Chronique de QPC (janvier – juin 2021)

Publié le 25/04/2022

La présente chronique porte sur les questions prioritaires de constitutionnalité rendues publiques par le Conseil constitutionnel entre le 1er janvier et le 30 juin 2021. Cette étude, placée sous l’égide de l’Institut de recherche juridique interdisciplinaire (IRJI François-Rabelais – EA 7496) de l’université de Tours, a été écrite, pour la partie générale, par Pierre Mouzet, maître de conférences HDR en droit public, qui assume la responsabilité de la chronique ; et, pour la partie jurisprudence, par Delphine Taillandier-Thomas, maître de conférences en droit privé et en sciences criminelles, Benjamin Defoort, professeur de droit public, Joachim Lebied, enseignant-docteur en droit public, et Pierre Mouzet.

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Introduction

Y aurait-il donc maintenant une saison, au Conseil constitutionnel, pour les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ? Le printemps 2021 aura vu éclore deux fois plus de décisions rue de Montpensier (41) qu’à l’automne précédent (20) ; c’est aussi moitié plus, de janvier à juin, qu’au premier semestre 2020 (27) mais seulement une petite crue par rapport aux premiers semestres 2019 (37) ou 2018 (35).

Et puis c’est l’année des censures. Jamais on n’avait connu pareil festival : 27 déclarations d’inconstitutionnalité – totale, chaque fois – pour 14 décisions de conformité ! Du tiers au semestre précédent, leur part grimpe ainsi aux deux tiers. Elles se divisent presque également en deux, 12 étant d’effet immédiat et 15 à « effet différé », avec une abrogation de l’énoncé visé reportée de six mois environ à un peu plus de dix mois, le plus souvent (11 fois) au 31 décembre suivant (ou, une fois, au 1er janvier)1.

La constitutionnalité efficace s’avère en revanche d’une remarquable constance : le fondement des censures est toujours tiré de la Déclaration de 1789, à trois décisions près ce semestre, de l’article 66 de la Constitution (deux décisions)2 et de l’article 7 de la Charte de l’environnement3 faisant office, à tous égards, de lex specialia ; le principe de dignité, dont on connaît la source, le remarquable texte de 1946, joue, lui, dans une quatrième décision4, en combinaison avec le texte de 1789, en l’espèce le droit au recours de l’article 16. Celui-ci, couvrant également les droits de la défense (9 décisions sur 27 au total5), fait figure de vedette, dans chaque sens du terme, ici suivi de peu par l’article 6 (sept décisions6) et l’égalité devant la loi ou devant la justice, tous deux étant combinés dans ce dernier cas7. Le quinté dans l’ordre les voit suivis de l’article 9 – une exceptionnelle batterie de quatre décisions sur « le droit de se taire »8, déduit du principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser – de l’article 2 (trois décisions9) et, cette fois légèrement déclassé, de l’article 8 (deux décisions10).

Pour autant, la proportion d’inconstitutionnalités blanches (5 sur 12) pourrait inquiéter. Hypocrisie, diront d’aucuns, que de laisser accroire que la Constitution et le juge protègent réellement quand, de fait, ce dernier brandit les « conséquences manifestement excessives » qu’aurait une pleine censure pour ne donner aucun effet à sa décision de contrariété de dispositions qui, certes, « ont été abrogées par la loi » (QPC n° 2021-911/919), ne sont « plus applicables » (QPC nos 2020-872 et 2020-878/879) ou « plus en vigueur » (QPC nos 2020-884 et 2021-898) mais l’ont bien été11. L’inconstitutionnalité blanche, que ne mentionne pas et a fortiori ne nomme pas la typologie affichée au Conseil, c’est la peur du désordre : la prévalence de la « sécurité » sur la « justice » (ou bien, c’est selon, la subsumption de celle-ci sous celle-là) ; et une prévalence totale, absolue, contrairement au cas du report d’abrogation (seules 10 des 15 décisions à effet différé excluent expressément toute rétroactivité de l’inconstitutionnalité12). Toutefois, il faudra à l’avenir compter avec la mise en jeu devant le juge ordinaire de la responsabilité de l’État, possible consolation du « reçu-collé » que le Conseil constitutionnel jamais n’a exclue.

Il est vrai à l’inverse que ce semestre, plus de la moitié des censures à « effet différé » sont tempérées par ces mal nommées « réserves transitoires » –8 décisions sur 15, c’est-à-dire autant entre mars et juin 2021 que d’octobre 2016 à fin 2020 et autant que de 2010 à 2016, le Conseil constitutionnel n’affichant que 23 décisions au total – qui ne sont plus, si tant est qu’elles le furent à l’origine, des « réserves » véritables. Apparue en matière fiscale, vite étendue à la procédure pénale, leur technique lui est, ce semestre, entièrement consacrée, notamment en matière de justice des mineurs et, surtout, d’auto-incrimination. S’il s’agit bien toujours d’injonctions adressées dans l’immédiat aux juridictions (ou aux administrations), ces « législations provisoires » prétoriennes, qui ne préjugent pas des choix futurs du législateur, sont en fait positives plutôt que négatives, visent l’action plutôt que l’abstention et comportent moins d’interdictions (l’interprétation prohibée) que d’obligations (la pratique prescrite). Le dispositif des décisions du Conseil constitutionnel distingue clairement au demeurant ses « réserves » – d’« interprétation », donc, absentes du semestre – de ses « conditions » d’application (devrait-il écrire).

Il est vrai aussi que beaucoup d’affaires sentent le réchauffé : songeons par exemple à la psychiatrie (QPC n° 2021-912/913/914) ou à la décision QPC n° 2021-911/919 (qui néanmoins ne cite point : elle répète) relative aux audiences pénales par visioconférence sous état d’urgence sanitaire ; sans parler de « loi des séries », comme on le dit des accidents : ainsi du droit de se taire, martelé cette année, on l’a vu. Cette caractéristique du semestre provient assurément du nombre d’arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation : 20 décisions en sont issues, la moitié, et celle-ci a même opéré 27 renvois, si l’on décompte les QPC jointes par le Conseil constitutionnel (dont une mixte, car la QPC n° 919 correspond à une saisine du Conseil d’État). Sur un total de 52 arrêts de renvois, 39 ont été rendus Quai de l’Horloge (dont six de la première chambre civile, quatre de la troisième, une de la deuxième et une de la chambre commerciale, la chambre sociale s’étant abstenue) et 13 au Palais-Royal. Sur 41 décisions, moins du tiers viennent donc cette fois du Conseil d’État, une proportion inversée par rapport au second semestre 2019, contre la moitié aux deux semestres de 2020. À cet égard, la règle est simple : il n’y a pas de règle.

Selon le site internet du Conseil constitutionnel, les deux juridictions suprêmes auront rendu, entre la mi-octobre 2020 et la mi-mai 2021, 75 arrêts de non-renvoi pour la Cour de cassation et 65 pour le Conseil d’État, dont, respectivement, 6 et 14 sur de mêmes textes à la même date ; soit, au total, 69 refus de transmission de QPC judiciaire et 51 de QPC administrative : par rapport à l’habituelle proportion d’une demande sur quatre, le taux de renvoi est monté au tiers à la Cour de cassation (39 sur 108) mais descendu au cinquième (13 sur 64) au Conseil d’État. On aurait tant aimé, pourtant, que la rue de Montpensier se prononçât sur les lettres patentes de Louis XV relatives aux règles de transmission des titres nobiliaires13… C’est que l’âge des textes importe peu, on le sait bien. Le plus ancien, ici, est une ordonnance du 6 mai 1944, antérieure au rétablissement de la République, modifiant la loi de 1881 sur les délits de presse (n° 2021-896 QPC : une saisine chorale, puisque visant quatre autres textes, échelonnés de 2000 à 201714). Ce semestre, la plupart l’étaient beaucoup moins : sur nos 41 décisions, une douzaine concernent certes un droit positif vieux de dix ans ou plus15, une seconde douzaine des textes d’au moins quatre ou cinq ans16 et la quinzaine d’autres des dispositions datant de trois ans, souvent deux17, ou même quelques mois. Mais y compris dans ce dernier cas – des ordonnances non ratifiées quatre fois sur six – on relèvera l’absence quasi totale de la QPC palliative qui supplée presque immédiatement au défaut de saisine politique dans le cadre du contrôle a priori18.

Le nombre, bien sûr, fait que l’on trouve encore de tout parmi les pourvoyeurs de QPC. Sans doute la procédure pénale est-elle spécialement à l’honneur (20 décisions : la moitié !), très loin devant la fiscalité (trois décisions19, dont une concerne le divorce, lui-même présent sous son aspect civil dans deux décisions20), laquelle est suivie de près par le droit commercial21 et même par le droit de l’expropriation22, tandis que les devance sensiblement le droit du travail23 – qui est d’ailleurs aussi, le plus souvent, du droit de la santé. Mais, outre l’enfermement psychiatrique, les matières concernées sont parfois inclassables : préjudice écologique (QPC n° 2020-881 : osera-t-on dire droit de l’électricité ?), captages d’eau et produits phytopharmaceutiques (QPC nos 2020-883 et 2021-891 : droit de l’environnement ou droit rural ?), fonction disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (QPC n° 2021-922), droit du maintien de l’ordre (QPC n° 2020-889) ou 5G et sécurité nationale (QPC n° 2020-882). Et, s’il faut rendre au droit public ce qui appartient au droit public, comme dans notre partie « jurisprudence » (II), il est clair qu’aujourd’hui le procès constitutionnel (I) transcende le clivage romain.

Pierre MOUZET

I – Le procès constitutionnel

Relevons d’emblée, pour n’y plus revenir, la question du faire-savoir : décidément, communiqués de presse – fort pédagogiquement complets (on n’est jamais si bien servi que par soi-même), mais qui n’accompagnent qu’une décision sur quatre –, traductions en langue voisine24 et « références doctrinales » (s’agissant de près de deux décisions sur trois) paraissent toujours erratiques ; les Montpensiologues devront obtenir un éclairage d’acteurs, des témoignages internes à l’institution, pour prétendre en bâtir une éventuelle théorie. Le « savoir-être », lui, qui exige l’assiduité des conseillers (sauf déport, dont notre semestre est exempt), ne se détériore pas : 16 décisions ont été rendues au complet, c’est-à-dire en présence des neuf membres nommés, 18 en l’absence d’un seul et 7 (précisément : pour 3 des 21 séances) avec deux absents25.

En revanche, ce premier semestre 2021 est marqué par une proportion forte et assez originale – les deux tiers des décisions, comme début 2020, quand le partage auparavant était d’ordinaire égal – de requérants personnes physiques (27 sur 41, plus deux saisines mixtes26), le plus souvent une unique personne27, sachant en outre que, sur les 12 autres décisions, seule la moitié provient d’une ou plusieurs sociétés commerciales, les autres personnes morales étant des associations (de défense des droits humains ou de l’environnement) et/ou des syndicats, à l’exclusion de toute personne de droit public. Le prisme pénal, assurément, explique le phénomène, y compris dans ce dernier cas. Mais peut-être la sociologie de la QPC est-elle en train d’évoluer, et pas seulement de fluctuer.

La place dans le procès constitutionnel de la « partie au litige » a quo est, de même, intéressante : outre le fait qu’elle puisse avoir le même avocat que la requérante (QPC n° 2020-885), lorsqu’elle n’est pas, par exception, une contributrice en défense de la loi, cette partie généralement adverse, donc, apparaît rue de Montpensier dans 14 décisions au total28. C’est quasi le même nombre que celles (15 sur 41, dont cinq communes) comprenant des interventions formelles29 (l’intervenant devant justifier d’un « intérêt spécial »30, contrairement, dit le règlement intérieur, aux « parties », chez qui il paraît implicite31). Le « dialogue des cabinets » est bien vivant, et même sans doute de plus en plus vigoureux. Notons par ailleurs qu’on relève toujours des avocats qui ne plaident pas (QPC nos 2020-883, 2021-910 et 2021-920), presque autant qu’au printemps 202032 et que l’audience, où ne s’exprime que le représentant du Premier ministre, peut être quelque peu bancale… mais le procès en inconstitutionnalité gagné (les trois fois ici). Si les secondes observations, sans être systématiques, sont banalisées (26 décisions, dont deux des seuls intervenants (sept cas), sept de l’autre partie et… deux du Premier ministre), les notes en délibéré (une fois sur deux alors qu’il n’y a ni intervenant ni autre partie) apparaissent dans 13 décisions, dont 12 fois… du Premier ministre (et neuf fois seul). Enfin, une unique « lettre [soumettant] un grief susceptible d’être relevé d’office » par le Conseil constitutionnel, ultime développement du principe du contradictoire, émerge de nos 41 décisions (une fréquence usuelle depuis 2016, année qui en avait connu plusieurs) : l’affaire est remarquable car c’est bien ce grief qui fonde l’inconstitutionnalité33.

