Responsabilité en cas d’accident causé par l’élève d’une auto-école

Publié le 27/01/2025
Responsabilité en cas d’accident causé par l’élève d’une auto-école
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Il est question dans cette affaire des conséquences d’un accident de trajet subi par une personne installée sur une motocyclette. Il s’agissait d’un moniteur qui dispensait un cours de conduite à deux élèves. Il a été percuté par un camion mais son élève, qui conduisait la motocyclette appartenant à la société d’auto-école l’a également blessé car elle a roulé sur sa cheville. Cette élève a été jugée responsable d’une faute de conduite lors de cet accident, conformément à l’article R. 412-12 du Code de la route.

L’élève d’une auto-école pilotait une motocyclette de cet établissement. Son moniteur, dispensant un cours de conduite à deux élèves et qui était aussi installé sur une motocyclette, a été victime d’un accident de la circulation. Ce dernier a été renversé par un camion qui arrivait en sens inverse, ce qui constitue un premier dommage, et son élève en motocyclette, en lui roulant sur la cheville, lui a causé un second dommage.

Puisque le conducteur du camion à l’origine de l’accident était assuré par la société Axa France IARD, le moniteur victime a demandé une indemnisation à cette société. Toutefois Axa a fait valoir que, puisque le second dommage a été causé par une élève, la société Allianz IARD, assureur de l’auto-école, devait intervenir dans le remboursement des préjudices puisque l’élève maîtrisait sa motocyclette durant le cours de conduite, raison pour laquelle la société Axa a fait un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu le 8 décembre 2022 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui a refusé de prendre en compte la conductrice de la motocyclette car, selon la cour, elle appartenait à la catégorie des tiers.

Dans cette affaire, il fallait comprendre l’usage de l’auto-école (I), l’accident ayant été causé pendant une séance d’apprentissage de la conduite, mais il fallait aussi tenir compte du dommage causé par son apprenti conductrice, ce qu’il a fallu expliciter car généralement il est question de la responsabilité du moniteur de l’auto-école (II). Toutefois dans cette affaire, l’élève qui conduisait une motocyclette, sachant qu’une assurance était mise en place pour elle, et qui a blessé la cheville du moniteur était capable de gérer la conduite de son véhicule, raison pour laquelle, puisque l’élève avait bien la qualité de conductrice, sa responsabilité devait aussi être engagée (III).

I – Recours à l’auto-école

Il est important de noter que le second auteur de l’accident de la circulation et qui a blessé la cheville de la victime est une élève conductrice. En effet, elle bénéficie des leçons de conduite mises en place par le moniteur d’auto-école. Celui-ci est la personne en charge de la formation de l’apprenti conducteur, dont l’obligation est de faire le nécessaire pour réduire les risques d’accidents pendant un cours de conduite et appliquer de nombreuses mesures de sécurité à défaut il peut être jugé responsable1. Précisément l’auto-école est une société qui participe à l’apprentissage de la conduite des véhicules et qui doit veiller à la sécurité de ses élèves2, sinon il est question de faute inexcusable3. Il est vrai que l’accident de la route est une situation que redoutent de nombreux apprentis conducteurs durant leur formation à la conduite car il arrive que l’élève soit blessé4.

Il arrive parfois que l’élève chute et qu’il soit indemnisé. Tel a été le cas dans une affaire jugée en 2019 parce qu’une apprentie motocycliste, en formation auprès d’une moto-école, a chuté dans un rond-point et s’est fracturé le poignet5. Elle a été indemnisée puisque les juges ont noté que la moto-école a une obligation contractuelle de sécurité à l’égard de ses clients.

Il faut noter également que, lors de la signature du contrat d’apprentissage, il importe de prévoir une attestation d’assurance responsabilité civile professionnelle de la part de l’employeur puisque l’apprenti est autorisé à conduire les véhicules de l’entreprise dans le cadre de l’activité professionnelle. Grâce à cette assurance il est couvert en cas de problème.

L’auto-école, centre de formation à la pratique de conduite des véhicules motorisés, gère beaucoup de voitures pour l’obtention du permis de conduire mais aussi des motocyclettes, véhicule motorisé à deux roues sans carrosserie. Une école de conduite permet aux apprentis de circuler sur la route en toute sécurité parce qu’elle les forme en leur expliquant les erreurs commises, mais elle doit évaluer chaque élève avant sa formation. Ces apprentissages permettent de les protéger des dangers de circulation, ainsi que de tenir compte des autres usagers de l’espace routier.

