Du nouveau pour les dons manuels
Une nouvelle plateforme de déclaration est mise en place pour les dons manuels dont le régime de révélation continue de poser des difficultés.
Le don manuel consiste à remettre, de la main à la main, différents types de biens. Il concerne les biens suivants : objets (bijoux, voiture, tableau, etc.), somme d’argent (espèces, chèque, virement), valeurs mobilières (action ou obligation, par exemple).
Une nouvelle obligation de télédéclaration
Dans le cadre de la loi de finances pour 2020 la possibilité de déclarer des dons manuels, définis à l’article 757 du CGI, en utilisant le formulaire cerfa n°2735 a été supprimée au profit d’un dispositif de télédéclaration. En avril dernier, une parlementaire a alerté Bercy sur le retard pris pour mettre en place ce dispositif de déclaration en ligne. « À l’heure actuelle, le site internet impots.gouv.fr ne tient pas compte de ce décret et met en avant le formulaire CERFA n° 2735 pour effectuer la déclaration d’un don manuel. Par ailleurs, la mise en place effective par l’administration fiscale des plateformes dédiées permettant la télésouscription des déclarations de don manuel et de succession semble avoir pris du retard », a souligné la sénatrice des Hauts-de-Seine, Christine Lavarde, plus d’un an après la parution au Journal officiel du décret d’application de cette nouvelle mesure. À sa question relative à la date à laquelle les plateformes dédiées seront opérationnelles partout sur le territoire national, le ministre a annoncé que le déploiement du téléservice « e-Enregistrement », interviendrait progressivement à partir de 2021 (Rep. Min., n°20619, Christine Lavarde, JO Sénat du 1er avril 2021). Le décret n° 2019-1565 du 30 décembre 2019 a précisé ces modalités déclaratives en les rendant compatibles avec la souscription de déclarations en matière d’enregistrement par voie dématérialisée au moyen d’un téléservice mis à disposition par l’administration fiscale. Ce décret a harmonisé l’obligation déclarative connexe prévue, pour les dons manuels, à l’article 635 A du Code général des impôts et dont les modalités sont détaillées à l’article 281 E de l’annexe III au CGI. La possibilité de souscrire une déclaration par voie dématérialisée y a été ajoutée à l’article 281 N de l’annexe III du Code général des impôts.
Un nouveau service de déclaration en ligne
C’est désormais chose faite avec la mise en place d’un nouveau service de déclaration, opérationnel à partir du 30 juin. L’administration fiscale a fait savoir que ce nouveau service d’enregistrement en ligne, disponible sur le site impots.gouv.fr, est accessible depuis un ordinateur, un smartphone ou une tablette. Cette nouvelle plateforme de télédéclaration a pour objectif de faciliter les démarches déclaratives des usagers particuliers mais aussi celles des professionnels du droit comme les notaires, par exemple. La formalité d’enregistrement est réalisée de manière instantanée et facilitée par des dispositifs d’aide à la saisie, de calcul automatique des droits et de mise à disposition de la déclaration dans l’espace numérique sécurisé des particuliers. Il ne s’agit que d’une première étape puisque ce service de déclaration en ligne a vocation à être progressivement enrichi. En septembre 2021, le contribuable pour s’acquitter en ligne des droits de mutation dus par carte bancaire ou par autorisation de prélèvement bancaire. En janvier 2022, il sera possible d’utiliser cette plateforme pour procéder à la déclaration de dons intégrant des donations antérieures. À la même date, on pourra effectuer une déclaration en ligne pour d’autres types d’actes, comme une déclarations de cession de droits sociaux non constatée par un acte pour les particuliers et à partir de septembre 2022, pour les professionnels. De 2022 à 2024, une ouverture progressive de ce service est prévue pour les déclarations de successions transmises par les notaires. Les notaires déposeront les déclarations de succession par échange de fichiers dématérialisés sécurisés, selon des modalités techniques en cours d’examen avec la profession, a précisé Bercy.
