Les Cahiers de la justice : les nouveaux visages de l’esclavage

Publié le 04/08/2020

Au moment où paraît ce dossier des Cahiers de la justice sur les formes actuelles de l’esclavage, un mouvement de grande ampleur secoue le monde. Filmée en direct, la mort de George Floyd, un homme noir étouffé par un policier à Minneapolis le 25 mai 2020, a déclenché un vaste mouvement de protestation partout dans le monde. Certains manifestants ont entrepris de faire disparaître du paysage urbain les figures trop visibles du passé colonial et esclavagiste. Il s’en est suivi un déboulonnage de statues symbolisant les signes de la colonisation et de l’esclavage.

Aux États-Unis, la mairie de Richmond (Virginie) a retiré la statue du général Lee, héros du Sud esclavagiste pendant la guerre de Sécession. À Bristol (Royaume-Uni) la statue de Edward Colson, négociant négrier du XVIIIe siècle, a été traînée dans les rues et jetée dans les eaux du port. Dans cette même ville, on a décapité celle de Christophe Colomb avant de la jeter dans un lac. En Belgique, celle de Léopold II et, en France, celle de Colbert deviennent des cibles potentielles.

Il s’agit là d’une colère vis-à-vis d’une mémoire attachée à consacrer des figures nationales perçues comme des injures à l’égard de la communauté noire. Ces statues symbolisent la permanence encore aujourd’hui, d’une oppression esclavagiste. Les violences policières racialisées en sont le témoignage le plus explicite. Mais il y a bien d’autres formes d’oppression liées à la couleur de peau dont ce dossier fait état contre la communauté noire et d’autres encore, dans tous les pays du monde. Ses structures persistantes continuent d’organiser nos sociétés. Loin d’être un phénomène révolu, les formes d’asservissement et d’exploitation des êtres humains sont permanentes.

Mais ce mouvement de protestation oublie à quel point nos sociétés et notre législation ont progressé dans la reconnaissance et la répression des formes nouvelles de l’esclavage. Sans ignorer les mémoires blessées, l’histoire a su réaffirmer l’humanité des Noirs. Des monuments (comme le Mémorial ACTe en Guadeloupe, notamment) symbolisent cette reconnaissance. Des anciens ports négriers comme Nantes, Bordeaux ou La Rochelle ont également des musées mémoriaux. Des actes juridiques solennels comme la définition de l’esclavage et la traite négrière comme crimes contre l’humanité (loi du 21 mai 2001) attestent la contribution du droit à ce mouvement de restauration mémorielle. Et que dire de la littérature : à travers le concept de « Négritude » elle a, en assumant le passé, redonné sa dignité à l’homme noir et à la conscience de son rôle historique comme l’a écrit Aimé Césaire :« Et j’ai acquis la force de parlerPlus haut que les fleuvesPlus fort que les désastres »(Et les chiens se taisaient, 1956).

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