Parallèlement, les visas témoignent de l’inexistence, ce semestre, de l’Europe34. En revanche, y coexistent depuis le printemps 2020, avec les textes de codification (à droit constant), deux autres types d’ordonnances. Tandis que les visas précisent désormais expressément le cas échéant que le Conseil est saisi d’une ordonnance « ratifiée par » telle ou telle loi (nos 2021-892 et 2021-908 QPC), l’ordonnance non ratifiée – qui génère encore tant de contresens (par exemple cette idée absurde de dépossession du Parlement) – est bien entrée dans les us de la QPC : lorsque « le délai [d’habilitation] est expiré », un tel texte, tout règlementaire qu’il reste (formellement et pour la compétence contentieuse du Conseil d’État), devient législatif « au sens de » l’article 61-1 s’il l’est déjà matériellement35. C’est le cas dans quatre de nos décisions : QPC nos 2020-872 et 2021-911/91936, 2020-878/879 puis 2021-917. Si toutes posent donc le même problème, ainsi réglé, de recevabilité, elles illustrent des problèmes de fond qui sont, hélas !, des redites obligées37.

A – Sur la recevabilité

Il est toujours excitant pour l’observateur d’avoir affaire à une « question nouvelle » ! On sait qu’il s’agit, dans le vocable de la QPC fixé dès 2009 par le Conseil constitutionnel, d’un faux ami car le concept désigne le monopole d’interprétation revendiqué par l’aile Montpensier et non pas la virginité contentieuse de la loi38. Rare (ne serait-ce que parce que peu d’affaires s’y prêtent), puisque le filon tend à s’épuiser (mais l’imagination du juriste reste sans fond), elle surgit ce semestre à l’endroit de la responsabilité environnementale – les articles 3 et 4 de la Charte de 2004 – et du préjudice écologique dans la QPC n° 2020-881. Ce n’étaient pourtant nullement des textes inusités39. Mais, dans l’arrêt de la Cour de cassation du 10 novembre 2020, elle est « nouvelle » au regard du fait social. La formulation intégrale, toute en distanciation, est osée : « La limitation du droit à réparation au seul préjudice consistant en une atteinte non négligeable à l’environnement présente, compte tenu de la place croissante qu’occupent les questions relatives aux atteintes portées à l’environnement dans le débat public, un caractère nouveau au sens que le Conseil constitutionnel donne à ce critère alternatif [au « sérieux »] de saisine »40. Sans doute ce mode de raisonnement n’est-il pas sans faire songer mutatis mutandis à la recevabilité, au Conseil, de la QPC sur la garde à vue sans avocat, le 30 juillet 2010 ; la différence est de taille, toutefois, car il s’agissait alors de qualifier un « changement des circonstances », une opération placée, contrairement à la « nouveauté », sous le contrôle du Conseil constitutionnel…

Parfois, le caractère « sérieux » est tout en généralités suspicieuses, comme dans l’affaire de la « nasse » quand la chambre criminelle dans son arrêt (non publié) du 15 décembre 2020 écrit : « La question posée présente un caractère sérieux, en ce que le recours au procédé de « l’encerclement » lors de manifestations pourrait porter atteinte aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, de sorte qu’il n’est pas exclu qu’il doive être encadré par la loi ». On notera, à l’inverse, que l’unique arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, sur le principe non bis in idem appliqué aux sanctions financières (pour obstruction à ses enquêtes) de l’Autorité de la concurrence, est totalement dénué de motivation : « La question posée présente un caractère sérieux », dit-elle seulement. Il est vrai que cette opération-ci de qualification juridique n’en exige pas. Néanmoins, la motivation des juges du fond est contrôlée par les juridictions suprêmes41. Parallèlement, si ce semestre nos appartenances européennes auront été reléguées, a-t-on dit, il y aura tout de même eu un peu d’Europe : dans l’appréciation du « sérieux », d’abord42 ; mais négativement : dans son arrêt de renvoi du 3 novembre 2020 sur la prolongation de la détention provisoire (n°2020-878 QPC), la chambre criminelle a en effet affirmé que – alors qu’elle-même avait jugé deux mois plus tôt une QPC « similaire » dépourvue de sérieux du fait de son interprétation en conformité avec la CEDH – « il convient de se référer exclusivement à la lettre » du texte querellé, le Conseil constitutionnel ayant entre-temps posé le principe selon lequel le juge ne pouvait, pour « réfuter le caractère sérieux, se fonder sur l’interprétation de la disposition législative contestée qu’impose sa conformité aux engagements internationaux de la France, que cette interprétation soit formée simultanément à la décision qu’il rend ou l’ait été auparavant »43. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est bien de nature à emporter le « sérieux » : ainsi, dans la QPC n° 2020-911, la Cour de cassation renvoie parce que, six semaines plus tôt, le Conseil a censuré une disposition « rédigée en des termes très semblables »44. L’expression « autorité de chose jugée », certes, eut été techniquement inadéquate. Mais, à défaut de la norme, l’idée est là. À cet égard, la rue de Montpensier continue de manier la litote, tout en s’exposant formellement45. Le Conseil d’État, lui, est généralement plus allusif. Il sait cependant être précis : dans son arrêt de renvoi du 28 avril 2021 de la QPC n° 2021-922 (sur la loi organique portant statut de la magistrature), il invoque ainsi « les développements de la jurisprudence du Conseil constitutionnel » sur le principe de publicité des audiences, « découlant de la décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 », pour juger qu’elles « constituent une circonstance de droit nouvelle » justifiant un réexamen.

Le fameux « changement des circonstances » se matérialise en effet ce semestre uniquement dans la décision n° 2021-922 QPC du 25 juin 2021 – cette ultime décision est aussi la seule à identifier sous une rubrique particulière la question de la recevabilité – qui a pour particularité d’afficher tant dans ses motifs que dans ses visas les deux décisions précédentes du Conseil constitutionnel lui-même : celle du 19 juillet 2010, portant « examen spécial » et déclaration de conformité à la fois dans ses motifs et son dispositif ; et celle du 21 mars 2019, déjà pointée par le Conseil d’État, où il avait été jugé que résultait des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 ce « principe de publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives ». C’est un revirement assumé, deux ans auparavant et neuf ans après le contrôle initial, qui offre de rejuger et de déclarer inconstitutionnel ce qui était conforme : on est au bout de la logique bien comprise de la QPC et des critères organiques de recevabilité posés en 2009. Au vrai, le seul débat est de savoir si le juge constitutionnel était obligé de statuer ainsi.

Rien de surprenant, en tout cas, à ce qu’il n’y ait point ce semestre de non-lieu à statuer – on les sait très rares (40 depuis 2010, dont neuf cette année-là, c’est-à-dire moins de 5 %) ; c’est cependant la première fois qu’il n’y en aura eu encore aucun au début de l’été – puisqu’il proviennent essentiellement d’une divergence avec le juge de renvoi sur la réalité ou la portée du « changement »46. Le non-lieu à statuer peut aussi tenir à une précédente déclaration d’inconstitutionnalité47, au caractère non législatif d’un texte querellé48, à son origine référendaire49 ou européenne50, ou encore à l’applicabilité au litige, ainsi que la décision n° 2019-790 QPC du 14 juin 2019 l’avait montré51 en exigeant des requérants qu’ils désignent précisément « l’autre disposition législative entraînant le cumul dénoncé » comme méconnaissant le principe non bis in idem. Rappelons au besoin que le Conseil constitutionnel ne contrôle pas la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation de juger une disposition applicable au litige ou à la procédure (ou de la tenir pour le fondement des poursuites) mais qu’il précise fréquemment la version du dispositif renvoyé, au regard des faits à l’origine du procès – ce qui, en pratique, en dispense le juge du filtre. À cet égard, on ne confondra pas vigueur (du texte contesté), pertinence (le rapport avec lui des griefs soulevés)52 et périmètre (la délimitation ainsi déduite de la mise en cause) du procès devant le Conseil. Notons, dans les décisions QPC nos 2020-880 et 2021-906, la restriction du champ de la QPC au seul renvoi, par la disposition querellée, à une autre, ce qui en limite la portée in fine et préserve d’autres contentieux. C’est un aspect de cette nécessaire traduction logique de la QPC par le juge constitutionnel que l’on retrouve dans la désignation formelle, par lui, de certains mots : ainsi, par exemple, la restriction de la QPC n° 881 aux mots « non négligeable » s’agissant du préjudice écologique ou de la QPC n° 922 à « ne peut être rendue publique » s’agissant d’audience disciplinaire53.

Il importe de bien distinguer applicabilité au litige et invocabilité en QPC. Dans les QPC n° 2021-912/913/914, la Cour de cassation rappelle ainsi (le Conseil constitutionnel s’en dispensera) que « la méconnaissance de la procédure d’adoption d’une loi ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité ». Pourtant, au-delà du cas d’espèce (car il ne s’agissait que de cavalier législatif), ne serait-il pas possible d’y réfléchir plus avant, sur le modèle de l’incompétence négative ? Comment justifier cette exclusion si l’on songe que – sur le fond – une procédure inconstitutionnelle est une atteinte à la séparation des pouvoirs, laquelle peut (c’est bien le moins, puisque son fondement se trouve dans l’efficient article 16 de la Déclaration de 1789) être invoquée à l’appui d’un autre grief ?

B – Sur le fond

Foin de hiérarchie, mais commençons par la dignité humaine : dans la décision n° 2021-898 QPC du 16 avril 2021 sur les droits des détenus, elle ne « marche », à nouveau54, pas seule ; le Conseil d’État, dans son arrêt de renvoi, avait lui-même lié dignité et droit au recours. Cette liaison des arguments, griefs devenus motifs, peut être comprise soit comme un impératif logique (de quoi s’agit-il, en effet, sinon de recours juridictionnel, dans le cas particulier des conditions de détention indignes ?), soit comme un impératif politique – car la notion de dignité est aussi subjective que le droit au juge est objectif : comme l’a chanté Bob Dylan, la dignité ne s’est jamais laissée photographier – soit, enfin, comme ces deux contraintes juridiques à la fois. En tout cas, le Conseil constitutionnel n’a pas cherché à esquiver en arguant d’un autre terrain, celui de la responsabilité intuitu personae : c’est bien « indépendamment des actions en responsabilité susceptibles d’être engagées à raison de conditions de détention indignes » que les dispositions contestées méconnaissaient ces exigences constitutionnelles (§ 15).

On se souvient que le Parlement répondit au tir précédent sur les conditions indignes de détention par la loi n° 2021-403 du 8 avril 2021, avec un mois de retard : la décision QPC n° 2020-858/859 du 2 octobre 2020 avait reporté l’abrogation au 1er mars. Mais quelle est donc la sanction de la carence du législateur à remédier à une inconstitutionnalité ? La décision QPC n° 2021-910 du 26 mai 2021 (sur les frais irrépétibles) y répond : c’est la déclaration d’une nouvelle inconstitutionnalité55 ! Plaisanterie à part : on comprend fort bien, ici, la logique de la « réserve transitoire »56. Pour autant, le nécessaire n’est pas toujours le suffisant. Sans doute faudrait-il compléter le régime de la QPC par un ou plusieurs dispositifs de sanction financière de l’État, qu’il s’agisse d’astreinte, de « satisfaction raisonnable » comme on dit à Strasbourg, ou de doublement de la responsabilité du fait des dispositions censurées par un mécanisme de responsabilité spécifique pour carence. Soit par un législateur qui s’engagerait ; soit par un juge qui oserait57.

