Le (re)virement de jurisprudence en matière de péremption de l’instance, il le fallait… ce n’était que justice !

Publié le 22/08/2024
Le (re)virement de jurisprudence en matière de péremption de l’instance, il le fallait… ce n’était que justice !
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Selon les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du Code de procédure civile – ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 –, interprétés à la lumière de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, en matière de procédure d’appel avec représentation obligatoire, lorsqu’elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l’article 910-4 du Code de procédure civile, l’ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter en soutien de leurs prétentions respectives, les parties n’ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l’affaire. Dans cette situation, la direction de la procédure leur échappe au profit du conseiller de la mise en état. Il en résulte qu’une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d’accomplir une diligence particulière.

Cass. 2e civ., 7 mars 2024, no 21-19475

Cass. 2e civ., 7 mars 2024, no 21-19761

Cass. 2e civ., 7 mars 2024, no 21-23230

Cass. 2e civ., 7 mars 2024, no 21-20719

Ô temps, suspend ton envol. Deux raisons principales peuvent expliquer le fait que la péremption de l’instance1 (pré)occupe autant la deuxième chambre civile de la Cour de cassation au cours de ces dernières années2. La première d’entre elles tient au fait qu’il s’agit d’un « édifice juridique inachevé » dont la jurisprudence et la doctrine sont les infatigables maîtres d’œuvre. Qu’il s’agisse du point de départ du délai de péremption3, des conditions de sa suspension ou de son interruption, rien ou presque ne bénéficie de la plus grande clarté4. Cela explique notamment que les parties aux procès se trouvent fréquemment désabusées lorsqu’est prononcée à leur encontre la péremption de l’instance alors qu’ils estimaient avoir accompli toutes les diligences qui leur incombaient en application des règles de la procédure civile. La seconde raison qui explique cette popularité de la péremption de l’instance est relative à la finalité d’un tel mécanisme ainsi que ses conséquences redoutables. En effet, la péremption de l’instance entraîne l’extinction de l’instance et peut avoir des répercussions sur le droit d’agir en justice, notamment en cas de prescription de l’action5. En outre, lorsque c’est l’instance d’appel qui est périmée, il en découle que le jugement de première instance devient irrévocable6. À tout cela s’ajoute l’éventuelle mise en jeu de la responsabilité civile professionnelle des avocats lorsqu’ils sont constitués pour défendre les intérêts des parties. La péremption de l’instance est donc crainte, et c’est peu de le dire. Cette crainte est d’autant plus perceptible que la rédaction de l’article 386 du CPC semble « à charge », car elle laisse penser que l’inertie procédurale ne peut être qu’imputable qu’aux parties aux procès : « L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ». Appliquées à la lettre, les dispositions de ce texte ont causé beaucoup d’injustice. Il suffisait donc que le juge constate qu’aucune diligence utile n’a été accomplie par les parties pendant deux ans pour prononcer la péremption de l’instance, et ce même dans les situations où le blocage du procès résultait d’un grippage de la machine judiciaire. Les quatre affaires portées à la connaissance de la Cour de cassation illustrent parfaitement la profondeur de la blessure.

Quatre affaires pour exprimer la « blessure ». Le 7 mars 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu quatre arrêts en matière de la péremption de l’instance, qui méritent d’être commentés conjointement (Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-19475 –Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-19761 – Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-23230 – Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-20719). Acclamés dans les forums des praticiens de l’institution judiciaire, relayés et commentées à grand flux sur les réseaux sociaux et sur les sites internet, ces arrêts semblent avoir apporté du baume au cœur de tous les amis du service public de la justice. À n’en pas douter, ces quatre affaires étaient l’expression d’une blessure résultant de la complexité de la procédure d’appel avec représentation obligatoire. Pour une fois – et une fois n’est pas coutume – les faits litigieux n’ont pas véritablement d’importance, sauf à relever rapidement que dans le cadre des procédures d’appel avec représentation obligatoire engagées devant les cours d’appel de Paris, Montpellier et de Grenoble, des conseillers de la mise en état ont rendu des ordonnances par lesquelles ils prononçaient la péremption de l’instance. Les requérants ont donc formé un pourvoi en cassation contre les arrêts ayant confirmé ou infirmé les ordonnances déférées. Si les moyens invoqués en soutien des prétentions des requérants reposent sur des fondements juridiques parfois distincts – mais convergents et complémentaires –, les pourvois mettent tous en relief la question de l’imputabilité de la stagnation de l’instance en fait de péremption. Il convient de les évoquer successivement pour mieux comprendre les arrêts qui en découlent.

Dans la première espèce (Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-19475), l’auteur du pourvoi en cassation estime que, dans le cas où le conseiller de la mise en état ne fixe pas comme il le doit, par application de l’article 912 du CPC, la date de la clôture et celle de l’audience des plaidoiries, aucune disposition ne soumet la partie appelante à une obligation particulière de pallier les effets de l’inertie ou de l’abstention du conseiller de la mise en état. Dès lors, soutient-il, en décidant le contraire, la cour d’appel, qui ajoute à la loi une charge du procès civil qu’elle ne prévoit pas, a violé les articles 2 et 912 du CPC. Dans la deuxième affaire (Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-19761, FS-B), le requérant invoque plutôt la violation de l’article 386 du CPC, ainsi que les articles 6, paragraphe 1 et 137, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Selon lui, lorsque les parties ont accompli l’ensemble des diligences mises à leur charge par les articles 908 et 909 du CPC, la cour d’appel est tenue de procéder à la fixation de l’affaire sans qu’elles aient à la requérir ni à accomplir une quelconque autre diligence. Il en résulte que le délai nécessaire à la fixation de l’affaire, qui est de la seule responsabilité de la juridiction, ne peut être sanctionné par une mesure de péremption qui ne préjudicie qu’aux parties. Dans la troisième affaire (Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-23230, FS-B), l’auteur du pourvoi estime que le délai de péremption ne court plus lorsque les parties ne sont plus tenues d’aucune diligence, notamment lorsque le délai de clôture est dépassé8. En revanche, dans la quatrième espèce (Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-20719, FS-B), le requérant reproche plutôt à l’arrêt d’appel le fait d’avoir refusé d’appliquer, dans toute leur rigueur, les dispositions de l’article 386 du CPC9, en ce qu’elle a rejeté sa demande tendant à constater la péremption de l’instance. Ainsi, son argumentation reprenait pour l’essentiel la position de la jurisprudence antérieure en la matière. Nous y reviendrons.

La Cour de cassation à la croisée des chemins. Devant répondre aux prétentions ainsi exposées, la Cour de cassation se trouvait alors à la croisée des chemins. Elle devait faire un choix décisif entre deux courants antagonistes. Le premier courant consiste à désactiver le couperet de la péremption de l’instance lorsque les parties ont accompli les diligences qui leur incombent et que l’inertie de la procédure ne leur est pas imputable. Le second courant est favorable au maintien de la jurisprudence antérieure qui se limitait à constater l’absence de diligences de parties pendant deux ans pour prononcer la péremption de l’instance, peu important la cause du blocage. Dès lors, la question est celle de savoir si la péremption de l’instance prévue par l’article 386 du CPC doit être prononcée à l’encontre des parties, quand même le défaut de diligences est imputable au service public de la justice, notamment au conseiller de la mise en l’état ou à la cour d’appel elle-même. En d’autres termes, en matière de procédure d’appel avec représentation obligatoire, peut-on prononcer la péremption à l’encontre des parties lorsqu’elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l’article 910-4 du CPC, l’ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis ? Comme il vient d’être indiqué, la réponse à cette question n’était pas simple car, d’un côté, le maintien de sa position classique ne pouvait que raviver le sentiment d’injustice qu’elle suscitait et envenimer les reproches souvent faits à la procédure civile10. D’un autre côté, un revirement de jurisprudence allait nécessairement et inéluctablement soulever une série d’interrogations et d’incertitudes. Ainsi, entre le passé et l’avenir, la Cour de cassation a fait son choix, celui de l’avenir. Et ce choix est très clair : il fallait arrêter la saignée !

Quatre arrêts pour arrêter la saignée. À travers les quatre arrêts rendus le 7 mars 2024, qui reprennent en chœur les mêmes motivations, la Cour de cassation a cassé et annulé les trois arrêts contestés dans les trois premières affaires et a rejeté le pourvoi en cassation dans la dernière affaire. Ses décisions sont rendues au visa de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et des articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du CPC dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. Après avoir rappelé la teneur de chacune de ces règles ainsi que sa position constante sur la question, le juge suprême de l’ordre judiciaire précise clairement qu’« il y a toutefois lieu de reconsidérer cette jurisprudence ». En effet, indique-t-elle, le décret de 2017 a inséré dans le Code de procédure civile un nouvel article 910-4 qui impose aux parties, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. Ainsi, « lorsqu’elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l’article 910-4 du CPC, l’ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n’ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l’affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état ».

