat de société », Médecine et Droit 2007, p. 141–8 ; Gobert M., « Le transsexualisme, fin ou commencement ? », JCP G 1988, I, 4461, du même auteur, « Le transsexualisme ou la difficulté d’exister », JCP G 1990, I, 3475 ; Mascret C., « Les aspects juridiques liés à la prise en charge du transsexualisme en France », RDSS 2008 p. 497 ; Hauser J., « Transsexualisme : changer à quelles conditions ? », RTD civ. 2008, p. 271, Hauser J., « Transsexualisme et discrimination : la saga nationale et internationale de la trans-identité », RTD civ. 2009, p. 693 et 694 ; Fortier C. et Brunet L., « Changement d’état civil des personnes “trans” en France : du transsexualisme à la transidentité », in Droit des familles, genre et sexualité, 2012, Anthémis, p. 63, spéc. p. 85 ; Fortier C., « La question du transsexualisme en France », in Corps et patrimoine, Les cahiers du droit de la santé n° 18, Nicolas G. (dir.), p. 269 et s. dans le même ouvrage, Vialla F., « Les troubles du droit confronté au corps : la question de la transidentité », p. 283 et s. ; « Dossier Transsexualisme et droit de la famille », Larribau-Teyrneyre V. (dir.), Dr. famille mai 2013 ; Schneider H., « La prise en charge de la transidentité, coll. Mémoire numériques de la BNDS », janv. 2013, www.bnds.fr.
  • 11.
    Vialla F., Le droit français sous influence ? À propos des questions soulevées par la transidentité, in La mondialisation du droit de la santé, Bélanger M. (dir.) , 2011, LEH, p. 151 et s., www.bnds.fr.
  • 12.
    CEDH, 25 mars 1992, N° 13343/87, B. c/ France : D. 1993, jur. p. 101, note Marguénaud J.-P.  ; JCP G 1992, II, 21955, note Garé T. ; RTD civ. 1992, p. 540, obs. Hauser J. ; Vialla F., Les Grandes décisions du droit Médical, 2e éd, 2014, LGDJ. Bergoignan-Esper C. et Sargos P., « Transsexualisme et Transidentité », in Les grands arrêts du droit de la santé, 2016, Dalloz, p. 139 et s. et p. 638 à 639.
  • 13.
    TGI Montpellier, 24 mars 2016, n° 15/03425 : Vialla F., RDS 2016, n° 72, p. 584-588, www.bnds.fr.
  • 14.
    Sur cette « pathologisation » les controverses sont nombreuses ; V. Rubellin-Devichi J., in : Le transsexualisme, Groupe d’études du droit médical, op. cit., p. 17 : « des exposés effectués par les spécialistes, se dégage une seule certitude : le transsexualisme est une maladie ou plus exactement un syndrome car on en connaît pas les causes, et une leçon d’humilité : la science actuelle demeure impuissante à guérir le transsexuel » ; Principes sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre ; www.yogyakartaprinciples.org, p. 24 : « en dépit de toute classification allant dans le sens contraire, l’orientation sexuelle et l’identité de genre d’une personne ne sont pas en soi des maladies et ne doivent pas être traitées, soignées ou supprimées ».
  • 15.
    Pour une définition V. http://dictionnaire.academie-medecine.fr V° syndrome.
  • 16.
    Pour une définition V. http://dictionnaire.academie-medecine.fr V° dysphorie.
  • 17.
    V. http://dictionnaire.academie-medecine.fr : dysphorie de genre.
  • 18.
    V. Hammarberg T., doc. de synthèse 2009, Droits de l’homme et identité de genre, https://wcd.coe.int.
  • 19.
    D. n° 2010-125, 8 févr. 2010 ; Revue droit et santé 2010, n° 35, Transition. 210, www.bnds.fr.
  • 20.
    Vialla F., « Transsexualisme : l’irréversibilité en question », D. 2012, p. 1648.
  • 21.
    V. supra note 12.
  • 22.
    Cass. ass. plén., 11 déc. 1992, nos 91-11900 et 91-12373 : JCP G 1993, II, 21991, concl. Jéol M., note Mémeteau G. ; Gaz. Pal. 1993, 1, p. 180, concl. Jéol M. ; RTD civ. 1993, p. 325, obs. Hauser J. ; Vialla F., Les Grandes décisions du droit Médical, op. cit., p. 139 et s ; Déjà dans son arrêt de 1975 la haute juridiction ancrait sa décision dans le principe d’indisponibilité : Cass. 1re civ., 16 déc. 1975, n° 73-10615 : Bull. civ. I, n° 374, p. 312 ; Bull. civ. I, n° 376, p. 313 ; D. 1976, p. 397, 2e esp., note Lindon R. ; JCP G 1976, II, 18503, note Penneau J.