S’il est vrai que notre semestre ne fut pas particulièrement audacieux, le Conseil constitutionnel ne s’en montre pas moins soigneux. Par exemple, la décision QPC n° 2020-882 rappelle qu’il n’utilise pas indistinctement les expressions « par nature » et, ici au sujet des réseaux 5G, « par leur nature »58 : tandis que la première signifie en effet, chez le juge, « par définition juridique », la seconde identifie des caractéristiques physiques59. Certes, il manque encore des mots au Conseil : ainsi le « publicisme de la force » exigé par l’article 12 de la Déclaration de 1789, qui est appliqué, mais sans l’écrire, dans cette décision du 5 février 2021 – l’aile Montpensier s’y contentant toujours de l’article 13, c’est-à-dire de sa traduction en charges financières60, comme dans la décision QPC n° 2019-821 QPC du 24 janvier 202061. On relèvera, ailleurs, le déjà ciselé : notamment la différence entre le « légalement acquis » et le « légitimement attendu », entre le passé et le futur, dans les QPC nos 2020-871 et 2020-880 sur le droit du divorce, reprise de la décision fiscale QPC n° 2019-812 du 15 novembre 201962. Dans le droit de l’expropriation, la condition « d’une juste et préalable indemnité » posée à l’article 17 de la Déclaration est, elle, remplacée par l’exigence d’une indemnité préalable valant « réparation intégrale », comme le répète la décision QPC n° 2021-915/916 du 11 juin 202163. Le Conseil constitutionnel ne cherche pas, cependant, à effacer le mot « juste » : la décision QPC n° 2021-910 du 26 mai 2021 est ainsi la trente-troisième (dont neuf dans le contrôle a priori) à employer l’expression pourtant pléonastique de « procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties ». La décision QPC n° 2021-904 du 7 mai, elle, utilise des mots auxquels on ne peut que souhaiter un bel avenir : « garantir l’éthique »64. Parallèlement, « l’égalité devant la loi pénale », ici dans les décisions QPC nos 2021-896 (la distinction entre outrage et injure publique) et QPC n° 2021-906 (Polynésie et législation nationale), n’est pas une simple précision ratione materiae : elle reflète une idée constitutionnelle qui se traduit, du point de vue contentieux, par une liberté réduite du législateur ; en effet, si elle permet de punir différemment des agissements de nature différente (QPC n° 2021-896), instituer des peines de nature différente pour une même infraction exige nécessairement une « différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi » (QPC n° 2021-906), un motif d’intérêt général ne pouvant suffire.

Les raisonnements de l’aile Montpensier méritent toujours l’attention. Ainsi lorsque le Conseil retourne l’argument, via la formule « loin de porter atteinte à »65 ou par le biais d’une autre concrétisation du grief, comme dans l’affaire de l’enregistrement des audiences en 201966. Le cas se présente ce semestre dans une configuration particulière, avec la décision QPC n° 2021-894 du 9 avril 2021, à l’endroit des effets de la déclaration d’inconstitutionnalité : le Conseil constitutionnel y refuse la possibilité de contester des mesures passées prises sur le fondement de la disposition qu’il vient de censurer en arguant notamment du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs… précisément invoqué par le requérant à l’encontre de ladite disposition (jugée sur le seul fondement de l’article 9 de la Déclaration de 1789). Il ne s’agit pas à proprement parler de « méthode » : une telle motivation est par hypothèse casuelle et reflète une forme de contrôle concret. Elle peut être rapprochée de cette analyse selon laquelle, à lire le Conseil constitutionnel, certaines lois paraissent non seulement conformes à la Constitution mais vraisemblablement seules conformes (à la manière du « planchonnement » des raisonnements financiers, quand un plancher est aussi plafond).

Une méthode véritable est bien l’affirmation de la « discrétionnarité » du pouvoir législatif, consacrée par la jurisprudence IVG du 15 janvier 1975 : c’est l’affichage d’un contrôle limité à « l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue »67 ou à la vérification « que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé »68. L’intérêt de notre semestre est d’éclairer le fait que cette autolimitation du juge ne joue pas uniquement pour l’appréciation de la constitutionnalité présente mais également pour l’avenir : dans la décision QPC n° 2020-885 du 26 février 2021, le Conseil constitutionnel estime ainsi, puisqu’il « ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation de même nature que celui du Parlement », qu’« il ne lui appartient pas d’indiquer les modifications qui doivent être retenues pour qu’il soit remédié à l’inconstitutionnalité constatée ». Rien de très original, certes69. Mais l’affaire souligne que, parmi les questions sociétales, il faut compter aussi avec le droit à la retraite !

Certaines méthodes du Conseil constitutionnel sont ainsi clairement des politiques jurisprudentielles : la décision QPC n° 2020-874/875/876/877 QPC du 21 janvier 2021 est illustrative, à cet égard, s’agissant du rapprochement familial des détenus, qui prend bien soin de souligner la spécificité de la « détention provisoire » tout en se refusant, encore, à accroître la portée concrète du droit à une vie familiale normale. Faudrait-il, autre exemple, que les avocats se résolvent à abandonner l’inefficace égalité des sexes du préambule de 1946, ignorée par la décision QPC n° 2020-885, même si elle n’y était invoquée que dans sa dimension sociologique (la discrimination indirecte des femmes liée au temps partiel) ? Notons cette intéressante présentation de l’égalité réelle, soulevée par une intervenante dans la décision QPC n° 2021-912/913/914 du 4 juin 2021 sur la psychiatrie : la différence de traitement entre « les personnes hospitalisées qui bénéficient d’un entourage susceptible de saisir le juge et, d’autre part, celles qui ne pourraient ni introduire par elles-mêmes un recours, ni espérer que des proches le fassent pour elles »70 ; la censure sur le seul fondement de l’article 66 nous prive malheureusement d’une réponse à cet argument nouveau. Aussi cette huitième déclaration d’inconstitutionnalité du Code de la santé publique sur neuf décisions71, axée sur le maintien à l’isolement ou sous contention72, n’a-t-elle pas eu à rappeler la triple exigence désormais classique – et qui a vocation à la généralisation – de mesures adaptées, nécessaires et proportionnées. L’empreinte strasbourgeoise73 n’est pas un mimétisme absolu : ainsi, on sait que la Cour européenne des droits de l’Homme tire le « droit de se taire » du procès équitable de l’article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l’Homme (Conv. EDH) tandis que le Conseil constitutionnel le déduit, non pas de l’article 16 de la Déclaration de 1789, mais de la présomption d’innocence de l’article 9.

Le « droit de se taire » peut difficilement, a priori, être qualifié de « grief unique » dès lors que, même invoqué seul, il décline plusieurs principes constitutionnels corrélés, les droits de la défense et le droit à la non-auto-incrimination74 ou à la présomption d’innocence75, ou encore le droit à l’assistance d’un avocat voire les garanties de la justice des mineurs76. L’idée, toutefois, jouit de l’unicité que l’expression résume – tout comme il arrive que plusieurs formules ne fassent, en réalité, qu’éclairer une seule idée77. Une recherche de sociologie juridique pourrait porter sur la signification du grief unique pour les requérants ou leurs avocats : aveu de quasi-impuissance, quand un seul argument a pu être dégagé, ou au contraire gage de confiance, quand l’unicité s’affiche argument d’évidence ? Encore conviendrait-il, alors, de mesurer sa performance ! Ce semestre, ce « grief unique » apparaît dans 13 décisions sur 41, soit environ une sur trois : deux sur trois sont des censures (neuf, dont une d’office, contre quatre déclarations de conformité). À l’inverse, il est probable que le requérant abondant son grief principal ne le fasse parfois que par précaution. Le principe d’égalité, leitmotiv ô combien français ici invoqué dans 19 de nos 41 décisions, toutes déclinaisons confondues, l’est cinq fois seulement comme grief unique : c’est souvent un appui, pour ne pas dire un joker.

Le Conseil constitutionnel ne répond pas à tout, cependant, quand il a décidé de frapper. Son radical « sans qu’il soit besoin [ou nécessaire] d’examiner [ou de se prononcer sur] [le ou] les autres griefs » apparaît dans la quasi-totalité des déclarations d’inconstitutionnalité du semestre, hors grief unique. L’économie de moyens n’est sans doute pas en soi une « méthode » au sens où elle exprimerait une doctrine. Elle le devient néanmoins lorsque le Conseil… ne l’utilise pas, soit qu’il accueille plusieurs griefs ou moyens, soit qu’il écarte les autres arguments : c’est bien en effet qu’il manifeste sa volonté d’exposer toute la constitutionnalité afférente et en particulier d’éclairer l’application de la législation. Typique est la décision QPC n° 2021-892 du 26 mars 2021 dans laquelle le juge, avant de censurer sur le fondement du principe non bis in idem78, oppose les contre-arguments aux « griefs autres » que la violation du principe de nécessité des délits et des peines79. Au vrai, il faut bien dire qu’il y a toujours un défaut de pédagogie à l’économie ; ainsi quand on ne répond pas à l’argument de la différence de traitement injustifiée générée par un arrêt de la chambre criminelle, postérieur à la saisine du Conseil constitutionnel mais mentionné dans ses visas et ses motifs (QPC décision n°2021-895/901/902/903) – alors qu’une réponse pourrait faire pièce à une QPC future. Peu importe de qui le juge se soucie, avocat ou chercheur, magistrat ou élu, ou même citoyens : enrichir sa jurisprudence profite à tous.

Pierre MOUZET

II – La jurisprudence

Le premier semestre 2021 répète ou rappelle, on l’a dit, plus qu’il n’innove ou n’amende : par exemple, la décision QPC n° 2021-892 est déjà la douzième utilisation « du principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait » (la huitième en contrôle a posteriori, les deux précédentes dans la version « nul ne peut être ») – voilà encore une expression qui gagnerait à ce qu’on la condense en un ou deux mots, pourvu qu’ils fussent d’élégance et de précision80 – et ce n’est même pas non plus la première fois, comme on le reverra plus bas en s’attachant également à cette décision-ci, que le Conseil constitutionnel accepte de donner un effet utile à une déclaration d’inconstitutionnalité pour méconnaissance de l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Les « objectifs de valeur constitutionnelle » (OVC) continuent de n’être pas invocables – par les requérants, s’entend : ils leur sont opposables par le juge, en défense de la loi81 ou de la constitutionnalité des mesures prises sur son fondement82 – dans le contrôle a posteriori : ainsi de l’accessibilité et de l’intelligibilité de la loi, d’une part, et de la protection de l’environnement (ajoutée par l’association intervenante), d’autre part, dans la décision de conformité QPC n° 2020-881 du 5 février 2021, qui les écarte implicitement, puisqu’elle n’y répond pas, de la qualification « droit ou liberté que la Constitution garantit ». La « protection de la santé », tantôt OVC tantôt principe, continue de ne point fonder de censure mais, au contraire, d’appuyer les lois querellées… même si cela ne suffit pas toujours à les sauver (comme dans les affaires de visioconférence en urgence sanitaire, voire d’accès aux données médicales malgré l’OVC « de bon usage des deniers publics »83).

Il est possible de se demander si, dans la QPC n° 2020-881, l’invocation d’un « principe de clarté de la loi » n’était pas une incitation, claire, à création normative. De même l’argument tiré de la « prohibition des traitements inhumains et dégradants » dans la QPC n° 2021-898 du 16 avril 2021 (§ 8) – c’est la deuxième fois qu’on le tente, après la décision QPC n° 2020-858/859 du 2 octobre 2020 : il est des cabinets d’avocats persévérants – peut-il être lu comme une invitation de l’aile Montpensier à reprendre cette expression conventionnelle. Toutefois, une seconde explication est possible : le requérant ne sollicite pas du Conseil constitutionnel une reconnaissance formelle, il fait comme si elle était déjà acquise, parce que la réalité matérielle de ces normes imprègne déjà sa jurisprudence. Songeons au « principe de sécurité juridique » invoqué dans la décision QPC n° 2020-871 du 15 janvier 2021 : ce n’est pas tant une invite à création qu’une appellation usuelle. La même remarque vaut pour le principe non bis in idem : peu importe, au fond, que le juge ne parle pas ainsi, pourvu qu’il raisonne dans ce cadre. Car tous deux figurent assurément à l’index des idées de la constitutionnalité-catalogue.