Il en découle, selon la haute juridiction, « qu’une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d’accomplir une diligence particulière ». Les mots sont bien choisis, les formules sont élégantes et la solennité qui caractérise les arrêts de (re)virement y est, du moins presque. Quoi qu’il en soit, la motivation enrichie11 de ces arrêts permet d’établir le constat selon lequel ce (re)virement de jurisprudence était nécessaire. Il le fallait (I) non seulement pour garantir la bonne interprétation des nouvelles dispositions du Code de procédure civile applicables en matière de péremption de l’instance, mais aussi pour prendre en compte la réalité de la procédure d’appel au regard des exigences du procès équitable. Cependant, il faut se garder de surestimer la valeur et la portée de ces arrêts12, car ce n’était que justice (II). La justice a donc été rendue aux parties en instance d’appel qui se voyaient sanctionnées pour une inertie procédurale qui ne leur était pas imputable, de sorte qu’il convient de s’interroger sur l’extensibilité de la solution à la première instance.

I – Le (re)virement de jurisprudence, il le fallait…

Vous avez dit (re)virement ? En scrutant le raisonnement de la Cour de cassation, le processualiste peut se demander si l’on est réellement en présence d’un revirement de jurisprudence ou d’un simple virement de jurisprudence13, c’est-à-dire une évolution de la jurisprudence du fait de l’entrée en vigueur de nouvelles règles (en l’occurrence, D. n° 2017-891, 6 mai 2017). De manière classique, le revirement suppose que le changement d’interprétation concerne les mêmes dispositions d’une même loi. Or, en l’espèce, tout porte à croire que l’on est en présence d’un conflit de lois dans le temps se traduisant par l’avènement de nouvelles règles procédurales, ce qui laisse naturellement penser que l’interprétation serait différente14. Ainsi, ce sont les nouvelles dispositions du Code de procédure civile applicables à la péremption d’instance qui ont justifié le (re)virement de jurisprudence (A). Toutefois, l’interprétation de ces dispositions s’est faite à la lumière de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales relative aux exigences du procès équitable (B).

A – …au regard des nouvelles dispositions de la loi

Lavènement dune ère nouvelle. « Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette jurisprudence » ! C’est par cette brève formule qu’est annoncée l’ère nouvelle en fait de péremption de l’instance. À la question de savoir si la péremption court contre les parties qui ont conclu dans les délais Magendie et qui attendent du conseiller de la mise en état la clôture et fixation de l’affaire, la Cour de cassation répond par la négative : « Lorsqu’elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l’article 910-4 du CPC, l’ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n’ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l’affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état ». Cette nouvelle solution, qui apparaît dans tous les quatre arrêts commentés, a le mérite de la clarté. Elle est également complète car, par la suite, la Cour de cassation ajoute qu’« une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d’accomplir une diligence particulière ». Le raisonnement suivi par la Cour de cassation conduit à admettre que le décret de 2017, à travers les nouvelles règles procédurales qu’il introduit, a limité le pouvoir d’initiative des parties, tout en renforçant le pouvoir de direction du conseiller de la mise en état. Cette évolution législative est particulièrement significative en matière de péremption de l’instance.

Nouvelles règles et limitation du pouvoir dinitiative des parties. La Cour de cassation rappelle les dispositions de l’article 2 du CPC qui, en tant que principe directeur du procès civil15, structure fondamentalement le rôle des parties au cours de l’instance. Selon ce texte, les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis. Cette règle n’est que le prolongement de l’article premier du même texte qui précise que « seules les parties introduisent l’instance, hors les cas où la loi en dispose autrement (…). ». Ainsi, en matière civile, l’initiative et la progression de l’instance incombent aux parties, le juge ne se saisissant, en principe, pas d’office. Ce pouvoir d’initiative ainsi que l’obligation de faire progresser l’instance qui en découle présentent un relief particulier en procédure d’appel avec représentation obligatoire, étant donné que plusieurs dispositions, relevées par la haute juridiction dans les arrêts commentés, encadrent strictement les échanges de conclusions entre les parties.

C’est ainsi que l’article 908 du CPC prévoit que l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe. Aux termes de l’article 909 du même texte, l’intimé dispose également d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, un appel incident ou un appel provoqué. Les modifications qu’apportent ces deux articles, tels que modifiés par le décret de 2017, concernent essentiellement le délai d’échange des conclusions entre les parties16. Mais, allant plus loin, le décret de 2017 a inséré un nouvel article 910-4 qui impose aux parties, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Comme on peut le constater, l’article 910-4 du CPC impose, dans la procédure d’appel avec représentation obligatoire, une concentration des prétentions dès les premières conclusions, avant d’introduire des tempéraments. Sur le plan procédural, cette règle pour le moins rigoureuse a pour conséquence d’entraîner normalement l’irrecevabilité des prétentions tardives17, c’est-à-dire celles formulées après le délai pour conclure, mêmes lorsqu’elles paraissent identiques à celles déjà exposées dans les dernières conclusions18. Cela signifie qu’en dehors des tempéraments prévus à l’alinéa 2 de l’article 910-4, la cour d’appel n’est en définitive saisie que des prétentions qui ont été formulées dans les délais Magendie. Demeure cependant encore pendante la question de savoir qui du conseiller de la mise en état ou de la formation de jugement peut prononcer l’irrecevabilité des prétentions nouvelles19. Toujours sur le plan procédural, l’exigence de concentration des prétentions limite nécessairement le nombre d’échanges entre les parties, et partant leur obligation de faire progresser l’instance. En effet, lorsqu’elles ont déjà présenté toutes leurs prétentions dès leurs premières écritures, sans plus rien avoir à ajouter en soutien de leurs prétentions respectives, les parties sont désormais dans l’attente de l’ordonnance de clôture et fixation du conseiller de la mise en état. C’est donc à juste titre que la Cour de cassation a retenu, dans les arrêts qui nous occupent, que dans cette situation les parties « n’ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l’affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état ». Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait penser20, l’interprétation stricte de la solution dégagée par la Cour de cassation permet de considérer qu’en matière d’appel avec représentation obligatoire, ce n’est plus la clôture et la fixation de l’affaire par le conseiller de la mise en état qui décharge les parties de leurs obligations procédurales et les place à l’abri de la péremption de l’instance, mais plutôt le fait pour ces dernières d’avoir accompli toutes les charges qui leur incombent et de n’avoir plus rien à ajouter en soutien de leurs prétentions respectives. Il en résulte que les nouvelles règles de la procédure, issues du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 limitent sans le dire le pouvoir d’initiative des parties. Ces règles mettent à la charge du conseiller de la mise en état l’obligation de faire progresser l’instance, lorsque les parties n’ont plus de diligences à accomplir, de sorte que dans l’attente de la décision de clôture et fixation du conseiller de la mise en état, aucune péremption de l’instance ne peut courir à l’encontre des parties.

Nouvelles règles et pouvoir de direction du conseiller de la mise en état. Le conseiller de la mise en état détient en principe les mêmes attributions que le juge de la mise en état en première instance. L’article 907 du CPC calque les pouvoirs du conseiller de la mise en état sur ceux du juge de la mise en état, en renvoyant aux articles 763 et suivants, « sous réserve des dispositions qui suivent ». Et comme son nom l’indique, le Conseiller a pour mission de mettre l’affaire « en état » d’être jugée. Cela signifie qu’il ne joue pas un rôle passif dans cette phase de l’instance. Son pouvoir de direction est plus manifeste lorsque les parties ont fini d’échanger leurs conclusions. C’est ainsi qu’aux termes de l’article 912 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, le conseiller de la mise en état examine l’affaire dans les quinze jours suivant l’expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Cependant, ce pouvoir de direction du conseiller de la mise en état est aussi une incombance procédurale. Nous entendons par là qu’une fois que les parties ont accompli toutes les diligences qui leur incombent, il appartient désormais au conseiller de la mise en état de clôturer et fixer l’affaire pour être plaidée.

Dans les quatre arrêts commentés, la Cour de cassation va plus loin et tire les conséquences de l’inaction du conseiller de la mise en état. Ainsi, « lorsque le conseiller de la mise en état n’a pas été en mesure de fixer, avant l’expiration du délai la péremption de l’instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption ». C’est cette précision qui traduit au vrai la rupture avec la jurisprudence antérieure que nous aborderons plus tard. La haute juridiction ajoute qu’« une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d’accomplir une diligence particulière »21. Il n’y a là rien de surprenant car le conseiller de la mise en état est l’horloger de la phase d’instruction de l’instance22. En effet, outre la possibilité qu’il a de fixer la date de la clôture et de celle des plaidoiries23, s’il estime que l’affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l’article 910-4, ce magistrat en fixe le calendrier, après avoir recueilli l’avis des avocats. Le conseiller peut également enjoindre aux avocats de mettre leurs conclusions en conformité avec les dispositions des articles 954 et 961 du CPC. Dans cette hypothèse et dans toutes celles où le conseiller de la mise en état enjoint aux parties d’accomplir une diligence de nature à faire avancer l’instance, le délai de péremption de deux ans (re)commencera à courir à leur encontre, le dies a quo du délai de péremption étant le jour de la décision du conseiller de la mise en état24. Il faut cependant avoir l’humilité de reconnaître que, dans cette nouvelle configuration, il ne sera pas toujours aisé pour les parties ou le conseiller de la mise en état de déterminer à quel moment la progression de l’instance leur incombe. Ainsi, seule une véritable coopération des acteurs judiciaires nous semble de nature à garantir une meilleure gestion de l’instance.

