Hommage à Degas avec Paul Valéry

Publié le 10/01/2018

Musée d’Orsay, Dist. RMN Grand Palais / Patrice Schmidt

Intéressante et originale cette exposition organisée autour d’Edgar Degas et Paul Valéry, auteur de « Degas Danse Dessin » : une réflexion de l’écrivain sur la création en général et l’œuvre de son ami Degas. Le musée d’Orsay célèbre ainsi le centième anniversaire de la mort du peintre.

Edgar Degas était un être solitaire, complexe, cependant il a compté des amis chez les impressionnistes, notamment, et il a entretenu une forte amitié avec Paul Valéry qui a duré plus de vingt ans. L’exposition réunit peintures, pastels, dessins et quelques sculptures de l’artiste ainsi que des documents d’archives et les cahiers manuscrits de Paul Valéry, illustrés à la plume rehaussée de crayons de couleurs, témoins d’un certain talent de dessinateur.

L’art d’Edgar Degas est à l’opposé de celui des impressionnistes mais cela ne l’a pas empêché de participer à quelques-unes de leurs expositions. « Une peinture, c’est d’abord un produit de l’imagination de l’artiste, cela ne doit jamais être une copie », dit-il. Il veut « ensorceler la vérité » et il y parvient fort bien. À observer ses œuvres, il apparaît qu’il a toujours cherché à résoudre les problèmes de formes ou de compositions parfois assymétriques. L’accord entre dessin, couleur et mise en page est, chez lui, toujours juste. Si la danse et le cheval deviennent au fil du temps ses thèmes favoris, Edgar Degas a réalisé — à l’époque où il se consacrait à l’huile —, de saisissants portraits, d’une vérité criante, d’êtres souvent meurtris (L’Absinthe, les Blanchisseuse et Repasseuse), ou bien des scènes à nombreux personnages pris sur le vif. Vers la fin des années 1870, il abandonne la peinture et réalise des pastels parfois mélangés à la gouache et des dessins dans une facture ample, accordant une grande importance à la couleur. Le pastel est posé en hachures, Edgar Degas obtient ainsi des effets de matière et de transparence.

La première salle évoque l’amitié des deux hommes qui possèdent un intérêt commun : la création. L’exposition fait revivre cette période à travers des éléments biographiques, des réflexions, et présente l’œuvre pratiquement dans sa chronologie. Ces pastels exercent une sorte de fascination. Paul Valéry voue une profonde admiration à l’art de son ami. Il apprécie les danseuses, en particulier, dont Degas saisit à merveille le mouvement, exprimant la danse dans ses différents aspects après avoir observé les ballerines en mouvement ou au repos.

Nœud de ruban, 1887.

Musée d’Orsay, Dist. RMN Grand Palais / Patrice Schmidt

Aujourd’hui encore on est ébloui par le rendu de la grâce, et de la légèreté des danseuses en tutus vaporeux blanc grisé, bleuté ou légèrement teinté de vert ou de jaune sous les effets lumineux. Il y a là, transcendée par le regard du peintre, une vérité saisissante. Paul Valéry exprime d’ailleurs son admiration dans une lettre à André Gide, en 1898, après avoir visité une exposition de Degas chez Paul Durand-Ruel : « (…) des danseuses, c’est clair, mais provenant d’une planète, celle-là extraordinaire ».

Le dessin tient une place importante, presque primordiale chez l’artiste comme il était indispensable à Ingres. Nus à leur toilette, danseuses, chevaux, Edgar Degas a multiplié études et croquis qui sont exposés pour atteindre au plus près la vérité. Paul Valéry admirait ce travail. On découvre avec intérêt les carnets du romancier : des textes manuscrits agrémentés de dessins et d’études de mains notamment. Il n’est pas étonnant qu’il apprécie le travail de son ami, son aisance dans le trait captant avec sûreté le geste, le mouvement.

Tout au long du parcours sont présentes des références à l’ouvrage de Valéry. Passionné par la transcription du mouvement, Degas a ainsi multiplié les études pour la création de pastels ou de sculptures. Vers la fin de sa vie il reprend la peinture, utilise une matière plus dense et de rares harmonies colorées faisant vibrer la palette.

C’est le célèbre galeriste Ambroise Vollard qui, en 1936, décide de publier « Degas Danse Dessin », illustré de 26 hors textes. Un reflet d’une amitié profonde basée sur la réflexion et la création.

 

LPA 10 Jan. 2018, n° 132v3, p.15

Référence : LPA 10 Jan. 2018, n° 132v3, p.15

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