Une ultime question n’a pas encore été évoquée : la soumission de la jurisprudence des juridictions suprêmes à la constitutionnalité-contrôle. Un contrôle de constitutionnalité de l’interprétation judiciaire de la loi est ainsi réalisé dans la décision QPC n° 2020-885 sur la « jurisprudence constante » de la Cour de cassation (excluant du bénéfice de la retraite progressive les salariés ayant conclu avec leur employeur une convention individuelle de forfait en jours sur l’année) sans que les arrêts rendus par la deuxième chambre civile, quatre ans plus tôt, mentionnés dans les visas, ne soient évoqués dans la motivation du Conseil constitutionnel. À l’inverse, dans la décision QPC n° 2020-880 (sur le divorce), la « jurisprudence constante » du juge du filtre est expressément relevée à l’appui de la conformité de la loi ; tout comme c’est elle qui permet d’affirmer que « l’outrage et l’injure publique punissent des agissements de nature différente », dans la décision QPC n° 2021-896. Quant à la « jurisprudence constante » du Conseil d’État, elle n’apparaît ce semestre que dans la décision QPC n° 2021-922 du 25 juin 2021, sur laquelle on reviendra en conclusion.

Pierre MOUZET

A – Les QPC renvoyées par la Cour de cassation

Il n’aurait pas été inutile de pointer ici l’affaire de la « nasse » (ou, dit le Conseil, de « l’encerclement ») et la décision QPC n° 2020-889 du 12 mars 2021. Le paradoxe de cette nouvelle question – où l’on parle de liberté de manifestation mais toujours sans la nommer et, surtout, de « maintien de l’ordre public » – est que, si c’est bien la Cour de cassation qui l’avait jugée sérieuse, c’est le Conseil d’État qui s’érigera in fine en protecteur des libertés, spécialement de la liberté d’informer84 : le Conseil constitutionnel, lui, aura beau jeu de dire qu’il n’a statué que sur quoi on l’interrogeait, la « méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence » dans les dispositions très générales de l’article 1er de la loi relative à la sécurité du 21 janvier 1995 modifiée en 200385… On comprendra qu’aient été préférés des cas où l’aile Montpensier apparaît sinon en pointe, en tout cas moins en retrait : c’est le « droit de se taire » et c’est le non bis in idem.

Pierre MOUZET

Le Conseil constitutionnel consacre (enfin) la notification du droit de se taire à toutes les phases de la procédure pénale : sur quatre puis deux décisions de censure.

Consécration constitutionnelle restreinte du droit de se taire (au cours de la garde à vue). – Jusqu’à présent, le Conseil constitutionnel n’avait que modestement saisi l’occasion de traiter du droit de se taire en le consacrant dans sa décision portant sur la garde à vue86. Le législateur lui-même manifestait de nombreuses hésitations choisissant alternativement de l’insérer et de le supprimer du Code de procédure pénale (CPP). Finalement, en reconnaissant constitutionnellement l’obligation de notifier ce droit lors du placement en garde à vue, le droit de se taire a été de nouveau inséré dans le CPP (art. 63-1) par la loi du 14 avril 201187. Sa consécration aura eu comme corollaire la suppression de la prestation de serment de celui qui en bénéficie pour éviter d’avoir à s’engager à dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité au profit du droit de ne rien dire. Pour autant, la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation maintenait la nécessité de faire une appréciation stricte du droit de se taire, refusant même de renvoyer des QPC devant le Conseil constitutionnel88.

Consécration européenne renforcée du droit de se taire. – À l’inverse, au niveau européen, le droit de se taire a été consacré par la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’Homme comme un rempart contre une coercition abusive en vue d’obtenir des déclarations ou des éléments de preuve89. Elle extrait le droit de se taire du respect du droit à un procès équitable de l’article 6, § 1, de la conv. EDH. Est apparue ensuite la nécessité d’étendre ce droit à tous les stades de la procédure pénale et d’en assurer l’effectivité en le notifiant à l’individu ciblé par la procédure90.

Évolution remarquée de la jurisprudence de la chambre criminelle. – Sous cette influence européenne, la chambre criminelle conclut courageusement, aussi à l’appui de l’article 6 de la conv. EDH, que l’absence de notification du droit de se taire lorsqu’est examiné l’appel contre l’ordonnance de mise en accusation du juge d’instruction porte nécessairement grief à l’intéressé91. Depuis lors, il apparaît que la jurisprudence dépasse le texte en exigeant même la notification du droit de se taire à peine de nullité dès lors que le magistrat est amené à interroger l’intéressé sur les faits pour analyser la pertinence du dossier avant de statuer. D’autres arrêts récents ont encore été le signe avant-coureur de la nécessité de renvoyer les QPC qui lui seraient désormais soumises pour obliger enfin le Conseil constitutionnel à se positionner, voire à inviter le législateur à réécrire certains textes. La chambre criminelle semblait, effectivement, décidée à étendre la notification du droit de se taire, par exemple lorsque, au stade de l’instruction, le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention (JLD) doivent, à tout moment, vérifier l’existence de ces indices avant de se prononcer92.

Consécration constitutionnelle (enfin) étendue du droit de se taire (à tous les stades de la procédure). En ce sens, il semblerait que l’année 2021 soit une année phare dans l’étendue de la consécration de ce droit fondamental, finalement tout au long de la procédure pénale. De nombreuses QPC auront effectivement été l’occasion pour le Conseil constitutionnel de rappeler que la notification et le respect du droit de se taire s’imposent à tous les stades de la procédure pénale dès lors que la personne soupçonnée est entendue par un enquêteur, un juge ou tout autre acteur qui aurait à « porter une appréciation sur les faits retenus à sa charge ». Le Conseil constitutionnel fait alors le choix de s’appuyer sur l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme, relatif à la présomption d’innocence.

Le recensement de ces dernières QPC par un tableau permet de rappeler les dispositions pour lesquelles la notification du droit de se taire semble bafouée.

Références

Disposition examinée

Stade de la procédure pénale

Effets

Cons. const., QPC, 4 mars 2021, n° 2020-886

CPP, art. 396, al. 2

Saisine du JLD en attendant la comparution devant la juridiction de jugement

Abrogation au 31 déc. 2021 / Pas de rétroactivité

Réserve transitoire : obligation de notification du droit de se taire par le JLD en attendant l’abrogation et/ou la réécriture du texte législatif

Cons. const., QPC, 9 avr. 2021, n° 2021-895/901/902/903

CPP, art. 199

Saisine de la chambre de l’instruction d’une requête en nullité contre une décision de mise en examen, d’un appel contre une ordonnance de placement en détention provisoire, du règlement d’un dossier d’instruction

Abrogation au 31 déc. 2021 / Pas de rétroactivité

Réserve transitoire : obligation de notification du droit de se taire par la chambre de l’instruction en attendant l’abrogation et/ou la réécriture du texte législatif

Cons. const., QPC, 9 avr. 2021, n° 2021-894

Ord., 2 févr. 1945, art. 12, relative à l’enfance délinquante

Saisine des services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans le cadre d’un recueil de renseignements socio-éducatifs

Abrogation au 30 sept. 2021 / Pas de rétroactivité

Réserve transitoire : obligation de notification du droit de se taire par le service de la PJJ en attendant l’abrogation du texte législatif

Cons. const., QPC, 18 juin 2021, n° 2021-920

CPP, art. 148-2, al. 1er

Saisine sur une demande de mainlevée du contrôle judiciaire ou de mise en liberté

Abrogation au 31 déc. 2021 / Pas de rétroactivité

Réserve transitoire : obligation de notification du droit de se taire par la juridiction saisie en attendant l’abrogation et/ou la réécriture du texte législatif

Cons. const., QPC, 30 sept. 2021, n° 2021-934

CPP, art. 394, al. 3

Saisine du JLD dans le cadre d’une procédure de convocation par procès-verbal devant le tribunal correctionnel

Abrogation au 31 mars 2022 / Pas de rétroactivité

Réserve transitoire : obligation de notification du droit de se taire par le JLD en attendant l’abrogation et/ou la réécriture du texte législatif

Cons. const., QPC, 30 sept. 2021, n° 2021-935

CPP, art. 145, al. 6

Saisine du JLD appelé à statuer sur le placement en détention provisoire d’une personne mise en examen

Abrogation au 31 mars 2022 / Pas de rétroactivité

Réserve transitoire : obligation de notification du droit de se taire par le JLD en attendant l’abrogation et/ou la réécriture du texte législatif

À partir de ces décisions du Conseil constitutionnel, il est alors intéressant d’analyser son argumentaire avant de conclure sur la portée de celles-ci.

Analyse du Conseil constitutionnel. – L’absence de notification expresse du droit de se taire au fil de la procédure pénale amène à la déclaration de plusieurs inconstitutionnalités, le Conseil constitutionnel reprenant alors deux arguments récurrents qui appuient le fait que si la personne n’est pas informée de son droit de se taire, il pourrait être porté atteinte à son droit de ne pas s’auto-incriminer.

Premier argument : l’office (avéré) du juge. – Quelle que soit la phase de procédure pénale, le juge constitutionnel examine avant tout le rôle de l’autorité qui agit sans informer au préalable l’intéressé de son droit de se taire. Il apparaît alors que, souvent, le juge ou le service enquêteur délégué par le juge ait à rechercher la présence d’indices à l’encontre de la personne mise en cause, en ce que la décision dépend de la présence d’indices graves « ou »/« et » concordants. Avant de se prononcer sur ce pour quoi il est saisi, le magistrat doit apprécier l’existence et la suffisance des charges pesant contre l’intéressé (pour exemple, le JLD saisi d’une demande de placement en détention provisoire, la chambre de l’instruction saisie d’un appel contre l’ordonnance de règlement du juge d’instruction…). Avant de statuer, le juge peut même avoir à analyser les faits et à débattre sur le fond du dossier.

Dans le même ordre d’idées, l’autorité investigatrice saisie peut être missionnée pour dresser un rapport sur la situation personnelle de l’intéressé, comme c’est le cas lorsque les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) établissent des recueils de renseignements socio-éducatifs portés ensuite à la connaissance des juges des enfants. À cette occasion, les services de la PJJ interrogent le mineur sur les faits pour mieux percevoir son positionnement et mieux apprécier les suites éventuelles de rééducation et de réinsertion du jeune. Partant de là, la teneur des échanges avec le mis en cause peut l’amener à se prononcer sur le fond du dossier sans qu’il ait été préalablement averti qu’il dispose malgré tout de la possibilité de ne rien dire sur les faits qui lui sont reprochés.

Deuxième argument : le risque (potentiel) de déclarations auto-incriminantes. – Les déclarations faites par l’intéressé, sans avoir été préalablement informé de la possibilité de se taire, pourraient être exploitées ultérieurement en procédure dans la mesure où ce qui est dit est en principe retranscrit dans les rapports ou dans les motivations des juges. Cette retranscription est d’autant plus encouragée que le juge a l’obligation de motiver ses décisions, s’appuyant alors sur tous les éléments probants venus étayer ce qui sera décidé. Le Conseil constitutionnel retient donc que les propos tenus à chaque audition (ou entretien) par l’intéressé pourraient lui porter préjudice ensuite. L’absence de notification du droit de se taire avant tout interrogatoire, toute entrevue, préalable à la décision d’un magistrat cause donc nécessairement une atteinte aux droits fondamentaux de la personne entendue.

Conséquences concrètes à l’absence de notification du droit de se taire. – En attendant la réécriture des textes exigée par le Conseil constitutionnel, il est recommandé de notifier d’ores et déjà le droit de se taire à la personne mise en cause. En l’absence de quoi, il faudrait réparer cette absence de notification du droit dès lors qu’elle aurait des répercussions sur les suites de la procédure de la personne concernée.

Réponses immédiates de la Cour de cassation quant aux effets de l’absence de notification. – D’après la récente jurisprudence de la chambre criminelle, envisager la nullité de la décision prononcée sans que le droit de se taire ait été notifié est strictement limité à l’hypothèse où l’on conteste le bien-fondé d’une décision, comme la mise en examen d’un individu93. En revanche, la nullité n’est plus admise si la décision n’amène pas à apprécier les indices à charge contre l’individu, comme le prononcé d’un mandat d’arrêt européen94.

Avec les multiples déclarations d’inconstitutionnalité de l’année 2021, la chambre criminelle envisage d’interdire seulement l’utilisation des déclarations faites sans que le droit de se taire n’ait été notifié, et non de prononcer l’irrégularité de la décision95. Elle reprend dans son propre argumentaire l’obligation de notification du droit de se taire et estime alors que tout ce qui a été dit devant le juge sans notification préalable du droit ne peut être réutilisé. Elle affirme donc que la réutilisation postérieure des propos tenus sans avoir été averti de la possibilité de ne rien dire permet une action en contestation, vu l’atteinte éventuellement portée aux intérêts de la personne concernée par la procédure96.