Le principe de coopération comme ciment dunion Comme nous l’avons déjà indiqué, les nouvelles règles de la procédure civile, notamment celles issues du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, encadrent le pouvoir d’initiative des parties et le pouvoir de direction du conseiller de la mise en état. Exercés de manière cacophonique, ces pouvoirs peuvent nuire au bon déroulement de l’instance et alimenter un contentieux abondant en matière de péremption de l’instance. En revanche, exercés de manière symphonique, ces pouvoirs contribuent inéluctablement à la célérité et à la qualité de la justice. Selon notre manière de voir et au regard du (re)virement opéré par la Cour de cassation, le principe de coopération peut être le ciment d’union entre le rôle des parties et l’office du conseiller de la mise en état en matière de péremption de l’instance25. Le principe de coopération « entre les parties et le juge [il s’agit d’une coopération forcée et loyale] recouvre la plupart des principes directeurs excepté les droits de la défense et le contradictoire en procédure civile »26. Ce principe est d’une utilité stratégique27, mais il revêt aussi une part d’idéal28. C’est ainsi qu’un auteur a pu estimer que la question de savoir si le procès est la chose des parties ou du juge, ce qui revient à se demander s’il est de nature inquisitoire ou accusatoire, est « inadaptée à la procédure civile qui, par essence, est tout à la fois la chose des parties et celle du juge »29. De ce point de vue, les parties et le juge « collaborent ou coopèrent vers une même issue : celle de la résolution du conflit ». Assurément, les arrêts commentés déterminent très clairement, dans la progression de l’instance, ce qui relève du rôle des parties et ce qui ressortit de l’office du magistrat chargé de la mise en état.

Très concrètement, sur le terrain de la péremption de l’instance, le principe de la coopération loyale devrait amener les parties et le conseiller de la mise en état à tout mettre en œuvre pour éviter l’inertie procédurale. Par exemple, quand bien même les parties estiment avoir accompli toutes les diligences qui leur incombent et n’envisagent plus un échange d’écritures, rien ne leur interdit – même si elles n’y sont pas tenues30 –, de solliciter du conseiller de la mise en état qu’il clôture l’instruction et fixe la date de l’audience de plaidoiries. À l’inverse, il n’existe aucun obstacle à ce que le conseiller de la mise en état, lorsqu’il met une obligation à la charge des parties, de leur préciser qu’une telle obligation fait courir le délai de péremption à leur encontre. Cette coopération est importante car, comme nous l’avons précisé plus haut, la péremption peut souvent courir sans que ni les parties ni le juge s’en rendent compte. Il est donc nécessaire de collaborer pour éviter des blocages. À n’en pas douter, « si cet idéal [de coopération] se concrétisait en pratique, cela changerait non seulement la manière de pratiquer, mais modifierait également la façon de penser et de parler du droit procédural »31. Malheureusement, l’observation du fonctionnement des cours d’appel permet de constater que les bonnes intentions ne suffisent pas lorsque le service public de la justice manque de moyens matériels et humains. On comprend alors que depuis longtemps la péremption de l’instance soit également utilisée comme un moyen de gestion des rôles32. Cette tendance, sous sa forme la plus radicale, avait en conséquence amené les juridictions à prononcer la péremption de l’instance à l’encontre des parties, quand bien même aucune diligence susceptible de faire avancer l’instance n’était attendue d’elles. Il va sans dire que telle pratique contrevenait manifestement aux exigences du procès équitable.

B – …au regard des exigences du procès équitable

De liniquité de la jurisprudence antérieure. La saignée était profonde. Issue du rapport Magendie33, la procédure civile applicable en appel, telle qu’issue des décrets des 9 décembre 2009 et 28 décembre 2010 est assez critiquée. C’est bien peu de le dire. Loin des bonnes intentions qui avaient sans doute guidé ceux qui les ont pensées, les règles de procédure d’appel semblent devenues un enfer pour les praticiens. Ceux-ci doivent, avant même de songer aux moyens relatifs au fond du litige, s’assurer qu’ils n’aient pas déjà essuyé une irrecevabilité, une caducité et parfois une péremption. En ce qui concerne la péremption, qui nous intéresse particulièrement dans le cadre de cette réflexion, le rôle des parties ne se limitait guère à l’échange des conclusions dans les délais prévus par la loi34. Elles devaient également accomplir toute diligence utile à la progression de l’instance. Seules ces diligences peuvent interrompre le cours du délai de péremption de l’instance. Aussi vague qu’imprécise, la notion de diligence interruptive de la péremption est essentiellement prétorienne. En effet, en l’absence de définition légale, il appartient au juge d’apprécier le caractère interruptif de péremption d’un acte de procédure35. Quoi qu’il en soit, l’interprétation des règles de procédure issues du décret Magendie conduisait à mettre systématiquement à la charge des parties la charge de l’accomplissement des diligences interruptives de la péremption, même dans les situations où elles semblaient dépourvues de tout pouvoir de faire avancer l’instance.

C’est ainsi que dans un arrêt du 16 décembre 201636, repris dans la motivation des quatre arrêts commentés, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation jugeait, en matière de procédure d’appel avec représentation obligatoire, que la péremption de l’instance d’appel est encourue lorsque, après avoir conclu en application des articles 908 et 909 du CPC, les parties n’ont pas pris d’initiative pour faire avancer l’instance ou obtenir du conseiller de la mise en état la fixation des débats de l’affaire, en application de l’article 912 du même texte. Il ressort de cette jurisprudence qu’après les échanges de leurs écritures, et même si elles n’avaient plus de réplique à faire, les parties devaient solliciter la clôture de l’instruction et la fixation de l’affaire en vue des plaidoiries. Or, force est de constater qu’aucune disposition du Code de procédure civile ne met expressément une telle obligation à la charge des parties. En dépit de cela, la jurisprudence antérieure considérait qu’à défaut pour les parties de solliciter cette clôture et fixation la péremption courait à leur encontre à compter de la dernière diligence utile37. Ainsi, ce n’est que lorsque le conseiller de la mise en état clôturait l’instruction et renvoyait l’affaire devant la formation de jugement que le délai de péremption cessait de courir, car la procédure échappait alors au contrôle des parties.

Il résultait de cette jurisprudence que, aussi longtemps que la clôture de l’instruction n’avait pas été ordonnée par le conseiller de la mise en état, les parties demeuraient dans l’obligation d’accomplir des actes interruptifs de la péremption. Dans cette situation, les parties au procès, notamment l’appelant, étaient contraintes de réitérer les demandes de clôture et fixation avant l’expiration du délai de deux ans. Dans une affaire, les parties ayant déjà conclu, l’appelant a demandé au président de la formation de jugement par lettre du 21 juin 2013 que soit fixée une date de plaidoiries de l’affaire dans laquelle elle n’entendait pas répliquer. Mais le 26 juin 2015, soit plus de deux ans après la demande de fixation de l’appelant, le conseiller de la mise en état a prononcé la péremption de l’instance à la demande de l’intimé. Cette décision a été confirmée en appel. À hauteur de cassation, le requérant soutenait que la « péremption suppose que l’inertie des parties est due, soit à un désistement tacite, soit à une négligence fautive de leur part ; que sont incompatibles avec cette double hypothèse, d’une part, la demande d’une partie tendant à obtenir du président de chambre d’une cour d’appel “la clôture et la fixation du dossier”, motivée par le fait que les demandes adverses n’appelaient désormais aucune réponse, d’autre part, l’acceptation, par les autres parties, de cette demande de clôture et fixation ». Ainsi, selon lui, en faisant droit à la demande de constatation de la péremption de l’intimé, sans rechercher si, au regard de la lettre sollicitant « la clôture et de la fixation » qui indiquait une ferme volonté de voir la procédure aboutir définitivement, des circonstances nouvelles étaient intervenues justifiant l’accomplissement de nouvelles diligences, la cour d’appel a violé les articles 2 et 386 du CPC.

Cette argumentation n’a cependant pas séduit la Cour de cassation qui, pour rejeter le pourvoi, a retenu « qu’après avoir justement retenu que la demande de fixation avait eu pour effet de faire courir à compter du 21 juin 2013 un nouveau délai de péremption, la cour d’appel, qui a constaté que, dans le délai de deux ans expirant le 21 juin 2015, aucune conclusion, aucune diligence de nature à faire progresser l’affaire ni aucune nouvelle demande de fixation n’étaient intervenues, en a exactement déduit, peu important l’intention déclarée de l’appelante de ne plus conclure, que la péremption de l’instance était acquise ». Comme on peut le constater, et nous l’avons dit, cette jurisprudence exigeait une réitération de la demande de clôture et fixation de l’affaire, sous peine de péremption38. Dès lors, on ne pouvait que douter du caractère utile d’une telle réitération39, si ce n’était pour remettre le compteur de la péremption à zéro.

