Quelques précisions sur les formalités et délais du droit d’option de l’héritier

Dans un arrêt du 5 février 2025, la première chambre civile de la Cour de cassation revient sur l’application des articles 771 et 772 du Code civil pour déterminer les formalités et délais auxquels l’héritier est tenu pour décider de l’acceptation ou non d’une succession. Après l’expiration d’un premier délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession, l’héritier qui a été sommé de prendre parti dans les deux mois suivant la sommation et s’abstient de se positionner est réputé acceptant pur et simple de la succession.
Le 5 février 2025, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de rejet concernant les formalités et délais pour l’acceptation d’une succession par un héritier.
En l’espèce, le 12 juin 2017, un parent est décédé, laissant pour lui succéder ses trois enfants. Par actes des 17, 18 et 19 juillet 2019, le syndicat des copropriétaires d’une copropriété du de cujus, invoquant une créance relative à des charges de copropriété dues par ce dernier, a sommé l’un des héritiers d’opter en application des dispositions de l’article 771 du Code civil. À l’issue du délai de deux mois suivant la sommation, prévu par l’article 772 du Code civil, cet héritier ne s’est pas positionné sur l’option. Par suite, le créancier l’a assigné en paiement de la dette du défunt.
Le 7 juillet 2022, la cour d’appel de Nîmes a condamné ledit héritier à payer au créancier une somme de 91 545,25 € au titre des charges de copropriété arrêtées au 30 juin 2021. S’est ensuivi un pourvoi en cassation de l’héritier. Il reproche à la cour d’appel d’avoir violé les articles 771 et 772 du Code civil en se fondant sur la seule circonstance qu’une sommation d’opter avait été délivrée et qu’il n’avait pas réagi à celle-ci dans un délai de deux mois, alors qu’il lui était possible de renoncer efficacement à la succession tant qu’une décision le déclarant acceptant pur et simple n’était pas encore passée en force de chose jugée.
Ainsi, la Cour de cassation était invitée à se demander si l’absence de réaction de l’héritier dans les deux mois suivant la sommation lui demandant de prendre parti, laquelle intervient après l’expiration d’un premier délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession, implique son acceptation pure et simple de la succession.
La haute juridiction répond par l’affirmative en se fondant sur les articles 771 et 772 du Code civil et en retenant que si l’héritier ne prend pas parti et ne sollicite pas de délai supplémentaire auprès du juge avant l’expiration du délai de deux mois de la sommation, il est « réputé acceptant pur et simple de la succession » et « il ne peut plus y renoncer, ni l’accepter à concurrence de l’actif net ». Cette motivation conduit au rejet du pourvoi et invite à revenir sur les dispositions relatives à l’option de l’héritier d’une succession et sur les différentes étapes avant qu’il devienne, en cas d’inaction, acceptant pur et simple.
1. L’option accordée à l’héritier. Les héritiers, ou successibles, sont titulaires d’un droit d’option. L’article 768 du Code civil dispose ainsi que « l’héritier peut accepter la succession purement et simplement ou y renoncer » et qu’il « peut également accepter la succession à concurrence de l’actif net lorsqu’il a une vocation universelle ou à titre universel ». Une distinction s’opère donc entre le successible universel ou à titre universel, et le légataire à titre particulier. Le premier est titulaire d’un droit d’option plus étendu incluant, outre l’acceptation pure et simple et la renonciation, l’acceptation à concurrence de l’actif net. Le deuxième, en revanche, est titulaire d’un droit d’option limité puisqu’il peut accepter ou renoncer. En principe personnelle aux successibles1, cette option s’exerce, sauf en cas de fraude, et comme l’indique la lettre du texte avec la formule « l’héritier peut », librement. Demeure cependant prohibée l’option exercée « avant l’ouverture de la succession, même par contrat de mariage »2, est nulle « l’option conditionnelle ou à terme »3. En l’espèce, l’héritier était donc libre de ne pas opter.