II – Dommage causé par un apprenti conducteur

Lorsque des accidents interviennent durant des cours de conduite, selon le Code des assurances c’est le moniteur qui est considéré comme responsable car son élève en phase d’apprentissage de conduite est considéré comme un tiers6. Ainsi le moniteur de l’auto-école est responsable des dommages causés par son apprenti durant l’apprentissage, mais également quand c’est son élève qui est percuté7. C’est donc lui qui normalement indemnise le préjudice subi par la victime. L’article L. 211-1 du Code des assurances énonce que « les élèves d’un établissement d’enseignement de la conduite des véhicules terrestres à moteur agréé, en cours de formation ou d’examen, sont considérés comme des tiers ». En effet, l’élève n’est pas considéré comme étant le conducteur du véhicule8, mais comme un tiers présent dans l’habitacle9.

Précisément quand un accident est causé par une voiture d’auto-école, l’élève n’est pas jugé responsable même si c’est lui qui est volant de ce véhicule car c’est le moniteur qui a la responsabilité de la conduite. Le moniteur d’auto-école a des missions à exécuter et il est entièrement responsable de son véhicule. Il est effectivement chargé d’encadrer et de former l’apprenti conducteur.

Par conséquent, lorsqu’un élève cause un dommage matériel ou corporel au cours d’une leçon de conduite, le responsable doit réparer ce dommage, mais c’est donc le moniteur qui engage sa responsabilité civile. Toutefois, quand il est salarié d’une entreprise, c’est la responsabilité de son employeur qui est dès lors mise en cause, raison pour laquelle la société Axa France IARD, assureur du véhicule ayant percuté le moniteur et assignée par la victime pour être indemnisée, a voulu que la société Allianz IARD, assureur de la motocyclette appartenant à la société d’auto-école et à l’origine du second drame, soit prise en compte. Il importe donc que le personnel de cet établissement souscrive une assurance responsabilité civile professionnelle en vue de couvrir les dommages et intérêts des accidents et sinistres qui peuvent survenir au cours d’une leçon de conduite. Certes, le montant de l’assurance responsabilité civile du véhicule est compris dans les forfaits de formation aux différents permis de conduire.

Il faut donc noter que le moniteur d’auto-école est responsable de ses actes s’il a commis une infraction, mais aussi si c’est son élève qui a commis une infraction car il s’agit d’infractions au Code de la route. Néanmoins l’élève en phase d’apprentissage est considéré comme un tiers puisque, étant au volant d’un véhicule de l’auto-école, il est assimilé à un passager. En effet, seule la responsabilité du moniteur est engagée en cas d’accident puisque, quand une personne tente d’apprendre à conduire une voiture, un scooter ou encore une moto, il arrive parfois qu’elle perde le contrôle de son véhicule et provoque une collision. C’est donc la garantie liée à l’assurance responsabilité civile de l’organisme de formation qui doit couvrir les dommages et dégâts causés. Précisément en cas de dommage corporel ou matériel, la responsabilité de l’élève n’est pas engagée, raison pour laquelle c’est du côté du moniteur indépendant ou de l’école de conduite, quand ce dernier en est salarié, que les victimes devront agir.

III – Responsabilité de la conductrice d’une motocyclette

Quand une faute de conduite est à reprocher à une personne jugée capable de gérer son véhicule, mais qui a causé un accident pendant une séance d’auto-école, sa responsabilité doit être engagée et non pas celle de son moniteur10, puisqu’elle dépend du niveau de compétences de la conductrice et de sa qualité. En l’espèce, il est jugé que l’élève a été suffisamment formée pour garder la maîtrise de sa motocyclette et elle a bien la qualité de conductrice dont la responsabilité pouvait être recherchée après l’accident causé au moniteur. Toutefois, lorsque le dommage est causé par l’apprenti durant l’activité professionnelle du moniteur, il est couvert par le contrat d’assurance professionnelle, en l’occurrence la société Allianz IARD. En effet, conformément à l’article 1242 du Code civil, on est responsable non seulement du dommage que l’on a causé mais également de celui qui provient d’une personne dont on doit répondre ainsi que des choses que l’on a sous sa garde. La conductrice de la motocyclette était effectivement sous surveillance lors de l’accident.

Elle est responsable car, certes elle n’avait pas voulu blesser son moniteur, mais elle a eu une mauvaise gestion de l’utilisation de sa motocyclette. Pour être indemnisé, le moniteur a assigné en justice la société Axa, assureur du propriétaire de la voiture qui a causé le premier dommage et l’a renversé, mais puisque la conductrice de la motocyclette a aussi causé un dommage, la société Axa a ensuite souhaité que la société Allianz assume la responsabilité de cette conductrice.