À n’en pas douter, cette position de la Cour de cassation était pour le moins absurde, car après avoir demandé la clôture de l’instruction et la fixation de l’affaire pour être plaidée, les parties ne pouvaient plus faire progresser l’instance. Quoi qu’il en soit, l’on se retrouvait dans un cercle vicieux où l’incapacité d’audiencement des cours d’appel se répercutait systématiquement sur les parties. Bref, l’on punissait les uns (les parties) pour les péchés des autres (conseiller de la mise en état, formation de jugement). Face à cette situation pour le moins déplorable, les praticiens tentaient inlassablement – mais parfois vainement –, à coups de diligences répétitives, d’échapper au hachoir de la péremption. Mais, c’était sans compter sur la rigueur de la jurisprudence, car tout acte de procédure ne constitue pas une diligence interruptive de la péremption de l’instance40. Ainsi, les théoriciens et les praticiens attendaient l’avènement d’une ère nouvelle, d’une ère de justice, entendons-nous. Cette justice, pour être féconde, doit s’ancrer profondément dans les exigences du procès équitable qui servent de boussole de la procédure civile. C’est dans ce sens que se justifie la référence des arrêts commentés à l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

La référence timorée – mais justifiée – aux exigences du procès équitable. Dans les arrêts commentés, la Cour de cassation fait application des dispositions du Code de procédure civile en les interprétant « à la lumière de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales »41. Selon ce texte, « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ». On peut cependant regretter le fait que la haute juridiction n’indique pas clairement en quoi l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales se rattache aux affaires dont elle a été saisie ou plus globalement à la problématique de la péremption de l’instance42. Cette référence timorée aux exigences du procès équitable peut laisser penser qu’elle n’a pour but que de conférer une once de solennité à la solution retenue. Or, il n’en est rien ! En réalité, la référence à l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales rappelle subrepticement l’obligation qu’a le juge de veiller à ce que l’application stricte d’une règle issue du droit national ne porte une atteinte disproportionnée à un droit garanti par la Convention. Le principe de proportionnalité doit être mis en œuvre même lorsque la loi nationale est conforme ou compatible avec la Convention. Ainsi, le juge doit vérifier « si, concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise, la mise en œuvre de ces dispositions [du droit interne] ne porte pas [au droit garanti] une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi »43.

Dans sa jurisprudence antérieure44, la Cour de cassation s’est prononcée sur la proportionnalité du mécanisme de la péremption de l’instance. À ce propos, elle a énoncé que « la péremption de l’instance, qui tire les conséquences de l’absence de diligences des parties en vue de voir aboutir le jugement de l’affaire et poursuit un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique afin que l’instance s’achève dans un délai raisonnable, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable ». Comme on peut le constater, la péremption de l’instance a un lien manifestement étroit avec le but légitime de bonne administration de la justice sans laquelle les décisions ne peuvent être rendues dans un délai raisonnable. Ce positionnement n’est pas intellectuellement sérieusement contestable, dans la mesure où le comportement des parties a une incidence sur la durée du procès45. L’efficacité du service public de la justice commande alors que soient expurgées des rôles des juridictions les affaires négligées ou abandonnées par les parties. Toutefois, l’inconvénient de la jurisprudence antérieure est qu’elle ne prenait en compte que le souci d’efficacité de la justice, sans jamais s’interroger sur l’incidence de la péremption de l’instance sur le droit d’accès au juge46.

Aussi, les arrêts commentés mettent en évidence la volonté de la Cour de cassation de tourner le dos à cette mauvaise tendance. C’est ainsi qu’elle retient que « si c’est conformément à la jurisprudence [antérieure] que la cour d’appel en a déduit que la péremption était acquise, le présent arrêt qui opère revirement de jurisprudence, immédiatement applicable en ce qu’il assouplit les conditions de l’accès au juge, conduit à l’annulation de l’arrêt attaqué »47. En effet, le fait de sanctionner automatiquement les parties en prétextant qu’elles n’ont pas accompli de diligence utile dans un délai de deux ans, alors qu’aucune charge procédurale ne leur incombait, porte manifestement atteinte au droit d’accès au juge48. Bien avant les arrêts du 7 mars 2024, certaines cours d’appel remettaient déjà en cause la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation. Ainsi, dans une affaire soulevant la question de la péremption de l’instance, la cour d’appel de Montpellier a rappelé qu’« en application de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, le droit à l’accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d’accomplir les charges procédurales leur incombant »49. Elle ajoute ensuite que « l’alourdissement du formalisme procédural, dans le seul but de priver d’accès au juge les parties qui ne parviendraient pas à le maîtriser, en espérant que celles qui s’en seront accommodé avec succès puissent voir leur affaire traitée plus rapidement, ne saurait constituer en soi un but parfaitement légitime. Dans ce cas, le contrôle de rapport raisonnable de proportionnalité à l’atteinte au droit à l’accès au juge doit être particulièrement strict ». La cour d’appel de Montpellier parvient à la conclusion selon laquelle le « droit commun de la péremption de l’instance, sous l’apparence de la réforme d’un délai de procédure, constitue effectivement l’imposition aux parties d’une formalité de vigilance les forçant à interrompre un délai, même dans l’hypothèse où elles n’ont aucune prétention à un traitement particulier de leur contentieux, uniquement pour éviter de perdre leur droit d’accès au juge ».

En somme, il est loisible de constater que les règles relatives à la péremption de l’instance ne sont ni contraires ni incompatibles avec les dispositions de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Toutefois, leur application doit poursuivre un but légitime et ne pas porter une atteinte disproportionnée aux droits garantis par la Convention. Ainsi, en retenant qu’une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d’accomplir une diligence particulière, la Cour de cassation a simplement rendu justice.

II – Le (re)virement de jurisprudence, ce n’était que justice…

La péremption de linstance et les maux de la justice. La péremption de l’instance est progressivement devenue un outil de gestion des rôles des juridictions50. Les cours d’appel usaient et abusaient de cette mesure de police processuelle, en sanctionnant systématiquement le défaut de diligence des parties dans le délai de deux ans. La situation était pour le moins ubuesque. Et si le Conseil national des barreaux s’est officiellement réjoui51 de ces arrêts de la Cour de cassation, ce qui est rare, c’est bien parce qu’ils rendent justice aux parties en instance d’appel (A). Cette justice était incontournable, car elle découle du constat unanime et implacable de la réalité des cours d’appel qui font face à des difficultés d’audiencement que l’on ne pouvait éternellement imputer aux parties au procès. Ainsi, même si le (re)virement de jurisprudence en matière de péremption de l’instance concerne essentiellement la procédure d’appel avec représentation obligatoire, il met également en évidence l’un des maux du service public de la justice, à savoir le manque de moyens, de sorte que la justice rendue aux parties en instance d’appel est attendue par les parties en première instance (B). Cela amène à s’interroger sur la portée des arrêts commentés.

A – La justice rendue aux parties en instance d’appel

Il a fallu près dune décennie Dès la publication des arrêts commentés sur le site de la Cour de cassation, les plaideurs engagés dans les procédures d’appel avec représentation obligatoire, qui se trouvaient dans la même situation que celle traitée par la Cour de cassation, n’ont pas hésité à se prévaloir de la nouvelle jurisprudence52. Mais ce soulagement ne peut faire oublier qu’il s’est écoulé près de huit ans entre la jurisprudence inique de 2016 et la nouvelle voie tracée par la haute juridiction. Il a donc fallu près d’une décennie pour rendre justice aux parties en instance d’appel. Une décennie pour comprendre à quel point les exigences du procès équitable ont été sacrifiées sur l’autel de l’efficacité du service public de la justice. Quelle efficacité ? Nous y reviendrons. Mais mieux vaut tard que jamais ! L’apport indiscutable de ces quatre arrêts est qu’ils précisent la part respective du rôle des parties et de l’office du juge en matière de délai de péremption de l’instance. Ainsi, dans le prolongement de ce qui a été dit plus haut, le problème de la péremption de l’instance en procédure d’appel avec représentation obligatoire se résout désormais en répondant à la question suivante : sur qui, des parties ou juge, pèse l’obligation de faire progresser l’instance ? À chaque fois qu’une obligation procédurale pèse ou est mise à la charge des parties, le défaut de diligence pendant deux ans entraîne la péremption de l’instance. En revanche, lorsqu’il appartient au conseiller de la mise en état de faire progresser l’instance, en fixant un calendrier ou en mettant une obligation à la charge des parties, le délai de péremption ne court plus. Cette solution, qui découle de la réalité des difficultés managériales que rencontrent les cours d’appel, soulève cependant quelques interrogations.

Le constat unanime des difficultés d’audiencement des cours d’appel. La doctrine et les praticiens sont unanimes sur la complexité de la procédure d’appel avec représentation obligatoire53 et les arrêts commentés en donnent l’illustration. Pour toucher du doigt la réalité des cours d’appel, la Cour de cassation a mis en œuvre la prérogative que lui accorde l’article 1015-2 du CPC. Il ressort de ce texte que « lorsque la Cour de cassation invite une personne à produire des observations d’ordre général sur les points qu’elle détermine en application de l’article L. 431-3-1 du Code de l’organisation judiciaire, celle-ci peut faire des observations par écrit, qui sont alors communiquées aux parties, ou être entendue au cours d’une audience à laquelle les parties sont convoquées. Il est imparti à ces dernières un délai pour présenter leurs observations écrites »54. C’est dans cette optique que le président de la conférence des premiers présidents de cours d’appel, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris et le président du Conseil national des barreaux ont déposé chacun une note écrite et les deux derniers ont été entendus à l’audience publique du 19 décembre 2023. Il convient de noter que la Cour de cassation a généralement recours à ce mécanisme lorsque l’affaire dont elle est saisie est particulièrement complexe, donc susceptible de diviser les juridictions du fond et les praticiens55. Le recours éprouvé aux avis d’amici curiae atteste de l’évolution du dialogue entre les magistrats et les auxiliaires de la justice56.

