L’action ayant pour objet la liquidation d’une astreinte constitue un acte conservatoire
L’exercice du recours en récupération de prestations d’aide sociale facultatives contre la succession du bénéficiaire suppose que ce recours soit prévu par les textes instituant cette prestation. Le juge peut réduire le montant de la récupération s’il l’estime excessive au regard des circonstances de la cause.
CE, 5 févr. 2020, no 422833
L’aide sociale ayant un caractère subsidiaire, l’article L. 132-4 du Code de l’action sociale et des familles énumère un certain nombre d’hypothèses où l’organisme débiteur d’une prestation sociale pourra prétendre à sa récupération. Ces hypothèses sont diverses mais correspondent toutes à une modification du patrimoine de l’allocataire intervenue avant ou postérieurement à son décès. C’est ainsi qu’un recours peut être engagé contre un bénéficiaire revenu à meilleure fortune (CASF, art L. 132-4, 1°), contre le donataire (CASF, art L. 132-4, 2°) ou encore, sous certaines conditions, contre le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie (CASF, art L. 132-4, 4°)1. De même, des modifications du patrimoine de l’allocataire qui découlent de son décès ouvrent droit à une action en récupération contre son légataire (CASF, art L. 132-4, 3°) ou sa succession (CASF, art L. 132-4, 1°).
Dans cette dernière hypothèse, l’action doit être dirigée contre les héritiers, les légataires universels et à titre universel de l’allocataire2 à l’exclusion des légataires particuliers qui relèvent du 3° de l’article susmentionné. Cependant, la loi apporte certaines limites à l’action en récupération dirigée contre la succession du bénéficiaire des prestations. En effet, d’une part, l’article L. 241-4 du Code de l’action sociale et des familles écarte la récupération lorsque les héritiers de l’allocataire sont son conjoint ou ses enfants ou encore la personne qui l’a pris en charge de manière effective et constante. D’autre part, l’article R. 132-12 du même code précise que la récupération ne s’exercera que sur la partie de l’actif net successoral excédant 46 000 € et seulement pour les dépenses supérieures à 760 €.
C’est à cette action en récupération des prestations d’aide sociale sur la succession de leur bénéficiaire qu’à trait une décision du Conseil d’État du 5 février 20203. En l’espèce, un département avait alloué à un bénéficiaire une aide sociale aux personnes handicapées destinée à couvrir ses frais d’hébergement dans un foyer puis, à la suite de son placement dans un établissement dit « éclaté », le département lui verse une aide d’accompagnement à la vie sociale. Après le décès de l’allocataire, le président du conseil général (aujourd’hui conseil départemental) décide de la récupération des prestations versées sur sa succession. La commission centrale d’aide sociale confirme cette décision. Les héritiers saisissent le Conseil d’État. On laissera ici de côté la question de la compétence, en l’espèce, de la commission centrale, car cette formation a été supprimée par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Deux questions se posaient au Conseil d’État concernant la possibilité et le montant de la récupération des sommes versées. Sur le premier point, il est nécessaire de distinguer entre les deux prestations allouées. En effet, l’aide sociale aux personnes handicapées est expressément prévue par la loi, et est donc de facto soumise aux dispositions de l’article L. 132-8 du Code de l’action sociale et des familles. En revanche, l’aide à l’accompagnement à la vie sociale ne résulte pas de la loi mais du règlement départemental d’aide sociale. En effet, par ce règlement le département peut, soit améliorer les règles régissant une aide prévue par la loi4, soit, comme c’était le cas en l’espèce, créer une nouvelle prestation dont il fixe les modalités. Celle-ci n’est donc pas soumise au droit commun des récupérations, tel qu’il résulte du texte susmentionné, sauf stipulation particulière de ce règlement. Or celui-ci prévoyait expressément que les dépenses exposées au titre de l’accompagnement à la vie sociale étaient récupérables dans les conditions du droit commun. Le département était alors tout à fait fondé à décider d’une récupération des deux prestations versées sur la succession de leur bénéficiaire. En ce qui concerne le montant de la récupération, le Conseil d’État rappelle quel est le pouvoir du juge en la matière. De fait, il précise qu’« il appartient au juge administratif, statuant en qualité de juge du plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de l’action engagée par la collectivité publique d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre des parties à la date de sa propre décision. À ce titre, il a la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, d’aménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, d’en réduire le montant… ». C’est ainsi que le juge peut reporter les effets de la récupération dans le temps, par exemple à la date de la vente du bien immobilier constituant la succession5. Il a également la faculté, comme c’était le cas en l’espèce, de réduire le montant de la récupération demandée6.
Notes de bas de pages
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1.
Sur l’action en récupération sur une assurance-vie, v. Niémiec A., « Sur la portée de la requalification d’une assurance-vie en donation en matière d’aide sociale », RDSS 2016, p. 762 ; CA Riom, 18 juin 2019 : RDSS 2019, p. 948, obs. Niémiec A.
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2.
CE, 5 avr. 2000, n° 208264 ; CE, 4 févr. 2000, n° 187142 ; CE, 4 févr. 2000, n° 192807.
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3.
CE, 5 févr. 2020, n° 422833 : Dalloz actualité,17 févr. 2020, obs. Benoit E.
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4.
Il est parfois difficile de déterminer cette amélioration, v. CE, 29 mai 2019, nos 417406 et 417467 : Dalloz actualité,14 juin 2019, obs. De Montecler M.-C. ; LPA 5 août 2019, n° 147c0, p. 18, note Dagorne-Labbe Y.
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5.
CE, 25 avr. 2001, n° 214252 : AJDA 2001, p. 451 ; AJDA 2001, p. 449, chron. Guyomar M. et Collin P. ; D. 2001, p. 3315, note Dagorne-Labbe Y. ; RDSS 2001, p. 547, obs. Ligneau P. ; RDSS 2001, p. 620, concl. Boissard S.
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6.
Dans le même sens, v. CE, 27 avr. 2015, n° 370166.