  • 23.
    Cass. 1re civ., 13 févr. 2013, n° 11-14515 : Reigné P., « Changement d’état civil des personnes transidentitaires : l’injuste équilibre », JCP G 2013, 227 ; Pouliquen E., Lamy Droit civil, avr. 2013, p. 42 et 43 ; Coppart I., RPJF avr. 2013, p. 22 et 23 ; Gallmeister I., D. 2013, p. 499 ; Vialla F., « Transidentité : retour à la case 1992 ? (suite) », RDS 2013, n° 53, p. 363, www.bnds.fr, Vialla F., « La transidentité : une jurisprudence en “équilibre instable” », Médecine et Droit 2013, n° 121, p. 105–111, http://dx.doi.org/10.1016/j.meddro.2013.05.001.
  • 24.
    http://atilf.atilf.fr/academie9.htm ; V. aussi l’approche du Centre national de ressources textuelles et lexicales : http://www.cnrtl.fr/definition/intangible : « Que l’on ne doit (ou ne peut) pas changer, modifier ; auquel on ne doit pas porter atteinte. Synon. immuable, inviolable ».
  • 25.
    Cabrillac R. (dir.), Dictionnaire du vocabulaire juridique, 7e. éd., 2016, LexisNexis.
  • 26.
    Guinchard S. et Debard T. (dir.), Lexique des termes juridiques, 23e éd., 2016, Dalloz.
  • 27.
    Pour l’Académie française, http://atilf.atilf.fr/academie9.htm, les deux termes renvoient à « immuable » : « Qui n’est pas sujet au changement ».
  • 28.
    Urvoas J.-J., garde des Sceaux, Assemblée nationale, deuxième séance du jeudi 19 mai 2016, Modernisation de la justice du XXIe siècle, article 18 quater, http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-2016/20160192.asp#P787824.
  • 29.
    Lambert-Garrel L., in Regards croisés sur le genre, op. cit., p. 178.
  • 30.
    Vialla F., « L’irréversibilité en question », D. 2012, p. 1648 et Les Grandes décisions du droit Médical, op. cit., p. 162.
  • 31.
    Cass. ass. plén., 11 déc. 1992, nos 91-11900 et 91-12373, préc.
  • 32.
    Hauser J., « Un sexe évolutif ? Du transsexualisme, du trans-genre et des prénoms », RTD civ. 2010, p. 759, du même auteur. V. aussi : « transsexualisme : changer à quelles conditions ? », obs. sur CA Reims, 10 mai 2007 ; JCP G 2008, IV, 1495 ; RTD civ. 2008, p. 271.
  • 33.
    V. Vialla F., D. 2012, p. 1648.
  • 34.
    Avis sur l’identité de genre et sur le changement de la mention de sexe à l’état civil en date du 27 mai 2013, http://www.cncdh.fr/fr/publications/avis-sur-lidentite-de-genre-et-sur-le-changement-de-la-mention-de-sexe-letat-civil.
  • 35.
    V. not. recomm. n° 1117 (1989) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ; Reigné P., « La reconnaissance de l’identité de genre divise la jurisprudence » ; JCP G 2011, 480 ; Vialla F., Le droit français sous influence ?, op. cit., p. 151 et s.
  • 36.
    HAS, « Situation actuelle et perspectives d’évolution de la prise en charge médicale du transsexualisme en France », nov. 2009, p. 47 ; http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2009- 12/rapport_transsexualisme.pdf.
  • 37.
    « Certains spécialistes parlent de transsexualisme irréversible à partir de la mise en place de l’hormonothérapie de dévirilisation/déféminisation, ce traitement gommant certains aspects physiologiques, notamment la fécondité, d’une façon qui peut être irréversible ».
  • 38.
    Vialla F., « L’irréversibilité en question », D. 2012, p. 1648.
  • 39.
    HAS, « Situation actuelle et perspectives d’évolution de la prise en charge médicale du transsexualisme en France », nov. 2009, p. 47.
  • 40.
    Vialla F., D. 2012, p. 1648.
  • 41.