À cet égard, la Cour de cassation constate qu’« il ressort des auditions réalisées sur le fondement de l’article 1015-2 du CPC auxquelles il a été procédé ainsi que des documents transmis en application de l’article L. 431-3-1 du COJ que la demande de fixation de l’affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d’appel saisie se trouve dans l’impossibilité, en raison de rôles d’audience d’ores et déjà complets, de fixer l’affaire dans un délai inférieur à deux ans ». Certes, le constat est clair et limpide, mais il n’est pas nouveau. Il y a quelques années en arrière, l’Inspection générale de la justice (IGJ)57 était chargée d’évaluer le fonctionnement et l’efficacité de la procédure d’appel58 et de procéder à une analyse des performances des cours d’appel. En effet, la réforme introduite par le décret Magendie a écarté la traditionnelle mise en état et l’a remplacé par des délais impératifs sanctionnés par la caducité de la déclaration d’appel ou l’irrecevabilité des conclusions. L’objectif était d’apporter les premiers secours aux cours d’appel qui se trouvaient alors dans une situation d’asphyxie, mais sans succès. Il n’échappera pas que, dès 1997, un rapport du premier président Jean-Marie Coulon59 mettait déjà en relief le fait qu’entre 1975 et 1995 le nombre d’affaires nouvelles devant les cours d’appel saisies en matière civile, sociale et commerciale, avait augmenté de plus de 208 % et que le stock d’affaires en cours avait quant à lui été multiplié par 7,3 ce qui représentait globalement une augmentation de 630 %60. Or, sur la même période, l’effectif des magistrats avait augmenté d’à peine 20 % à l’échelle nationale.

Les mêmes difficultés subsistent aujourd’hui et il est forcé de constater que l’objectif de la réforme Magendie, à savoir la résorption des stocks grâce à la célérité de la procédure d’appel, n’a pu être atteint. Selon le rapport de l’Inspection générale de la justice de 2019, d’un côté, le délai moyen de traitement des affaires ne cesse de croître depuis 2009 pour s’établir à 14,9 mois en 2018. D’un autre côté, le stock des affaires a augmenté de 24,6 % sur la même période. Dès lors, on comprend parfaitement le constat qui justifie le revirement de jurisprudence la Cour de cassation. Cet « allongement de la durée de traitement des affaires, alors que les décrets de procédure imposent, depuis 2011, une mise en état plus rapide, est dû à une insuffisante capacité d’audiencement liée à l’importance du stock des dossiers en attente de jugement »61. Face à cette surcharge des rôles, le conseiller de la mise en état et les parties au procès sont, en réalité, impuissants. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a fort heureusement jugé que « lorsque le conseiller de la mise en état n’a pas été en mesure de fixer, avant l’expiration du délai de péremption de l’instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption »62. Il y a là une ferme volonté de la Cour de cassation de s’opposer à ce que le mécanisme de la péremption soit utilisé comme le cache-misère des difficultés que rencontrent nos cours et tribunaux. Nous y reviendrons.

La subsistance de quelques incertitudes. La procédure de mise en état ne prend concrètement fin que lorsque l’affaire est clôturée et fixée pour être plaidée. Or, face aux difficultés d’audiencement des cours d’appel, qui rendent presque impossible la fixation des affaires en état d’être jugées avant l’expiration du délai de péremption, le conseiller de la mise en état et les parties peuvent se heurter à des difficultés. Dans les arrêts commentés, la Cour de cassation vise uniquement l’hypothèse dans laquelle les parties ont conclu dans les délais Magendie63, ce qui pourrait laisser penser qu’elles ne sont plus admises à échanger des conclusions après ce laps de temps. Or, la réalité est souvent contraire car, aussi longtemps que le conseiller de la mise en état n’a ni clôturé ni fixé un calendrier, les parties peuvent toujours conclure, en invoquant le cas échéant de nouveaux moyens64. Toutefois, sur le terrain de la péremption de l’instance, le fait d’échanger des écritures, au-delà des délais Magendie65 mais avant la clôture et fixation, peut traduire la volonté des parties de demeurer les maîtres de la progression de l’instance. Dans cette situation, le délai de péremption courra depuis la dernière diligence utile des parties. Quoi qu’il en soit, et comme l’a relevé un auteur66, cette situation n’empêche pas le conseiller de la mise en état « d’exercer son office dans les termes de l’article 912 du CPC. Les parties prennent certes des initiatives en la forme de conclusions et font diligence utile par rapport au fond ; mais, à proprement parler, le sort de la procédure est entre les mains du conseiller de la mise en état ». Dès lors, comme nous l’avons indiqué plus haut, le principe de coopération loyale des parties et du conseiller de la mise en état permettraient de contourner cette incertitude ainsi que les difficultés qui peuvent en résulter.

Une autre difficulté, tenant cette fois à la portée des arrêts du 7 mars 2024, a trait à l’hypothèse dans laquelle le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou impose des diligences particulières aux parties. Il est clair que cela a pour conséquence de faire peser sur les parties la charge de faire progresser l’instance, et partant, les expose au couperet de la péremption. Cependant, la question se pose de savoir ce qui se passera à l’expiration des calendriers ou lorsque les parties auront accompli les diligences mises à leur charge. Dans ce cas, les parties doivent-elles solliciter la clôture et la fixation de l’affaire ou alors la direction de l’instance leur échappe-t-elle automatiquement ? Aucune réponse ne s’évince clairement des arrêts commentés, la Cour de cassation n’ayant été saisie que de l’hypothèse où les parties concluent dans les délais Magendie et n’entendent plus échanger des conclusions en soutien de leurs prétentions respectives67. Toutefois, il y a lieu de considérer que la solution dégagée par la Cour de cassation peut être transposée sans difficulté particulière à l’hypothèse où le conseiller de la mise en état a fixé un calendrier ou a imposé des diligences particulières aux parties. En clair, une fois la diligence accomplie ou le calendrier expiré, la charge de faire progresser l’instance sera automatiquement transférée au conseiller de la mise en état. Cette transposition nous semble logique, étant donné qu’à l’expiration des délais prévus dans le calendrier68, tout comme après l’accomplissement des diligences imposées69 par le conseiller de la mise en état, les parties sont – à nouveau – dans l’impossibilité de faire progresser l’instance. Mais une fois de plus – et ce n’est pas de trop –, une coopération loyale permettrait aux parties et au conseiller de la mise en état d’œuvrer ensemble pour le bon déroulement de cette phase de l’instance et éviter un contentieux inutile. Une dernière incertitude, mais qu’il convient d’aborder séparément, concerne à l’extensibilité en première instance de la solution dégagée par les arrêts commentés.

B – La justice attendue par les parties en première instance ?

La portée a priori limitée du (re)virement de jurisprudence. La question se pose de savoir si la solution dégagée par la Cour de cassation peut s’étendre en première instance. Autrement dit, les parties engagées dans une procédure de mise en état devant le tribunal judiciaire peuvent-elles se prévaloir du (re)virement de jurisprudence de la Cour de cassation ? La question n’est pas simple. En effet, une interprétation restrictive des arrêts commentés permet de répondre par la négative, car la Cour de cassation semble avoir bien circonscrit le champ d’application de sa nouvelle orientation jurisprudentielle. D’une part, le (re)virement concerne expressément la procédure d’appel avec représentation obligatoire, ce qui explique que la Cour de cassation fasse uniquement mention des dispositions du Code de procédure civile applicables à cette instance70. Très concrètement, aucune référence n’est faite à la procédure devant le juge de la mise en état ou devant le tribunal judiciaire, ce qui ne laisse pas entrevoir la possibilité d’une transposition. D’ailleurs, les arrêts commentés mettent suffisamment en relief la spécificité de la procédure d’appel ayant justifié le revirement. Ainsi, comme il a été relevé plus haut, le principe de concentration des prétentions dès les premières conclusions, prévu par le nouvel article 910-4 du CPC et applicable à hauteur d’appel, n’existe pas en première instance. De même, l’office du conseiller de la mise en état va parfois au-delà de celui du juge de la mise en état.