Réaction attendue du législateur à la suite des déclarations d’inconstitutionnalité. – Reste à souhaiter une réelle prise en compte par le législateur de la position du Conseil constitutionnel pour que la notification du droit de se taire soit généralisée par les textes à toutes les phases de la procédure pénale et devienne ainsi cause de nullité de la décision si elle n’est pas respectée… Néanmoins, le législateur manque parfois de réactivité si l’on s’en tient à l’exemple de la déclaration d’inconstitutionnalité portant sur l’article 12 de l’ordonnance du 2 février 194597. La réforme de l’ordonnance, abrogée et remplacée par le nouveau Code de la justice pénale des mineurs (CJPM), n’a effectivement pas été l’occasion saisie par le législateur pour prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel. On peut regretter qu’à ce jour, le code ne fasse expressément mention de la notification du droit de se taire que lorsque le mineur doit être présenté au procureur de la République avant qu’il prenne sa décision sur les suites de la procédure98 et par renvoi à quelques dispositions du Code procédure pénale en matière d’audition libre, de garde à vue… Pour le reste, précisément dans la situation ayant justifié le renvoi de la QPC n° 2021-894, rien n’a changé pour le moment ! Le recueil de renseignements sur le mineur par les services de la PJJ en vue de proposer des réponses provisoires ou définitives adaptées existe toujours99. Prenant la forme d’un rapport sur la personnalité, la situation matérielle, sociale ou encore familiale du mineur, le CJPM n’énonce pourtant jamais que ces éléments ne sauraient être recueillis qu’après avoir averti le mineur de son droit de faire des déclarations spontanées, de répondre aux questions ou de se taire…

Delphine THOMAS-TAILLANDIER

Les critères constitutionnels du non bis in idem sont-ils clairs ? Cons. const., QPC, 26 mars 2021, n° 2021-892

Le pouvoir de sanction pécuniaire des autorités administratives indépendantes (AAI), ce droit d’infliger des amendes qu’on dit donc ordinairement « administratives », a fait l’objet à plusieurs reprises ces dernières années d’une déclaration d’inconstitutionnalité ou d’une réserve d’interprétation, parce qu’était méconnu le principe selon lequel nul ne saurait être puni deux fois pour ses mêmes agissements. Ce fut le cas dès 2015 de l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour le manquement d’initié100 ou, en 2016, pour la diffusion de fausses informations101. Aussi n’y a-t-il rien de très surprenant à ce que la décision QPC n° 2021-892 censure, non un cumul de sanctions102 mais la possibilité d’un cumul de poursuites, devant le juge pénal et devant l’Autorité de la concurrence (ADLC), en l’espèce pour obstruction à ses enquêtes.

Cependant, plutôt que la solution du juge, c’est son raisonnement qui mérite qu’on s’y arrête. On l’a dit plus haut, cette décision du 26 mars 2021 frappe par sa construction : puisque le Conseil constitutionnel avait décidé de déclarer la disposition querellée inconstitutionnelle, il aurait pu – comme (trop ?) souvent103 – économiser ses moyens. Or il prend soin d’écarter d’abord (§ 10 à 18) tous les « griefs autres que celui tiré du principe de la nécessité des délits et des peines ». C’est donc qu’il cherche à faire œuvre d’exhaustivité, de précision, de pédagogie. Pourtant, est-ce effectivement le cas, sinon dans la première, du moins dans la seconde partie (§ 19 à 24) de sa motivation ?

Point besoin de rappeler qu’il se refuse encore à y consacrer expressis verbis un « principe non bis in idem » de valeur constitutionnelle104 : peu importe car l’idée est contenue dans le « principe de la nécessité » des punitions inclus dans l’article 8 de la Déclaration de 1789. Juxtaposons ici trois affirmations déliées du Conseil constitutionnel : « 19. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts. (…) 22. En deuxième lieu, la sanction administrative instaurée par les dispositions contestées vise, comme le délit prévu à l’article L. 450-8 du Code de commerce, à assurer l’efficacité des enquêtes conduites par l’Autorité de la concurrence pour garantir le respect des règles de concurrence nécessaires à la sauvegarde de l’ordre public économique. Ces deux répressions protègent ainsi les mêmes intérêts sociaux. (…) 24. Il résulte de ce qui précède que la répression administrative prévue par les dispositions contestées et la répression pénale organisée par l’article L. 450-8 du Code de commerce relèvent de corps de règles identiques protégeant les mêmes intérêts sociaux aux fins de sanctions de même nature. Les dispositions contestées méconnaissent donc le principe de nécessité et de proportionnalité des peines ». Ainsi la décision QPC n° 2021-892 présente une première approche, le « corps de règles », suivie d’une deuxième, les « intérêts sociaux », puis d’une troisième, les deux mêlées. Voici deux problèmes de droit : d’abord, faudrait-il les dissocier ? Y aurait-il non pas quatre mais cinq critères du non bis in idem, en plus des trois autres (même personne, mêmes faits, même nature des sanctions) ? Ensuite, et surtout, quel est le sens du dernier critère ? Est-il clair et, partant, correctement identifié ?

Montrons qu’il est bien unique – le juge n’a au total à opérer que quatre opérations de qualification juridique : qui, quoi, comment et… pourquoi – mais néanmoins qu’il est mal formulé.

Il faut en effet faire litière d’un prétendu cinquième critère. Certes, dans sa première décision relative à l’AMF, celle du 18 mars 2015 (et à nouveau dans la suivante), le Conseil constitutionnel avait évoqué des « poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction ». Mais cette référence au pluralisme juridictionnel a été abandonnée dès les décisions fiscales du 24 juin 2016 (QPC nos 2016-545 et 2016-546), précisément parce qu’elle induisait une possible confusion sur la signification de l’expression « corps de règles », en paraissant la réduire à des compétences ou des voies exclusivement formelles. Or, outre le caractère secondaire de la qualité de l’organe de sanction, on ne saurait se contenter d’une approche purement et étroitement procédurale – à la manière dont étaient jadis appréhendés les qualificatifs « civil » et « pénal » de l’article 6, § 1, de la conv. EDH pour ne pas appliquer ses prescriptions à tel ou tel domaine « administratif » – ou formaliste. Au regard du principe non bis in idem, ce n’est pas la forme qui compte, c’est le fond. Dès lors, il n’y a de cumul prohibé qu’en cas de visée identique : notre protection est finaliste ; les mots « règles » et « intérêts », les mots « corps » et « sociaux », disent ici au fond la même chose.

Sans doute ces termes ont-ils ainsi pour eux d’appréhender différemment une même idée et, partant, d’en enrichir la compréhension. Pourtant, si le Conseil constitutionnel consacrait l’expression unique de « finalités sociales », l’analyse des cas serait simplifiée, pour ne pas dire aisée. Par exemple, il est clair que la finalité pénale et la finalité disciplinaire ne s’excluent nullement mais au contraire se complètent et sont donc intrinsèquement cumulables. Il est clair que le juge a dégagé une finalité électorale propre, au nom de l’égalité devant le suffrage, quand il a opposé dans la QPC Sarkozy « bon déroulement de l’élection » et sanction des « manquements à la probité des candidats et des élus »105. Il est clair qu’il existe pour le Conseil constitutionnel une nette différence entre l’« ordre public économique », comme en l’espèce (QPC n° 2021-892, § 22), celui auquel veillent par essence l’ADLC ou l’AMF, et l’« ordre public financier », que protègent les règles propres à la responsabilité financière des gestionnaires publics, comme dans la décision QPC n° 2019-795 du 5 juillet 2019106. Il est clair que la finalité sociale n’est pas la même selon que la législation vise « toute personne » (ou, dit notre décision au § 20, « quiconque ») ou bien « des professionnels » (décisions des 18 mars 2015 et 30 septembre 2016)…

L’idée de « finalités sociales » ne se décline pas seulement ratione materiae, puisqu’elle est téléologique. Elle permet ainsi de distinguer, et éventuellement de cumuler les poursuites afférentes, les hypothèses où il ne s’agira que de punir (ou de prévenir ou dissuader) de celles où l’on visera également à instruire, à édifier, à protéger, etc.107 Elle permet de dissocier la répression pure d’une logique complémentaire de réparation. Elle permet d’isoler le cas de l’agent public qui, en vertu de l’article 15 de la Déclaration de 1789, doit rendre compte de son « administration » ; et, à l’inverse, de justifier dans la décision QPC n° 2021-896 du 9 avril 2021 – où le requérant prétendait que ces deux incriminations protégeaient « les mêmes valeurs [sic] sociales » – que, si « un même propos proféré publiquement à l’encontre d’une personne chargée d’une mission de service public ou dépositaire de l’autorité publique peut constituer un outrage ou une injure publique », « l’outrage porte à la dignité des fonctions exercées ou au respect qui leur est dû une atteinte différente de celle résultant d’une injure qui, bien que publique, n’est pas directement adressée au titulaire des fonctions ou destinée à lui être rapportée » et constitue alors en soi « un abus de la liberté d’expression ». Elle permet, ainsi, de comprendre la nature profonde, sinon du « civisme », du moins de l’incivisme.

Pierre MOUZET

B – Les QPC renvoyées par le Conseil d’État

Deux fois ce semestre, l’association de défense des droits humains Section française de l’observatoire international des prisons, une habituée de la QPC, a obtenu du Conseil d’État un renvoi puis du Conseil constitutionnel une censure (décisions QPC nos 2021-898 du 16 avril 2021, à laquelle il a plusieurs fois été fait référence, et QPC 2021-905 du 7 mai 2021, évoquée à propos du droit européen) : au-delà du fond des choses – le juge a bel et bien pénétré la prison – le fait, ou la coïncidence, n’est sans doute pas anecdotique. Il est vrai que ces répétitions contrastent fortement avec la faiblesse du contentieux fiscal, ce printemps : on sait que nombre de QPC fiscales proviennent du Palais-Royal et, d’ailleurs, cela aura été le cas de toutes celles de notre semestre ; en revanche, elles n’auront été que trois décisions, on l’a dit… On retiendra ici les seconds rôles – le droit de l’environnement, d’abord, le droit disciplinaire, ensuite – dont la tradition culturelle française nous a enseigné la possible puissance.

Les chartes d’engagement volontaires relatives à l’utilisation des pesticides à l’épreuve du principe de participation – Cons. const., QPC, 19 mars 2021, n° 2021-891

L’encadrement juridique des distances d’épandage des pesticides en vue d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement – qui repose notamment sur le règlement européen (CE) n° 1107/2009 et sur la directive n° 2009/128/CE du 21 octobre 2009 – n’en finit plus, en France, de connaître des rebondissements dont la décision ici commentée, rendue par le Conseil constitutionnel le 19 mars 2021, constitue l’une des étapes.

Dans un arrêt du 26 juin 2019, Association générations futures (n° 415426), le Conseil d’État avait annulé des dispositions de l’arrêté interministériel du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques en considérant que la réglementation en cause ne protégeait pas suffisamment la santé publique et l’environnement, en particulier parce qu’il n’était prévu aucune mesure générale destinée à protéger les riverains de zones agricoles (les restrictions ne portant que sur certains lieux eu égard au caractère vulnérable des personnes les fréquentant). La haute juridiction avait également enjoint aux ministres compétents de prendre les mesures réglementaires impliquées par cette décision dans un délai de six mois. De nouvelles règles d’épandage des pesticides ont donc été adoptées par le décret n° 2019-1500 du 27 décembre 2019, dont l’objet était également de mettre en œuvre les dispositions issues de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, dite EGalim, votée entre temps. Le III de l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime prévoit ainsi que « (…) l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. Ces mesures tiennent compte, notamment, des techniques et matériels d’application employés et sont adaptées au contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et sanitaire. Les utilisateurs formalisent ces mesures dans une charte d’engagements à l’échelle départementale, après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec un produit phytopharmaceutique. / Lorsque de telles mesures ne sont pas mises en place, ou dans l’intérêt de la santé publique, l’autorité administrative peut, sans préjudice des missions confiées à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), restreindre ou interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones définies au premier alinéa du présent III ».