2. L’exigence d’un délai de quatre mois pour contraindre l’héritier à opter. Dans sa motivation, la Cour de cassation se fonde en premier lieu sur l’article 771 du Code civil. Cette disposition est protectrice de l’héritier. D’une part, elle prévoit qu’il « ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession ». L’héritier bénéficie donc d’un délai de réflexion avant de prendre sa décision. D’autre part, elle précise qu’« à l’expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l’initiative d’un créancier de la succession, d’un cohéritier, d’un héritier de rang subséquent ou de l’État ». Cette action interrogatoire est strictement encadrée. Une sommation effectuée par signification de commissaire de justice ou par lettre recommandée avec accusé de réception est exigée, et elle ne peut être mise en œuvre que par les seules personnes identifiées par l’article. En l’espèce, l’héritier a reçu une sommation d’un créancier de la succession afin de le contraindre à opter4.
3. La nécessité pour l’héritier de prendre parti ou de solliciter un délai supplémentaire dans les deux mois suivant la sommation. En second lieu, la Cour de cassation se fonde sur l’article 772 du Code civil pour rappeler que l’héritier a un délai de deux mois, une fois la sommation adressée, pour agir. Selon le premier alinéa de l’article : « Dans les deux mois qui suivent la sommation, l’héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu’il n’a pas été en mesure de clôturer l’inventaire commencé ou lorsqu’il justifie d’autres motifs sérieux et légitimes. Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu’à la décision du juge saisi ». L’héritier a donc en ce cas l’obligation de répondre à la sommation dans les deux mois, délai lui étant de fait profitable. À l’issue de ce délai, soit il prend parti, soit il sollicite judiciairement un délai supplémentaire pour pouvoir prendre parti. Mais, en l’espèce, l’héritier est demeuré inactif.
4. L’acceptation pure et simple en cas d’absence de réponse dans les deux mois suivant la sommation. En troisième lieu, la Cour de cassation se fonde de nouveau sur l’article 772 du Code civil pour rappeler que l’héritier qui, à l’expiration du délai de deux mois suivant la sommation, n’a pas pris parti et n’a pas sollicité de délai supplémentaire auprès du juge, est « réputé acceptant pur et simple de la succession, il ne peut plus y renoncer, ni l’accepter à concurrence de l’actif net ». Il s’agit d’une reprise du deuxième alinéa de l’article disposant que, « à défaut d’avoir pris parti à l’expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l’héritier est réputé acceptant pur et simple ». Jusqu’au 31 décembre 2006, un jugement passé en force de chose jugée était nécessaire pour qu’il soit réputé acceptant pur et simple à l’égard du créancier poursuivant5. Depuis le 1er janvier 20076, le droit est favorable aux créanciers de la succession puisque cette règle est d’application automatique et sans saisie du juge. Elle a ainsi a été logiquement appliquée en l’espèce par les juges du fond puisque l’héritier n’a pas agi dans le délai de deux mois suivant la sommation. À ce titre, la haute juridiction retient que la cour d’appel « a exactement retenu que le délai de deux mois imparti avait valablement couru à compter de ces sommations et qu’à défaut d’avoir pris parti dans ce délai » l’héritier avait « perdu le droit de renoncer à la succession respectivement » impliquant « que les actes de renonciation établis (…) postérieurement (…) étaient inopérants et que la copropriété, créancière de leur père, était recevable à agir à leur encontre en paiement de la dette du défunt » puisqu’il avait la qualité d’héritier. Le moyen étant infondé, l’héritier inactif se retrouve désormais tenu d’un actif et d’un passif successoral, situation évitable s’il avait été actif en réagissant dans les deux mois suivant la sommation.
Notes de bas de pages
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1.
Notons par exemple que « les héritiers de celui qui décède sans avoir opté exercent l’option séparément, chacun pour sa part », v. C. civ., art. 775, al. 2 ; ou que des règles spécifiques s’appliquent pour un successible placé sous tutelle ou curatelle.
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2.
C. civ., art. 770.
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3.
C. civ., art. 768, al. 2.
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4.
À défaut de sommation, l’héritier conserve la faculté d’opter selon les règles de l’article 773 du Code civil.
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5.
Cass. 1re civ., 5 avr. 2005, n° 03-18.371 : D. 2005, p. 2373, note V. Brémond.
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6.
Date d’entrée en vigueur de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.
Référence : AJU017e0