D’autre part, c’est bien en raison des difficultés d’audiencement des cours d’appel que la demande de fixation de l’affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d’appel saisie se trouve dans l’impossibilité, en raison de rôles d’audience d’ores et déjà complets, de fixer l’affaire dans un délai inférieur à deux ans. Or, il est permis d’en douter en ce qui concerne les juridictions de première instance. Nous y reviendrons. En suivant le raisonnement de la Cour de cassation, il est alors tentant de penser que le remède que propose le (re)virement de jurisprudence ne vaut que pour les maux de la procédure d’appel. En d’autres termes, « c’est la rigidité même de la procédure d’appel qui conduit à la souplesse de la jurisprudence nouvelle en fait de péremption ; or cette rigidité ne se retrouve pas en première instance, de sorte qu’il n’y a pas lieu à la même souplesse. Et à cet égard, on peine à imaginer une avocature qui réclamerait la rigidification de la première instance… à seule fin de pouvoir bénéficier des largesses en matière de péremption ! »71. En somme, si la nouvelle semble si propre à la procédure d’appel avec représentation obligatoire c’est pour quatre raisons, chronologiquement intimement liées. Premièrement, les parties doivent conclure dans des délais précis, sous peine de sanctions. Deuxièmement, les premières conclusions doivent, à peine d’irrecevabilité des conclusions tardives, exposer toutes les prétentions des parties. Troisièmement, cette concentration des prétentions dès les premières conclusions libère les parties de l’obligation de faire progresser l’instance et les épargne de la péremption, lorsqu’elles n’ont plus rien à y ajouter. Quatrièmement enfin, lorsque les parties ont définitivement accompli les formalités qui leur incombent, c’est entre les mains du conseiller de la mise en état que passe la direction de la procédure.

Léventualité dune répercussion en première instance. Comme nous avons pu le démontrer, la procédure en première instance ne présente pas la même configuration que la procédure en appel. Toutefois, on peut être tenté de tracer des ponts entre les arrêts commentés et la première instance pour plusieurs raisons. Tout d’abord, rien ne fait obstacle à ce que la Cour de cassation décide, à l’occasion d’une affaire dont elle est saisie, d’étendre mutatis mutandis sa solution à la procédure en première instance. Elle peut notamment se prononcer sur l’obligation des parties de solliciter la clôture et la fixation en première instance. En effet, de jurisprudence constante, en première instance, seule la demande de clôture et fixation, notamment lorsqu’elle est formulée par toutes les parties au procès, a un effet interruptif de la péremption de l’instance. Mais la Cour de cassation peut-elle aller plus loin pour considérer que le délai de péremption de l’instance ne court pas à l’encontre des parties une fois qu’elles ont accompli toutes les formalités qui leur incombent et n’entendent plus rien ajouter en soutien de leurs prétentions, sans avoir à solliciter la clôture et fixation de l’affaire ? À tout le moins, pourra-t-elle décider que demande de clôture et fixation, qu’elle soit conjointe ou unilatérale mais non contestée, interrompt le délai de péremption ? Il est difficile de répondre péremptoirement par l’affirmative, au regard de la portée limitée des arrêts commentés. Toutefois en l’espèce, la référence faite par la Cour de cassation à certaines dispositions de portée générale peut permettre d’espérer une telle transposition. En effet, outre les dispositions du Code de procédure civile spécifiques à l’instance d’appel, la Cour de cassation fonde également sa décision sur l’article 2 du même texte et l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Interprétées de manière optimiste, ces dispositions amènent à considérer que la prescription ne saurait courir contre les parties au procès dès qu’elles ont accompli les diligences qui leur incombaient. Ainsi, il suffirait que les parties en première instance aient échangé leurs conclusions et n’aient plus rien à y ajouter pour que le délai de péremption cesse de courir à leur encontre. Dans cette hypothèse, elles pourraient – et non devraient – solliciter du juge de la mise en état la clôture et la fixation de l’affaire. Une telle généralisation de la solution ne serait cependant pas sans conséquence sur le mécanisme même de la péremption car elle instaurerait, en cas de silence des parties, une présomption d’accomplissement de leurs obligations. En clair, il ne suffirait plus de constater l’absence de diligence pendant deux ans ou l’absence de demande de clôture et fixation pour prononcer la péremption de l’instance. Encore faudra-t-il démontrer que pesait sur les parties une obligation non accomplie. Il faut néanmoins demeurer lucide et réaliste, car les arrêts commentés ne laissent pas entrevoir un tel bouleversement, en tout cas pas d’aussitôt.

Mais il ne faut pas désespérer, notamment au regard du projet de décret dit Magicobus. Certes, en fait de péremption de l’instance, la réforme proposée par le projet de décret est « extrêmement timide, puisque ce qu’elle propose est avant tout la codification d’une jurisprudence existante, à savoir que la péremption cesse de courir au moment d’une ordonnance de clôture, et – petit progrès notable – que le délai de péremption de deux ans cesse de courir à partir du moment où une partie aurait sollicité la clôture ou la fixation de l’affaire »72. La direction des affaires civiles et du Sceau justifie cette évolution de la règle par les mêmes arrêts que ceux évoqués par la Cour de cassation pour justifier le revirement de jurisprudence. Cela signifie que le ministère de la Justice n’ignore pas le problème d’engorgement des rôles des cours et tribunaux qui peut conduire à la péremption d’une instance alors même que les parties l’ont mise en état d’être jugée et qu’elles ne peuvent plus accomplir de diligences utiles. Si les règles envisagées par le projet de décret visent tant la procédure d’appel que de première instance, elles demeurent cependant insuffisantes dans le cas où la fixation n’a pas été demandée. C’est la raison pour laquelle la commission Textes du Conseil national des barreaux propose une réforme plus ambitieuse, qui consiste à « modifier les dispositions de l’article 386 du Code de procédure civile pour dire que la péremption peut être opposée à la partie qui n’a pas accompli les diligences qui lui incombaient pendant deux ans, mais pas à toutes les parties et, surtout pas, à des parties qui ont accompli les diligences qui leur incombaient ». Cette proposition des auxiliaires de la justice est parfaitement en phase avec le (re)virement de jurisprudence qu’opèrent les arrêts commentés. On ne peut qu’espérer que le ministère de la Justice soit sensible à cette évolution et généralise la solution adoptée. La seule difficulté est qu’en première instance, il n’y a pas un moment où l’on peut objectivement estimer que les charges procédurales des parties cessent et que la progression de l’instance dépend uniquement du magistrat de la mise en état. Mais là encore, et nous l’avons longuement démontré, le principe de coopération peut constituer la solution.

En conclusion On revient d’une époque – obscure ? – où les parties devaient « veiller à pallier les carences de l’institution judiciaire en prenant soin de demander une fixation, au risque qu’une péremption soit prononcée. Les avocats étaient dès lors dans la position délicate de devoir accomplir une diligence inutile, redondante, pour compenser les défaillances de l’institution, sachant qu’il n’est pas possible de se contenter de reprendre des conclusions identiques »73. Cette situation intolérable a toujours été décriée par la doctrine74. De ce point de vue, le (re)virement de jurisprudence, même s’il est conjoncturel à bien des égards, mérite d’être acclamé. Allant plus loin, une autrice a pu voir dans le raisonnement de la Cour de cassation la consécration d’un « principe de réalité » qui peut se résumer en ces termes : « S’il ne faut certes pas réécrire les règles de procédure civile à partir de cas pathologiques, il est raisonnable d’en tenir compte pour l’interprétation des textes qui peuvent conduire à nier le droit au juge »75. Le principe de réalité est bien connu dans le monde de la psychanalyse76. Il postule la capacité d’ajourner la satisfaction pulsionnelle, face aux exigences du monde extérieur. En clair, le principe de réalité est la possibilité de s’extraire de l’hallucination, du rêve, dans lesquels triomphe le principe de plaisir et d’admettre l’existence d’une réalité, qui n’est pas toujours satisfaisante ou conforme à nos désirs. Il décrit donc parfaitement à la situation mise en relief dans les arrêts sous commentaires. La réalité du service public devrait amener le juge à tempérer les sanctions qui énervent la procédure civile. Mais de là à envisager un principe de réalité au sens juridique du terme, qui plus est un principe autonome, cela ne va pas de soi. En effet, « on peut se demander s’il aurait suffi à lui-même. Faut-il réinterpréter les règles de procédure civile sous l’angle de la gestion des flux ? Si tel est le cas, pourquoi même imposer des délais Magendie si la fixation se fait si tardivement ? La prorogation de ces délais serait-elle possible en ce cas ? »77. Comme on peut le constater, sur le plan juridique, l’admission d’un principe de réalité risque d’engendrer plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait. Selon notre manière de voir, la prise en compte de la réalité des cours et tribunaux peut tout au plus être envisagée comme une déclinaison du principe de proportionnalité. Nous entendons par là que lorsque le juge, avant de prononcer la péremption de l’instance, doit vérifier, d’une part, si la sanction ne porte pas une atteinte disproportionnée à un droit garanti par la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales au regard du but légitime poursuivi, et, d’autre part, si la sanction n’est pas déconnectée de la réalité des juridictions. Cette approche a le mérite de concilier la rigueur des règles de procédure – qui ne sont efficaces que si elles sont respectées – avec la souplesse qu’impose la réalité du terrain judiciaire – dont la méconnaissance laisse libre cours à la tyrannie –. En tout cas, la réflexion mérite d’être poursuivie. Pour le moment, il faut se réjouir de ce (re)virement de jurisprudence qui augure, espérons-nous, une nouvelle ère de justice !