Il fallait effectivement renoncer à la qualité de tiers de cette élève qui avait bien la maîtrise de l’engin qu’elle pilotait. Elle était seule sur sa motocyclette, et puisqu’elle la maîtrisait, elle avait bien la qualité de conductrice, raison pour laquelle, étant donné qu’elle avait roulé sur la cheville de son moniteur, sa responsabilité pouvait être recherchée grâce à l’article R. 412-12 du Code de la route.

La Cour de cassation précise qu’il fallait bien tenir compte des articles L. 211-1 du Code des assurances et des articles 1240 et 1346 du Code civil en raison de la faute commise par la conductrice ayant bien la maîtrise de son engin et ne pas considérer qu’étant élève de l’établissement d’enseignement de la conduite des véhicules terrestres à moteur elle devait être prise en compte comme les tiers au contrat d’assurance. En raison de sa faute de conduite elle devait contribuer à la dette même si au moment de l’accident elle prenait encore un cours pour apprendre à maîtriser son véhicule, puisqu’il est jugé qu’elle a bien commis une faute de conduite (C. route, art. R. 412-12). Dès lors, la Cour de cassation estime que les juges de la cour d’appel ont violé ces textes en refusant le recours à la contribution à la dette de la conductrice de la motocyclette. Certes il ne fallait pas débouter la société Axa de son recours à la contribution par la société Allianz, mais pour la Cour de cassation dans ce dossier elle doit continuer à être condamnée à rémunérer la victime. Toutefois cette somme est réduite, car la société Allianz doit lui verser 3 000 €. S’il est vrai que les élèves en phase d’apprentissage sont considérés comme des tiers, il faut rechercher s’ils ont commis des fautes de conduite quand ils avaient bien la maîtrise de l’engin piloté car alors ils sont responsables du dommage subi, à savoir dans cette affaire la blessure de la cheville de la victime par la personne ayant assurément la qualité de conductrice. Par conséquent il fallait que l’assureur de l’auto-école soit sollicité afin de participer au dédommagement de la victime.

Notes de bas de pages

  • 1.
    A. Maron et H. Azarian, « Responsabilité des agents des Centres de formation des apprentis », note ss Cass. crim., 12 janv. 2010, n° 09-81.799, JCP E 2010, 51.
  • 2.
    Cass. 1re civ., 15 oct. 2014, n° 13-20.851 : V. Da Silva, « La difficile exonération de la société d’auto-école tenue à une obligation de sécurité de moyens », D. 2014, p. 2386 ; M. Mekki, « L’obligation de sécurité de moyens : un cas d’auto-école ! », GPL 15 janv. 2015, n° GPL208e3 ; S. Hoquet-Berg, « Obligation de sécurité : auto-école », Resp. civ. et assur. 2015, n° 1, p. 15 ; C. Le Gallou, « Obligation de sécurité : l’auto-école a dérapé », RLDC 2014, n° 121, p. 16.
  • 3.
    H. Groutel, « Accident du travail : faute inexcusable de l’employeur, (apprenti victime d’un accident dans un centre de formation professionnelle) », note ss Cass. 2e civ., 11 févr. 2016, n° 14-29.502, Resp. civ. et assur. 2016, n° 5, p. 16.
  • 4.
    X. Henry, « Formation à la conduite et loi du 5 juillet 1985 », note ss CA Nancy, 12 janv. 2012, n° 10/01793, JCP G 2012, 19.
  • 5.
    CA Toulouse, 7 févr. 2019, n° 18/02013.
  • 6.
    D. Bailloeuil, « L’élève qui ne dispose pas des pouvoirs de commandement d’un véhicule auto-école ne peut être considéré comme coconducteur », note ss Cass. 2e civ., 29 juin 2000, n° 98-18.847, JCP G 2001, 30 ; H. Groutel, « Accidents de la circulation ; conducteur victime ; qualification : élève d’auto-école », Resp. civ. et assur. 2000, n° 10, p. 17 ; R. Vezin-David, « L’élève d’une auto-école n’est pas un conducteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 », LPA 10 avr. 2001, p. 17.
  • 7.
    J. Mazars, « Le conducteur victime », Resp. civ. et assur. 2012, n° 5, p. 12.
  • 8.
    R. Vezin-David, « L’élève d’une auto-école n’est pas un conducteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 », note ss Cass. 2e civ., 29 juin 2000, n° 98-18.847, LPA 10 avr. 2001, p. 17.
  • 9.
    M. Ehrenfeld, « La conduite d’un véhicule confiée à un tiers par son propriétaire et ses conséquences », note ss Cass. 2e civ., 13 juin 2019, n° 18-20.120, GPL 29 oct. 2019, n° GPL362b0.
  • 10.
    C. Meyer-Royère, « La responsabilité des artisans du fait des apprentis, une évolution dans la logique des choses », LPA 8 mai 2000, p. 5 ; LPA 9 mai 2000, p. 11.
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