    Cass. 1re civ., 13 févr. 2013, nos 11-14515 et 12-11949, arrêts précités ; Assurément on peut s’interroger sur le sens de la formule et se demander « comment la transformation de « l’apparence » peut être irréversible » : Reigné P., Dr. famille sept. 2012, comm. n° 131 ; Vialla F., D. 2012, p. 1648.
  • 42.
    Cass. 1re civ., 5 févr. 2014, n° 12-29140 : Jourdain P., RDSS 2014, p. 1236 ; Porchy-Simon S., D. 2014, p. 697 ; Hoquet-Berg S., RCA 2104, comm. n° 166 ; Chéreau C. et Lacoeuilhe G., RGDM 2014, n° 52, p. 57 et 64 ; Vialla F., RDS 2014, n° 59, p. 1236 et 1237, www.bnds.fr ; cet arrêt concernait une question de responsabilité ; Afin de « préserver » les deniers de l’ONIAM la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015 interviendra (L. n° 2014-1554, 22 déc. 2014, art. 70) pour atténuer la portée de cet arrêt, CSP, art. L. 1142-3-1 ; V. Brunet N., RDS 2015, n° 64, p. 232 et 236, www.bnds.fr.
  • 43.
    http://dictionnaire.academie-medecine.fr, V° transsexualisme.
  • 44.
    http://atilf.atilf.fr/academie9.htm.
  • 45.
    Lochak D., « Dualité de sexe et dualité de genre dans les normes juridiques : jurisprudence », Rev. critique 2011, spéc. p. 48 : « Quelle est, enfin, l’étendue de la transformation exigée ? S’applique-t-elle à la pilosité de la peau, aux glandes mammaires, aux organes génitaux ou à la physiologie générale, à l’exclusion de la fécondité ? Par ces nombreuses questions se manifeste la critique majeure que l’on peut adresser aux arrêts ci-dessus rapportés : ils se prêtent à toutes les interprétations, livrant les personnes transidentitaires à l’arbitraire des juges du fond ».
  • 46.
    CA Montpellier, 27 sept. 2010, n° 09/08494, cet arrêt frappé de pourvoi est à l’origine de l’une des décisions de la Cour de cassation du 13 février 2013.
  • 47.
    Cass. 1re civ., 7 juin 2012, nos 11-22490 et 10-26947, arrêts précités.
  • 48.
    Cass. 1re civ., 13 févr. 2013, nos 11-14515 et 12-11949, arrêts précités ; Dans chacune des deux affaires, la personne transidentitaire avait opposé un refus de se soumettre à une expertise judiciaire.
  • 49.
    Circ. DACS n° CIV/07/10, 14 mai 2010, NOR:JUSC1012994C ; v. « Droit en transition… suite », RDS 2010, n° 36, p. 379, www.bnds.fr.
  • 50.
    Vialla F., Médecine et droit 2013, N° 121, art. préc.
  • 51.
    Vialla F., Le droit français sous influence, art. préc. ; Circ. DACS n° CIV/07/10, 14 mai 2010, préc.
  • 52.
    CA Montpellier, 27 sept. 2010, n° 09/08494, arrêt préc.
  • 53.
    Vialla F., « Iphis ou Atalante… », in Regards croisés sur le genre, op. cit., p. 244 ; Hammarberg T., doc. de synthèse droits de l’homme et identité de genre, 2009, p. 27, https://wcd.coe.int ; sur la question du recours à l’expertise v. Rép min. n° 65910 : JO, 8 déc. 2009, p. 11633 ; JO, 2 mars 2010, p. 2452 ; Chatel L., porte-parole du Gouvernement ; JO Sénat Q, 19 mai 2010, p. 3402 – Rép min. n° 0832S, Blondin M. : JO Sénat Q, 25 févr. 2010, p. 411 ; JO Sénat, 29 mars 2012, p. 796 – Rép min. n° 21624, Blondin M. : JO Sénat, 22 déc. 2011, p. 3261 ; Vialla F., RDS 2010, n° 35, p. 210 s. ; Hauser J., RTD civ. 2010, p. 759 ; Bruggeman M., Dr. fam. 2010, alerte n° 50.
  • 54.
    Cass. 1re civ., 7 juin 2012, nos 11-22490 et 10-26947, arrêts précités ; Cass. 1re civ., 13 févr. 2013, nos 11-14515 et 12-11949, arrêt préc.
  • 55.
    http://dictionnaire.academie-medecine.fr : mastectomie n.f. mastectomy : « Exérèse chirurgicale de la glande mammaire.Étym. gr. mastos : glande mammaire ; ectomein : enlever ».