C’est dans le cadre de l’instance ouverte à l’encontre du décret du 27 décembre 2019 que la question de la conformité du III de l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime aux droits et libertés garantis par la Constitution – et notamment à l’article 7 de la Charte de l’environnement garantissant le principe de participation du public dans l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement – a été posée. Jugée sérieuse, elle a été transmise au Conseil constitutionnel par le Conseil d’État dans un arrêt du 4 janvier 2021. Le moyen comportait deux volets. La première branche, procédurale, visait à reprocher à la disposition législative contestée de ne pas avoir suffisamment encadré les conditions de concertation avec le public préalable à l’élaboration des chartes d’engagement volontaire en matière de pesticides, les renvoyant au décret d’application. La seconde reprochait à la procédure de concertation prévue par le législateur de ne pas associer le public véritablement concerné – les riverains de l’épandage – mais potentiellement leurs seuls représentants et d’avoir confié l’organisation de la concertation aux utilisateurs des produits phytopharmaceutiques en cause, en méconnaissance des nécessaires garanties d’impartialité. L’intérêt de la décision chroniquée est, sur ce point, double. D’une part, le Conseil précise la nature juridique de ces chartes d’engagement volontaire des utilisateurs de pesticides, qui – constituant des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement – sont soumises au principe de participation du public ; d’autre part, il indique les incidences qu’il faut en tirer s’agissant des conditions d’élaboration de telles chartes.

La nature juridique des chartes d’engagement volontaire : des décisions publiques « par ricochet ».  Si le principe de participation est applicable, c’est moins parce que ces chartes sont en elles-mêmes des « décisions publiques ayant des effets sur l’environnement » que parce qu’il s’agit d’actes juridiques, élaborés par les utilisateurs privés, dont les effets juridiques dépendent de l’intervention de la décision d’une autorité administrative. En effet, les épandages ne peuvent être réalisés dans les conditions fixées par ces chartes – leur faisant ainsi produire des effets juridiques – que dans l’hypothèse où l’autorité préfectorale les approuverait et ne restreindrait pas plus les conditions d’utilisation, dans le département concerné, de ces produits phytosanitaires. Le fait que ces chartes, lorsqu’elles sont amenées à produire de tels effets, aient une incidence directe et significative sur l’environnement, ne faisait quant à lui aucun doute, dès lors que leur mise en œuvre conditionne les modalités d’utilisations à proximité d’habitations de produits dont on sait qu’ils peuvent avoir des effets délétères sur la santé et la biodiversité. Dans l’arrêt de l’été suivant, rendu dans la même instance, le Conseil d’État annulera, d’ailleurs, le décret du 27 décembre 2019 notamment en tant qu’il fixe à cinq mètres la distance minimale d’épandage pour les produits dont la toxicité n’est que suspectée, pour les cultures basses, alors que l’ANSES recommande une distance minimale de dix mètres pour tous les produits classés cancérogènes, mutagènes ou toxiques, sans distinguer si leurs effets sont avérés, présumés ou seulement suspectés108.

Les incidences du principe de participation sur les chartes d’engagement volontaire. – Une fois admise l’applicabilité du principe de participation pour l’élaboration des chartes d’engagements volontaires, le Conseil constitutionnel censure les dispositions contestées en tant qu’elles ne définissent pas « les conditions et limites » dans lesquelles s’exerce ce droit, la loi se bornant à prévoir une « concertation » au niveau des départements au cours de laquelle il est possible que seuls des représentants des riverains puissent participer alors que l’article 7 de la Charte de l’environnement impose la participation de « toute personne ». Les dispositions dont la censure est ici prononcée n’étant plus en vigueur dans leur rédaction contestée (l’article L. 253-8 ayant été modifié, sur une question périphérique, pour (ré)autoriser à titre dérogatoire et provisoire l’usage des néonicotinoïdes), le Conseil précise l’effet utile de sa décision109, en indiquant que la déclaration d’inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de la présente décision.

La décision, au final, révèle les limites inhérentes aux tentatives de gestion « contractualisée » du risque sanitaire et environnemental généré par l’usage des pesticides. Si le droit souple peut potentiellement être mobilisé, via des processus d’engagements volontaires des personnes dont l’activité doit être soumise à un encadrement en vue de la préservation de la santé et de l’environnement, en lieu et place des traditionnels pouvoirs de police administrative, c’est à la condition, a minima, que les modalités d’élaboration de ces chartes ne restreignent pas l’effectivité du principe de participation du public.

Benjamin DEFOORT

Absence de publicité des audiences devant le Conseil supérieur de la magistrature et décision d’interdiction temporaire d’exercice des fonctions d’un magistrat du siège – Cons. const., QPC, 25 juin 2021, n° 2021-922

L’ordonnance du 22 décembre 1958 fixe le régime disciplinaire des magistrats – qu’ils soient du siège ou du parquet – et nous livre une définition à la fois de la faute disciplinaire110 et de l’étendue des sanctions applicables en cas de faute111. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est investi du pouvoir disciplinaire lorsque le magistrat appartient au siège tel qu’il ressort de l’article 65 de la Constitution112. En revanche, il ne donne qu’un avis au garde des Sceaux lorsque le magistrat inquiété est membre du parquet.

En amont de la procédure disciplinaire et lorsque l’urgence et l’intérêt de la justice le justifient, le garde des Sceaux peut demander au CSM, conformément à l’article 50 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, de prendre une décision interdisant temporairement à un magistrat du siège d’exercer ses fonctions. Un magistrat sera temporairement empêché d’exercer ses fonctions dans le cas où il serait inquiété pour des faits graves qui apparaissent relever de la formation disciplinaire du CSM. La gravité et parfois la médiatisation des faits reprochés empêcheraient le magistrat inquiété d’exercer sereinement ses fonctions et porteraient une atteinte considérable à l’ensemble de l’institution judiciaire. Si l’interdiction temporaire est décidée, elle est applicable jusqu’à la décision définitive prise par le CSM dans le cadre de sa formation disciplinaire. Contrairement à la procédure de la sanction disciplinaire, l’article 50 prévoit que la décision du CSM « ne peut être rendue publique ». Par voie de conséquence, l’audience n’est pas publique non plus.

La décision QPC n° 2021-922 du 25 juin 2021 a été l’occasion pour le Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d’État113, de trancher la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 50 de l’ordonnance n° 58-1270 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010.

En l’espèce, le requérant, magistrat du siège, a été convoqué par le CSM dans le cadre d’une procédure tendant à ce que soit prononcée à son encontre une mesure d’interdiction temporaire d’exercice de ses fonctions. À l’occasion de cette procédure devant le CSM, le requérant a soulevé une QPC le 28 janvier 2021 qui a été transmise au Conseil d’État. Selon le requérant, l’article 50 de l’ordonnance précitée interdit toute publicité de l’audience et partant de la décision d’interdiction temporaire d’exercice des fonctions. Ce faisant, deux moyens ont été avancés par le requérant. D’une part, cet article, qui ne prévoit aucune exception, violerait le principe à valeur constitutionnelle de publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789. D’autre part, l’absence de publicité empêcherait le requérant de saisir la jurisprudence du CSM et, partant, serait contraire aux droits de la défense.

Le Conseil constitutionnel avait déjà déclaré conforme à la Constitution l’article 50 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, dans les motifs et le dispositif de la décision DC n° 2010-611 du 19 juillet 2010114. Cependant, la décision DC n° 2019-778 du 21 mars 2019115 a été l’occasion par laquelle les juges de la rue Montpensier ont consacré un principe à valeur constitutionnelle de publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives en se fondant sur les articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789. Toutefois, il a été admis que le législateur puisse y apporter des aménagements justifiés par des exigences constitutionnelles, par l’intérêt général ou par la nature de l’instance ou les particularités de la procédure concernée.

Par voie de conséquence, en renvoyant au Conseil constitutionnel la QPC, le Conseil d’État a considéré que la question posée était sérieuse et que la décision du 19 juillet 2019 constituait un changement de circonstances. Rappelons ici que le changement de circonstances de droit ou de fait, lorsqu’il est apprécié largement, offre au juge « la faculté de revisiter des solutions admises, de solliciter le législateur pour qu’il adapte le droit à ce que le juge estimera être une évolution de la société »116. Il revenait alors au Conseil constitutionnel de se prononcer une fois encore sur la constitutionnalité de cet article 50 de l’ordonnance relative au régime disciplinaire des magistrats. Plus précisément, il s’agissait de contrôler seulement cinq mots au cœur du deuxième alinéa dudit article : « ne peut être rendue publique » (§ 3).

Dans sa décision du 25 juin 2021, après avoir admis la recevabilité de la QPC selon le même raisonnement que le juge du filtre (§ 5 à § 7), le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur le fond. À cette occasion, après avoir rappelé l’existence du principe à valeur constitutionnelle de publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives (§ 9) ainsi que sur la procédure de l’article 50 de l’ordonnance de 1958, le Conseil constitutionnel a reconnu, sans aucune surprise, que ledit article porte « ainsi une atteinte au principe de publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives » (§ 10).

Pour autant, cette atteinte n’est pas nécessairement constitutive d’une violation du principe constitutionnel. C’est ce que le Conseil constitutionnel s’est attaché à démontrer en construisant sa démonstration autour de deux arguments. D’une part, il a rappelé que dans le cas précis de la procédure tendant à interdire temporairement l’exercice des fonctions d’un magistrat du siège, la réalité des faits qui lui sont reprochés n’a pas été établie. Partant, une divulgation à l’occasion d’une audience publique porterait une atteinte considérable au fonctionnement de la justice (§ 11). D’autre part, la réalité des faits n’étant pas établie, le CSM ne se prononce pas dans le cadre d’une formation disciplinaire. Autrement dit, le magistrat du siège est temporairement empêché d’exercer. Il ne s’agit alors pas d’une sanction ayant le caractère d’une punition. À ce titre, rappelons qu’il ne souffre d’aucune interruption de versement de son traitement jusqu’à ce que la formation disciplinaire se prononce – ou ne se prononce pas en cas d’absence de saisine – et que la sanction, ou son absence, mette fin à l’interdiction temporaire d’exercice (§ 12).

C’est sans surprise que le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions litigieuses ne méconnaissaient pas le principe de publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives. Cette solution demeurera jusqu’au prochain changement de circonstances.