Notes de bas de pages

  • 1.
     Sur la péremption de l’instance, v. N. Fricero, « Péremption de l’instance », Lexis360, fasc. 800-35.
  • 2.
    C. Bléry, « Péremption : contribution à la notion de diligence interruptive », note ss Cass. 2e civ., 21 déc. 2023, n° 21-23816, F-B : Dalloz actualité, 24 janv. 2024.
  • 3.
    M. Plisonnier, « Point de départ du délai de péremption en cas de radiation du rôle après une interruption d’instance », GPL 16 avr. 2024, n° GPL462f1 ; C. Berlaud, « Point de départ de la péremption d’une instance reprise après radiation », GPL 16 janv. 2024, n° GPL458e6 ; C. Berlaud, « Point de départ du délai de péremption d’instance », GPL 4 avr. 2023, n° GPL447t7.
  • 4.
    C. Bléry, « Péremption : contribution à la notion de diligence interruptive », note ss Cass. 2e civ., 21 déc. 2023, n° 21-23816, F-B : Dalloz actualité, 24 janv. 2024.
  • 5.
     On parle de l’effet maximal de la péremption de l’instance, Y. Desdevises, « Le renouveau de la péremption d’instance », Rev. juridique Ouest 1983-1, p. 1 et s.
  • 6.
     C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles la Cour de cassation procède parfois à un assouplissement du régime de la péremption de l’instance. Elle a, par exemple, admis la possibilité d’interrompre le délai par des diligences faites dans une autre instance lorsqu’il existe un lien de dépendance direct et nécessaire entre ces instances (Cass. 2e civ., 23 mars 2023, n° 21-21872). Elle a également admis l’interruption par un acte d’exécution en cas de radiation de l’affaire (Cass. 2e civ., 14 janv. 2021, n° 19-20721) et même en cas de nullité de l’acte de procédure (Cass. 2e civ., 18 mars 2020, n° 19-15160).
  • 7.
    CEDH, art. 13 : « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ».
  • 8.
     Le requérant conclut à la violation des articles 2, 386, 912 et 910-4 du CPC.
  • 9.
     Il reproche également à la cour d’appel une fausse application l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
  • 10.
     Sur la question, P.-C. Kamgaing, Les délais de procédure. Essai d’une théorie générale, thèse, 2022, université Côte d’Azur.
  • 11.
     Cour de cassation, Motivation enrichie : le guide de rédaction, 26 sept. 2023 ; E. Maupin, « La Cour de cassation change de style », Dalloz actualité, 8 avr. 2019 ; J. Traullé et M. Dugué (dir.), La motivation enrichie des arrêts rendus par la Cour de cassation, Paris, LexisNexis, p. 162.
  • 12.
     Certes les arrêts sont rendus en section et promis à une publication au Bulletin, mais le défaut de commentaire au Rapport peut interroger.
  • 13.
     Même si la formule utilisée par la Cour de cassation pour motiver les arrêts (« Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette jurisprudence ») est proche de celle souvent employée pour introduire de véritables revirements de jurisprudence (« Ce constat conduit la chambre commerciale, financière et économique à modifier sa jurisprudence » : Cass. com., 18 oct. 2023, n° 21-15378, § 5 ; « Dès lors, il y a lieu de revenir sur la solution retenue par cette jurisprudence » : Cass. 2e civ., 5 oct. 2023, n° 21-21007, § 10).
  • 14.
     Sauf à considérer que l’évocation du décret du 16 mai 2017 par la Cour de cassation n’est qu’un simple prétexte pour procéder à un véritable revirement jurisprudentiel.
  • 15.
     Sur la question, v. N. Reichling, Les principes directeurs du procès civil dans l’Espace judiciaire européen, thèse, 2017, Normandie Université.
  • 16.
     Sur les délais de procédure, v. déjà P.-C. Kamgaing, Les délais de procédure. Essai d’une théorie générale, thèse, 2022, université Côte d’Azur, p. 509.
  • 17.
    On définit la « prétention » par son objet qui peut être la recherche d’un « résultat social ou économique » ou d’un « effet substantiel ». v. respectivement, H. Motulsky, « Le rôle respectif du juge et des parties dans l’allégation des faits », in Écrits – Études et notes de procédure civile, 2009, Dalloz, n° 12, p. 44 ; P. Cagnoli, Essai d’analyse processuelle du droit des entreprises en difficulté, t. 368, 2002, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, n° 173, EAN : 9782275022314.
  • 18.
    R. Laffly, « Concentration des prétentions et procédure collective, maîtres du suspense », Dalloz actualité, 18 nov. 2022. Toutefois, le principe de concentration des prétentions résultant de l’article 910-4 du CPC s’applique devant la cour d’appel de renvoi, non pas au regard des premières conclusions remises devant elle par l’appelant, mais en considération des premières conclusions de celui-ci devant la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé. Sur la question, N. Hoffschir, « Absence de concentration des prétentions dans les premières conclusions adressées à la cour d’appel saisie sur renvoi après cassation », note ss Cass. 2e civ., 12 janv. 2023, n° 21-18762 : GPL 9 mai 2023, n° GPL448y7.
  • 19.
     La question de savoir qui d’entre le conseiller de la mise en état et la cour d’appel est susceptible de prononcer l’irrecevabilité des prétentions nouvelles embarrasse les praticiens et divise la doctrine. Sur la question, T. Le Bars, « La compétence du conseiller de la mise en état pour prononcer l’irrecevabilité des prétentions nouvelles en appel », Dalloz actualité, 7 juill. 2022 ; M. Barba, « Qui connaît de la recevabilité des demandes nouvelles à hauteur d’appel ? », Dalloz actualité, 13 mai 2022.
  • 20.
    M. Barba, « Tout d’abord, qu’advient-il de l’hypothèse dans laquelle le CME clôture et fixe ? La jurisprudence antérieure est maintenue à tous égards : la direction de la procédure échappe alors aux parties de sorte que la péremption ne menace plus (v. not., Cass. 2e civ., 12 févr. 2004, n° 01-17565, préc.) ».
  • 21.
     V. cependant, Cass. 2e civ., 25 mars 2021, n° 19-21401 : « À défaut d’un texte spécial subordonnant l’application de l’article 386 du CPC à une injonction particulière du juge, la péremption est constatée lorsque les parties n’ont accompli aucune diligence dans un délai de deux ans, quand bien même le juge n’en aurait pas mis à leur charge ».
  • 22.
    CPC, art. 3.
  • 23.
    À rapprocher de l’article 781 du CPC : « Le calendrier comporte le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions ».
  • 24.
    CPC, art. 640 et s.
  • 25.
     Sur la notion de coopération, O. Lagrange, La collaboration en droit processuel, thèse, 2007, université de Nantes.
  • 26.
    E. Jeuland, Droit processuel général, 5e éd., 2022, Paris, LGDJ, « Précis Domat », n° 245, EAN : 9782275130347.
  • 27.
     Il est consacré et garanti par plusieurs dispositions du Code de procédure civile québécois. V. la disposition préliminaire ainsi que les articles 2, 20, 146 et 148.
  • 28.
    J. Plamondon, « Les principes directeurs et le nouveau Code de procédure civile (art. 17 à 24), in S. Guillemard (dir.), « Le Code de procédure civile : quelles nouveautés ? », Les Cahiers de droit 2016, Paris, éd. Yvon Blais, p. 35-36.
  • 29.
    L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, 5e éd., 2006, Paris, Litec, n° 516.
  • 30.
    Dans les quatre arrêts commentés, la Cour de cassation précise qu’« il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption ».
  • 31.
    A. Laflamme, La coopération dans le nouveau Code de procédure civile : à la croisée de la procédure civile et de la déontologie, mémoire, 2019, université de Montréal, p. 5.
  • 32.
     Sur la question, B. Ferrari, « De l’art de demander la péremption de l’instance avant tout autre moyen », note ss Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 18-15383, F-P+B+I : Dalloz actualité, 26 janv. 2021 ; C. Atias, « La péremption de l’instance entre deux eaux : sanction des parties et gestion du rôle », D. 2004, p. 2874.
  • 33.
    J.-C. Magendie, Célérité et qualité de la justice devant la cour d’appel, rapp. au ministère de la Justice, 2008.
  • 34.
    J.-C. Magendie, Célérité et qualité de la justice devant la cour d’appel, rapp. au ministère de la Justice, 2008.
  • 35.
    C. Bléry, « Péremption : contribution à la notion de diligence interruptive », note ss Cass. 2e civ., 21 déc. 2023, n° 21-23816, F-B : Dalloz actualité, 24 janv. 2024.
  • 36.
     Cass. 2e civ., 16 déc. 2016, n° 15-27917 : Bull. civ., II, n° 281.
  • 37.
    M. Plisonnier, « Point de départ du délai de péremption en cas de radiation du rôle après une interruption d’instance », GPL 16 avr. 2024, n° GPL462f1 ; C. Berlaud, « Point de départ de la péremption d’une instance reprise après radiation », GPL 16 janv. 2024, n° GPL458e6 ; C. Berlaud, « Point de départ du délai de péremption d’instance », GPL 4 avr. 2023, n° GPL447t7.
  • 38.
     Cass. 2e civ., 28 juin 2006, n° 04-17992 – La clôture et fixation suspendaient le délai de péremption de l’instance, Cass. 2e civ., 15 mai 2014, n° 13-17294.