  • 56.
    Du grec, tomê – coupe, incision -, de temnein – couper -.
  • 57.
    Du grec, ektemnein – exciser -, composé du préfixe ek, – hors de -, et de temnein – couper – qui en chirurgie indique l’ablation ou l’excision d’un organe : présent, notamment, dans l’acte de mastectomie.
  • 58.
    Vialla F., D. 2012, p. 1648 et « Les troubles du droit confronté au corps : la question de la transidentité », In Corps et Patrimoine, op. cit., p. 283 et 299, www.bnds.fr.
  • 59.
    CSP, art. L. 1111-4.
  • 60.
    Le TGI rappelle que le transsexualisme est inscrit dans la Classification internationale des maladies par l’OMS.
  • 61.
    http://dictionnaire.academie-medecine.fr V° stérilisation.
  • 62.
    Reigné P., « La reconnaissance de l’identité de genre divise la jurisprudence », JCP G 2011, 480.
  • 63.
    Document de synthèse, droits de l’homme et identité de genre, préc., p. 18.
  • 64.
    Paricard S., « Le transsexualisme, à quand la loi ? », Dr. famille 2012, étude n° 2, n° 22 ; v. proposition de loi n° 4127 visant à la simplification de la procédure de changement de la mention du sexe dans l’état civil, 22 décembre 2011, présentée par Mme M. Delaunay ; Sénat, note Législation comparée 223, mai 2012 ; v. Bruggeman M., « Modification de la mention du sexe à l’état civil : les enseignements du droit comparé ? », Dr. famille juill. 2012, alerte n° 40. ; Granet F., « Transsexualisme, état civil, vie privée et familiale dans les états membres de la CIEC », Dr. famille déc. 1998, p. 4.
  • 65.
    Vialla F., Les Grandes décisions du droit Médical, op. cit., p. 168.
  • 66.
    Urvoas J.-J., garde des Sceaux, Assemblée nationale, deuxième séance du jeudi 19 mai 2016, Modernisation de la justice du XXIe siècle, article 18 quater, amendement 282 rectifié, http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-2016/20160192.asp#P787824.
  • 67.
    Lambert-Garrel L., in Regards croisés sur le genre, op. cit., p. 178 et 179.
  • 68.
    Hauser J., « Transsexualisme : changer à quelles conditions ? », obs.préc. p. 1495, RTD civ. 2008, p. 271 ; RTD civ. 2009, p. 693 et 694.
  • 69.
    Paricard S., « Le transsexualisme, à quand la loi ? », Dr. famille 2012, étude n° 2, n° 22 et Dossier thématique : Corps, genre et droit, « Transsexualisme : maintenir ou assouplir les conditions de changement de sexe ? », RLDH 2015, Dossier thématique : Corps, genre et droit, http://revdh.revues.org/1640.
  • 70.
    Pousson-Petit J., « Chronique de droit belge », Dr. famille 2007, étude n° 12.
  • 71.
    Gender Recognition, Act. 2004.
  • 72.
    Larribau-Terneyre V., « Transsexualisme et couple », in Dossier Transsexualisme et droit de la famille, actes colloque « Transsexualisme et droit de la famille », Pau 18 janvier 2013. Dr. famille mai 2013, p.34 ; v. aussi Vialla F., « Prolégomènes sur l’approche juridique de la transidentité », p. 8 et s., Vigneau D., « Transsexualisme et filiation », p. 15 et s. En juin 2016, le Parlement norvégien a adopté une loi sur la reconnaissance juridique du genre fondée sur l’autodétermination : http://www.coe.int/fr/web/sogi/-/secretary-general-welcomes-the-adoption-of-norwegian-law-on-legal-gender-recognition.
  • 73.
    Sénat, note législation comparée 223, mai 2012 ; Bruggeman M., « Modification de la mention du sexe à l’état civil : les enseignements du droit comparé ? », art. préc. ; Granet F., « Transsexualisme, état civil, vie privée et familiale dans les état membres de la CIEC », art. préc. p. 4.
  • 74.
    v. Proposition de loi n° 4127, précitée.
  • 75.
    Circ. DACS n° CIV/07/10, 14 mai 2010, NOR:JUSC1012994C ; RDS 2010, n° 36, p. 379, www.bnds.fr. ; Urvoas J.-J., garde des Sceaux, Assemblée nationale, deuxième séance du jeudi 19 mai 2016, Modernisation de la justice du XXIe siècle, article 18 quater, « Bien qu’une circulaire de la Chancellerie ait cherché à préciser cette jurisprudence, son application reste très variable selon les juridictions », http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-2016/20160192.asp#P787824.