Joachim LEBIED

Notes de bas de pages

  • 1.
    Une seule décision (n° 2021-893 QPC, sur la présidence du tribunal pour enfant) diffère à l’année suivante, c’est-à-dire choisit un report long, en l’espèce de 21 mois.
  • 2.
    Cons. const., QPC, 29 janv. 2021, n° 2020-878/879 et Cons. const., QPC, 4 juin 2021, n° 2021-912/913/914 (liberté individuelle).
  • 3.
    Cons. const., QPC, 19 mars 2021, n° 2021-891 (droit de participation du public).
  • 4.
    Cons. const., QPC, 19 mars 2021, n° 2021-898: comme dans la décision Cons. const., QPC, 2 oct. 2020, n° 2020-858/859, et contrairement aux décisions QPC qui les ont précédées, le Conseil cite intégralement la première phrase du Préambule de 1946 et rappelle la force initiale (« en soulignant d’emblée »), fondatrice et structurelle, des mots de la Libération.
  • 5.
    Décisions QPC nos 2020-872, 2020-884, 2021-898, 2021-899, 2021-900, 2021-905 et 2021-911/919 ainsi que 2021-909 et 2021-910.
  • 6.
    Décisions QPC nos 2020-883, 2020-885, 2020-890, 2021-897 et (devant « la loi pénale ») 2021-906 ainsi que 2021-909 et 2021-910.
  • 7.
    Décisions QPC nos 2021-909 et 2021-910, celle-ci visant précisément « l’équilibre des droits des parties dans le procès pénal ».
  • 8.
    Soit le tiers de l’ensemble de ses consécrations : Cons. const., QPC, 4 mars 2021, n° 2020-886 ; Cons. const., QPC, 9 avr. 2021, nos 2021-894 et 2021-895/901/902/903 ; Cons. const., QPC, 18 juin 2021, n° 2021-920 ; deux autres suivront le 30 septembre.
  • 9.
    Cons. const., QPC, 15 janv. 2021, n° 2020-873 (inviolabilité du domicile), Cons. const., QPC, 12 mars 2021, n° 2020-888 (droit de propriété) et Cons. const., QPC, 11 juin 2021, n° 2021-917 (respect de la vie privée).
  • 10.
    Cons. const., QPC, 26 mars 2021, n° 2021-892 (nécessité et proportionnalité des peines) et Cons. const., QPC, 26 mai 2021, n° 2021-908 (proportionnalité des peines).
  • 11.
    Retenons ce fait : que les dispositions querellées ne soient plus en vigueur n’empêche nullement le Conseil constitutionnel de décider que leur inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non encore jugées définitivement (QPC n° 2021-891) ou, au moins, à certaines procédures en cours (QPC n° 2021-892).
  • 12.
    Décisions QPC nos 2020-885, 2020-886, 2021-894, 2021-895/901/902/903, 2021-897, 2021-899, 2021-905, 2021-908, 2021-912/913/914 et 2021-920 ; inversement, la décision QPC n° 2021-900 autorise expressément son invocation « dans les instances en cours ou à venir (…) dans la situation » motivant l’inconstitutionnalité.
  • 13.
    Hélas ! Les « actes conférant, confirmant ou maintenant les titres nobiliaires antérieurement à l’instauration de la République constituent des actes de la puissance souveraine dans l’exercice de son pouvoir administratif » et non pas des « dispositions législatives » au sens de l’article 61-1 (CE, 12 févr. 2021, n° 440401, de Broglie : AJDA 2021, p. 815, note C. Roux).
  • 14.
    La décision n° 2021-899 QPC, sur la confiscation pénale, en est une autre, mais le Conseil la resserre sur quelques mots et, partant, sur une seule loi.
  • 15.
    Dans trois décisions (nos 2020-874/875/876/877, 2020-884 et 2021-900 QPC) était par exemple attaquée la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.
  • 16.
    Par exemple, l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats dans la décision n° 2020-888 QPC ou l’ordonnance du 9 mars 2017 modifiant le Code de commerce dans la décision n° 2021-892 QPC.
  • 17.
    En particulier la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019, mise en cause dans six décisions (nos 2020-873, 2020-886, 2021-893, 2021-898, 2021-899 et 2021-918 QPC).
  • 18.
    Tout juste pourrait-on lui rattacher la décision n° 2020-890 QPC (saisine du 24 décembre 2020 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire) et, surtout, la décision QPC n° 2021-912/913/914 sur l’hospitalisation psychiatrique (saisine du 2 avril 2021 de la loi de financement de la sécurité sociale du 14 décembre 2020).
  • 19.
    Décisions QPC nos 2021-907, 2021-908 et 2021-921, soit seulement les mois de mai et juin.
  • 20.
    Décisions QPC nos 2020-871 et 2020-880.
  • 21.
    Décisions QPC nos 2020-887 et 2021-892.
  • 22.
    Décisions QPC nos 2021-897 et 2021-915/916.
  • 23.
    Quatre décisions (QPC nos 2020-885, 2020-888, 2020-890 et 2021-904) et même cinq en comptant la fonction publique (QPC n° 2021-917).
  • 24.
    Seules deux décisions, rendues publiques en janvier (QPC nos 2020-872 et 2020-878/879), auront fait l’objet avant l’automne d’une traduction et, pour la première fois depuis 2010, seulement en allemand.
  • 25.
    M. Mézard n’a, ce semestre, pas siégé avant la séance du 11 février ; Mme Luquiens a été absente les 18 et 25 mars puis le 25 mai et Mme Lottin uniquement le 25 mars ; M. Pillet était absent dès la séance du 24 juin ; enfin, Mme Maestracci n’a siégé ni le 6 mai, ni au mois de juin.
  • 26.
    La première (QPC n° 2021-906) concernait plusieurs individus et une société poursuivis ensemble devant le tribunal de première instance de Papeete ; la seconde, déjà mi-judiciaire mi-administrative (QPC n° 2021-911/919), voit jointe par le Conseil constitutionnel la requête d’une personne physique (devant la Cour de cassation) et celle d’une association et deux syndicats (le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature).
  • 27.
    21 décisions sur 27, l’une des cinq décisions comprenant des QPC jointes (QPC n° 2020-874/875/876/877) provenant même d’un seul requérant, à l’instar – originalité symétrique – des deux décisions QPC nos 2021-909 et 2021-910.
  • 28.
    Dans quatre d’entre elles (QPC nos 2020-885, 2021-892, 2021-906 et 2021-917), il y a même au total trois parties « au litige à l’occasion duquel la QPC a été posée » : il s’agissait, dans la QPC 917, de deux associations professionnelles, elles-mêmes simples intervenantes devant le Conseil d’État, au soutien du syndicat requérant (et qui se dispenseront d’avocat devant le Conseil constitutionnel) ; et, dans la QPC 892, d’une autre entreprise s’opposant à l’Autorité de la concurrence.
  • 29.
    D’associations (huit décisions), de syndicats et autres organisations professionnelles (huit décisions) – publiques, pour la QPC n° 2021-915/916 – comme le Conseil national des barreaux (quatre), d’une ou plusieurs personnes physiques (quatre) ou d’une autre entreprise (trois).
  • 30.
    Les refus d’intervention sont mentionnés au dispositif : le seul cas du semestre est celui de l’établissement public foncier de l’Ain dans l’affaire de « l’expropriation pour revendre » (QPC n° 2021-915/916).
  • 31.
    Dans la décision QPC n° 2021-892 sont ainsi traitées de la même manière les observations d’une société « partie à l’instance » devant le juge de cassation et celles de sa société-mère, qui ne l’avait pas été.
  • 32.
    Contrairement au semestre précédent cependant, à l’automne, aucun requérant n’a cette fois agi sans leur ministère ; dans la décision QPC n° 2021-891, une des associations requérantes a présenté, seule, des secondes observations.
  • 33.
    Cons. const., QPC, 15 janv. 2021, n° 2020-873 : méconnaissance du principe d’inviolabilité du domicile par le texte permettant une perquisition chez le majeur protégé sans avertissement du tuteur ou du curateur – le requérant n’invoquait que les droits de la défense et à un procès équitable – soumise aux parties deux jours avant l’audience publique.
  • 34.
    De ses ordres et de ses cours, s’entend : la décision n° 2021-905 QPC du 7 mai 2021, relative à la distinction entre « État de condamnation » et « État d’exécution », vise ainsi une décision-cadre du Conseil.
  • 35.
    Cons. const., QPC, 28 mai 2020, n° 2020-843 et Cons. const., QPC, 3 juill. 2020, n° 2020-851-852.
  • 36.
    Avec une curieuse saisine judiciaire décalée de trois semaines dans cette décision-ci, décalage que le commentaire officiel, par ailleurs fort tardivement livré, n’évoque pas…
  • 37.
    Les deux premières font retour sur la visioconférence pénale sans accord des parties, la troisième sur la prolongation des détentions provisoires liée à l’urgence sanitaire et la quatrième concerne l’accès aux données médicales des fonctionnaires.
  • 38.
    Cons. const., DC, 3 déc. 2009, n° 2009-595, § 21 : « que le Conseil constitutionnel soit saisi de l’interprétation de toute disposition constitutionnelle dont il n’a pas encore eu l’occasion de faire application ».
  • 39.
    Cons. const., QPC, 8 avr. 2011, n° 2011-116 (qui consacre leur invocabilité en QPC) et Cons. const., QPC, 7 mai 2014, n° 2014-394, voire Cons. const., QPC, 26 sept. 2014, n° 2014-416 ; il est vrai que le Conseil constitutionnel y avait toujours considéré en bloc les articles 1er à 4 de la Charte, ou au moins ensemble l’article 1er et les article 3 et 4. L’article 3 est néanmoins isolé dans la décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015 (puis, après le présent renvoi de novembre, dans la décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020) et l’article 4 l’est dans la décision n° 2017-672 QPC du 10 novembre 2017 : dans notre décision, le Conseil constitutionnel n’en cite pas l’énoncé, contrairement à l’article 4.
  • 40.
    F. Savonitto (« La question prioritaire de constitutionnalité sur le préjudice écologique », AJDA 2021, p. 928) parle de « motivation dénuée de rigueur », « loin de l’orthodoxie », « hasardeuse », mais (doit-on ajouter) signale le précédent du mariage homosexuel (Cass. 1re civ., 16 nov. 2010, n° 10-40042), c’est-à-dire la QPC n° 2010-92.
  • 41.
    Ainsi, dans l’affaire de l’éducateur sportif privé de sa carte professionnelle (n° 2020-904 QPC), le Conseil d’État a jugé : « En estimant que la question de la proportionnalité des atteintes que ces dispositions portent à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, était dépourvue de caractère sérieux, le juge des référés a commis une erreur de qualification juridique. »
  • 42.
    Une autre manifestation discrète se trouve dans la décision n° 2021-905 QPC du 7 mai 2021, appliquant à la transposition d’une décision-cadre – mais tout à fait implicitement – la jurisprudence apparue avec les directives (DC n° 2004-496).
  • 43.
    Cons. const., QPC, 2 oct. 2020, n° 2020-858/859.
  • 44.
    Dans la QPC n° 2020-919 (jointe par le Conseil constitutionnel), le Conseil d’État ne le cite ni ne l’évoque.
  • 45.
    Dans la QPC n° 2021-910, il se dit d’emblée saisi d’un article du Code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi de finances pour 2013 « modifiée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-773 QPC du 5 avril 2019 ».
  • 46.
    Sachant que le renvoi en lui-même « ne saurait constituer un changement des circonstances » (Cons. const., QPC, 13 juin 2018, n° 2018-713/714).
  • 47.
    Cons. const., QPC, 6 août 2010, nos 2010-30/34/35/47/48/49/50 et QPC 2010-36/46 ; Cons. const., QPC, 8 févr. 2013, n° 2012-293/294/295/296 ; Cons. const., QPC, 18 oct. 2013, n° 2013-349.
  • 48.
    Cons. const., QPC, 22 juill. 2011, n° 2011-152 ; Cons. const., QPC, 19 sept. 2014, n° 2014-412 ; Cons. const., QPC, 31 janv. 2014, n° 2013-363.
  • 49.
    Cons. const., QPC, 25 avr. 2014, n° 2014-392.
  • 50.
    Cons. const., QPC, 17 déc. 2010, n° 2010-79.
  • 51.
    Ou la décision n° 2015-460 QPC du 26 mars 2015, selon laquelle des dispositions « qui ne sont jamais entrées en vigueur », par hypothèse, « sont insusceptibles d’avoir porté atteinte à un droit ou une liberté que la Constitution garantit ».
  • 52.
    Notons l’originalité de la décision QPC n° 2021-899, où le Conseil constitutionnel se dit saisi de six textes (issus de cinq lois) mais par une seule question, quand la Cour de cassation avait raisonné au pluriel : le requérant avait dissocié non pas les textes mais ses propres arguments.
  • 53.
    Aussi l’Union syndicale des magistrats est-elle fondée à intervenir en QPC « dans la seule mesure où son intervention porte sur ces mêmes mots » (Cons. const., QPC, 25 juin 2021, n° 2021-922, § 4).
  • 54.
    V. Chronique de QPC (juillet – décembre 2020), Actu-Juridique.fr 14 févr. 2022, n° AJU000v6.
  • 55.
    « Faute pour le législateur d’avoir adopté en temps utile de nouvelles dispositions pour remédier à cette inconstitutionnalité, la personne poursuivie pénalement est dans l’impossibilité, depuis cette date, d’obtenir du tribunal de police, en cas de relaxe, une indemnité au titre des frais non payés par l’État et exposés par celle-ci pour sa défense. 10. Dans ces conditions, les dispositions contestées portent atteinte à l’équilibre des droits des parties dans le procès pénal. Par suite, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution. »