Don manuel et révélation
Il n’est pas obligatoire de porter un don manuel à la connaissance de l’administration fiscale. Tant qu’il ne lui est pas révélé, aucun droit n’est à payer. En effet, conformément aux alinéas 1 et 2 de l’article 757 du Code général des impôts, pour être imposable, le don manuel doit être révélé à l’administration fiscale par le bénéficiaire de la mutation. La révélation d’un don manuel à l’administration fiscale permet de le dater officiellement et ainsi de faire courir le délai au terme duquel l’abattement se reconstitue. Pour l’administration fiscale, cette révélation ne doit pas nécessairement être spontanée et peut être subie et résulter d’une réponse à son questionnement, notamment dans le cadre d’une procédure de contrôle fiscal. Sa doctrine (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10) prévoit que « en vertu des alinéas 1 et 2 de l’article 757 du CGI, pour être imposable, le don manuel doit être révélé à l’administration fiscale par le bénéficiaire de la mutation : soit spontanément ; soit en réponse à une demande de l’administration ; soit au cours d’une procédure de contrôle ou d’une procédure contentieuse ». La Cour de cassation a, dans un premier temps, validé cette position, au motif que la révélation n’exige pas un aveu spontané. Elle a considéré que l’examen des écritures comptables d’une association par un vérificateur permet de révéler les dons manuels inscrits dans cette comptabilité (Cass. com., 5 oct. 2004, n° 03-15709). Elle a également admis la révélation de dons manuels dans le cadre de la présentation de ses comptes bancaires par un contribuable faisant l’objet d’un examen de situation fiscale personnelle (Cass. com., 4 oct. 2011, n° 10-23230, F-D). La Cour européenne des droits de l’Homme a condamné cette interprétation en juin 2011 au motif que la taxation des dons découverts lors d’un contrôle fiscal constituait une violation de la Convention européenne des droits de l’Homme pour imprévisibilité de la loi fiscale (CEDH, 30 juin 2011, n° 8916/05).
Une réécriture de la loi
En janvier 2013, la Cour de cassation a abandonné sa jurisprudence antérieure pour préciser que les dons découverts au cours d’un contrôle fiscal ne peuvent être considérés comme révélés (Cass. com., 15 janv. 2013, n° 12-11642). En avril de la même année (Cass. com., 16 avr. 2013, n° 12-17414), la Cour de cassation a réaffirmé cette solution. L’administration fiscale a intégré à sa doctrine ces deux arrêts rendus par la Cour de cassation, mais a pris soin d’y intégrer également un arrêt du TGI de Limoges qui lui était favorable (TGI Limoges, 21 novembre 2013, n°12-00665). En 2016, la Cour de cassation s’est prononcée sur cette affaire, (Cass. com., 6 déc. 2016, n° 15-19966). La découverte d’un don manuel lors d’une vérification de comptabilité, résulterait-elle de la réponse apportée par le contribuable à une question de l’administration formée à cette occasion, ne peut constituer une révélation par le donataire au sens de l’article 757 du Code général des impôts, conclut la Cour de cassation. Seule une démarche volontaire du donataire peut constituer une révélation au sens de l’article 757 du Code général des impôts. En pratique, dans le cadre d’un contrôle fiscal, la révélation du don manuel ne pourra résulter ni de la présentation obligatoire de documents, ni de la réponse adressée à une question du vérificateur.
Une solution à sécuriser ?
Entretemps, dans le cadre du vote de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificatives pour 2011, le législateur a complété l’article 635 A du Code général des impôts fixant le délai de déclaration ou d’enregistrement incombant au donataire ayant révélé le don par deux alinéas. Un de ces alinéas renvoie expressément à la « révélation qui est la conséquence d’une réponse du donataire à une demande de l’administration ou à une procédure de contrôle fiscal ». Dans un nouvel arrêt, rendu dans une affaire de dons de dessin d’artistes entre 2000 et 2004 par une voisine du contribuable, (Cass. com., 4 mars 2020, n° 18-11120), la Cour de cassation a précisé, à la lumière de cette nouvelle rédaction, qu’une réponse à une demande formulée par l’administration fiscale dans le cadre d’une vérification de la situation personnelle du contribuable pouvait valoir révélation. Dans une affaire, présentant quelque similarités, puisque le contribuable s’était vu offrir deux tableaux, l’un en 1994 et le second en 2000 par un artiste depuis décédé, la Cour de cassation vient de décider de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 757 du Code général des impôts prévoyant une obligation de déclaration ou d’enregistrement pour les dons manuels révélés à l’administration fiscale et leur assujettissement aux droits de mutation à titre gratuit afin de déterminer si ces dispositions législatives portent atteinte au principe de l’égalité des contribuables devant la loi ainsi qu’au principe de la sécurité juridique (Cass. com., 12 mai 2021, n° 20-21109). La réponse du Conseil constitutionnel devrait permettre d’apporter une clarification attendue au régime des dons manuels.
Référence : AJU001h5