  • 39.
     C’est ce que R. Perrot qualifiait de « gesticulations formelles », RTD civ. 1986, p. 187.
  • 40.
    C. Bléry, « Péremption : contribution à la notion de diligence interruptive », note ss Cass. 2e civ., 21 déc. 2023, n° 21-23816, F-B : Dalloz actualité, 24 janv. 2024.
  • 41.
     CEDH, Guide sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Droit au procès équitable (volet civil), 2022, p. 133.
  • 42.
     Lexbase, « Péremption de l’instance et droit à un procès équitable », La lettre juridique n° 681, 22 déc. 2016 : Procédure civile, https://lext.so/UIL85A.
  • 43.
    Sur le contrôle de proportionnalité, v. s’agissant de l’intégration d’une œuvre dans une œuvre dérivée : Cass. 2e civ., 15 mai 2015, n° 13-27391, PB : D. 2015, p. 1672 note P. Sirinelli et A. Bensamoun ; RTD com. 2015, p. 515, note F. Pollaud-Dulian ; Comm. com. électr. 2015, comm. 7, n° 55, obs. C. Caron. ; Comm. com. électr. 2015, étude 17, obs. M. Vivant. – Dans le même sens, v. Cass. 1re civ., 4 déc. 2013, n° 12-26066 : Bull. civ. I, n° 234 ; D. 2014, p. 179, note F. Chénédé ; RTD civ. 2014, p. 88, note J. Hauser ; D. 2014, p. 1342, note J.-J. Lemouland ; D. 2014, p. 153, note H. Fulchiron. – Plus récemment, v. Cass. 1re civ., 8 déc. 2016, n° 15-27201, PB : D. 2016, p. 2568, note I. Gallmeister. – Pour application du principe de proportionnalité à la prescription en matière de filiation : Cass. 1re civ., 9 nov. 2016, n° 15-25068, PB : AJ fam. 2016, p. 601, note M. Saulier ; D. 2016, p. 2337, note I. Gallmeister.
  • 44.
    Cass. 2e civ., 16 déc. 2016, n° 15-27917, FS-P+B+I.
  • 45.
     V. déjà P.-C. Kamgaing, Les délais de procédure. Essai d’une théorie générale, thèse, 2022, université Côte d’Azur.
  • 46.
     Sur le droit d’accès au juge, v. CEDH, 30 mars 2021, n° 4830/18, Oorzhak c/ Russie. Dans cet arrêt, la Cour européenne précise que le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès constitue un aspect particulier, n’est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’État, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation ; que toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l’accès ouvert à un justiciable d’une manière ou à un point tel que son droit à un tribunal s’en trouve atteint dans sa substance même ; qu’enfin, elles ne se concilient avec l’article 6, § 1, que si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
  • 47.
     La Cour de cassation précise cela dans les trois premiers arrêts. Cette rétroactivité du revirement s’explique par l’assouplissement des conditions d’accès au juge.
  • 48.
     On peut également y voir une atteinte au droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
  • 49.
     CA Montpellier, 3e ch. soc., 26 oct. 2022, n° 17/01824. – Dans le même sens, CA Montpellier, 3e ch. soc., 24 mai 2023, n° 18/01982 – CA Montpellier, 3e ch. soc., 3 avr. 2024, n° 18/04319 – CA Montpellier, 3e ch. soc., 6 déc. 2023, n° 18/01312 – CA Montpellier, 3e ch. soc., 15 févr. 2023, n° 18/05999 – CA Montpellier, 3e ch. soc., 4 févr. 2024, n° 18/04429.
  • 50.
    N. Fricero, « Péremption de l’instance », Lexis360, fasc. 800-35.
  • 51.
     CNB, Péremption d’instance en cause d’appel : le CNB obtient un revirement de la jurisprudence, 8 mars 2024.
  • 52.
    CA Aix-en-Provence, 4-4, 14 mars 2024, n° 21/08278, ord. n° 2024/M34.
  • 53.
    CNB, Bilan des réformes de la procédure d’appel en matière civile, commerciale et sociale et perspectives, 19 mars 2019.
  • 54.
    COJ, art. L. 431-3-1 : « Lors de l’examen du pourvoi, la Cour de cassation peut inviter toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à l’éclairer utilement sur la solution à donner à un litige à produire des observations d’ordre général sur les points qu’elle détermine ».
  • 55.
     Cass. 2e civ., 14 sept. 2023, n° 21-23230, D (dans le cadre du pourvoi n° 21-23230).
  • 56.
     V. déjà, S. Amrani-Mekki, « Un avis qui vous veut du bien ! À propos de l’avis de la Cour de cassation du 8 juillet 2022 », JCP G 2022, 898.
  • 57.
     Inspection générale de la Justice, Bilan des réformes de la procédure d’appel en matière civile, commerciale et sociale et perspectives, 2019 ; v. également, Inspection générale de la Justice, Rapport d’activité 2019, p. 40 ; Conseil consultatif conjoint de déontologie de la relation magistrats-avocats, Rapport du groupe de travail « Usages et bonnes pratiques », 20 juin 2022, p. 39.
  • 58.
     Sur le plan procédural, l’Inspection générale de la justice devait dresser le bilan de la réforme de l’appel issue du décret du 9 décembre 2009, dit Magendie (en référence aux deux rapports de Jean-Claude Magendie de 2004 et 2008 qui ont inspiré la réforme de la procédure d’appel).
  • 59.
    J.-M. Coulon, M.-N. Teller et E. Serrand, Réflexions et propositions sur la procédure civile : rapport au ministre de la Justice, rapp. au ministre de la Justice, 1997, p. 138, spéc. p. 12.
  • 60.
     Sur la question, v. O. Dufour, « Le triste bilan de la réforme de l’appel civil », LPA 26 déc. 2019, n° LPA150c2.
  • 61.
     Inspection générale de la Justice, Bilan des réformes de la procédure d’appel en matière civile, commerciale et sociale et perspectives, 2019.
  • 62.
     Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-19475, FS-B –Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-19761, FS-B – Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-23230, FS-B – Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-20719, FS-B. Il convient de noter que le décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023, portant simplification de la procédure d’appel en matière civile, a introduit un nouvel article 914-1 du CPC qui dispose que « la date de la clôture doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries ». Il n’y a pas de doute que cette nouvelle disposition se heurtera à la dure réalité des cours d’appel.
  • 63.
     CPC, art. 905-2 et 908 à 910.
  • 64.
     Cass. 2e civ., 20 oct. 2022, n° 21-17375 : Dalloz actualité, 14 nov. 2022, obs. C. Lhermitte – Cass. 2e civ., 4 juin 2015, n° 14-10548, Dalloz actualité, 18 juin 2015, obs. M. Kebir ; D. 2015, p. 1279 ; D. 2015, p. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle.
  • 65.
    Cette hypothèse est envisagée par l’article 910-4, alinéa 2, du CPC.
  • 66.
    M. Barba, « Revirement sur la péremption d’instance : un beau moment de justice », Dalloz actualité, 20 mars 2024.
  • 67.
    « Lorsqu’elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l’article 910-4 du Code de procédure civile, l’ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n’ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l’affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du Conseiller de la mise en état ».
  • 68.
    CPC, art. 781.
  • 69.
    Lorsque les parties ont accompli les diligences mises à leur charge par le conseiller de la mise en état, elles se retrouvent exactement dans la même situation que celle traitée par les quatre arrêts commentés. Autrement dit, on peut considérer qu’elles ont conclu dans les délais Magendie et n’entendent plus rien ajouter en soutien de leurs prétentions.
  • 70.
    CPC, art. 908, 909, 910-4 et 912.
  • 71.
    M. Barba, « Revirement sur la péremption d’instance : un beau moment de justice », Dalloz actualité, 20 mars 2024.
  • 72.
    M. Lartigue, « Simplification de la procédure civile en première instance : les mesures prévues dans le projet de décret Magicobus 1 », GPL 13 févr. 2024, n° GPL459g5.
  • 73.
    S. Amrani-Mekki, « Revirement sur la computation du délai de péremption : vers un principe de réalité en procédure civile ? », GPL 16 avr. 2024, n° GPL462e9. V. également, Cass. 2e civ., 2 févr. 2012, n° 10-27761.
  • 74.
    V. not., P. Gerbay et N. Gerbay, Guide du procès civil en appel 2021-2022, 2020, LexisNexis, n° 1236 ; S. Guinchard, C. Chainais, L. Mayer et F. Ferrand, Procédure civile, 35e éd., 2022, Précis Dalloz, n° 496 ; C. Bléry, « Encombrement du rôle des cours d’appel : attention au risque de péremption ! », D. 2017, p. 141 ; R. Laffly, « Péremption d’instance et délais Magendie », Dalloz actualité, 5 janv. 2017.
  • 75.
    S. Amrani-Mekki, « Revirement sur la computation du délai de péremption : vers un principe de réalité en procédure civile ? », GPL 16 avr. 2024, n° GPL462e9.
  • 76.
    P. Ricoeur, « Principe de plaisir et principe de réalité » inDe l’interprétation. Essai sur Freud, 1965, Paris, Seuil, « L’Ordre philosophique », p. 588, spéc. p. 277-296.
  • 77.
    S. Amrani-Mekki, « Revirement sur la computation du délai de péremption : vers un principe de réalité en procédure civile ? », GPL 16 avr. 2024, n° GPL462e9.
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