  • 56.
    « 13. Afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi et, au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2021, toute juridiction » pénale peut accorder à la personne mise hors de cause une indemnité pour frais irrépétibles.
  • 57.
    Voici une perspective que la décision DC n° 2021-825 du 13 août 2021 tient à bonne distance : « En tout état de cause, le Conseil constitutionnel ne dispose pas d’un pouvoir général d’injonction à l’égard du législateur » (§ 3).
  • 58.
    « 27. La sécurisation des réseaux de communication mobile, par l’autorisation préalable de l’exploitation de certains appareils, est directement liée aux activités des opérateurs qui utilisent et exploitent ces réseaux afin d’offrir au public des services de communications électroniques. Dès lors, en adoptant les dispositions contestées, le législateur n’a, en tout état de cause, pas reporté sur des personnes privées des dépenses qui, par leur nature, incomberaient à l’État. »
  • 59.
    Ainsi quand il oppose combats de coqs et courses de taureaux (Cons. const., QPC, 31 juill. 2015, n° 2015-477), pointe la gravité du crime d’un réfugié (Cons. const., DC, 4 déc. 2003, n° 2003-485) ou bien les conditions de promotion du livre d’un candidat (Cons. const., AN, 21 oct. 1993, n° 93-1325), isole, surtout, l’enseignement universitaire (Cons. const., DC, 28 juill. 1993, n° 93-322 ; Cons. const., DC, 20 janv. 1984, n° 83-165) ou enfin, par renvoi à leur objet, certaines opérations budgétaires (Cons. const., DC, 29 déc. 1978, n° 78-99).
  • 60.
    C’était déjà le cas, avec une solution inverse, dans la décision DC n° 2000-441 du 28 décembre 2000 (§ 41 : « s’il est loisible au législateur, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, d’imposer aux opérateurs de réseaux de télécommunications de mettre en place et de faire fonctionner les dispositifs techniques permettant les interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique, le concours ainsi apporté à la sauvegarde de l’ordre public, dans l’intérêt général de la population, est étranger à l’exploitation des réseaux de télécommunications ; que les dépenses en résultant ne sauraient dès lors, en raison de leur nature, incomber directement aux opérateurs »).
  • 61.
    § 8 : « en imposant aux fabricants et importateurs d’apporter leur concours à cette mission de contrôle [de l’authenticité des produits du tabac mis sur le marché pour lutter contre leur commerce illicite], le législateur n’a pas reporté sur des personnes privées des dépenses qui, par leur nature, incomberaient à l’État ».
  • 62.
    Le législateur « ne saurait, sans motif d’intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l’empire de textes antérieurs ». L’expression « attente légitime » figure, seule (et exclue en l’espèce), dans la décision QPC n° 2020-882 sur la 5G.
  • 63.
    « Pour être juste, l’indemnisation doit couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l’expropriation », l’exproprié devant « disposer d’une voie de recours appropriée » (§ 11) – ces formules ont maintenant plus de 30 ans – et le juge pouvant « notamment prendre en compte l’évolution du marché de l’immobilier » – réserve déjà présente dans la décision QPC n° 2012-236 du 20 avril 2012 – pour « assurer la réparation intégrale » (§ 18).
  • 64.
    § 6 : « le législateur a entendu garantir l’éthique des personnes qui entraînent les pratiquants d’une activité physique ou sportive ou enseignent, animent ou encadrent cette activité, en raison de l’influence qu’elles peuvent exercer sur eux et la sécurité de ces derniers. »
  • 65.
    Expression qu’on trouve dans la décision n° 2015-502 QPC du 27 novembre 2015 sur la liberté syndicale et le principe de participation des travailleurs, mais qui est plus usuelle dans le contrôle a priori (c’est-à-dire dans la réponse aux parlementaires requérants).
  • 66.
    Cons. const., QPC, 6 déc. 2019, n° 2019-817 : si la discrétion des appareils modernes ne permet plus de faire prévaloir la sérénité des débats sur la liberté de communication, c’est précisément leur discrétion dans la facilité de diffusion des enregistrements qui menace les droits constitutionnels.
  • 67.
    Cons. const., QPC, 26 mars 2021, n° 2021-892.
  • 68.
    Cons. const., QPC, 14 mai 2021, n° 2021-907.
  • 69.
    Position et formulation apparaissent dès la décision QPC n° 2010-14/22 du 30 juillet 2010, et une douzaine de fois ensuite.
  • 70.
    Les ajouts des intervenants restent limités ce semestre : dans la QPC n° 2020-881, ce sont les articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement, ainsi que l’objectif de protection de l’environnement, mais pour les mêmes motifs que les requérants. Dans la QPC n° 2020-882, la société intervenante ajoutait une « incompétence négative affectant le principe d’égalité devant les charges publiques » : relevons encore le principe de personnalité des peines soulevé par la seule société mère (dont la filiale était partie à l’instance a quo) dans la QPC n° 2021-892 et, surtout, la liberté d’expression dans la QPC n° 2021-896 ainsi que le droit au recours et (pour l’un des intervenants) le principe d’égalité devant la loi dans la QPC n° 2021-918. Une décision sur dix, donc. Dans la QPC n° 2021-922, l’union syndicale des magistrats intervenait au soutien de la loi.
  • 71.
    Cons. const., QPC, 26 nov. 2010, n° 2010-71 ; Cons. const., QPC, 9 juin 2011, n° 2011-135/140 ; Cons. const., QPC, 6 oct. 2011, n° 2011-174 ; Cons. const., QPC, 21 oct. 2011, n° 2011-185 ; Cons. const., QPC, 2 déc. 2011, n° 2011-202 ; Cons. const., QPC, 20 avr. 2012, n° 2012-235 ; Cons. const., QPC, 14 févr. 2014, n° 2013-367 (conformité) ; Cons. const., QPC, 19 juin 2020, n° 2020-844.
  • 72.
    Cons. const., QPC, 4 juin 2021, n° 2021/912/913/914, § 19 : absence d’« intervention systématique du juge judiciaire » pour le maintien de la privation de liberté au-delà d’une certaine durée.
  • 73.
    Par exemple le bouclier du « motif impérieux d’intérêt général » (Cons. const., QPC, 17 juin 2020, n° 2020-849), qu’aucune QPC, ce semestre, n’appelait.
  • 74.
    Cons. const., QPC, 18 juin 2021, n° 2021-920 ; dans la décision n° 2021-895/901/902/903 QPC du 9 avril 2021, un des requérants et l’intervenant ajoutaient le principe d’égalité devant la justice.
  • 75.
    Cons. const., QPC, 4 mars 2021, n° 2020-886 : le requérant invoquait aussi une « différence de traitement inconstitutionnelle » selon le mode de comparution du prévenu.
  • 76.
    Cons. const., QPC, 9 avr. 2021, n° 2021-894.
  • 77.
    Ainsi « droit au respect de la vie privée », « protection des données personnelles » et « données médicales » dans la QPC n° 2021-917.
  • 78.
    Expression que lui-même n’utilise toujours pas mais qui apparaît sous la plume des requérants, par exemple ce semestre dans la décision QPC n° 2021-908, sans que le Conseil n’y réponde… grâce à l’économie de moyens.
  • 79.
    D’un côté, le principe de leur légalité – quand le Conseil définit lui-même (ce qu’est une « obstruction » ou une « entreprise ») ou affirme le caractère certain d’une référence législative (« chiffre d’affaires mondial »), après avoir exigé aussi bien du gouvernement que du Parlement (comme dans plusieurs décisions antérieures) de fixer les punitions « en des termes suffisamment clairs et précis » – et, de l’autre, celui de l’individualisation des peines (« Il appartient à l’Autorité de la concurrence de proportionner le montant de l’amende à la gravité de l’infraction commise »).
  • 80.
    Si « irresponsabilité pour autrui » est trop large, « irresponsabilité pénale » trop étroit et « responsabilité personnelle en matière répressive » trop long, le néologisme « impunissabilité » exigerait de toute façon une épithète…
  • 81.
    Mais cela peut ne pas suffire : ainsi de l’OVC de « lutte contre la fraude fiscale » face à la proportionnalité des peines, dans la décision QPC n° 2021-908 du 26 mai 2021.
  • 82.
    Cons. const., QPC, 15 janv. 2021, n° 2020-872 ; Cons. const., QPC, 29 janv. 2021, n° 2020-878/879 ; Cons. const., QPC, 4 juin 2021, n° 2021-911/919.
  • 83.
    Cons. const., QPC, 4 juin 2021, n° 2021-911/919 et Cons. const., QPC, 11 juin 2021, n° 2021-917.
  • 84.
    CE, 10 juin 2021, n° 444849, Syndicat national des journalistes et a. : AJDA 2021, p. 1791, chron. C. Malverti et C. Beaufils ; AJDA 2021 p. 1803, note X. Bioy.
  • 85.
    D’où la pleine rigueur juridique du syllogisme présenté au § 6 – « Ces dispositions législatives ont pour seul objet de reconnaître à l’État la mission générale de maintien de l’ordre public. Elles ne définissent pas les conditions d’exercice de cette mission et notamment pas les moyens pouvant être utilisés à cette fin. Il ne peut donc leur être reproché d’encadrer insuffisamment le recours par l’État, dans le cadre de cette mission, à certains procédés de maintien de l’ordre tels que la technique dite de “l’encerclement” » – qui, en première lecture, paraît présenter tous les traits du sophisme.
  • 86.
    Cons. const., QPC, 30 juill. 2010, n° 2010-14/22.
  • 87.
    L. n° 2011-392, 14 avr. 2011, relative à la garde à vue.
  • 88.
    Cass. crim., 26 sept. 2012, n° 12-80.750.
  • 89.
    CEDH, 25 févr. 1993, n° 10588/83, Funke c/ France.
  • 90.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2012/13/UE, 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, notamment.
  • 91.
    Cass. crim., 14 mai 2019, n° 19-81.408.
  • 92.
    Cass. crim., 14 oct. 2020, n° 20-82961 ou encore Cass. crim., 24 févr. 2021, n° 20-86.537.
  • 93.
    Cass. crim., 14 mai 2019, n° 19-81408.
  • 94.
    Cass. crim., 30 mars 2021, n° 20-81554.
  • 95.
    Cass. crim., 13 avr. 2021, n° 21-80728.
  • 96.
    Cass. crim., 11 mai 2021, n° 21-81277.
  • 97.
    Cons. const., QPC, 9 avr. 2021, n° 2021-894.
  • 98.
    CJPM, art. L. 423-6.
  • 99.
    CJPM, art. L. 322-3.
  • 100.
    Cons. const., QPC, 18 mars 2015, nos 2014-453/454 et 2015-462 ; adde Cons. const., QPC, 14 janv. 2016, n° 2015-513/514/526.
  • 101.
    Cons. const., QPC, 30 sept. 2016, n° 2016-572.
  • 102.
    Tout en rappelant encore au passage (§ 19) la règle posée dès la décision DC n° 89-260 du 28 juillet 1989 : « Si l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues. »
  • 103.
    Par exemple, la décision de censure QPC n° 2021-908 du 26 mai 2021 ne répond pas à l’argument selon lequel l’amende fiscale pour manquement aux règles de facturation (qu’elle qualifie de « sanction manifestement disproportionnée ») permettrait « de sanctionner les mêmes faits que ceux réprimés par les articles 1729 et 1786 du Code général des impôts [en] méconnaissance du principe non bis in idem. »
  • 104.
    Ce « il » désigne le juge et non l’institution : le commentaire officiel, comme les requérants, parle bien, lui, du « principe non bis in idem ». Il faut distinguer motivation (jurisprudentielle) et communication (institutionnelle).
  • 105.
    Cons. const., QPC, 17 mai 2019, n° 2019-783 : LPA 19 sept. 2019, n° LPA147c4 et LPA 4 août 2020, n° LPA155j0.
  • 106.
    V. « Chronique de QPC (juillet – décembre 2019) », LPA 14 avr. 2021, n° LPA160j6.
  • 107.
    Dans la décision n° 2021-893 QPC du même 26 mars 2021, le Conseil constitutionnel déclare ainsi inconstitutionnelle la possibilité pour le juge des enfants qui a instruit l’affaire de « présider une juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines » mais pas celles de « prononcer des mesures d’assistance, de surveillance ou d’éducation », auxquelles dit-il le principe d’impartialité ne s’oppose pas (et qui déclinent « la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité », selon la formulation nouvelle du principe de justice des mineurs).
  • 108.
    CE, 26 juill. 2021, n° 437815, Collectif des maires anti-pesticides.
  • 109.
    V., pour un exemple antérieur : Cons. const., QPC, 18 nov. 2016, n° 2016-595, Sté Aprochim et a.
  • 110.
    Ord. n° 58-1270, 22 déc. 1958, art. 43.
  • 111.
    Ord. n° 58-1270, 22 déc. 1958, art. 45.
  • 112.
    Selon l’article 65 de la Constitution, la formation disciplinaire du CSM « statue comme conseil de discipline des magistrats du siège ».
  • 113.
    CE, 28 avr. 2021, n° 449438, M. Jérôme H.
  • 114.
    Cons. const., DC, 19 juill. 2010, n° 2010-611, Loi organique relative à l’application de l’article 65 de la Constitution.
  • 115.
    Cons. const., DC, 21 mars 2019, n° 2019-778, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
  • 116.
    B. Mathieu, « Trois juges pour un huis clos », JCP G 2021, n° 28, p. 1335.