Le diable se cache dans les détails

Publié le 18/09/2024
Le diable se cache dans les détails
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Le procès-verbal de description des lieux saisis établi par le commissaire de justice, conformément à l’article R. 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution, a vocation à inclure les éléments relatifs à la situation juridique du bien.

Cass. 1re civ., 26 juin 2024, no 23-13236

Une banque avait initié, en avril 2008, une première procédure de saisie immobilière, laquelle avait abouti à la vente sur surenchère du bien saisi.

Il est finalement apparu au surenchérisseur que les biens immobiliers ainsi acquis comprenaient en réalité un bâtiment construit, pour partie, sur une parcelle non comprise dans l’assiette de la saisie.

Estimant que son consentement s’en était trouvé vicié, il a engagé une procédure en nullité de la saisie, nullité consacrée par le tribunal.

En avril 2012, la banque a donc lancé une seconde procédure de saisie immobilière incluant cette fois la totalité des parcelles utiles.

Cette procédure a néanmoins tourné à sa confusion à raison cette fois de la prescription de sa créance, l’annulation de la première saisie immobilière lui ayant fait perdre son caractère interruptif.

La banque s’est alors retournée à la fois contre l’avocat chargé de la procédure et l’huissier instrumentaire afin de faire consacrer leur responsabilité et obtenir l’indemnisation de la perte de sa créance.

Si la procédure, en ce qu’elle avait été dirigée contre l’avocat n’a pas prospéré, l’action dirigée contre l’huissier, rédacteur du procès-verbal de description, a subi un tout autre sort.

L’article R. 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution détaille en effet les mentions qui doivent figurer dans ce procès-verbal :

« 1° la description des lieux, leur composition et leur superficie ;

2° l’indication des conditions d’occupation et l’identité des occupants ainsi que la mention des droits dont ils se prévalent ;

3° le cas échéant, le nom et l’adresse du syndic de copropriété ;

4° tous les autres renseignements utiles sur l’immeuble fournis, notamment, par l’occupant ».

Si ces mentions ne sont pas prévues à peine de nullité, elles sont toutefois susceptibles d’entraîner la responsabilité du rédacteur de l’acte.

La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de sanctionner un huissier rédacteur à raison d’une imprécision de son acte ne reprenant pas expressément des éléments essentiels de la caractéristique du bien saisi, à savoir le caractère inondable et la constructibilité avec réserves qui figuraient dans le règlement du lotissement, règlement dont seule l’existence était rappelée dans l’acte1.

La finalité attendue de ce procès-verbal est en effet de permettre aux enchérisseurs potentiels d’obtenir toutes les informations utiles encadrant et/ou limitant la nature juridique du bien mis en adjudication.

Dans notre espèce, la juridiction de première instance a retenu que, si l’huissier a effectivement commis une erreur matérielle dans le procès-verbal de description de la première saisie, il a néanmoins estimé qu’il n’existait aucun lien de causalité entre cette erreur et le préjudice invoqué par la banque qui se voyait dès lors déboutée de ses demandes indemnitaires.

La cour, saisie sur appel de la banque, confirme à son tour l’erreur matérielle mais prend le soin de préciser que la mission de l’huissier n’est pas circonscrite aux seules parcelles visées dans le commandement, dans la mesure où « la description des lieux telle que visée par l’article R. 322-2 précité ne s’entend pas seulement de leur composition et superficie mais également de la situation juridique du bien qui doit faire l’objet d’une présentation rigoureuse dans la mesure où ce procès-verbal est annexé au cahier des conditions de vente et qu’il ne doit ainsi comporter aucune inexactitude de nature à affecter la contenance du bien saisi ».

Elle a donc retenu que « l’huissier a manqué à ses obligations professionnelles en s’étant abstenu de procéder à des vérifications complémentaires de nature à mettre en évidence l’anomalie constituée par l’empiètement du bâtiment édifié sur la parcelle saisie sur une autre parcelle non incluse dans cette procédure »2.

Cette exigence se trouve validée par la première chambre civile de la Cour de cassation :

« Selon l’article R. 332-2 du Code des procédures civiles d’exécution, le procès-verbal de description comprend notamment la description des lieux, leur composition et leur superficie et tous autres renseignements utiles sur l’immeuble fournis, notamment, par l’occupant.

C’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit que la description des lieux s’entendait nécessairement de la situation juridique du bien et devait dès lors inclure l’empiètement d’un bien sur une parcelle contiguë à celle faisant l’objet de la saisie immobilière ».

La rigueur attendue des huissiers, devenus commissaires de justice, lors de l’établissement du procès-verbal de description se voit donc ainsi réaffirmée sous peine d’engager leur responsabilité non seulement vis-à-vis de leur mandat, mais peut-être et surtout vis-à-vis de l’adjudicataire.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. 1re civ., 25 mai 2005, n° 03-18261.
  • 2.
    CA Nîmes, 1re ch., 12 janv. 2023, n° 21/03682.
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