  • 76.
    http://www.cncdh.fr/sites/default/files/27.06.13_avis_sur_lidentite_de_genre_et_sur_le_changement_de_la_mention_de_sexe_a_letat_civil.pdf ; (Résultats du vote : 30 voix pour, 4 voix contre, 8 abstentions) ; Reigné P., « La CNCDH et la situation des personnes transidentitaires », JCP G 2013, 861.
  • 77.
    CNCDH, « Avis sur l’identité́ de genre et sur le changement de la mention de sexe à l’état civil », p. 1.
  • 78.
    CNCDH, avis préc., p. 4-5.
  • 79.
    CNCDH, avis préc., p.6.
  • 80.
    CNCDH, avis préc., p.6-7.
  • 81.
    CNCDH, avis préc., p. 8.
  • 82.
    Assemblée nationale, projet de loi n° 3726 de modernisation de la justice du XXIe siècle, 6 mai 2016 ; L’article 18 quater du projet de loi n’envisageait qu’une modification de l’article 60 du Code civil sur la modification du prénom à l’état civil.
  • 83.
    Assemblée nationale, amendement n° 282 rectifié, article n° 18 quater, 12 mai 2016, http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/3726/AN/282.asp.
  • 84.
    Section 2 bis, intitulée : « De la modification de la mention du sexe à l’état civil » composée de cinq nouveaux articles de 61-5 à -9.
  • 85.
    Exposé sommaire de l’amendement 282 rectifié, article 18 quater du projet de loi, http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/3726/AN/282.asp.
  • 86.
    Hauser J., « Un sexe évolutif ? Du transsexualisme, du trans-genre et des prénoms »,RTD civ. 2010, p. 759 : « faire du sexe un élément soumis à la pure autonomie de la volonté, ce qui permettrait à tout un chacun d’afficher le sexe qu’il désire et d’en changer quand il veut ».
  • 87.
    « L’immutabilité – sic – de l’état des personnes atteintes ».
  • 88.
    Urvoas J.-J., garde des Sceaux, Assemblée nationale, deuxième séance du jeudi 19 mai 2016, Modernisation de la justice du XXIe siècle, article 18 quater, http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-2016/20160192.asp#P787824.
  • 89.
    Ibid.
  • 90.
    Ibid.
  • 91.
    Fortier C., « La question du transsexualisme en France », in Corps et patrimoine, op. cit., not. § VI « Le sexe comme “possession” d’état », p. 278 et s. ; « nomen, tractatus et fama ».
  • 92.
    Urvoas J.-J., garde des Sceaux, Assemblée nationale, deuxième séance du jeudi 19 mai 2016, Modernisation de la justice du XXIe siècle, article 18 quater, http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-2016/20160192.asp#P787824 ; Le Bouillonnec J.-Y., rapporteur : « Nous sommes donc satisfaits que vous ayez repris la démarche en intégrant la possession d’état. Je me tourne vers le garde des Sceaux : une telle introduction permet de résoudre des problèmes de compétences, la possession d’état relevant de la compétence du juge, comme d’ailleurs celle concernant les modifications de l’état civil ».
  • 93.
    Projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, modifié par l’Assemblée nationale en première lecture (procédure accélérée). Texte adopté n° 738 « Petite loi », 24 mai 2016, http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0738.asp.
  • 94.
    http://www2.assemblee-nationale.fr/instances/fiche/OMC_PO713391 ; faute de consensus trouvé en CMP, la navette parlementaire a repris ses droits.
  • 95.
    http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0738.asp.
  • 96.
    C. civ., art. 61-5, préc.
  • 97.
    C. civ., art. 61-6, préc.
  • 98.
    CNCDH, avis préc., p. 6.
  • 99.
    http://www.cncdh.fr/sites/default/files/160526_cp_amendement_genre_etat_civil_pjl_justice_xxie.pdf ; Lazergues C., RDS 2016, n° 73, éditorial ; on notera que le Défenseur des droits a lui aussi publié un communiqué de presse le 24 juin 2016, http://www.defenseurdesdroits.fr ; v. Vialla F., « Quelle procédure pour le changement de mention de sexe à l’état civil ? », RDS 2016, n° 73, www.bnds.fr.
  • 100.
    http://www.cncdh.fr/.
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